Chapitre 31

 

Laura se gara dans l'allée et sortit en trombe de sa voiture. Il restait encore de nombreux blancs à remplir : l'anneau de David sous l'oreiller, l'argent disparu et, le plus important, la raison pour laquelle Judy avait tant attendu pour parler. Une fois cette dernière question résolue, toutes les pièces du puzzle seraient assemblées.

Sans prendre la peine de sonner pour prévenir ses parents de son arrivée matinale, elle se servit de sa clé.

— Laura ?

Elle suivit la voix qui l'appelait du salon et trouva sa mère sur le canapé, en robe de chambre.

— Où est papa ? Mary se rembrunit.

— Il n'est pas là.

— Où est-il ?

— Je ne sais pas. D a passé une partie de la nuit dans son cabinet de travail. Oh, Laura, tu ne vas pas lui dire, n'est-ce pas ? Je t'en prie...

— Il sait déjà, répliqua Laura. Il le sait depuis trente ans.

— Quoi ?

— Judy le lui a dit le lendemain du jour où tu lui ; parlé. J'ai lu son journal de l'année 1960. Tout est écrit dedans.

Le visage de Mary reflétait sa perplexité.

— Ce n'est pas possible. Il ne m'en a jamais soufflé mot.

— Judy était furieuse contre toi parce que tu lui ava volé Sinclair Baskin, reprit Laura en trébuchant sur L mots. Et elle s'est vengée en le racontant à papa. Ma elle n'avait pas imaginé qu'il deviendrait comme fou. a assassiné Sinclair Baskin juste après que tu as t quitté son bureau.

Mary en resta bouche bée.

— C'est impossible.

— C'est la vérité.

— Mais James ne m'a jamais rien dit. Il t'a aimée élevée comme sa fille. Pourquoi ?

— Je ne sais pas. Probablement par amour pour toi Mary se décomposa.

— Pas James. Il est médecin. Il ne ferait pas de m à une mouche.

Laura s'agenouilla à côté d'elle.

— On doit le retrouver, maman. Il doit nous dire qui s'est réellement passé.

Le vrombissement d'un moteur leur fit lever la t& Laura alla à la fenêtre et vit la voiture de Gloria tourner sur les chapeaux de roues pour pénétrer dans l'allée ; sœur mordit sur la pelouse mais ne ralentit pas avant piler devant la maison. Elle bondit hors du véhicule.

— Gloria, qu'est-ce que... ? commença Laura quai celle-ci surgit dans le salon.

Mais elle se tut brusquement quand elle remarqua son air effaré. Gloria tenait à la main le journal de lu et une enveloppe blanche.

— Richard Corsel est passé chez toi, pantela-t-elle. Il m'a demandé de te les donner, disant que ça répondrait à toutes tes questions.

Le cœur de Laura s'accéléra. L'argent disparu. Richard avait dû retrouver sa trace.

— Mais ce n'est pas tout ! s'écria Gloria en brandissant le journal intime. Il s'est passé des choses atroces le 30 mai.

 

Sans perdre une minute, James était remonté en voiture et avait repris la route. Au moins, il devait rendre justice à David : créer le personnage de Mark Seidman était un coup de génie.

James imaginait la scène qui avait dû se produire six mois plus tôt en Australie. Après son entretien avec Mary, David avait compris que, pour le bien de Laura, il devait renoncer à elle. Il ne pouvait cependant pas lui dire pourquoi, sous peine de la blesser encore davantage.

Quelle solution lui restait-il ?

Disparaître de la surface du globe.

Mais comment y parvenir sans renoncer à tout ce qu'on possède ?

On transfère son argent via la Suisse, on feint une noyade accidentelle, on passe sous le bistouri d'un chirurgien plastique et on se crée une nouvelle identité.

Qui soupçonnerait un plan pareil de la part d'un homme riche, star du basket, venant d'épouser la plus belle femme du monde ?

Seules deux personnes auraient pu deviner la vérité. Mary et Judy. Car David pensait, à tort, que James ignorait tout du drame d'autrefois.

