22

Samedi 23 juillet 2005,17 h 35

 

En fin d’après-midi, Faraday se préparait à interroger Jenny Mitchell. Proctor et lui avaient attendu chez elle qu’elle se soit changée – jean et débardeur amples –, et ait téléphoné à une amie pour que celle-ci vienne garder les enfants. Elle lui avait expliqué qu’elle avait proposé son aide à la police dans le cadre d’une enquête. Il y avait des yaourts au frigo, des spaghetti hoops dans le garde-manger et des frites surgelées. Si Andy rentrait avant son retour, il ne devait pas s’inquiéter. Elle assura à son amie que tout allait pour le mieux.

À Bridewell, Faraday avait confié Jenny au sergent d’écrou qui lui signifierait sa garde à vue. Comme, à ce stade, elle n’était pas en état d’arrestation, ils n’avaient pas à relever ses empreintes digitales. L’arrivée de Jenny au poste de police coïncida avec celle de deux pétasses de Buckland, interpellées sur Commercial Road pour vol à l’étalage. Toutes deux étaient en état d’ébriété, et à tu et à toi avec l’un des constables chargés de les boucler. En partant pour Kingston Crescent, Faraday surprit l’expression de Jenny qui regardait ces filles assaillir leur flic préféré. C’était une tranche de vie de Pompey à laquelle elle n’était visiblement pas préparée, et Faraday en vint à se demander dans quelle mesure au juste elle partageait le travail de son époux.

À Kingston Crescent, Faraday alla trouver Martin Barrie. Il briefa le superintendant sur les faits nouveaux de la journée, et lui expliqua pourquoi il comptait mener lui-même ce prochain interrogatoire. C’étaient Tracy Barber et lui qui connaissaient le mieux cet aspect de l’enquête. Jenny Mitchell avait elle-même demandé à être entendue, et il subodorait que quelques problèmes surgiraient pour établir son rôle exact dans le déroulement des événements du dimanche soir. Les relevés d’appels prouvaient qu’elle avait été en relation avec Duley un peu plus tôt ce jour-là. Les moulages des pneus et des traces de pas indiquaient leur présence dans l’exploitation forestière bordant la ligne de chemin de fer. La vidéosurveillance attestait son retour à Portsmouth au volant de la voiture de sa mère. En route, elle avait trouvé le temps de téléphoner à son domicile, sans doute à son mari. La question à laquelle elle devrait répondre ne pouvait être plus claire : que s’était-il passé exactement ?

Barrie était perplexe. Un règlement de comptes d’une bande organisée semblait s’être mué en une sorte de pacte suicidaire bizarroïde. Cette thèse se justifiait-elle ?

Faraday le mit en garde contre les conclusions hâtives. Lui rappela que rien dans Coppice n’était très clair. Encore à ce stade, il avait l’impression qu’ils n’étaient pas au bout de leurs surprises.

Tracy Barber attendait dans le bureau de Faraday.

— Comment réagit-elle ? demanda-t-elle.

— Étonnamment bien. Elle ne pense sans doute à rien d’autre depuis la mort de l’énergumène, et j’ai vraiment le sentiment qu’elle a besoin d’en finir une bonne fois.

— L’énergumène ? répéta Barber, amusée.

Ils se rendirent à Bridewell en voiture, Sur les conseils de Faraday, Jenny avait souhaité la présence d’un avocat. Pour des raisons qui lui étaient propres, elle n’avait pas voulu appeler le sien, aussi le sergent d’écrou avait-il contacté Michelle Brinton.

Faraday la trouva dans un bureau donnant dans le couloir. Elle épluchait les petites annonces du News.

— Encore commise d’office ?

— J’en ai bien peur, dit-elle, pliant le journal. Je recherche un VTT. Des idées ?

Faraday fit non la tête. Quand il lui demanda si elle avait pu s’entretenir avec Jenny, Michelle le lui confirma.

— Une femme sympathique. Ça change de cette andouille de Karl Ewart.

— Elle vous a expliqué pourquoi nous nous intéressons à elle ?

— Oui, répondit-elle, soutenant le regard de Faraday pendant quelques instants. Quel sac d’embrouilles, hein ?

Jenny était assise dans la salle d’interrogatoire, sa chaise placée de façon à recevoir le soleil de fin d’après-midi qui entrait à flots par la grande fenêtre. Les yeux clos, les bras croisés, elle paraissait calme. On dirait qu’elle attend de passer une épreuve d’examen, songea Faraday, franchissant la porte.

Les préliminaires furent terminés en quelques minutes. Faraday donna le signal de début d’enregistrement audio et vidéo, lut les droits, énuméra les personnes présentes et indiqua l’heure. Tracy Barber et lui étaient d’un côté de la table, Michelle Brinton et Jenny, de l’autre.

