CHAPITRE XX
SOUDAIN

 

La poussière obscurcissait la caverne, oblitérant la lueur tremblotante des torches que les gravats n’avaient pas mouchées.

Comme la mort avait soufflé la lumière du regard de Wulfgar.

Quand le silence retomba, Catti-Brie parvint à s’asseoir au milieu des décombres. Elle chassa la poussière de ses yeux et contempla un long moment le désastre avant que la réalité s’impose définitivement à son esprit.

Devant elle se dressait un monticule. La réalité l’écrasa. Elle faillit s’évanouir avant qu’un sursaut de colère fouette ses sens. S’arrachant à son apathie, elle rampa à quatre pattes. Un nouvel accès de nausée la menaça. L’inconscience était par trop tentante.

Wulfgar !

A mains nues, elle creusa le monticule, s’égratignant les phalanges. L’éboulement était analogue à celui qui avait failli tuer Drizzt à Mithril Hall ! Mais alors, il s’était agi d’un piège, d’une trappe conçue par les nains pour éliminer les envahisseurs.

Ceci était bien différent. Un gémissement continu s’échappant de ses lèvres, elle s’acharna à creuser, priant de toutes ses forces pour qu’il se soit produit un miracle.

Bruenor vint à son côté et l’aida sans se ménager. Le puissant nain écarta à lui seul plusieurs rochers. Le gros du désastre éclairci, il s’arrêta, un pli soucieux sur le front.

Catti-Brie continua de déblayer à toute vitesse.

Après plus de deux siècles passés à travailler dans les mines, Bruenor avait vite compris la vérité.

L’effondrement était complet.

Le garçon avait été emporté.

Catti-Brie s’acharna en sanglotant. Son esprit lui souffla ce que son cœur se refusait à admettre.

Bruenor posa une main sur son bras, pour la contraindre à abandonner un labeur futile. Quand elle se tourna vers lui, son expression fendit le cœur du nain. Couverte de poussière, du sang séché sur une joue, les cheveux collés de sueur, elle leva vers lui des yeux de biche humides de larmes.

Lentement, il secoua la tête.

Catti-Brie resta les bras ballants, le regard vide. Combien de fois avaient-ils frôlé la catastrophe ? Combien de fois avaient-ils échappé aux griffes avides de la mort ?

Sans crier gare, la tragédie avait interrompu leur éternelle fuite en avant.

Le chef de tribu, le puissant guerrier, l’homme qu’elle allait épouser n’existait plus. Plus personne ne pouvait rien pour Wulfgar ; plus personne ne changerait le cours des choses.

— Il m’a sauvée, murmura-t-elle.

Bruenor parut ne pas entendre. Il chassa la poussière mêlée aux larmes qui roulaient sur ses joues. Wulfgar avait été comme un fils pour lui. Capturé sur un champ de bataille, l’adolescent avait eu longtemps un statut d’esclave dans le clan Battlehammer. En réalité, Bruenor avait voulu lui montrer une voie meilleure que celle qu’il connaissait. Il avait fait du jeune barbare mal dégrossi un homme fiable d’un caractère intègre et bien trempé. Dans la longue existence du nain, le jour le plus heureux avait été l’annonce des fiançailles de ses enfants.

Il flanqua un coup de pied dans un rocher.

Aegis-fang réapparut.

Le nain sentit ses genoux se dérober à la vue du merveilleux marteau de guerre. Les symboles magiques gravés sur la tête de l’arme concernaient Duma-thoïn, le Gardien des Secrets sous la Montagne. Bruenor inspira profondément, avant de trouver la force de tendre la main.

C’avait été le couronnement de sa carrière de forgeron, l’apothéose de ses considérables talents. Il y avait mis tout son amour, toutes ses compétences. Pour Wulfgar.

Le semi-stoïcisme de Catti-Brie s’écroula comme un château de cartes – telle la voûte sur son fiancé. Prise de tremblements, elle fut aussi secouée de sanglots rentrés.

