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Longtemps après minuit, Zelana était seule sur le petit balcon de la salle de guerre de Dahlaine.

La salle de guerre…

Un nom un rien théâtral et pompeux bien dans les habitudes du maître du Nord. Pour une raison inconnue, il fallait toujours qu’il trouve des appellations spectaculaires aux choses les plus simples. S’il avait passé son temps à résoudre ses problèmes, au lieu de chercher une façon originale de les baptiser, sa vie aurait sans doute été beaucoup plus facile.

Mais les choses étaient ainsi, et la maîtresse de l’Ouest ne pouvait rien y changer. En outre, elle avait des soucis plus urgents. Apparemment, une alliée inconnue veillait sur le pays de Dhrall et elle semblait capable de multiplier les miracles comme si elle les faisait sortir de son chapeau – ou les tirait de sous sa manche.

Dans le domaine de Veltan, Arc-Long avait eu une série de rêves très spéciaux inspirés par une entité qu’il appelait « l’alliée inconnue ». Bien qu’il eût reconnu la voix de sa visiteuse nocturne, l’archer était incapable de mettre le doigt sur son identité. Certaine qu’Arc-Long était bien trop vif d’esprit pour s’emmêler les idées sur un sujet aussi important, Zelana aurait parié que l’« alliée » n’était pas pour rien dans l’étrange trou de mémoire du chasseur taciturne.

Mais comment s’y était-elle prise ? Zelana n’en avait pas la moindre idée.

En revanche, un point lui semblait d’une clarté aveuglante. En sus de savoir brouiller l’esprit des gens, l’alliée inconnue ne répugnait pas à violer – ou à ignorer superbement – quelques règles très importantes.

Zelana et sa fratrie n’avaient pas le droit de tuer. Avec sa « mer d’or », l’inconnue avait manipulé les cléricaux trogites pour qu’ils affrontent les monstres des Terres Ravagées. Puis, alors que les deux camps se massacraient avec enthousiasme, elle avait noyé jusqu’au dernier combattant pour créer sa fameuse « mer intérieure ».

Une muraille d’eau s’était abattue sur les Trogites et les monstres, les balayant comme des fétus de paille…

À l’évidence, l’alliée inconnue disposait de pouvoirs qui dépassaient jusqu’à l’imagination de Zelana. Pourtant, une certitude subsistait dans l’esprit de la maîtresse de l’Ouest : les Rêveurs étaient impliqués dans cette affaire, et ils prêtaient main-forte à la visiteuse nocturne d’Arc-Long.

En y réfléchissant, Zelana aurait juré que l’inondation d’Eleria et l’éruption volcanique de Yaltar étaient également issues de l’imagination fertile de l’inconnue.

La vision commune des Rêveurs en était une preuve de plus. Tous avaient parlé d’un « feu qui ne ressemblait à aucun de ceux que nous connaissons ». Cette arme terrible avait carbonisé une entière couvée du Vlagh, au minimum…

Le rêve étant partagé, l’imbécile tentative d’Aracia – garder secret celui de Lillabeth – avait vite été découverte. La maîtresse de l’Est était depuis toujours bien trop imbue de sa divinité. Depuis qu’une bande de gros lards paresseux lui léchaient les bottes – son clergé, paraissait-il –, la pauvre fille avait perdu la tête. Mais quand même, à son âge, se prendre pour l’être le plus important du monde était d’une incroyable bêtise !

Sa stupide machination, au sujet de Lillabeth, ne laissait plus le moindre doute : Aracia devenait gâteuse.

Encore que… En plongeant dans ses souvenirs, Zelana devait bien admettre que sa sœur n’avait jamais paru très enthousiaste à l’idée de céder un jour son domaine à Enalla. N’ayant aucune envie de dormir pendant des millénaires, Aracia n’avait guère d’affection pour celle qui la remplacerait. En réalité, comprit Zelana, elle détestait franchement Enalla.

Quand on sommeillait pendant si longtemps, on se réveillait immanquablement dans un monde nouveau et désorientant. Au début d’un de ses cycles de veille, Zelana avait découvert que son domaine était enfoui sous une couche de glace épaisse de plusieurs milliers de pieds.