Mary, à l'évidence, ne représentait pas une menace. Il en allait autrement de Judy. Non seulement c'était une femme intelligente, mais aussi une fan de basket Pourtant, quel intérêt aurait-elle eu à divulguer une information qui ne pourrait que faire souffrir encore plus sa nièce ? James sourit.

Il était le seul à savoir pourquoi Judy avait choisi d< révéler la véritable identité de Mark Seidman. Au cour de leur entretien en Australie, Mary n'avait pas raconter toute l'histoire à David... non qu'elle ait voulu lu cacher des choses. Mary lui avait dit tout ce qu'elle savait. Malheureusement pour eux, ce n'était pas suffisant. Elle ne savait pas ce qui s'était passé le...

30 mai 1960.

Le lendemain de la mort de Sinclair Baskin. Main'avait jamais su ce qui s'était passé ce soir-là. Seule deux personnes avaient été témoins des événements. L; première avait récemment péri dans un incendie. I. seconde s'apprêtait à commettre un dernier meurtre.

30 mai 1960.

Dès que Judy avait compris que David était encore e: vie, elle était passée à l'action. C'était sa dernière chance de se racheter et de sauver Laura des griffes di passé. Pour James, en revanche, l'étrange réapparition! de David annonçait la destruction de sa famille. Il savait que Judy allait parler, révéler des secrets qu'elle avait pourtant juré d'emporter dans la tombe. Aussi James avait-il fait la seule chose possible : il l'avait aidée tenir sa promesse.

Il avait mis le feu à la maison et à ses satanés journaux cachés à l'intérieur. Le drame avait été évité d justesse quand Laura s'était retrouvée prisonnière ci brasier. Mais il n'était pas coupable. C'était Mary qi avait commencé en couchant avec Sinclair Baskin. Judy aussi était à blâmer, pour avoir voulu parler. Un chance que le mystérieux passant ait sauvé Laura. James avait maintenant une idée assez précise de son identité.

Dommage qu'il doive mourir.

Il traversa Fenway et s'engagea dans Storrow Drive. David Baskin et le Boston Garden n'étaient plus qu'à cinq minutes.


Quand Gloria était entrée dans le salon de ses parents, les trois femmes s'étaient regardées, chacune remarquant la pâleur du visage des autres. On aurait dit des masques mortuaires.

— Que s'est-il passé le 30 mai 1960 ? demanda Laura à sa sœur.

— Le journal t'expliquera tout. Mais lis d'abord la note de M. Corsel. Il m'a dit que c'était urgent.

Malgré le froid, Laura sentait la sueur perler sur son front. L'enveloppe blanche était toute simple, de celles qu'on peut acheter n'importe où. Elle la prit des mains de Gloria, l'ouvrit et en sortit une petite carte, blanche elle aussi. Avec une économie de mots dont Laura comprenait la raison, le banquier avait écrit :

Détruisez ce message dès que vous l'aurez lu. La personne qui détient l'argent manquant est Mark Seidman.


Ses jambes faillirent la trahir.

Gloria et Mary se précipitèrent et la soutinrent jusqu'au canapé. Toutes trois s'y assirent.

La tête de Laura lui tournait, mais, dans le chaos, elle aperçut une lueur. Elle crut d'abord que son imagination lui jouait des tours, qu'elle prenait son désir pour la réalité. C'était tellement dingue. Pourtant, plus elle réfléchissait, plus tout cela prenait sens : pourquoi TC lui avait menti, pourquoi David avait appelé la banque, pourquoi elle avait eu de si étranges sensations en présence de Mark Seidman, pourquoi il avait eu peur d s'approcher d'elle, pourquoi son jeu lui avait paru familier, pourquoi TC l'avait aidé à quitter discrètement i cocktail alors qu'il semblait terrassé par une de ses.. Cri étouffé.

« Courage, mon vieux. Appuie-toi sur moi. Je t ramène à la maison.

Je ne voulais pas la voir, TC. Je ne voulais pas m retrouver près d'elle. »

Les larmes roulèrent sur les joues de Laura. So esprit tentait d'admettre qu'elle détenait enfin la vérité

— Il est en vie.

