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L’après-midi touchait à sa fin quand les cent « baignoires flottantes » que Sorgan avait empruntées à Narasan entrèrent dans le port de la cité-temple d’Aracia.

Padan, Veltan et le capitaine se tenaient sur la passerelle de l’Ascension, le vaisseau amiral. Bien que Sorgan l’eût prévenu, Bec-Crochu fut stupéfait par la taille du temple. Décidément, entendre parler d’une chose et la voir de ses yeux faisait une sacrée différence.

— Ce bâtiment semble s’étendre jusqu’à l’infini…, souffla Bec-Crochu.

— Ma sœur serait ravie de te l’entendre dire, répondit Veltan.

— Le temple est aux trois quarts vide, précisa Padan. Les prêtres et les fanatiques ne sont pas si nombreux que ça. Lors de ma visite, j’ai fureté un peu partout, et il n’y a pas grand monde là-dedans.

— Le Takal Bersla est sans doute en partie responsable du gigantisme des lieux, dit Veltan. Il gave la pauvre Aracia de mensonges aussi énormes que lui. Entre autres folies, il affirme que des milliers de prêtres et de fidèles vivent dans ce monument élevé à la gloire de l’absurdité. S’il y a des légions de créatures au temple, ce sont surtout des souris et des rats.

— Tu oublies les araignées ! lança Padan. Presque tous les couloirs sont envahis de toiles… C’est assez logique, quand la propriétaire a une araignée au plafond.

— Tout ça est une mystification ? demanda Sorgan.

— Une sainte mystification, corrigea Veltan. Aracia croit dur comme fer que cet édifice est le symbole de son importance dans l’univers.

— C’est vraiment minable, lâcha Bec-Crochu.

— Un adjectif qui convient très bien à ma sœur, approuva le maître du Sud.

— Nous allons avoir de la compagnie, annonça Padan en désignant la baie. Sans doute ce poussah de Bersla qui vient voir ce que nous fichons là.

— L’embarcation qui approche ne ressemble pas à la yole d’Arc-Long, dit Sorgan.

— Très bien observé, capitaine, fit Veltan. La yole de notre ami est prévue pour un seul homme. L’horrible chose que nous voyons est conçue pour en fiche plein la vue. Bersla se croit important, et il pense qu’avoir des dizaines de rameurs pour transporter sa graisse ajoute à sa magnificence.

Le capitaine plissa les yeux pour mieux voir.

— On dirait que ce machin a été fabriqué à partir du tronc d’un seul arbre géant.

— Tu connais la taille des arbres, au pays de Dhrall, rappela. Veltan. On dit que ces embarcations sont « taillées dans la masse », sans doute parce que le procédé de fabrication consiste à évider le tronc avec des hachettes ou des pierres pointues. Je n’ai jamais vu ça de mes yeux, mais on m’a dit que les troncs peuvent être aussi partiellement évidés par l’utilisation très prudente du feu. Les embarcations de ce genre ont quelques avantages, je trouve. Par exemple, elles ne risquent pas de couler parce qu’elles prennent l’eau.

— C’est vrai, admit Sorgan, mais elles n’ont pas de quille, donc elles peuvent chavirer dès qu’un rameur éternue ou a le hoquet.

— Ce genre d’accident arrive souvent au pays de Dhrall, dit Veltan. Avec son gros ventre et son petit cerveau, Bersla ne comprend sûrement pas pourquoi il court plus de risque qu’un autre de faire chavirer une barque.

— Quel crétin ! s’exclama Bec-Crochu.

— Cet adjectif devrait être son nom de famille, oui… tu as croisé Aracia dans mon domaine, Sorgan, donc tu n’auras pas besoin que Bersla fasse les présentations. Ce prêtre est terriblement imbu de lui-même. Il exigera de savoir pourquoi tu es ici. Réponds-lui que tu veux voir Aracia en personne, pas un de ses larbins.

