28 mai 1960
La vengeance. Était-ce ce que je cherchais ce soir ? Auquel cas j'aurais dû me souvenir qu'il s'agit d'une arme à double tranchant. Je crains d'avoir fait une chose épouvantable. Mais hélas, cher journal, mon opinion t'importe peu. Tu veux seulement les faits. Les voici : Quand je me suis réveillée ce matin (réveillée ? je n'avais pas dormi de la nuit), j'étais résolue à exercer ma vengeance. Mary m'avait volé deux hommes. Le moment était venu de lui rendre la pareille. Je suis allée trouver James à l'hôpital...
Gloria leva les yeux.
— Oh non, elle n'a pas fait ça !
— Lis la suite.
James m'a reçue dans son nouveau bureau tout blanc, avec ses diplômes aux murs et des étagères chargées de revues médicales. Il en était très fier, prétendant qu'il était le seul interne de l'hôpital à disposer d'un bureau particulier. Rien de surprenant. J'ai toujours su qu'il ferait une carrière brillante.
Nous avons échangé quelques civilités, mais mon beau-frère n'est pas du genre à parler de la pluie et du beau temps, surtout quand ses patients attendent. Sa voix a vite repris son ton sec et professionnel.
« Tu voulais me voir pour une affaire urgente, disais-tu ?
— Oui. »
C'était difficile. J'ai pris une profonde inspiration. « Je me sens tellement mal à l'aise.
— Pourquoi ?
— Je déteste qu'on se moque de toi, James. » J'ai posé la main sur les siennes.
« Tu as beaucoup compté pour moi, à une époque, tu n’as pas oublié ?
— Non, bien sûr, m'a-t-il répondu d'un ton impatient. De quoi s'agit-il ? »
Là, je lui ai tout raconté : que sa femme avait u liaison, que Mary couchait avec Sinclair Baskin qu’elle portait son enfant.
D'abord, James n'a pas réagi. Il se contentait de tripoter un crayon. Puis il a serré les mâchoires. S visage est devenu écarlate. Le crayon s'est cassé i entre ses doigts. Et soudain, les livres ont volé dan s bureau, les chaises, les meubles. Il était comme fi J'ai essayé de le calmer en l'avertissant qu'on ail l'entendre, mais il ne me prêtait aucune attention. / mis en pièces le bureau dont il s'enorgueillissait ta jusqu'à ce que la rage laisse place à l'épuisement. Pour finir, il s'est écroulé dans son fauteuil et a pris tête entre ses mains.
J'ai fait le tour du bureau.
« Ne t'inquiète pas, James. Je t'aime. Je prend soin de toi », lui ai-je dit.
Lorsque j'ai posé les mains sur ses épaules, il y' dégagé comme si mon contact le dégoûtait. Lentement il a levé la tête. Et braqué sur moi un regard de pi haine.
« Je ne veux pas de toi, a-t-il dit. C'est Mary que je veux. »
Gloria détacha les yeux de la page.
— Papa était au courant ? Laura hocha la tête.
— Et il n'a jamais rien dit ?
— Je ne sais pas, mais je crois qu'on devrait lire la suite. Ce passage, date du 28 mai. Sinclair Baskin est mort le lendemain.