— Je voudrais vous ramener à ce dimanche d’il y a deux semaines, commença Faraday. Le dimanche 10. Tout d’abord, nous confirmez-vous que vous connaissiez bien Mark Duley ?

— Oui, en effet.

— Comment qualifieriez-vous vos relations ?

— Nous avons été amants. Brièvement.

Faraday chercha à lui soutirer d’autres éléments. Jenny se fit hésitante. Dit qu’elle en avait déjà parlé, la dernière fois.

— C’est juste. Mais là, vous êtes en garde à vue, madame Mitchell. Ce qui veut dire que nous pouvons utiliser votre déposition devant le tribunal.

— Le tribunal ?

Faraday insista pour qu’elle donne de plus amples détails sur sa liaison avec Duley. Il voulut savoir si Duley s’était épris de sa nouvelle conquête.

— Disons plutôt que j’étais devenue une obsession pour lui. Il me voulait tout à lui, tout le temps. C’est la raison pour laquelle je savais que ça ne pouvait pas durer.

— L’a-t-il accepté ?

— Non.

— Comment le savez-vous ?

— Il me téléphonait. Sans arrêt. Je lui disais d’arrêter, je le suppliais, mais il n’en faisait qu’à sa tête. C’était devenu très… difficile.

— Pour vous ?

Faraday avait perçu quelque chose de nouveau.

— Pour nous tous. Il menaçait de venir chez moi, de faire une scène, de s’expliquer avec mon mari. Il semblait penser que je lui appartenais, à lui, Mark. Il se fichait pas mal du mariage. Encore un concept bourgeois, selon lui.

— C’était à son retour du Venezuela ?

— Oui. Il avait de l’argent alors. Il n’y avait plus aucune raison qu’on ne parte pas en Espagne, rien que lui et moi. Je n’arrêtais pas de lui répéter que j’avais des enfants, mais il semblait n’y attacher aucune importance. Ça, c’était plus important que des enfants, disait-il.

— « Ça » ? reprit Tracy Barber.

— Nous. Notre liaison. Ce que nous avions.

— Où ces conversations avaient-elles lieu ?

— Au téléphone… le plus souvent.

— Où d’autre ?

Il y eut quelques secondes de silence. Michelle lança un coup d’œil interrogateur à sa cliente, mais Jenny secoua la tête. Elle semblait avoir pris une décision et vouloir s’y tenir. Elle irait jusqu’au bout. À sa façon.

— Chez ma mère, finit-elle par répondre.

— Vous vous y retrouviez déjà avant que Mark ne parte pour le Venezuela ?

— Oui. Pas aussi souvent, mais… oui.

— Et vous parliez ?

— Oui. Et on faisait l’amour, parfois.

— Pourquoi ? Puisque vous n’aviez pas l’intention de continuer ?

— Parce que…

Elle haussa les épaules.

— … parce que, dans mon couple, ça n’allait plus très fort. Parce que j’avais toujours envie de lui, pas seulement physiquement, je suppose, mais aussi sur d’autres plans. Il me réconfortait. Il savait quoi me dire, quelles cordes pincer. On pourrait dire que j’avais besoin de lui.

— Et lui, de vous ?

— C’est certain.

Barber prit des notes, puis lança un coup d’œil à Faraday. Celui-ci désirait établir la chronologie des faits.

— Il y a deux jours, vous nous avez dit avoir rompu avec Mark après le Venezuela. Vous nous dites maintenant que ce n’est pas vrai ?

— Non, c’était plus tard.

— Beaucoup plus tard ?

— Une quinzaine de jours, vers la mi-juin. Je tentais de le convaincre de ne plus me téléphoner, et il s’est mis à me menacer. Il criait, parfois de vraies crises. Je ne supportais pas. C’était totalement irrationnel. Puéril. On aurait dit un enfant gâté. Il voulait le contrôle total. S’il n’obtenait pas ce qu’il désirait, il ferait des histoires.

— Donc, vous avez rompu ?

— Oui.

— Comment ?

— On était à l’appartement, chez ma mère. Andy voulait m’emmener à Paris. Ça devait être une surprise, mais je savais qu’il avait acheté des billets de ferry pas chers, parce que j’étais tombée sur le double de l’offre promotionnelle qu’il avait remplie, et, en furetant un peu plus, sur la réservation d’hôtel. C’était gentil. Je culpabilisais à mort, mais n’empêche, c’était gentil.

— Donc, vous avez rompu avec Mark ?

— Il le fallait. Il était absolument impossible que je parte avec Andy en… faisant semblant. Il fallait que je rompe. Je le savais.

— Alors, vous le lui avez dit ? À Mark ?

— Oui. J’étais allée à Salisbury Road ce jour-là. J’avais toujours la clef de sa chambre. Je savais qu’il serait absent parce qu’il était toujours à Buckland le mercredi matin. Une conférence sur l’histoire locale.

— Et qu’avez-vous fait ?