— Il ne va pas être vexé ?

— Sûrement, oui… Précise que tu es trop important pour parler à un sous-fifre. Quand nous serons au temple, je te présenterai à Aracia et je lui dirai que tu combattras pour elle à condition d’être bien payé.

— Voilà qui me va tout à fait. Comment devrai-je me comporter ? Faut-il que je fasse une révérence, ou un autre de ces trucs ridicules ?

— Je pencherais plutôt pour une certaine arrogance. Dis-lui que tu es le plus grand guerrier du monde, un héros qui vaut largement dix fois son poids en or. Surtout, n’oublie pas un point essentiel : ne la laisse pas te donner des ordres ! Déclare que tu feras ce qu’il faut pour la protéger et que tu ne toléreras pas d’interférence du clergé ni de la « sainte ». Les règles du jeu doivent être établies dès le début. Quand tu démantibuleras le temple, les prêtres s’arracheront les cheveux. Informe les que tu as tous les droits et qu’ils feraient mieux de s’occuper de leurs oignons. Si besoin est, n’hésite pas à dégainer ton épée.

— Et même si besoin n’est pas, c’est ça ?

— TU as tout compris… Je suis sûr que tu t’en tireras bien, Sorgan, mais tu devras rogner les ailes de ma sœur, et ça risque de te prendre quelques jours.

— Il vaudrait mieux que ça aille plus vite, Veltan, dit Padan. Le capitaine doit convaincre ta sœur, mais il aura peu de temps pour ça. L’accord doit être conclu avant que les pirates débarquent des bateaux, sinon, la menace de repartir ne jouera plus. Et Narasan a besoin que ses navires reviennent le plus vite possible prendre les soldats qui attendent sur la côte, chez Dahlaine.

— Le Trogite a raison, dit Sorgan. J’ai promis au général de libérer rapidement les baignoires flottantes et je ne mens pas à mes amis.

— Je peux donner un petit coup de pouce, proposa Veltan. Un bon vent favorable nous fera gagner deux jours de traversée. Donc, tu peux essayer la méthode « douce » pendant quarante-huit heures. Après, tu devras être brutal.

— Aucun problème, Veltan ! Je suis un enfant des Maags, le peuple qui a inventé la brutalité !

 

L’embarcation terriblement instable parvint à se placer le long de la coque de l’Ascension. Fidèle à sa réputation de stupidité, Bersla se leva et alla se camper fièrement à la proue au risque d’envoyer tout le monde à l’eau.

— Nous vous avons vu approcher du temple de sainte Aracia, dit-il d’une voix pompeuse, et nous devons connaître la raison de votre venue.

— Je suis Veltan, dit le maître du Sud, le frère cadet de la sainte qui préside à vos destinées.

— Je n’ai jamais entendu parler de toi, répondit le prêtre, méprisant. Si elle avait un autre frère que le puissant Dahlaine, sainte Aracia m’en aurait informé.

— À ta place, mon gros, je ne me fierais pas trop à elle. Son cerveau n’est plus ce qu’il était.

— Blasphème ! s’écria Bersla.

— Non, parce que c’est la vérité, objecta Veltan. Mais je vois que tu as besoin de preuves… Ouvre grand les yeux, gros lard, et ne rate pas une miette du spectacle. C’est ta seule chance d’éviter de t’attirer mon ressentiment.

Veltan se mit à léviter et s’éleva jusqu’à mi-hauteur du mât de l’Ascension.

Bersla blêmit et ses yeux faillirent jaillir de leurs orbites.

— Je peux aller plus haut, si ça te chante, et même t’amener avec moi dans les airs. Takal Bersla, veux-tu que nous allions faire ensemble un petit tour sur la lune ? Non, j’ai l’impression que ça ne te tente pas. C’est vrai qu’il n’y a rien à manger, là-haut, et pas d’air à respirer. Tu n’y aurais pas un avenir très brillant.

