img1.png

 

Chapitre 15

Vingt minutes plus tard, ils se trouvaient le long de la côte sous le vent de Great Sacred Island, au large du cap nord de Terre-Neuve. Chacun retira sa combinaison de survie pour la confier à lhomme déquipage, qui allait rester à proximité du Zodiac. Lîle faisait environ un kilomètre de long sur cinq cents mètres de large. La roche nue était entrecoupée de marais et de prairies. À plusieurs endroits, elle sélevait pour former de petits sommets, que Jack entreprit dobserver avec une paire de jumelles légères.

— Une chasse au trésor, jadore ! sexclama Costas, soupirant de joie alors quil enfilait ses chaussures de marche.

— Pas de gadgets sophistiqués, cette fois, lui fît remarquer Jack en posant les jumelles pour lacer ses chaussures à son tour. La géophysique est inutile sur ce genre de terrain et ne nous serait daucun secours. Ouvre ton œil bionique. De toute façon, cest le seul moyen de trouver un trésor.

— Alors, quest-ce quon cherche ?

— Quelque chose qui se trouve sur le point le plus élevé de lîle, du côté de la mer. Mais je nen sais pas plus que toi. Un cairn peut-être, ou des pierres étalées sur le sol de façon trop régulière et qui pourraient être tombées dune pile. Mais si la balise était en bois, comme la quille évoquée dans la saga, nos chances seront dautant plus réduites.

Les trois hommes se dispersèrent sur une zone dune vingtaine de mètres et commencèrent leur ascension vers le centre de lîle. Jack était au milieu. Le terrain nétait pas difficile à traverser, mais cétait un mélange étrange de roche nue et de rigoles boueuses qui lui rappelait sa promenade avec OConnor et Maria sur lîle dIona quelques jours auparavant. Après avoir gravi le premier petit sommet, Costas sarrêta brusquement, les yeux baissés vers le sol. Jack, qui sen était aperçu, se tourna vers lui.

— Tu as trouvé quelque chose ? demanda-t-il.

— Non, je me pose des questions sur les Vikings de Harald.

— Je técoute, dit Jack en lui prêtant une oreille attentive.

— Pas de femmes. À part celle de Harald, qui nétait de toute évidence pas accessible aux autres.

— Cest ce qua dit Maria. Mais noublie pas quils navaient pas lintention détablir une colonie. Dans leur esprit, ils allaient dune bataille à lautre, la dernière. Tout ce quils trouvaient sur leur chemin était bon à prendre, mais ils avaient un objectif plus noble. Et puis, ils étaient en piteux état.

— Est-ce que tu tinquiètes pour elle ? Je veux dire pour Maria ?

Jack garda le silence un instant avant de répondre.

— Elle sait prendre soin delle. Cest OConnor qui est en danger.

Un peu plus de deux heures après, ils avaient passé toute lîle au peigne fin sans trouver le moindre indice. Jack avait perdu de vue ses deux compagnons et errait le long de lestran rocheux de la côte ouest de lîle. Son esprit commençait à vagabonder et le souvenir de ses rêves agités de la nuit précédente revenait le hanter. Pour la première fois, il se demanda sils nétaient pas arrivés au bout du chemin. Pour les archéologues qui avaient suivi les traces des Vikings avant eux, ce site morne et inhospitalier avait été une véritable récompense. À LAnse aux Meadows, leuphorie du triomphe avait rendu le moindre fragment de vestiges aussi précieux que le trésor de Toutankhamon. Mais la piste nallait pas plus loin. On navait rien trouvé à louest ni au sud, aucune preuve dexploration ni de la présence dun établissement viking.

Jack saccroupit sur lestran, prit un galet plat et le lança à la surface de leau en comptant les ricochets jusquà ce quil disparaisse. Peut-être cet endroit était-il vraiment le bout du monde des Vikings, la frontière de lau-delà. Peut-être était-ce là que Harald et ses hommes avaient trouvé le Ragnarok et livré la bataille mystique de la fin des temps. Sur lîle dIona, Jack sétait senti extraordinairement proche de Harald, comme si celui-ci lavait accompagné depuis lau-delà, tel un compagnon spirituel. Maria lui avait dit que, selon la tradition norroise, les hommes partant à laventure suivaient les traces de leurs ancêtres, qui les guidaient depuis le monde des esprits. Il avait eu limpression dêtre attiré ici par une présence à ses côtés. Mais désormais, il se sentait abandonné, aveuglé par une brume dincertitude, ne sachant plus où aller.