— Chez lui, c’était horrible, vraiment horrible, ça sentait le renfermé. Je pense qu’il n’avait pas dû changer ses draps depuis des semaines. En fait, je le savais. Alors, j’ai ouvert la fenêtre, j’ai essayé de mettre un peu d’ordre, et j’ai fait le tour de la pièce en prenant tout ce qui m’appartenait, des bibelots, des cadeaux que je lui avais faits, mes quelques lettres, deux ou trois recueils de poèmes, de la musique, des photos. J’ai tout pris. Je voulais tirer un trait. Je voulais qu’il comprenne que c’était bel et bien fini entre nous. Il est rentré dans l’après-midi, il a vu ce que j’avais fait.

— Et ?

— Il est devenu fou. Il m’a téléphoné. Il ne voulait pas en entendre parler. Il disait qu’on était faits l’un pour l’autre, qu’il ne pouvait pas vivre sans moi, toutes ces salades. Puis, il a dit…

Elle déglutit, détourna les yeux.

— Quoi ?

— Il a dit que j’aurais sa mort sur la conscience.

— Vous l’avez cru ?

— Non. C’était typique de Mark. Il montait toujours d’un cran, sans arrêt, jusqu’à en faire trop. Comme je crois vous l’avoir déjà dit, ça peut être excitant, et puis au bout d’un moment, ça devient tout juste… chiant. Encore l’enfant qui fait son caprice. On l’a peut-être trop gâté quand il était petit… Bref, le fait est qu’il ne l’acceptait pas.

— Êtes-vous allés à Paris ?

— Non, finalement, Andy a dû annuler. À cause de son travail. Pour être franche, j’étais tellement à cran à ce moment-là que ç’a été un soulagement.

— À cran, pourquoi ?

— Parce que Mark me pourrissait la vie. Il me déposait des petits mots dans la journée, parfois en pleine nuit. Andy commençait à se demander pourquoi c’était toujours moi qui me levais la première.

— Mark s’est-il présenté chez vous, a-t-il frappé à votre porte quand vous étiez tous les deux là ?

— Non, mais, en un sens, c’était pire. Il laissait un de ces petits mots nocturnes, je descendais le matin, je le déchirais, je m’en débarrassais, et, quand je regardais par la fenêtre de devant, je le voyais, là, juste de l’autre côté de l’impasse, qui me regardait. C’était effrayant, fou, horrible.

— Et Andy ? intervint Barber. Soyez franche.

Jenny la regarda longuement. Puis elle hocha la tête.

— Il savait.

— Vous en êtes sûre ?

— Certaine. Andy est perspicace, observateur. Lui non plus n’est pas un ange, ça aussi, ç’a été un problème entre nous, mais il savait qu’il se passait quelque chose. Ça se sent, ces choses-là, non ? C’est dans l’air. On ne fait plus comme d’habitude. On ne se touche plus. On ne rit pas, on ne plaisante pas. Je crois que même les enfants avaient fini par s’en rendre compte.

— Vous voulez dire qu’Andy aussi entretenait une liaison ?

— Avant, oui.

— Et vous le saviez ?

— Je l’avais découvert, oui.

— Quand ?

— À la fin de l’année dernière. Juste avant Noël. Je suis tombée sur une lettre.

— De la femme ?

— D’Andy. Il avait oublié de la poster. C’était une longue lettre. Il n’y avait plus grand-chose que j’ignorais après l’avoir lue.

— Et alors ?

— Je l’ai confondu, évidemment. C’était le pire, vraiment. Il n’a même pas pris la peine de nier. Il a tout juste dit oui. Je lui ai demandé s’il tenait à elle, et il m’a répondu non. Il m’a dit qu’elle baisait bien, qu’ils riaient beaucoup, mais que ce n’était pas de l’amour, que je ne devais pas m’inquiéter. Ça m’a fait mal aussi. De bonnes baises et de bons fous rires, je n’aurais pas dit non, croyez-moi.

— Là-dessus, Mark Duley est arrivé.

— Oui.

— Après Noël.

— Oui. Andy et moi avons passé le pire Noël de notre vie. J’avais l’impression de vivre dans une tombe. C’était horrible. Mark correspondait tout à fait à ce dont j’avais besoin, à ce dont toute femme a besoin. Si j’avais pu le vendre en bouteille, j’aurais fait fortune. Dommage que je n’aie pas pu, vraiment. Ça aurait peut-être évité bien des désagréments à tout le monde…

Elle fit un geste circulaire : les barreaux à la fenêtre, les caméras vidéo boulonnées au mur, le bruissement du magnétophone.

Faraday s’appuya contre le dossier de sa chaise, songeur. Le chemin qui menait au dimanche 10 juillet se dégageait peu à peu.

— Ainsi, Duley a été une façon de punir votre mari pour le coup de canif qu’il avait donné dans le contrat ? C’est ce que vous voulez dire ?