— Je te crois ! couina le prêtre. Oui, je te crois !

Veltan se reposa sur le pont et se tourna vers ses compagnons :

— Il n’est pas adorable, notre ami Bersla ?

L’obèse eut besoin d’un moment pour se remettre de ses émotions. Puis il demanda d’un ton très doux :

— Grand Veltan, aurais-tu la bonté de me dire pourquoi tu nous fais l’honneur d’une visite ?

— Tu devrais t’en douter, adorateur de ma sœur ! Les monstres des Terres Ravagées envahiront bientôt le domaine de l’Est et j’ai amené de redoutables guerriers pour les en empêcher.

— S’ils réussissent, nous te serons éternellement reconnaissants, extraordinaire Veltan !

— Tu as l’intention d’encombrer le monde jusqu’à la fin des temps, Bersla ? demanda le maître du Sud avec un étonnement parfaitement bien imité.

— Non, magnifique Veltan, mais les générations à venir chanteront tes louanges, car ta gloire sera immortelle. À présent, puis-je parler au chef des puissants guerriers qui viennent défendre sainte Aracia au mépris de leur vie ?

— Je ne discute pas avec des larbins, lâcha Bec-Crochu avec tout le mépris dont il était capable. Veltan, allons voir ta sœur.

— C’est impossible ! s’indigna Bersla. Sainte Aracia n’a pas une minute de libre aujourd’hui. Et sachez que je parle en son nom lorsque cela s’impose.

— Pas dans ce cas…, dit Sorgan. Je négocie seulement avec la personne qui tient les cordons de la bourse.

 

Sorgan et Veltan s’entretinrent quelques instants. Puis un marin qui n’avait rien de mieux à faire défit les cordages qui retenaient un canot doté d’une quille parfaite et mit à l’eau l’embarcation.

— C’est interdit ! rugit Bersla. Aucun navire, quelle que soit sa taille, n’a le droit d’accoster dans le domaine de sainte Aracia !

— Tu crois que je vais rejoindre la côte dans ta ridicule barque ? demanda Sorgan.

— Elle est parfaite et ne présente aucun danger, affirma le prêtre.

— Pour sûr, à condition de la laisser sur la plage ! Mais quand on la met à l’eau, bizarrement, elle devient beaucoup moins sûre. Combien de fois a-t-elle chaviré, ce mois-ci ?

Le prêtre réfléchit au mensonge qu’il allait proférer.

Mais un rameur très musclé, derrière lui, leva une main, les cinq doigts écartés, puis brandit l’autre, le pouce et l’index également écartés. Ensuite, il fit un clin d’œil à Sorgan.

— Voyons, laisse-moi deviner, dit le capitaine. J’ai le sentiment que cette coquille de noix s’est renversée sept fois, ces trente derniers jours.

— Comment as-tu deviné ? couina Bersla.

— L’instinct, gros lard… J’ai navigué pendant la plus grande partie de ma vie, alors rien de ce qui concerne l’eau ne m’est étranger. Les barques de ce genre ont tendance à chavirer quand on s’y attend le moins, et sept est un chiffre que j’aime bien. (Sorgan remercia discrètement le rameur.) En route, Veltan ! J’ai hâte de rencontrer ta sœur. Si je dois défendre son territoire, il me faudra apprendre beaucoup de choses très vite…

— Comment as-tu deviné que la barque de Bersla avait chaviré sept fois ce mois-ci ? demanda Veltan pendant que le capitaine ramait avec son entrain coutumier.

— Tu n’es pas assez observateur, seigneur Veltan. Quand j’ai posé la question, un des rameurs a levé sept doigts…

— Pourquoi a-t-il fait ça ?

— Je n’en ai pas la moindre idée. Dès que l’occasion se présentera, je lui poserai la question. Cet homme pourrait nous être très utile.

— Tu crois qu’il se doute que tu voudras lui parler ?