La voir ainsi rendit des forces à Bruenor. N’était-il pas le huitième roi de Mithril Hall, à ce titre responsable de ses sujets et de sa fille ? Il glissa Aegis-fang à sa ceinture et prit Catti-Brie par les épaules.

— Nous ne pouvons plus rien pour lui, chuchota-t-il.

Elle se libéra et recommença à fouiller le tas de gravats. Quelle absurdité face à des tonnes de décombres ! Mais Catti-Brie était incapable de renoncer.

Il n’y avait plus d’autre espoir.

Doucement, il referma les mains sur ses avant-bras.

La jeune femme se dégagea et continua.

— Non ! s’écria-t-il, la saisissant pour l’entraîner à l’écart.

Il s’interposa entre le monticule et elle.

— Tu ne peux plus rien y faire ! cria-t-il une dizaine de fois, bloquant ses mouvements.

— Il faut que j’essaie ! plaida-t-elle, désespérée. Il secoua la tête, le regard brillant de larmes. Résignée, elle se calma.

— C’est fini. Mon garçon… a choisi son destin. Il s’est sacrifié pour nous. Ne lui fais pas le déshonneur de laisser la douleur t’aveugler face aux dangers.

C’était d’une logique implacable. Les épaules voûtées, Catti-Brie se détourna du cairn de Wulfgar. Bruenor ramassa son bouclier et sa hache, lui entourant les épaules d’un bras.

— Fais-lui tes adieux.

Après quelques instants, ils sortirent de la lugubre caverne. Elle s’arrêta soudain.

— Pointepique et le félin retrouveront leur chemin, dit-il, se méprenant sur la cause de son trouble.

Catti-Brie ne s’inquiétait pas pour la panthère magique, et moins encore pour le fou-de-guerre.

— Et Drizzt ? précisa-t-elle.

— A mon avis, il est vivant. Un Drow m’a demandé où il était. Il leur a échappé. Il s’en tirera mieux que nous, à coup sûr. Guenhwyvar l’a peut-être déjà rejoint.

— Et il a peut-être besoin de nous, ironisa-t-elle, se dégageant de nouveau. Les bras croisés, elle prit une mine résolue.

— Nous rentrons, fillette, décréta son père d’un ton sans réplique. Nous ignorons où peut être Drizzt. Je pense et j’espère qu’il est vivant !

— Veux-tu prendre le risque ? Nous venons de perdre un ami, peut-être deux, si le tueur a achevé Régis. Pour rien au monde je n’abandonnerai Drizzt.

Elle frémit au souvenir du Tartare, un autre plan d’existence où l’elfe noir avait affronté d’indicibles horreurs pour la sauver.

— Tu te souviens du Tartare ? Accablé, le nain cilla et se détourna.

— Je ne renonce pas, insista-t-elle, scrutant le tunnel où avaient disparu leurs agresseurs. Ces maudits elfes noirs ne me feront pas reculer !

Songeant à Wulfgar et à sa fille, Bruenor garda le silence un long moment. Drizzt pouvait être dans les environs, blessé ou sur le point d’être capturé de nouveau. Si les rôles avaient été inversés, le nain savait pertinemment quelle décision l’elfe aurait prise.

Mais il venait de perdre Wulfgar. Comment risquer en plus la vie de Catti-Brie ?

Il lut une détermination inébranlable dans le regard de la jeune femme.

— Voilà bien ma fille, dit-il doucement. Ils prirent la dernière torche et s’enfoncèrent dans les profondeurs.

*
* *

Quiconque n’avait pas grandi dans la pénombre perpétuelle d’Ombre-Terre n’aurait pas noté la subtile altération de l’obscurité, l’infime fraîcheur supplémentaire de l’air. Pour Drizzt, cela équivalait à une gifle. Serrant Régis contre lui, il accéléra le pas.

— Que se passe-t-il ? demanda le petit homme terrifié, s’attendant à voir surgir Artemis Entreri d’une seconde à l’autre.

Ils passèrent devant un tunnel légèrement ascendant. Drizzt hésita. Son sens de l’orientation lui criait de l’emprunter. Pourtant, il continua, à la recherche d’une sortie à ciel ouvert.