Peut-être était-ce précisément ce que Harald avait éprouvé à ce stade. Jack repensa à la carte, au navire pris dans la glace, à la grande hache de guerre de Halfdan. Il navait pas rêvé. Tout cela était bien réel. Il devait bien y avoir autre chose. Il posa les mains contre la roche dure de lîle dans lespoir quelle lui livre ses secrets. Il pensa de nouveau à la hache, censée porter chance au combattant. Puis il se leva et retourna résolument vers les sommets de lîle. Il repéra ses compagnons sur un rocher plat, près de la côte est. Il les rejoignit en quelques minutes et leur tendit sa bouteille deau avant davaler lui-même une gorgée.

— Il nous reste une heure jusquà ce que la marée descendante nous oblige à quitter les lieux. Des suggestions ?

— Eh bien, dit Jeremy, je disais justement à Costas quil y a quelque chose qui me tracasse sur cette carte.

Il prit la carte de Richard de Haldingham, la posa sur le rocher et sassit pour lexaminer une nouvelle fois, les mains croisées sur la tête. Soudain, il bondit en jubilant.

— Quel imbécile je fais ! sexclama-t-il. Je vous ai dit que Richard était très méticuleux. Regardez bien ce croquis. Ce nest pas une croix. Cest le symbole viking du marteau de Thor, une hampe avec deux bras se rejoignant au sommet.

— Génial ! sécria Costas avec ironie. Et en quoi cela va-t-il nous aider ?

— Imaginons que les Vikings aient trouvé un rocher de cette forme. Cest là quils auraient érigé leur cairn. Si ce nétait pas le meilleur endroit pour placer une balise, ignorer ce rocher aurait été un affront à Thor.

— Il est là ! sexclama Costas. Sous nos pieds !

Baissant les yeux, ils constatèrent que le rocher plat sur lequel ils se trouvaient avait une forme étrangement régulière. Ils ne sen étaient pas rendu compte mais, en tournant autour, ils virent que, sous un certain angle, il ressemblait clairement au marteau de Thor.

— Bon ! reprit Jeremy au comble de lexcitation. Il doit y avoir des inscriptions, probablement des runes. Regardez sous toutes les parties en surplomb, là où on peut cacher quelque chose.

Il se pencha sous le rocher plat et commença à examiner attentivement le granit érodé. Après seulement quelques secondes, il passa brusquement la tête sous une partie saillante et poussa un cri de joie. Jack se précipita à ses côtés et Jeremy lui prit la main pour la poser à plat sur la roche.

— Tu sens ?

Jack, qui avait glissé les doigts le long de la surface rugueuse et humide, sentit des entailles linéaires qui se rejoignaient.

— Oui !

— Tu as une torche ?

Costas sapprocha et tendit une Mini Maglite à Jeremy. Celui-ci saccroupit sous le surplomb et orienta la lampe vers la roche.

— Deux runes, annonça-t-il. La première est la troisième rune du futhark norrois, qui correspond au th anglais. Étant donné quil ny en a que deux, ce ne sont sans doute pas les lettres dun mot. Mieux vaut sintéresser à la valeur symbolique de chacune. Celle-ci symbolise laigle.

— Laigle ! sécria Jack. Il pourrait sagir dune référence au navire de Harald.

— La seconde est juste à côté, précisa Jeremy. Tu ferais mieux de venir voir toi-même.

Il sortit en donnant la lampe à son compagnon, qui saccroupit à sa place sous le rocher. Dans la lumière de la torche, Jack découvrit le symbole à sept branches de la menora. Stupéfait, il pouvait à peine respirer. Il narrivait pas à y croire. Harald Hardrada avait dû se trouver à cet endroit précis et regarder les inscriptions que ses hommes avaient gravées dans la pierre. Peut-être avait-il été la dernière personne à les voir. En voyant la roche écorchée de runes anciennes, Jack pensa aux pierres sculptées quil avait admirées deux jours auparavant sur lîle dIona. Cependant, il navait jamais vu le symbole de la menora ailleurs que sur larc de Titus, à Rome. Cette découverte semblait remettre en question tous les paramètres conventionnels de lhistoire. Cétait ahurissant. Il ferma les yeux un instant pour se rappeler quil se trouvait à des milliers de kilomètres de lîle dIona et de Rome, de lautre côté de lAtlantique.