— Bien entendu ! Ne le prends pas mal, Veltan, mais tu n’accordes pas assez d’attention à ce qui se passe autour de toi. Ce rameur m’a fait un clin d’œil après m’avoir donné l’information. Moi, j’ai désigné ma bouche après avoir rivé le bec de Bersla en lui disant que sa barque avait chaviré sept fois. Un geste pareil a seulement deux sens : « allons manger » ou « nous devons parler ». Tout le monde sait ça.

— Ça semble logique, effectivement…

— Bien… tu crois que nous aurons du mal à voir ta sœur ?

— Ce serait étonnant… Elle sait qui je suis, contrairement au gros lard, et elle devinera que j’ai des informations pour elle. Dès que j’aurai fait les présentations, nous passerons aux choses sérieuses.

Vu de la haute mer, le temple d’Aracia semblait une structure relativement cohérente. Alors que le canot approchait de la côte, Sorgan s’aperçut que le bâtiment avait été fait de bric et de broc.

— Désolé de tout critiquer, Veltan, dit le capitaine, mais le temple de ta sœur a vraiment l’air bizarre. Les gens qui l’ont construit ne se sont jamais réunis pour établir quelques règles ? Par endroits, les pierres sont très lisses et régulières, et à d’autres, elles semblent n’avoir même pas été taillées.

— Très bien observé, approuva le maître du Sud. Les différentes équipes n’ont jamais dû se concerter. Certaines ont passé un temps infini à polir les pierres alors que d’autres se contentaient de les empiler le plus vite possible.

— L’esthétique d’un côté et l’efficacité de l’autre ?

— C’est à peu près ça, capitaine. À mon avis, Aracia s’en est toujours fichue ; à condition que le monument érigé à sa gloire continue de grandir.

— Elle n’est pas très futée, pas vrai ?

— Je n’irai pas aussi loin que ça… Aracia n’est pas comme nous, je te l’accorde. Elle a besoin qu’on l’adore, et ses prêtres ne cessent pas de chanter ses louanges. À mon avis, ils ne se sont pas donné la peine de coordonner les différentes équipes, et c’est pour ça que le résultat ne paraît pas très… convaincant.

— Tu dois avoir raison… (Sorgan plissa les yeux pour étudier la côte.) Pas de quais, évidemment…

— En construire aurait détourné du temple bien trop de travailleurs, expliqua Veltan.

— Il va falloir commencer par là, avec ta sœur…

— Désolé, mais je ne te suis pas vraiment…

— Nous aurons besoin de quais pour faire débarquer mes pirates. Tu ne voudrais pas qu’ils soient forcés de nager dans des eaux glaciales ?

— Oui, je vois ce que tu veux dire… Eh bien, je vais devoir tricher un peu.

— Tricher ?

— Je me chargerai des quais… Je sais exactement ce qu’il te faut, et je travaillerai beaucoup plus vite que les ouvriers d’Aracia. De plus, ça nous évitera les gémissements de ma chère sœur, outrée qu’on ose ralentir l’expansion de son temple. Crois-moi, elle rêve qu’il soit dix ou vingt fois plus grand.

— Bagatelle ! s’exclama Sorgan. Encore huit ou dix siècles d’efforts, et ce sera fait !

Dès qu’ils eurent tiré le canot au sec, le dieu et son compagnon prirent la direction du temple.

Lorsqu’ils atteignirent l’entrée, Sorgan écarquilla les yeux et s’écria :

— Cette porte est bien ce que je pense ?

— Oui, répondit Veltan. À part les gonds et les charnières, elle est entièrement composée d’or.

— Mais elle pèse au moins une tonne !

— Beaucoup plus que ça, à mon avis. Tu as vu sa taille ?

— Et ta sœur laisse un trésor pareil à la vue de tout le monde ?