Après un détour, une bouffée de vent caressa leur visage. Plus loin, ils virent la voûte étoilée et des montagnes se profiler à l’horizon !

Le soupir de soulagement que poussa Régis exprimait fort bien le sentiment de son compagnon. En émergeant à l’air libre, tous deux furent éblouis par le merveilleux paysage nocturne, et l’indicible beauté de la terre sous les étoiles, si différente des nuits éteintes d’Ombre-Terre. Le vent avait la vigueur d’une entité vivante.

Juchés sur une corniche, aux deux tiers d’une falaise, ils découvrirent une sente étroite et sinueuses. Les chances d’atteindre le sol par cette voie étaient faibles.

Drizzt étudia à-pic. Seul, il parviendrait à descendre. Avec Régis, c’était une autre paire de manches. S’aventurer en terrain inconnu ne l’enchantait pas davantage. Combien de temps faudrait-il pour rejoindre Mithril Hall ?

Ses amis étaient en difficulté.

— Le Val du Gardien est par là, au nord-ouest, dit Régis, plein d’espoir.

— Nous devons rebrousser chemin. Le petit homme ne discuta pas. Dans son état, jamais il n’aurait réussi à descendre.

— Bien joué, dit la voix d’Artemis Entreri au-dessus d’eux.

Sa silhouette sombre se découpa dans la pénombre ; les joyaux de sa dague brillaient avec autant d’éclat que ses yeux rouges.

— Je savais que vous aboutiriez ici. J’étais sûr, Drizzt, que tu sentirais l’air de la montagne.

— Est-ce toi ou moi que tu félicites ? s’enquit le ranger.

— Les deux ! Le tunnel qui t’intéressait te ramènera en effet aux niveaux supérieurs, et à tes amis. Morts, sans aucun doute.

Drizzt ne mordit pas à l’hameçon. Il refusa de laisser la colère lui dicter ses actes.

— Mais ce conduit t’est inaccessible, n’est-ce pas ?

Seul, tu me distancerais aisément. Tant pis pour le blessé ! Songes-y, Drizzt Do’Urden. Lâche Régis et libère-toi ! ( L’elfe ne lui fit pas l’honneur d’une réponse. ) A ta place, je n’hésiterais pas, insista le tueur.

Avec un gémissement d’angoisse, le petit homme se pressa contre le flanc du Drow.

Drizzt s’efforça de ne pas imaginer ce qu’il avait pu subir entre les griffes du tueur.

— Tu ne l’abandonneras pas, n’est-ce pas ? C’est toute la différence entre nous. Pour toi, une force ; pour moi, une faiblesse. ( II tira son épée du fourreau, jetant des éclats aiguë-marine dans la nuit. ) Passons aux choses sérieuses. Aimes-tu le terrain que j’ai choisi ? La seule échappatoire est le tunnel qui se trouve derrière moi. Notre destin va se jouer ici. C’est un duel à mort, cette fois !

Drizzt sentit une chaleur familière monter dans sa poitrine, puis enfiévrer son regard. Dans un coin secret de son âme et de son cœur, il voulait ce duel, afin de prouver qu’Entreri se trompait sur toute la ligne, que son existence n’était que néant.

Pourtant, eût-il eu le choix qu’il aurait refusé le combat. Ses desiderata n’étaient pas une raison suffisante pour décider d’un duel à mort. La vie de ses amis étant en jeu, Drizzt n’avait plus le choix.

Ajustant sa vision à l’environnement, il se mit en garde.

Etincelle porta le premier coup contre la lame de l’assassin, pour la troisième fois en quelques heures. Les deux adversaires étaient résolus à ce que ce soit la dernière.

Dans une arène peu orthodoxe, les duellistes explorèrent leur espace avec soin. La corniche allait en se rétrécissant derrière l’elfe et derrière son adversaire.