Il sortit avec un large sourire aux lèvres et donna à Jeremy une tape dans le dos en lui serrant la main.

— Parfait ! sécria-t-il. Absolument parfait. Félicitations, Jeremy !

— Alors, que signifient ces runes ? demanda Costas.

— LAigle, le drakkar, et le symbole du trésor de Harald, répondit Jack.

— Harald est passé par ici.

— Quelque chose comme ça.

— Alors cétait vrai, dit Jeremy en se laissant tomber dans lherbe à côté du rocher, fou de joie mais épuisé. Il faut réécrire tous les livres dhistoire. Le Vinland nétait pas un vague avant-poste, mais une terre foulée par le plus grand roi de lépoque des Vikings.

— Et celui-ci ne sest pas arrêté là, murmura Jack.

— Que sest-il passé ici ? demanda Costas en regardant dun air sombre la côte, qui commençait à être éclaboussée par la pluie. Si ce trou perdu était un tel paradis pour les Norrois, pourquoi Harald nest-il pas resté ?

— Les Norrois croyaient au monde des esprits, répondit Jeremy. La frontière entre leur monde et celui des esprits nétait pas étanche et pouvait être facilement franchie. Le dieu loup, le dieu aigle et le dieu du mal, Loki, ou nimporte quelle autre divinité, pouvaient apparaître dans le monde des hommes sous différentes formes à ceux qui avaient le seid, une sorte de sixième sens. Les esprits des morts hantaient certains endroits. Peut-être Harald et ses hommes ont-ils senti ici une présence maléfique.

— Inutile davoir un sixième sens, déclara Costas. Même après un demi-siècle, les squelettes des morts devaient toujours être là, surtout si les premiers Vikings avaient été bloqués à lintérieur dune hutte.

— Les hommes de Harald ont dû se sentir obligés de recueillir les ossements et de les incinérer, puis de brûler et denterrer tout le reste, affirma Jeremy. Et les runes avaient sans doute un double sens, un pouvoir magique susceptible de tenir les esprits malins à lécart et de protéger Harald et les siens. Elles constituaient un galdrastafr, un couplet dincantation.

Il se leva et tendit la main sous le surplomb pour passer les doigts sur les runes sculptées dans la pierre.

— Une rune pouvait représenter un bec daigle, une dent de loup ou le marteau de Thor, poursuivit-il.

— Ou la menora, ajouta Jack.

— Plus je la vois, plus je me dis que cette menora est devenue le symbole de Harald lui-même, non seulement lemblème de son exploit et de sa réussite, mais aussi une sorte de talisman, un objet intimement lié à sa propre destinée.

— La survie du roi viking à Stamford Bridge a dû être considérée comme un miracle, fit remarquer Jack. En tant que guerrier, Harald espérait sans doute une mort glorieuse sur le champ de bataille mais, ayant été épargné, il a peut-être pensé quune plus grande bataille lattendait. Dans leur état, ses hommes et lui avaient probablement déjà franchi la frontière du monde des esprits et prenaient ce quils voyaient pour des présages de leur destinée à la dernière bataille du Ragnarok.

— Souvenez-vous de ce qua dit le père OConnor, rappela Jeremy. Les Norrois croyaient en la prédestination. Ils pensaient que leur destin était écrit depuis leur naissance. Peut-être Harald a-t-il eu envie daller de lavant parce quil avait le sentiment que son heure nétait pas arrivée. Il navait pas encore connu le plus grand des triomphes, une mort digne dun héros viking.

— Bon, les gars, je suis perdu, avoua Costas. Tout ce que je veux savoir, cest où il est allé ensuite.

Jack abonda dans son sens et reprit son raisonnement de manière plus concrète.

— Eh bien, ici, ses hommes et lui ont pu faire le plein deau et de nourriture ainsi que des réparations sur leur bateau. Dans les années 1960, les archéologues ont découvert une forge primitive où de la limonite avait été fondue pour faire des rivets. Quant aux morceaux de bois trouvés près de lestran, ils provenaient peut-être de travaux effectués sur la coque du navire de Harald.

— Et ensuite ? Est ou sud ?

