La grande, la forte Frau Langefeld, surveillante en chef du camp de femmes d’Auschwitz, assista un matin de décembre au contrôle des poux d’un kommando. En voyant les femmes nues qui grelottaient dans la neige, elle haussa les épaules en disant : « Ça des femmes nues !… Des mannequins nus. C’est tout ce qu’elles sont : des mannequins nus. » Depuis ce jour-là, les gardiens nous appelaient « mannequins nus ».

TATANIA MAIK (Budapest. Octobre 1970).

 

Ils voulaient faire de nous non pas des bêtes – une bête peut encore mordre mais des mannequins, des mannequins nus… un objet… une chose. Sans que nous l’ayons cherché, bien entendu, nous avons été les uns et les autres soulevés au-dessus de nous-mêmes. Comme l’a écrit Suire : « Il fut un temps où la grandeur était notre apanage. » Et eux nos pauvres gardiens, nos pauvres bourreaux sont restés des mannequins alors que nous, nous devenions des hommes.

EDMOND MICHELET (Paris. Janvier 1970).