— Non. Mark a été une récompense. Pour ma petite personne. Pour ma survie. Et je m’en suis emparée, à deux mains, croyez-moi. Mark me facilitait les choses. Je le vivais comme une remise en question de mes valeurs. C’était comme un cours de rattrapage intensif, mais la plus grande partie se passait au lit. Il était mon professeur. Il me faisait du bien. Si la vie devait m’apporter quelque chose, alors c’était Mark. Il avait beaucoup de shit, et du bon. Avec lui, je me sentais… redevenir moi-même. Je n’étais pas seulement une mère. Je n’étais pas une épouse ratée que plus rien ne faisait rire. Je m’éclatais intellectuellement, et j’étais chaude comme de la braise.

Elle se tourna vers Barber.

— Vous voyez ce que je veux dire ? Quand on ne se rassasie pas de donner du plaisir ? Pas étonnant que ce pauvre gars ait pété les plombs. Il m’aura sautée jusqu’à son dernier neurone.

— Jusqu’à ce que vous décidiez de rompre ?

— Oui. Et c’est alors, comme je vous le disais, que c’est devenu délicat.

— Mais pourquoi avoir rompu ? Puisque c’était tellement génial ?

— Parce que je pense que j’en avais fait le tour. Je le savais, en fait. Et parce que, pour qu’une relation dure, il faut plus que… du sexe.

— Mark n’a pas accepté que vous y mettiez un terme ?

— Jamais.

— Et vous étiez inquiète à cause d’Andy ?

— Oui. Au début, je pense qu’il a fermé les yeux. Un peu comme s’il considérait que c’était mon tour. Puis il lui a fallu se rendre à l’évidence que ça devenait sérieux avec ce type, qui que ce soit, et c’est alors qu’il s’est mis à faire des allusions au sujet des enfants.

— Quel genre d’allusions ?

— Oh, des choses anodines. Qu’ils avaient besoin d’une famille stable, de leur papa et de leur maman, tout ça. Puis, le soir, en rentrant, il s’est mis à me parler de gens qu’il connaissait, de couples brisés dont les enfants trinquaient. Il envoyait un message, il voulait me faire peur.

— Il voulait vous garder ?

— Oui. Il voulait nous garder tous, nous tous réunis. Puis il y a eu le soir du feu d’artifice, le fait que Mark se soit fait tabasser, tout ça, et, pour être franche, j’ai craqué. Je ne savais pas quoi faire. Je veux dire, je m’étais plantée grave, très grave, et j’étais… à ramasser à la petite cuillère.

— Comme Mark ?

— Oui, je suppose.

Faraday hocha la tête, se carra dans sa chaise. Bientôt une demi-heure qu’ils parlaient. Quelques minutes, auraient-ils cru. Barber changea de position.

— On est en juillet à ce moment-là. C’est bien ça ?

— Oui.

— Andy se sent menacé. Mark vous harcèle, vous commencez à craindre de perdre vos enfants, votre famille… oui ?

— Oui.

— Alors, que faites-vous ?

— Je suis allée voir un de nos amis, un ami proche. Le parrain de Milo, pour tout vous dire.

Faraday baissa la tête, esquissa un sourire. Il commençait à se demander quand Peter Barnaby ferait son entrée. Barber voulut en savoir plus.

— Il est psychiatre, cet ami. La folie, il connaît. J’ai pensé qu’il était tout désigné pour que je lui en parle.

— De quoi ?

— De Mark. Je lui ai tout raconté, enfin, plus ou moins.

— Et ?

— Il a été formidable. Dieu seul sait ce qu’il en pensait réellement, mais il a eu l’élégance de dire qu’il comprenait.

— Vous a-t-il conseillée ? En se basant sur ce que vous lui aviez dit ?

— Oui. Il m’a dit que le comportement de Mark lui évoquait un trouble de la personnalité. Ce sont ses termes. Il a parlé de « narcissisme ». Il m’a dit que Mark comptait peut-être parmi ces gens qui veulent tout contrôler. Que c’était pour ça qu’il avait si peu d’amis. Qu’il s’occupait en permanence. Et aussi que… que chez ce genre de personnalités, la frontière était très mince entre un comportement parfaitement normal et totalement à côté du réel.

— La folie, vous voulez dire ?

— Oui.

— Et vous ? Qu’en pensiez-vous ?

— Moi ? Je ne pouvais qu’être d’accord. Je vivais ça tous les jours. Les appels téléphoniques. Les mots sous la porte. Le voir rôder dès le petit matin. C’était justement pour ça que je m’adressais à lui. J’avais besoin de conseils.

— Il vous en a prodigué ?

— Oui. Il m’en a prodigué. Il a sorti la copie de je ne sais quelle loi sur la santé mentale… Bref, l’idée était qu’aux termes de cette loi, Mark pouvait être arrêté s’il commettait un acte susceptible de porter atteinte à l’intégrité de sa personne ou à celle d’autrui, et que, suite à cette arrestation, il subirait une expertise psychiatrique et pourrait être interné. Pour son bien.