Dahlaine avait dû consacrer des semaines à éclairer la lanterne de sa sœur. Le dégel, lui avait-il assuré, était déjà commencé. Donc, elle n’avait aucune raison de s’inquiéter…

Il avait fallu cinq siècles pour que la glace disparaisse ! Jusqu’à ce que ce soit fait, le domaine de l’Ouest n’avait en rien ressemblé au souvenir que Zelana en gardait.

Bien entendu, toutes les créatures qui le peuplaient des millénaires plus tôt avaient disparu. Après le dégel, d’étranges animaux étaient venus les remplacer.

Dahlaine avait parlé de « l’extinction naturelle des espèces », une notion qui glaçait les sangs de Zelana.

Pendant ce cycle-là, elle n’avait eu quasiment aucun contact avec Aracia. Mais elle aurait juré que son irascible sœur avait trouvé une raison d’accuser Enalla de la glaciation et de la disparition d’une multitude d’animaux et de plantes.

La maîtresse de l’Est adorait trouver des boucs émissaires…

De plus en plus fatiguée, Zelana avait hâte de confier les rênes du domaine de l’Ouest à Balacenia, la version adulte de la Rêveuse Eleria. À n’en pas douter, Aracia ne partageait pas cette position, et son maudit clergé devait être au bord de la panique. Que les prêtres soient d’accord ou non, la maîtresse de l’Est actuelle s’endormirait bientôt et Enalla la remplacerait. D’après Eleria, la version adulte – et en quelque sorte réelle – de Lillabeth avait des projets qui ne raviraient pas outre mesure les adorateurs obèses d’Aracia.

— J’aimerais presque rester éveillée pour voir ça, murmura Zelana. Mais c’est le « presque » qui change tout…

Selon elle, le moment de s’endormir viendrait dans quelques mois. Depuis longtemps, elle avait décidé que sa grotte rose, sur l’île de Thurn, serait l’endroit idéal où se reposer. Les dauphins (aussi roses que la pierre) chanteraient pour elle pendant son sommeil et, cette fois, elle ferait peut-être des rêves agréables.

Oui, des songes où le pays de Dhrall serait débarrassé du Vlagh, où ses amis ne seraient pas menacés par la vieillesse et la mort, où elle pourrait chanter et écrire des poèmes et où le printemps serait éternel.

Le genre de rêve dont on espère ne jamais se réveiller…

— J’avais bien senti que tu étais là, ma sœur, dit Dahlaine en rejoignant Zelana sur le balcon. Tu sembles troublée. Quelle est la cause de tant d’inquiétude ?

— Aracia, bien entendu ! J’ai peur qu’elle soit encore plus gâteuse qu’au moment où elle a voulu nous cacher le rêve de Lillabeth. Franchement, je regrette que nous ne puissions pas l’endormir quelques mois en avance, ce coup-ci. Ça nous permettrait de nous concentrer sur le Vlagh, au lieu d’avoir en tête des soucis familiaux.

— Ce serait très pratique, je te le concède…

— Pourquoi l’esprit d’Aracia part-il en quenouille à la fin de chaque cycle ? Je ne me souviens pas d’un seul où elle ait accepté de s’endormir sans regimber. Comment expliques-tu ce comportement ?

Le maître du Nord haussa les épaules.

— Un sentiment d’infériorité, je suppose… En comptant les Rêveurs, nous sommes huit, et si j’ai bien observé, ils se partagent l’autorité de la même façon que nous. Après avoir exercé le « pouvoir » pendant un cycle, Aracia doit en subir sept avant de revenir sur le devant de la scène. Bref, elle ronge son frein pendant cent soixante-quinze mille ans ! Pour une raison qui me dépasse, elle ne supporte pas cette idée. Aracia aime être le centre de l’univers. Si je me souviens bien – et ma mémoire me trahit rarement –, elle faisait la roue comme un paon, la dernière fois qu’elle était en position dominante. Manque de chance – pour elle –, il n’y avait pas de créatures pensantes à l’époque, et elle a dû se réfugier dans l’autovénération. Et si mes souvenirs sont exacts, elle ne faisait pas dans les demi-mesures…

Zelana sourit.