— À louest, du côté du golfe du Saint-Laurent, il aurait fallu remonter le courant du fleuve, précisa Jeremy. Et puis en allant encore plus loin dans cette direction, les Vikings auraient eu peur datteindre le bout du monde et de tomber dans le Ginnungagap, le grand Vide.

— Ils nauraient pas eu la fin glorieuse quils espéraient, en conclut Costas. Alors, le sud ?

Jack acquiesça et se retourna pour saccroupir contre le rocher et sortir un ordinateur de poche de son sac à dos.

— À mon tour de mexcuser de vous avoir caché quelque chose, annonça-t-il en levant les yeux vers Jeremy. Jai une longueur davance sur vous.

Il déploya lécran, alluma lordinateur devant Costas et Jeremy, qui sétaient eux aussi accroupis à côté de lui. Quelques secondes plus tard, une image isométrique représentant un drakkar viking apparut à lécran.

— Lanowski ma envoyé ce document par e-mail hier soir, tard dans la soirée, pendant que vous dormiez déjà tous les deux, expliqua Jack. Cest une image en 3D du drakkar pris dans la glace, générée à partir des données photogrammétriques que nous avons recueillies dans liceberg. Si lon part du principe que le Loup et lAigle étaient construits sur le même modèle, cela nous donne une idée assez précise de ce à quoi ressemblait le bateau qui a transporté Harald et ses hommes jusquau Vinland.

Il fit défiler limage pour afficher différentes vues isométriques et zooma sur plusieurs détails. Cétait un navire élégant, à large barrot, avec poupe et proue symétriques, doté dun seul mât et dune voile carrée. Les virures de la coque étaient constituées de planches qui se chevauchaient, assemblées par des rivets et des clous. La quille, dont les planches formaient un angle aigu, était grande et devait limiter efficacement la dérive latérale. Un aviron de gouverne était posé sur un bossage saillant et le plat-bord surmontait une série de tolets régulièrement espacés. Lanowski avait omis la superbe sculpture qui ornait létrave mais, à larrière, flottait un drapeau blanc qui, vu de près, savéra arborer le logo de lUMI et une minuscule reproduction du chandelier à sept branches.

— Ça alors ! murmura Costas. Finalement, ce type a un certain sens de lhumour.

— Après avoir hiverné près du fjord glacé, Harald et ses hommes ont sans doute été contraints de remettre leur bateau en état avant de piquer vers le sud, conjectura Jack. Noublions pas quil sagissait dun vénérable navire pour lépoque. Cétait celui à bord duquel Harald avait fui Constantinople, près de trente ans auparavant. Il y avait certainement beaucoup de travaux à effectuer pour quil puisse reprendre la mer après avoir survécu au trajet depuis lîle dIona et passé tout lhiver sur la glace.

— Cétait à quelle époque de lannée ?

— Les paléoclimatologues de léquipe de Macleod se sont intéressés de près aux carottes de glace prélevées dans liceberg là où se trouvait le navire. Apparemment lhiver 1066-1067, particulièrement rude au Groenland, annonçait la petite période glaciaire du Moyen Âge. Le détroit de Davis a sans doute été obstrué par la glace flottante jusquau mois de mai ou même jusquau début du mois de juin.

— Lorsquils ont décidé de consolider un des navires, lAigle, ils ont pu utiliser le bois de lautre pour procéder aux réparations nécessaires.

— Cest exactement ce que Lanowski a découvert en examinant les photos. Des traverses et même une partie de la quille ont été retirées à larrière du navire.

— Et les matériaux de calfatage ?

— Pour survivre en plein hiver, il a fallu quils chassent et quils pèchent à travers la glace. Je suis persuadé quils étaient accompagnés de Norrois du Groenland, quils avaient pris à leur bord à la colonie occidentale. Ceux-ci ont dû non seulement leur servir de guides mais aussi leur apprendre à enduire le bois de blanc de phoque pour le protéger contre les tarets et à fabriquer des cordages avec de la peau de morse.

— Et ils ont dû leur dire que ce nétait pas la peine daller vers le nord.

— En théorie, expliqua Jeremy, les Vikings auraient pu franchir le passage du Nord-Ouest et traverser lArctique jusquau détroit de Béring, mais rien ne prouve quils soient jamais allés à louest de la mer de Baffin. Quelques artefacts norrois ont été trouvés sur des sites inuits de lîle dEllesmere, au bord de la calotte glaciaire polaire, mais ils ont probablement été ramassés par des chasseurs inuits dans des épaves ou des campements norrois abandonnés au Groenland. Lors de la funeste expédition de Franklin pour trouver le passage du Nord-Ouest, en 1845, de nombreux objets ont également été dispersés au sein dune autre culture.