— Dans un quartier fermé, précisa Barber. Article 136.

— C’est ça.

— Jusqu’à ce qu’il aille mieux.

— Exactement.

— Et cesse de vous importuner.

— Oui.

Barber jeta un coup d’œil à Faraday qui avait croisé les bras. À vous.

— Parlons de la journée du dimanche. Mark vous a téléphoné vers midi. Vous avez parlé près d’une heure. Oui ?

— C’est ça. Il voulait me voir le soir.

— Il vous a dit pourquoi ?

— Oui. C’est là que je me suis rendu compte qu’il devait être fou.

— Comment ça ?

— Il m’a dit qu’il voulait que nous partagions son dernier repas. Ce sont ses termes exacts. Dernier repas.

— Au sens religieux, vous voulez dire ?

— C’est ce que j’ai compris. C’était le sous-entendu, oui. Il m’a dit que je l’avais crucifié, trahi.

— Comment ?

— Par un baiser.

— Ça avait un sens pour vous ?

— Aucun.

— Mais vous avez accepté de le voir ?

— Oui. Il voulait qu’on se retrouve chez ma mère. Il m’a dit qu’il ferait la cuisine, apporterait le vin, tout.

— Et Andy ?

— Je lui ai dit que je voyais une copine.

— Il vous a crue ?

— Non.

— Que s’est-il passé ?

— Je suis arrivée à l’appartement la première, comme toujours. Il n’était pas loin de 9 heures. Assez tard. J’ai regardé un peu la télé, en attendant. Puis Mark s’est pointé. J’ai tout de suite vu qu’il avait fumé. Mais il était très renfermé, très calme, pas du tout ce à quoi je m’attendais. Au téléphone, il n’arrêtait pas, égal à lui-même, donc il avait dû se passer quelque chose. Dieu sait quoi…

— Vous aviez de quoi manger ?

— Oui. Il avait apporté deux bananes.

— C’est tout ?

— Oui. Il n’a pas dit pourquoi. Il m’en a offert une, a pris une bouchée de l’autre et a jeté le reste à la poubelle. Ensuite, il a fait quelque chose de très bizarre. Il est allé se planter à la fenêtre et il est resté là une éternité, à regarder dehors. Quand je lui ai demandé ce qu’il trafiquait, il n’a rien répondu. Puis il s’est retourné vers moi. Son visage ruisselait de larmes. Il hoquetait. Il m’a fait pitié. Je l’ai pris dans mes bras, serré contre moi, j’ai essayé de le réconforter, mais il ne voulait parler de rien à part de la musique.

— La musique ?

— Il y avait de la musique à l’extérieur. Il voulait que je la partage avec lui, que je l’écoute, que je la comprenne. Il disait que nous avions de la chance. Que seulement une poignée de gens pouvaient entendre cette musique. Dont nous.

— Qu’avez-vous dit ?

— J’ai menti. Je lui ai dit que je l’entendais aussi.

— Ce n’était pas le cas ?

— Non.

Elle hocha la tête. Un instant suspendu dans le temps. Dehors, dans la rue, la plainte de la sirène d’une ambulance.

Barber voulut savoir ce qui s’était passé ensuite.

— Il m’a demandé d’aller au lit avec lui. Il ne voulait pas faire l’amour ni rien. Juste être contre moi.

— Vous avez accepté ?

— Oui. Nous sommes restés au lit très tard, minuit peut-être.

— Vous avez téléphoné à quelqu’un ?

— Oui. À Andy. Je lui avais déjà parlé, un peu plus tôt. Je lui ai seulement dit que la soirée se prolongeait, qu’il aille se coucher sans m’attendre. Que je rentrerais plus tard.

— Qu’a-t-il dit ?

— Il a un peu râlé.

— Et ensuite ?

— On s’est levés. La voiture de ma mère était garée dehors. Mark m’a demandé de le conduire hors de la ville.

— Il vous a dit où ?

— Non. Il m’a juste demandé de lui rendre un dernier service.

— Un dernier service ?

— Ce sont ses propres termes. Un dernier service. Après, on serait quittes. Je n’avais pas la moindre idée de ce dont il parlait, mais je commençais à me demander si je ne tenais pas ma chance. C’est vrai, quoi, son attitude était trop bizarre ! Je ne savais pas à quoi je devais m’attendre. C’était peut-être ça que Peter appelait la folie.

— Peter ?

— Notre ami psychiatre. Celui qui m’a parlé de la loi sur la santé mentale. Je me disais… Je me disais que ça valait la peine d’essayer.

— Donc, vous êtes partis ?