— La prochaine fois qu’elle aura le droit d’aînesse, nous devrions peut-être opter pour la solution de Veltan. Je pense que c’est une plaisanterie – tu sais qu’il adore les blagues –, mais il m’a dit un jour qu’il s’exilerait sur la lune lors du cycle où Aracia exercerait de nouveau le pouvoir. (La maîtresse de l’Ouest marqua une courte pause.) Au fond, il était peut-être sérieux…

— C’est notre frère tout craché ! Dès que des ennuis se profilent, il se défile ! (Dahlaine se gratta pensivement le menton.) Avant ce cycle, tout ça n’avait guère d’importance. Mais à présent, des hommes et des femmes vivent dans nos domaines, et..., Eh bien, j’ignore ce qu’il en est pour toi, ma sœur, mais je ne permettrai jamais à Aracia de tyranniser mes humains !

— On dirait que tu envisages de déclarer la guerre à notre sœur…

— « Guerre » est un bien grand mot, Zelana… Les adorateurs d’Aracia lui consacrent chaque minute de leur temps, donc je doute qu’ils soient très dangereux.

— À t’entendre, on dirait que tu classes notre sœur dans la même catégorie que le défunt Azakan, l’empereur fou d’Atazakan… Et quand on se penche un peu sur la question, il y a des similitudes troublantes…

— Et une différence majeure, chère sœur : Aracia a un véritable pouvoir ! Ce pauvre crétin d’Azakan ordonnait au ciel et à la terre de lui obéir, mais ça ne leur faisait pas beaucoup d’effet. Aracia peut vraiment influencer le cours des événements, si elle l’estime nécessaire.

— Sans doute, mais tu sais qu’aucun de nous n’a le droit d’agir si ça implique de supprimer des vies. Imagine qu’Aracia ait l’idée de violer cet interdit. À mon avis, elle disparaîtrait de la surface du monde en un clin d’œil. Et dans ce cas, qu’adviendrait-il de nous ? Nous sommes liés, Dahlaine. Si l’un des quatre cesse d’exister, les autres risquent de le suivre de très peu dans le néant.

— Tu vas me flanquer une sacrée migraine, si tu continues…

— Réjouis-toi, ça prouve que tu as toujours une tête ! Pour le moment…

— Pas de panique, Zelana… Nous avons eu un gros coup de chance. Le capitaine Bec-Crochu a convaincu le général Narasan de rester au pays de Dhrall. Pour défendre le col de Long nous aurons besoin de fortifications, et tu sais que c’est la grande spécialité des Trogites. As-tu joué un rôle dans l’intelligent petit plan de Sorgan ?

— Absolument pas… Pour ce que j’en sais, Bec-Crochu s’est débrouillé tout seul. Bien entendu, la perspective d’extorquer une montagne d’or à Aracia a dû influence sa décision de rester, mais son amitié pour Narasan est peut-être encore plus forte que sa cupidité. Cela dit, une fois en action, il roulera si bien Aracia dans la farine qu’elle en oubliera jusqu’à l’existence de Narasan. Sorgan ira voir notre idiote de sœur dans son ridicule temple et il la convaincra qu’il sera ravi de la défendre jusqu’à la mort si elle le couvre d’or.

— La défendre contre qui ? s’étonna Dahlaine. Les monstres du Vlagh viendront par le col de Long, très loin du temple d’Aracia.

— Tel que je connais Sorgan, il réussira à terrifier suffisamment notre sœur et son clergé pour qu’ils n’aient pas l’idée d’aller casser les pieds à Narasan pendant qu’il construira des fortifications dans le col.

 

Quelques minutes plus tard, Eleria ouvrit la porte de la salle de guerre, jeta un coup d’œil sur le balcon et s’écria :

— C’est là que tu étais, Vénérée ! Nous aurions dû nous douter que tu t’entretenais avec notre bon vieux Barbe-Grise.