— Tout cela fait froid dans le dos, murmura Costas. Où que nous allions, il semble que nous suivions les traces des Vikings et, pourtant, cest comme sils navaient jamais vraiment été là. Je crois que je vais commencer à croire au monde des esprits, moi aussi.

Jack se retourna en direction du site de LAnse aux Meadows. Il imaginait le navire viking, voile ferlée, tiré à sec sur le rivage.

— Tu peux être sûr quils ont été là. Et noublie pas le drakkar pris dans la glace.

— Alors on peut considérer quils sont arrivés ici, disons, fin juin 1067 ? demanda Jeremy.

— Oui, répondit Jack. À ce moment-là, la glace flottante avait disparu et le temps était plus clément. Ils ont donc pu traverser assez facilement le détroit de Davis depuis Ilulissat et longer la côte de la terre de Baffin et du Labrador pour arriver jusquici en suivant litinéraire que leur avaient indiqué les Groenlandais. Ils ont dû être entourés dicebergs, mais peut-être ont-ils eu recours à quelques rameurs expérimentés pour de courtes distances afin déviter le danger. Il est très possible quils aient bénéficié dun vent favorable et régulier tout au long de leur périple, derrière eux ou par la hanche. Avec une structure assez souple pour tanguer sur les vagues et un franc-bord suffisamment élevé pour que la coque ne coule pas sous le poids du givrage, un navire comme celui-ci a dû pouvoir étaler les tempêtes, même par mer agitée. De plus, les Norrois étaient dexcellents navigateurs. Ils possédaient une sorte de pierre de soleil, une variété de feldspath aux propriétés réfringentes qui accrochait la lumière polarisée par temps couvert et indiquait lemplacement du soleil. Mais ils se fiaient surtout à leurs sens, à leur parfaite connaissance de la mer et des étoiles. Si Harald a été aveuglé par le brouillard qui voile constamment la côte, il a dû poursuivre sa route en suivant lodeur de la terre, la fragrance des forêts de pins.

— Et tu crois vraiment que le Vinland était leur Terre promise ? demanda Costas en regardant la côte dun air perplexe. Pour moi, ce nest quun territoire désolé.

— Mais pas pour les premiers Vikings qui sont arrivés ici, répliqua Jack. Cette terre offrait tous les ingrédients dune vie heureuse.

Il sinterrompit pour regarder pensivement en direction de lancien site viking.

— Mais à lépoque de Harald, cet horizon avait été obscurci entre-temps par les crimes effroyables de Freydis. Les Groenlandais devaient le savoir et peut-être ont-ils même conseillé à Harald de garder ses distances. Un demi-siècle après les événements décrits dans les sagas, le Vinland avait probablement acquis une sinistre réputation. On pouvait y aller, mais on en revenait rarement. Robustes aventuriers, les Norrois nen étaient pas moins superstitieux et, pour eux, cétait une terre maudite. Ils nont pas dû avoir envie de sy attarder.

— Sans parler des Skraelings.

— Exact. Traditionnellement, léquipage dun drakkar comptait une trentaine dhommes et, à ce stade, il est probable que celui de Harald ait été beaucoup moins important, peut-être même réduit de moitié. Les Norrois du Groenland avaient dû parler des Skraelings au roi viking. Provoquer le moindre affrontement aurait été suicidaire. Harald et ses hommes se sont sans doute glissés dans cette baie discrètement. Ils ont pris le bois et le fer dont ils avaient besoin, extrait de la résine de pin pour le calfatage, tué quelques cerfs pour les peaux et la venaison, et fait le plein de poisson, de viande et de fruits sauvages. Leur dernier geste a peut-être été de brûler et de raser leur campement. Puis ils ont fait un arrêt sur cette île pour laisser une trace de leur passage avant de quitter Leifsbùôir pour toujours.

— Et mettre le cap au sud.

— Ils ont dû longer la côte de Terre-Neuve, de la Nouvelle-Écosse et peut-être même celle des États-Unis.