— Oui. On a emprunté l’autoroute, puis roulé vers le nord, en direction de Londres. Il y a une sortie juste avant Petersfield. On passe par toutes les petites routes de campagne, puis on atteint un village, Buriton. Il y a un carrefour. On a pris sur la droite. Je me souviens de la côte. On a monté, monté, des arbres partout, pas un chat.

— Et Mark ?

— Il n’ouvrait pas la bouche. Sauf pour m’indiquer la route.

— Il était déjà venu là ?

— Sans doute. À un moment, on s’est engagés dans un chemin en pente qui menait à une forêt. J’ai roulé, jusqu’au moment où on s’est embourbés, alors on a dû descendre pour pousser la voiture. On a eu du mal, mais on y est arrivés.

Elle s’interrompit, pianota du bout des doigts sur le bord de la table.

— C’est alors que je me suis rendu compte que nous étions à côté de la voie ferrée. Il y avait un clair de lune. Le chemin était en contrebas d’un petit remblai. Mark m’a dit que nous devions franchir la clôture, marcher un peu.

— Et vous ?

— J’ai suivi le mouvement.

Faraday prit son stylo, nota : J’ai suivi le mouvement. En février dernier, voilà qui aurait parfaitement décrit leur relation naissante. Six mois plus tard, rien n’avait changé.

Jenny détaillait leur marche à pied à présent, tous deux longeant la voie, à bonne distance du rail conducteur.

— Saviez-vous où vous alliez ? intervint Barber.

— Pas du tout.

— N’étiez-vous pas… intriguée ? Angoissée ? Effrayée ?

— Bien sûr que si. Je n’arrêtais pas de lui demander, ce qu’il comptait faire. Il me suppliait seulement de lui faire confiance.

— Il vous suppliait ?

— Oui, comme je vous disais, je ne l’avais jamais vu comme ça.

Au bout d’une demi-heure environ, ils approchaient du tunnel.

— Je le voyais se détacher dans le clair de lune, juste ce gros trou noir. Vraiment, je ne voulais pas y aller. Je le lui ai dit.

— Alors, que s’est-il passé ?

— Il avait une torche électrique. Il m’a assuré qu’il n’y avait rien à craindre. Il avait tout repéré. Il ne passerait plus de train avant plusieurs heures. Il suffisait de parcourir une centaine de mètres. Ça ne prendrait pas longtemps, disait-il. Ensuite, je pourrais partir.

— Donc, vous y êtes allée ?

— Oui. J’étais terrifiée. C’était atroce.

— Et qu’avez-vous trouvé sur place ?

— À une centaine de mètres, exactement comme il l’avait dit, il y avait des trucs dans une sorte de trou dans la paroi. Au début, je ne savais pas ce que c’était. Puis il s’est mis à tout sortir. Il y avait une chaîne, de la corde et une longue barre métallique. Il s’est mis à quatre pattes à côté du rail. Dès l’entrée du tunnel, le rail conducteur passe de l’autre côté de la voie, alors il n’y avait pas de danger réel

Elle s’interrompit, regarda ses mains.

— Vous lui avez demandé ce qu’il avait en tête ?

— Oui, bien sûr.

— Et ?

— Il m’a juste dit qu’il était venu là la veille, qu’il avait emprunté une voiture et s’était assuré que tout soit prêt. Je lui ai dit prêt pour quoi, mais il n’a pas voulu me répondre. Je tenais la torche à ce moment-là. Mark était toujours à quatre pattes, creusant dans les cailloux sous le rail jusqu’à ce qu’il puisse y glisser la barre de fer. Puis il s’est redressé et m’a demandé de braquer la torche sur lui.

— Pourquoi ?

— Il a commencé à se déshabiller, à retirer ses chaussures, ses vêtements, tout. Il les a empilés à côté de la voie. Puis il a voulu que je l’embrasse.

— Vous l’avez fait ?

— Oui. Il s’était remis à pleurer. Puis il s’est allongé sur le rail, les chevilles à chaque extrémité de la barre métallique. Il m’a demandé de l’attacher dans cette position.

— Vous l’avez fait ?

Jenny releva la tête. Regarda longuement Barber. Puis elle acquiesça.

— Oui, murmura-t-elle. Je l’ai fait.

— Pourquoi ?

— Parce que j’avais compris où il voulait en venir. C’était une forme d’accusation. Il voulait que je voie ce que je lui avais fait subir, où ça l’avait mené. On avait été si heureux, semblait-il me dire. Et maintenant, regarde-moi.

— Et vous ?

— Je pensais qu’il était fou. Je pensais qu’il avait fini par perdre la raison. Et, surtout, je savais que je pouvais le faire prendre en charge.

— Interner ?

— Oui. Il m’a dit que le premier train passerait à 5 heures du matin. Il n’était que 2 heures et quart, 2 heures et demie, dans ces eaux-là. J’avais le temps, largement le temps de faire venir des gens sur place – vous autres, l’ambulance, les pompiers. De faire couper le courant. Je pouvais faire tout ça. Il était complètement ravagé, c’était évident, j’en avais la preuve sous les yeux.

