2

Bersla n’était nulle part en vue quand la délégation de Maags entra dans la salle du trône. La haute prêtresse si désagréable – Alcevan – semblait avoir pris sa place, et elle foudroya du regard le capitaine Bec-Crochu.

— J’entre tout de suite dans le vif du sujet, Aracia, dit Sorgan. Nous avons peut-être été optimistes. Apparemment, les hommes-insectes sont un peu plus intelligents qu’avant. Le petit pirate qui m’accompagne s’appelle Lièvre. C’est le forgeron de mon drakkar, et il est bien moins bête qu’il en a l’air. Pendant que mes éclaireurs repoussaient les monstres géants, sur la butte, il a vu que des vermines de la taille habituelle n’essayaient pas de participer à l’attaque… Si tu racontais la suite à dame Aracia, Lièvre ?

— Comme tu voudras, Cap’tain… Au début, je n’ai pas compris ce qui se passait. En sondant les buissons, sur les lignes arrière de l’ennemi, j’ai vu des centaines de petits hommes-insectes qui s’y cachaient et semblaient ne pas s’intéresser au sort de leurs frères d’armes géants. Ensuite, je les ai vus filer en direction du sud, très loin du champ de bataille. Bien entendu, ça m’a interloqué. Puis une idée m’a frappé. Dame Aracia, le flanc ouest du temple est maintenant défendu, mais qu’en est-il du flanc sud ? Là-bas, nous n’avons pas posté un seul soldat ! Si les vermines miniatures préméditent une attaque, nous serons drôlement embarrassés.

— Aracia, tu as sûrement compris où tout cela nous mène, dit Sorgan. Mes pirates défendront sans peine le côté ouest du temple, maintenant qu’il est fortifié. Au sud, le mur actuel est tout branlant et il ne résisterait pas à la charge d’un vol de moustiques. J’ai été touché que tu veuilles nous aider, mais l’urgence, désormais, est de fortifier le flanc sud. Ce serait une mission parfaite pour tes prêtres.

— Tes désirs sont des ordres, puissant Sorgan, dit Aracia. Dès que tes pirates auront repoussé les envahisseurs, à l’ouest, nous devrons sortir de la salle du trône et aller chercher tous les malheureux qui vivent autour du temple. Je ne permettrai pas que les serviteurs du Vlagh dévorent ces pauvres gens.

Alcevan foudroya Aracia du regard.

— Très sainte dame, que feraient ces rustres dans ton temple sacré ? Ils ne sont pas sanctifiés, et leur présence ici serait une profanation !

— Les gens du peuple – de mon peuple – sont plus importants que les idiots qui se prennent pour des prêtres. Si leur présence dans le temple te déplaît, libre à toi de t’en aller et de trouver un autre dieu à adorer. En revanche, si tu veux continuer à me vénérer, tu as intérêt à m’obéir ! Voilà ma décision : les gens du peuple vivront dans le temple, et tu te chargeras, avec quelques prêtres, de subvenir à leurs besoins. Vous mangerez après ces malheureux, s’il reste de quoi vous nourrir, et vous leur céderez vos manteaux et vos chambres. Mon peuple passe en premier : vous le servirez exactement comme vous me servez. Sinon, je vous bannirai et vous ne polluerez plus l’atmosphère de mon temple.

Alcevan devint blanche comme un linge.

— Eh bien, Cap’tain, souffla Bovin, on dirait que la sœur de dame Zelana devient adulte.

— Ne nous emballons pas trop vite, conseilla Sorgan. Dans une semaine, soudain en manque d’adoration, elle peut changer encore d’avis…