— Elle ne court aucun risque, Sorgan. Il faudrait cent hommes, peut-être même deux cents, pour voler cette porte, et ce ne serait pas très discret… Maintenant, entrons et allons voir ma sœur.

— Qui êtes-vous ? demanda une très petite femme au ton autoritaire dès que Veltan et Sorgan eurent franchi la porte. De quel droit osez-vous profaner le temple de sainte Aracia ?

— Je suis Veltan, et vous avez dû entendre parler de moi, si ma sœur se souvient encore du reste de sa famille. Allez lui dire que je suis là, ou écartez-vous pour me céder le passage.

— Il n’en est pas question ! Je suis Alcevan, la haute prêtresse d’Aracia, et je parle en son nom en toutes circonstances.

— Ma sœur a des prêtresses, maintenant ? s’étonna le maître du Sud. Bersla est-il au courant ?

La femme ricana.

— Le gros lard sait seulement ce qu’Aracia et moi voulons bien lui dire. Il se prend pour la personne la plus importante du domaine, mais c’est terminé. Désormais, je suis la porte-parole d’Aracia, et cela ne changera plus.

— C’est bien joli, grogna Sorgan, mais tu vas te transformer en paillasson si tu ne nous laisses pas passer.

Le pirate posa la main sur la garde de son épée. La haute prêtresse écarquilla les yeux et battit en retraite.

— Voilà qui est surprenant, souffla Veltan. On dirait que les choses deviennent de plus en plus compliquées dans le domaine d’Aracia.

— La jeune dame se fait peut-être des idées, avança Sorgan.

— C’est possible, admit Veltan. Mais nous devrons être prudents. Si Alcevan ne mentait pas, Aracia joue un jeu très différent… tu t’es parfaitement comporté face à la haute prêtresse. Continue à être brutal et menaçant. Tout ce qui perturbera ma sœur est bon à prendre.

Quand ils y furent entrés, Sorgan s’étonna de la taille de la salle du trône. Au centre, comme il convenait, le saint siège d’Aracia – tout en or – se dressait sur un piédestal en marbre. La sœur de Zelana se pavanait sur son trône. Agenouillée devant sa maîtresse, Alcevan lui débitait un discours inaudible.

Veltan approcha du piédestal.

— À ta place, chère sœur, je n’accorderais pas trop d’attention à ce que raconte cette jeune dame. Dans le couloir, il y a eu un déplorable malentendu. J’ignorais que tu acceptais désormais des femmes dans ton clergé.

Aracia foudroya son frère du regard.

— Qui est l’incroyant qui t’accompagne, Veltan ? Et comment oses-tu m’imposer sa présence en ce lieu sacré ?

— Tu me connais, Aracia, dit Sorgan. Nous nous sommes croisés dans le domaine de Veltan, l’été dernier. Il m’a engagé pour défendre ton domaine quand les monstres du Vlagh attaqueront. Mais puisque tes prêtres et toi n’appréciez pas que je traîne dans le coin, je vais m’en retourner au port et faire lever l’ancre à ma flotte. D’après ce que j’ai vu dans les autres régions du pays de Dhrall, le Vlagh s’offrira bientôt un festin à base de sainte, de prêtresses et de gros prêtres.

Sur ces mots, et après avoir fait un clin d’œil à Veltan, le pirate sortit en trombe de la salle.

Là, tu y es peut-être allé un peu-fort, dit la voix mentale du dieu dans le crâne du capitaine.

— Je me suis laissé emporter, je l’avoue… Ta sœur et sa chipie de prêtresse m’ont tapé sur les nerfs.

Tout bien réfléchi, c’était parfait ! Ma sœur finira par mesurer la gravité de la situation. Retourne sur ton bateau et attends. Je parie qu’elle t’enverra très bientôt un messager qui t’implorera de revenir sur ta décision.

— J’espère que tu as raison… Avec ma stratégie radicale, je ne me suis pas laissé une grande marge de manœuvre…