Après la corde, leur expliqua-t-elle, il lui avait demandé d’enrouler la chaîne autour de son torse. Ça n’avait pas été sans mal, il avait fallu la passer sous le rail, mais, finalement, elle avait réussi.

— Et le cadenas ? demanda Faraday.

— C’est venu en dernier. Il l’a mis lui-même. Merde…

Elle secoua la tête, frissonna.

— Que s’est-il passé ?

— Il l’a fermé, puis il a brandi la clef. Je tenais toujours la torche que je braquais sur son visage. Il me souriait, tout content. Il agitait cette clef, me disant qu’il m’aimait tant, que je comptais tant pour lui, que nous aurions été si bien. Il me faisait penser à une radio mal réglée que quelqu’un aurait allumée. Soudain, il avait repris vie. Il était Mark tel que je l’avais toujours connu. Il s’est mis à rire. C’était affreux, tout résonnait dans ce tunnel. Puis il s’est arrêté, d’une seconde à l’autre. Il fixait la lueur de la torche. Silence de mort. Alors, il a jeté la clef. Je l’ai entendue tomber. Tinter dans le noir, au-delà du rail conducteur. J’avais l’impression de me retrouver dans un film d’horreur. Merde…

Elle s’interrompit, enfouit son visage dans ses mains. Michelle chercha un mouchoir en papier et, n’en trouvant pas, passa un bras autour des épaules de sa cliente secouée de sanglots. Faraday se pencha en avant, donna des explications à l’intention de l’enregistrement, puis signifia une pause. Tout colle, songea-t-il. Jusqu’à l’emplacement de la clef qu’ils avaient trouvée de l’autre côté des voies.

Jenny le regarda.

— Non, dit-elle. J’ai besoin d’aller jusqu’au bout.

— Vous êtes sûre ?

Elle acquiesça d’un signe de tête. Faraday annonça la reprise de l’enregistrement, précisa l’heure, fit signe à Jenny de poursuivre. Son front se plissa légèrement sous l’effort qu’elle fit pour s’y préparer. Puis elle décrivit comment elle était ressortie du tunnel, chancelante, s’éclairant avec la torche de Duley. Dès qu’elle s’était retrouvée à l’air libre, elle avait voulu passer un appel depuis son portable, mais il n’y avait pas de réseau. La voiture se trouvait au moins à un kilomètre de là. Elle avait couru, couru, cherchant l’accès. Elle avait fini par le trouver. Elle avait réessayé de téléphoner. Rien. Elle était montée en voiture, priant le Ciel qu’elle ne s’embourbe pas de nouveau, était sortie de la forêt. En haut du chemin, elle avait tourné à gauche, pris la direction du sud, vers les lueurs de la ville. Quand elle avait enfin pu capter le réseau, elle avait décidé d’appeler d’abord son mari et non les services d’urgence.

Faraday voulut savoir pourquoi.

— Parce que…

Ses joues étaient barbouillées de larmes.

— … je voulais lui expliquer.

— Que lui avez-vous dit ?

— Tout. Que Mark était dans le tunnel. Qu’il était attaché à la voie. Qu’il était fou. Qu’on pouvait faire en sorte qu’il nous fiche la paix, que c’était fini, que tout allait redevenir comme avant. Qu’il n’y aurait pas un seul psy qui ne voudrait le faire enfermer et jeter la clef.

— Et Andy ?

— Il m’a dit que je délirais. De rentrer tout de suite. De n’appeler personne. Que, sinon, je ne reverrais jamais les enfants.

— Et vous ?

— Je…

Elle déglutit.

— … l’ai cru. J’ai su que je devais rentrer. Il n’était pas encore 3 heures du matin. J’avais au moins deux heures devant moi. Que faut-il pour arrêter un train ? Un simple coup de fil.

Elle était retournée à Portsmouth. À son arrivée, Andy ne s’était pas recouché.

— Il m’a dit qu’il avait toujours su pour Mark. Qu’il s’était dit que ça s’éteindrait de soi-même, mais que, depuis peu, il se rendait compte qu’il n’en était rien. Il m’a dit que ce type était fou. Et que Peter Barnaby se trompait.

— C’est-à-dire ?

— C’est-à-dire que Mark serait certainement interné, mais qu’il ressortirait très vite. Que tout recommencerait. Andy sait de quoi il parle. Il s’occupe de ces gens-là tous les jours. Croyez-moi, il sait.

— Que vous a-t-il dit d’autre ?

— Que j’étais dans le pétrin à cause de ce que j’avais fait. Que j’avais, d’ores et déjà, aidé quelqu’un à se suicider. Que je passerais devant un tribunal. Que j’irais peut-être en prison.

— Vous l’avez cru ?

— Oui. Alors je lui ai demandé ce que nous devions faire. Je revois la façon dont il me regardait. Il a hoché la tête. Il a dit : rien.