Ils décrivirent un cercle, Entreri longeant sans peur le précipice. Le duel durerait au moins une heure avant que l’un ou l’autre l’emporte. Que cherchait l’humain ? Espérait-il que Vierna et ses cohortes fassent de nouveau irruption ?

Combien Drizzt et Régis seraient vulnérables, avec un abîme sous leurs pieds et nul endroit où se réfugier !

Le tueur attaqua ; l’elfe para à la perfection. L’humain imita les mouvements de son adversaire observés lors de leurs deux précédentes rencontres. Comment avait-il pu apprendre si vite des manœuvres si audacieuses et complexes ? Mais Drizzt en était le concepteur ; il savait comment les neutraliser.

A son tour, il entra en action. Les lames s’entrecroisaient, envoyant des étincelles valser dans la nuit.

Pour Régis, un observateur impuissant, et les créatures nocturnes de la région, l’étonnante danse était indescriptible… Le crissement des lames devint une symphonie, myriade de petites notes accompagnant l’évolution synchrone des duellistes.

Étrange harmonie pourtant que celle qui unissait deux ennemis aussi acharnés.

Ils firent halte. II n’y aurait aucune fin à pareil menuet, car ils étaient les deux poids d’une même balance.

Entreri éclata de rire. L’aube risquait de les surprendre ainsi. De cette façon, ils ne résoudraient rien.

Drizzt n’avait pas envie de rire. Sa soif de combattre s’était volatilisée.

Restait le poids des responsabilités.

Le tueur revint à la charge, testant ses défenses en une succession de feintes.

Puis Entreri brisa la mélodie d’un estoc particulièrement vicieux.

La garde d’Etincelle bloqua la lame du tueur à un pouce de la gorge du Drow. Grimaçant, l’humain força.

La lame ne bougea pas d’un centimètre.

D’une flexion du poignet, Drizzt écarta les deux armes. Sage, l’humain s’éloigna d’un bond et rongea son frein.

— Je t’ai presque eu, ricana-t-il.

Drizzt conserva une immobilité de pierre. Son imagination lui faisait entrevoir mille morts pour ses amis.

Le responsable se tenait devant lui.

Il fit jouer ses cimeterres, chaque cliquetis reléguant ses émotions à l’arrière-plan pour exacerber ses sens de guerrier.

Estocs, tailles, feintes et parades s’enchaînèrent à une allure vertigineuse. La perfection était le mot qui s’imposait à chaque passe d’armes. Ni l’un ni l’autre ne croisait le regard ou ne fixait leurs mains. Ils n’avaient pas besoin de ça pour sentir. Le rythme s’accélérait. Doués d’une même excellence, ni l’elfe ni l’humain ne perdait pied.

Leur corps suivait le tourbillon des poignets et du fer.

Drizzt imaginait les deux jeunes gens aux mains de Vierna, Wulfgar mourant, une lame drow sous la gorge. L’étrange pyrée funéraire du barbare refusait de quitter son esprit. Cessant de lutter contre ses visions, le ranger laissa ses pires craintes attiser sa passion. L’absence de haine n’était-elle pas tout ce qui le séparait de l’humain ?

La précision, le calcul, le contrôle de soi et une concentration absolue étaient les dieux d’Entreri.

Sous l’éclat du firmament, le Drow, regard enfiévré, se rua surl’ennemi.

L’assassin fit des prodiges pour tenir ses cimeterres en respect.

— Libère ta rage ! railla-t-il. Renonce à ta discipline !

Cet homme ne comprenait rien !

Drizzt s’acharna, Etincelle devenue la vibrante extension de sa colère.

Cet assaut apparemment dicté par une folie vengeresse contraignit le tueur à se mettre sur la défensive. Une vingtaine de cliquetis métalliques déchirèrent la nuit.

Entreri n’avait pas anticipé pareille audace. Qu’il libère une lame une seconde, et Drizzt était à lui.

Mais le furieux assaut mené à une vitesse inhumaine ne lui laissa aucun répit.

Aux Neuf Enfers ma sécurité ! songea Drizzt.

Il devait l’emporter coûte que coûte.