— Un peu de respect, Eleria ! s’indigna Zelana.

— Désolée, Barbe-Grise, dit la Rêveuse avec un sourire malicieux. Zelana, nous vous cherchons depuis des heures !

— « Nous » ? s’étonna Dahlaine.

— Moi et mon « moi-de-demain », précisa Eleria. Mère voudrait vous parler.

— Mère ? répéta Zelana, très étonnée.

— Nous en avons tous une, Vénérée… Mon moi-de-demain vous expliquera tout ça mieux que moi.

Eleria entra dans la salle, suivie par une femme d’une extraordinaire beauté.

— Quelle mouche t’a piquée, Balacenia ? s’étrangla Dahlaine. Il ne devrais pas être déjà réveillée !

— Quand grandiras-tu enfin, maître du Nord ? répliqua la femme. Ton petit jeu a failli détruire le monde. Nous nous échinons à remettre les choses dans l’ordre alors que nous devrions toujours être endormis.

— Tu es vraiment ?… commença Zelana.

Mais elle ne put pas terminer sa phrase.

— Oui, Zelana, je suis ta remplaçante. Mais le domaine de l’Ouest est toujours sous ton contrôle. J’ai juré de ne pas interférer, sauf si Mère me… nous… l’ordonne. (Balacenia posa une main sur l’épaule d’Eleria.) Parfois, on a du mal à s’y retrouver… Je vous présente mon moi-d’hier. Vous l’appelez Eleria, et je n’y vois aucun inconvénient. Elle me fait souvent rire, et il paraît que c’est très bon pour la santé. Cela dit, j’ai une question à poser : où est-elle allée chercher son truc des « bisous-bisous » ? Le pauvre Vash était rouge comme une pivoine et il ne savait plus où se mettre.

— Tout a commencé dans la grotte rose, dit Zelana. Eleria a découvert qu’un baiser suffisait à subjuguer les dauphins. (Elle dévisagea attentivement Balacenia.) La ressemblance est évidente… tu es vraiment une version adulte d’Eleria la petite Rêveuse. Comment pouvez-vous être ici en même temps ?

— C’est un peu compliqué, Zelana… En réalité, nous ne sommes pas là toutes les deux. Pour tout te dire, je n’existe pas vraiment. En ce moment, je suis en train de dormir, et ce que nous voyons tous est un de mes rêves.

— C’est impossible ! s’écria Dahlaine.

— Dans ce cas, comment se fait-il que je sois ici ? demanda Balacenia. Ton petit jeu était très malin, Dahlaine, mais la situation t’a échappé depuis le début. Tu as cru pouvoir contourner toutes les règles avec ton tour de passe-passe – faire de nous des enfants –, mais la machine s’est grippée dès qu’Eleria a eu son premier rêve. Tu sais, celui où elle assistait à la naissance du monde… Plus tard, au pays de Maag, elle a fait d’autres songes que tu n’avais pas le moins du monde prévus. Elle a eu ce que nous nommons un « rêve prémonitoire », et c’est ça qui a sauvé Arc-Long et ses amis lorsque le Maag Kajak les a attaqués. Tu n’as peut-être pas saisi ce que ce rêve signifiait pour nous. Les songes peuvent être des avertissements autant que des prédictions…

— J’étais très troublé, avoua Dahlaine. Je pensais avoir une sorte de contrôle sur les rêves des enfants, mais c’était une illusion, je m’en suis vite aperçu.

— En réalité, c’est Mère qui guide les Rêveurs. Elle a vite su ce que tu avais fait, et elle s’en est servie pour réaliser des choses qui dépassent ton imagination.

— Quelle « Mère » ? demanda Dahlaine. Nous n’en avons pas, tu le sais bien !

— Dans ce cas, comment sommes-nous venus au monde ?

— Tu vas beaucoup aimer notre mère, Barbe-Grise, intervint Eleria. Elle sait faire des tas de trucs amusants. C’est elle qui m’a amenée au fond de la mer le jour où j’ai trouvé ma perle rose. C’est comme ça que tout a commencé, tu te souviens ?