— Rien ?

— Rien. Je lui ai dit que Mark allait mourir, et il a tout bonnement fait oui de la tête. Puis il m’a dit que c’était à moi de voir. Si je voulais la vie que je menais, si je voulais mes enfants, si je voulais qu’on reparte de zéro, qu’on recolle les morceaux, qu’on redevienne amis, qu’on se redonne cette chance, alors, c’était le moment. Mais si Mark était toujours là, s’ils le sortaient de ce tunnel, alors tout était fini.

— Il vous a dit ça ?

— Oui.

— Et vous ?

— J’ai… j’ai…

Elle secoua de nouveau la tête, enfouit son visage dans ses mains.

— J’ai… oh, Seigneur… oh, mon Dieu… aidez-moi… aidez-moi, s’il vous plaît…

Barber esquissa un geste pour couper le magnétophone, mais Faraday, captant son attention, fit non de la tête. Il y eut un moment de silence total. Puis, une dernière fois, Jenny releva la tête.

— Vous avez raison, dit-elle. J’ai tué cet homme.

 

Faraday organisa la réunion dans le bureau de Barrie. Barber était présente, ainsi que deux sergents, et Jerry Proctor qui fit son apparition quelques secondes avant que Barrie ne commence en demandant à Faraday de résumer les nouveaux développements.

Pour le moment, expliqua Faraday, Jenny Mitchell avait été arrêtée sur présomption d’assistance au suicide. Après discussions avec le ministère public, le dossier déboucherait certainement sur une inculpation, mais le plus urgent était la décision à prendre concernant son mari. Andy Mitchell, sur la foi de la déposition de son épouse, avait joué un rôle clé dans la mort de Duley.

Barrie voulut en savoir plus sur Jenny Mitchell.

— Pourquoi n’a-t-elle pas vidé son sac plus tôt ?

— Parce que son mari lui a dit qu’elle serait considérée comme complice. Il lui avait expliqué la probabilité que cette charge soit retenue contre elle. Il lui avait dit qu’elle risquait une lourde peine. Qu’elle risquait fort de ne pas voir grandir ses enfants.

— Il a raison. L’assistance au suicide, ça va chercher dans les quatorze ans. Alors, comment se fait-il qu’elle crache le morceau maintenant ?

— Parce qu’elle sait que son couple ne tiendra pas. Malgré tout.

— Elle s’en tient pour responsable ?

— En partie. Je pense aussi qu’elle est horrifiée par ce qui s’est passé cette nuit-là avec Andy. Elle ne l’avait jamais vu comme ça. Elle n’aurait jamais cru qu’il puisse être si… impitoyable.

— Pourtant, elle lui a obéi.

— En effet, chef.

— Donc, elle est quoi dans tout ça ?

— Coupable. Raison pour laquelle elle nous l’a dit. Sans aucun problème. Elle nous a tout balancé. On n’avait plus qu’à l’écouter.

— Bien sûr. J’ai compris. Mais pourquoi maintenant ?

— Parce qu’on s’est pointés. Et parce que…

Faraday s’interrompit, ne sachant dans quelle mesure il devait insister sur l’autre élément.

— Il y a autre chose ? s’impatienta Barrie.

— Oui, chef. Elle m’a dit qu’elle avait reçu un petit colis avant-hier. Il avait été distribué à une mauvaise adresse. Il est arrivé plus tard que prévu.

— C’était quoi ?

— Une cassette audio. Duley a dû la poster le dimanche, avant de la rejoindre à l’appartement de sa mère. Du Bach. Un passage de La Passion selon saint Matthieu. Elle dit qu’elle n’arrête pas de l’écouter depuis.

— Et alors… ?

Faraday le regarda un moment, puis haussa les épaules avec un vague geste des mains.

— Et alors, c’est tout, chef, dit-il avec un sourire pincé. Affaire classée.

 

Winter était peinard chez lui, à Blake House, quand son portable sonna. Il lui fallut quelques secondes pour identifier la voix. La dame des pompes funèbres.

— Sue, dit-il. Vous avez du nouveau pour moi ?

— Oui. C’est au sujet de votre M. Reid.

Elle parla une petite minute. Winter prit un stylo, griffonna des notes au dos du Daily Telegraph. Quand il termina l’appel, il était sorti de la cuisine en quête du scotch. Il s’en servit trois doigts, surprit son reflet dans le grand miroir du salon, leva son verre en manière de toast, puis sortit sur le balcon. Un groupe de fêtards, collés les uns aux autres, dansaient une conga effrénée le long de la promenade du port. Il les regarda, hilare, leur adressa un petit signe de la main. Puis il ressortit son mobile, sélectionna un numéro du répertoire, pressa le bouton d’appel. Ça répondit presque aussitôt.

— Jake ? dit-il gaiement. Faut qu’on se revoie, fiston.