Assourdi par le bruit de l’acier, Régis pressa les mains sur les oreilles. Malgré sa terreur, il ne pouvait détourner le regard d’un tel duel. Ils auraient déjà dû basculer dans le vide ! Combien de fois avait-il cru voir une lame mordre la chair ennemie !

Avec un cri de triomphe, Entreri plongea sa dague vers le ventre un instant exposé du Drow. A une vitesse incroyable, Etincelle s’abattit sur son avant-bras.

Drizzt n’avait pas l’amplitude nécessaire pour tuer son adversaire. Mais de la garde du cimeterre, il le frappa en pleine face.

Il exploita son avantage, obligeant Entreri à reculer jusqu’à l’extrême bord du gouffre. Coincé, le tueur riposta avec furie.

Drizzt avait basculé dans une rage incoercible ; ses instincts guerriers avaient pris le relais de sa raison. Mais la tension, trop forte, jouait contre sa musculature. Son rythme s’en ressentit.

— Je suis le meilleur ! cria Entreri.

L’attaque suivante faillit le prouver : cinglant l’air, il poussa Drizzt jusqu’à l’extrême bord de la corniche.

Pour maintenir son équilibre, l’elfe plia un genou. De très loin, il entendit le cri d’horreur de Régis.

Entreri aurait pu en profiter pour lancer sa dague. Mais il pouvait presque goûter sa victoire. Il n’aurait pas de meilleure occasion. Sous l’assaut suivant Drizzt sembla glisser encore.

Recourant à son héritage, il invoqua une sphère de ténèbres. Puis il roula de côté et se releva près de Régis.

Chose incroyable, Entreri se dressa devant lui.

— Tu ne m’auras pas avec tes tours de passe-passe, Drow, siffla-t-il.

Un instant, Drizzt eut la vertigineuse tentation de laisser la montagne l’emporter vers le néant. Cet instant de faiblesse passé, son caractère indomptable redonna du ressort à ses bras fatigués.

Mais Drizzt glissa soudain et dut lâcher un cimeterre pour se rattraper.

Etincelle roula sur les pierres puis sombra dans le gouffre.

La lame restante para le coup terrible de l’humain. Un cri sauvage aux lèvres, Entreri repartit de plus belle à l’assaut.

Les yeux ronds, Drizzt sut qu’il ne parerait pas cet estoc.

Il était perdu !

Ne cherchant pas à bloquer la botte fatale, il plia un genou pour effectuer une nouvelle roulade. La lame frôla ses côtes. Drizzt se jeta sur l’humain, le heurtant à la cheville et à l’arrière des genoux.

Entreri comprit trop tard la manœuvre. Sa soif de sang signait sa défaite.

Sa musculature tétanisée, il se sentit basculer. Vif comme le cobra, il cloua son épée dans le pied du Drow.

Encore en équilibre précaire, Drizzt se sentit glisser.

Serrant son second cimeterre, il réussit à bloquer sa garde dans une anfractuosité et trouva une prise de son autre main.

Sa glissade fut stoppée. Suspendu à son pied, Entreri glissait inexorablement. Drizzt crut défaillir de souffrance. Se débattant dans le vide, il se raccrochait de toutes ses forces à la garde de
l’épée, frêle et macabre ligne de sauvetage.

Entreri cessa de se débattre.

Deux cents pieds de vide béaient sous lui.

— Ce n’est pas une victoire digne de ce nom ! cria-t-il, désespéré. Ce duel n’a plus de sens ! Il te déshonore !

Drizzt revit Catti-Brie en esprit ; un étrange pressentiment le taraudait.

— Tu n’as pas gagné ! insista le tueur.

L’elfe laissa son regard enfiévré parler pour lui. Mâchoires crispées, il ignora la douleur pour savourer chaque délicieux instant où les doigts d’ Entreri glissaient irrémédiablement de sa cheville.

Quand le tueur eut lâché prise, il tomba, avalé par la noirceur du gouffre.

Les plaintes lugubres du vent étouffèrent ses cris.