AVANT-PROPOS

J’ai longuement hésité avant de commencer ce dossier consacré, dans sa plus grande part, aux femmes déportées d’Auschwitz. Les survivants m’avaient dit : « On ne raconte pas Auschwitz ! » C’est vrai, on ne raconte pas Auschwitz ; mais tant de témoignages, de documents épars, tant d’inédits, peuvent donner matière à une présentation nouvelle, provoquer une réflexion différente, compléter les récits, les études déjà publiés.

Il aurait été logique, et certainement plus facile, d’ouvrir cette série que je souhaite consacrer à l’expérience concentrationnaire féminine par le camp de Ravensbrück, seul véritable centre (voulu) d’internement des femmes déportées. Mon enquête, ma recherche de documents et de témoignages avaient dépassé tous mes espoirs : plus de 5 000 feuillets (inédits). Il ne s’agissait plus que de classer, juxtaposer, opposer, éliminer. Mais Auschwitz et ses mannequins nus – le camp de femmes d’Auschwitz pratiquement aussi important que celui de Ravensbrück – expliquaient en référence une attitude, un aspect particulier, des décisions. Étudier Auschwitz, cette « caricature dramatique » de tous les autres camps de concentration, était obligatoire pour mieux comprendre Ravensbrück, mais aussi l’ensemble du phénomène concentrationnaire. Il fallait donc présenter Auschwitz avant Ravensbrück, ou peut-être mieux : essayer de trouver dans ce monstrueux chaos quelques simples fils directeurs – témoignages, confessions – qui permettent une approche et une découverte le plus près possible de la réalité… car évidemment Auschwitz, plus que les autres camps, a sa légende.

— On ne raconte pas Auschwitz !

Et pourtant…

C.B.