— Elle est la mère de l’univers entier, dit Balacenia, et elle a une dent contre toi, en ce moment. Engager des Extérieurs était une bonne idée, je l’admets, mais Mère s’occupait déjà du problème, et elle continue…

— Tu en as assez dit, Balacenia, lança une voix mélodieuse dans le couloir. Tu veux bien me laisser régler ça moi-même ?

Une silhouette qui semblait composée de lumière et de brume entra dans la salle de guerre.

— Pourquoi as-tu engagé des mercenaires pour se battre à ta place, Dahlaine ? demanda l’apparition.

— Vous savez que nous ne pouvons pas tout faire, n’est-ce pas ? demanda le maître du Nord. Et si Balacenia a raison sur votre identité, c’est à vous que nous devons ces restrictions. Au cas où vous l’auriez oublié, nous n’avons pas le droit de tuer, même quand on nous agresse. Ayant besoin de guerriers, nous avons loué les services d’Extérieurs pour qu’ils massacrent nos ennemis.

— Je reconnais que cette interdiction n’est plus très pertinente, concéda l’apparition. Quand il y avait très peu de créatures dans le monde, cette règle s’imposait, et elle est restée valide tant que l’extinction de toute vie était possible. Aujourd’hui, ces données ont changé. Quand le Vlagh est passé à l’attaque, je comptais m’occuper de tout, mais avant que j’aie pu agir, le pays de Dhrall grouillait d’Extérieurs. Tu devrais apprendre à me faire confiance, Dahlaine.

— Arc-Long a une théorie que vous devriez prendre en compte, intervint Zelana. Les Extérieurs nous aident vraiment à combattre les monstres du Vlagh, mais l’archer voit une autre excellente raison à leur présence. Selon lui, nous montrons à nos mercenaires que les habitants du pays de Dhrall sont capables de pourrir la vie des envahisseurs de tout poil. Les Extérieurs nous aident, et en plus, ils prennent une leçon salutaire. La cupidité de l’Église d’Amar est légendaire dans l’empire trogite. Votre mer intérieure prouvera aux pillards potentiels que s’en prendre à nous n’est pas une très bonne idée.

— Comme le feu bleu, dans les Gorges de Cristal…, ajouta Dahlaine. Personne de sensé n’a envie de finir carbonisé. Certains Extérieurs ont sans doute envie de revenir un jour pour nous détrousser, mais je doute qu’ils s’y aventurent… (Il eut une courte hésitation.) Pour une raison que j’ignore, vous semblez très attachée à nous…

— Vous êtes mes enfants, et je vous protégerai ! Vous avez tous fait un très long chemin, et il serait peut-être temps de vous retourner pour voir où et quand tout ça a commencé…

Des souvenirs montèrent soudain à la mémoire de Zelana, comme si la dernière phrase de l’apparition avait brisé une digue dans son esprit. La maîtresse de l’Ouest replongea en des temps si lointains qu’il n’existait pas de mot ou de chiffres pour les décrire.

Dahlaine écarquilla les yeux. À l’évidence, il vivait la même expérience que sa sœur.

— Globalement, tu t’en es bien tiré, mon fils, dit la dame de lumière. Ton plan au sujet des Rêveurs était brillant, et il a fonctionné presque parfaitement. L’ennui, c’est que tu vas devoir trouver un moyen de les convaincre de se fondre à leurs identités adultes – leur « moi-de-demain », si tu préfères. La situation est très délicate dans le domaine de l’Est, et je vous demande de ne pas vous en mêler. Aracia préférerait mourir plutôt que de passer le relais à Enalla. Il faut la reprendre en main avant qu’elle soit folle à lier. Si elle bascule dans la démence, nous la perdrons et cela conduira à une catastrophe. Peut-être pas à court terme, je vous le concède… Mais imaginez ce qui se passera, au début de votre prochain cycle, si elle se réveille avec un cerveau totalement dérangé ? Comparée au danger qu’elle fera courir au pays de Dhrall, l’invasion des monstres du Vlagh passera pour un inconvénient mineur…