— Qui ? s'exclama Gloria. Qu'est-ce que t racontes ?

Elle brandit la carte de Corsel.

— C'est la preuve. Mark Seidman est David.

— Quoi ? s'écria Mary.

Les pièces du puzzle s'assemblèrent dans sa tête mesure qu'elle s'expliquait.

— David ne s'est pas noyé. Il n'a jamais attenté à sa vie. Il a seulement voulu nous faire croire à sa mort. Il a voulu te faire penser qu'il avait disparu, tout en me protégeant de la vérité. Tout est clair maintenant. TC était dans le coup.

— Et comment l'anneau est-il arrivé sous ton oreiller ? s'enquit Gloria.

— Sûrement TC, pour m'intimider. Il voulait m'empêcher de découvrir la vérité.

Laura se précipita sur le téléphone.

— Qu'est-ce que tu fais ?

— J'appelle Clip Arnstein. Pour avoir l'adresse de Mark Seidman.

— Non ! hurla Mary. Ça ne change rien. Tu ne peux pas être avec lui. David est toujours ton frère.

Laura fit volte-face, comme si les paroles de sa mère s'étaient enroulées autour de sa gorge et l'étouffaient.

— Mais...

Gloria intervint alors :

— Non, c'est faux !

Mary leva les yeux vers elle.

— Qu'est-ce que tu racontes ?

— David n'est pas ton frère, insista Gloria en tendant le journal à Laura. Lis ce qui s'est passé le 30 mai.


Il n'était plus qu'à quelques centaines de mètres du Garden. Rien ne pourrait plus sauver David.

James sentait sa chemise lui coller à la peau. Il détestait transpirer. D'ailleurs, il gardait un lot de chemises propres dans son bureau afin de pouvoir en changer dès que nécessaire. C'était ce qu'il ferait, ce dernier problème réglé.

James Ayars n'était certes pas devenu un tueur professionnel, mais jamais il n'avait laissé le moindre indice derrière lui, et il s'était toujours ménagé des alibis inattaquables. Pour l'assassinat de Judy, par exemple. Si quiconque tentait de savoir où se trouvait le Dr Ayars au moment de l'incendie, le Dr Eric Clarich certifierait qu'il avait appelé le Boston Mémorial une demi-heure après le départ du feu et avait parlé à James.

Il avait fait transférer ses appels vers une cabine téléphonique à cinq minutes de l'hôpital St. Catherine à Hamilton. Brillant, non ? Ensuite, il s'était rendu à l'aéroport, avait attendu quelques heures puis s'était précipité à l'hôpital, comme s'il avait sauté dans le premier avion en apprenant la nouvelle.

Cette partie du plan s'était déroulée sans anicroche.

Son seul instant de panique, il l'avait eu en découvrant que Mary se trouvait déjà à l'hôpital. Une seule explication à sa présence : elle était en chemin pour parler à Judy. Mary était-elle arrivée à temps ? Judy avait-elle pu se confier avant de mourir ? Heureusement, la réponse était négative. Un seul regard à sa femme lui avait appris qu'elle ignorait tout de ce qui s'était passé le 30 mai.

Bip, bip, bip, bip...

James éteignit le biper qu'il portait à la ceinture. Zut il allait devoir rappeler. Sinon, l'hôpital commencerait à passer des coups de fil, ce qu'il était préférable d'éviter

Au loin, James apercevait sa destination : le Boston Garden. Il pourrait attendre quelques minutes. Il s'arrêta sur le bas-côté devant une cabine téléphonique et sorti! de sa voiture.


Les paroles de Gloria firent à Laura l'effet d'un électrochoc.

— Comment ça, David n'est pas mon frère ?

— Le 30 mai, répéta Gloria. Lis.

Laura ouvrit le journal. Sur le canapé, Mary se rapprocha pour regarder pardessus son épaule.

— Je ne comprends rien, dit-elle.

— Lis, insista Gloria.

Laura tourna les pages jusqu'au jour fatidique.

Sans un adieu
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