Tu te souviens du logiciel de simulation que Mustafa avait utilisé pour reconstituer lexode de la mer Noire, la progression journalière des réfugiés de lAtlantide ? Jai demandé à Lanowski de sen servir pour évaluer la progression potentielle dun navire viking le long de ces côtes en prenant en compte tout ce que nous savons sur le drakkar, la saison et les conditions météorologiques au XIe siècle. Le capitaine de la Seaquest II, qui est canadien, connaît ces eaux comme sa poche. Il a également apporté une contribution inestimable. Ensemble, ils ont calculé la progression des Vikings en dœgr, cest-à-dire en courses. Le courant du Labrador et le vent leur étant favorables, Harald et ses hommes ont dû naviguer rapidement vers le sud. En trois semaines, ils ont pu descendre jusquà la pointe de la Floride et arriver dans les Caraïbes.

— Les Caraïbes ? murmura Costas. Incroyable !

— Simple hypothèse. Où quils aient pu aller, il a fallu quils fassent escale quelque part pour faire le plein deau et de nourriture, disons une semaine ou dix jours après être partis. Sils ont de nouveau été confrontés à des indigènes, ils nont pas dû vouloir sattarder. Et une semaine ou dix jours plus tard, ils se trouvaient à hauteur de la Géorgie et de la Floride. Le littoral, avec sa végétation tropicale et ses broussailles touffues, a dû leur sembler de plus en plus inhospitalier. Mais il leur aurait été difficile de faire demi-tour, de naviguer contre le courant et le vent avec une seule voile et trop peu dhommes en état de ramer pendant des heures. En désespoir de cause, peut-être ont-ils poursuivi leur route vers le sud. Ce ne sont là que conjectures bien sûr, mais ils ont pu traverser les Cayes de Floride et arriver dans les Caraïbes. Si cest le cas, les vents dominants ont pu les pousser vers le sud-ouest, jusquen Amérique centrale.

— Cela fait un sacré bout de chemin depuis Constantinople !

Jack se rappela soudain les jours merveilleux quil avait passés à Istanbul avec Katya six mois auparavant. Plongés dans le passé labyrinthique de la ville, ils avaient beaucoup parlé des détours de lhistoire, qui pouvaient mener aux découvertes les plus extraordinaires. Lespace dun instant, il éprouva une pointe de regret mais fut rapidement submergé par un enthousiasme débordant.

— Cest sûr ! Mais regarde où nous nous trouvons. Nous sommes déjà loin du pays des Norrois. La présence des Vikings à LAnse aux Meadows a été attestée et corroborée par la recherche archéologique. Tout est possible.

— Rendus à moitié fous par la soif et lépuisement, les hommes souffraient encore de leurs blessures de Stamford Bridge, murmura Jeremy. Quel étrange tableau ! Terrifiés mais euphoriques, ils devaient craindre de tomber au-delà du bout du monde à tout instant mais se rapprochaient chaque jour du Ragnarok, de la bataille lors de laquelle ils rejoindraient Odin et Thor, armés pour la dernière fois de leurs grandes haches de guerre. Pour nous, les tropiques sont anodins mais, pour les Vikings, ils devaient représenter les enfers et revêtir une aura de mystère les rapprochant de plus en plus de leur destin.

Costas se leva et regarda vers lhorizon nord-est, en direction de la côte du Labrador et de lAtlantique. Les nuages saccumulaient et le littoral commençait à disparaître sous un linceul de brume. Soudain, Costas montra du doigt une forme blanche qui apparaissait par intermittence à travers la brume sur la ligne dhorizon.

— Cest la Seaquest II ! sécria-t-il. Et le Lynx est en route.

Jack se tourna vers la mer. Il avait mis sa réputation en jeu en persuadant Macleod dinterrompre son projet dans le fjord glacé et de mettre le cap au sud pour les rejoindre et aller encore plus loin que LAnse aux Meadows. Habituellement, il nexerçait jamais la moindre autorité sur ses collègues des autres départements de lUMI et, par chance, Macleod sintéressait authentiquement à larchéologie depuis quil lavait fait venir à Ilulissat. Mais à lapproche de lété, il allait devenir de plus en plus difficile dextraire des carottes de glace et il y avait eu une vague de mécontentement parmi les scientifiques invités à participer au projet. Jack se mordit les lèvres. Pendant quelques minutes, il regarda le Lynx entrer dans la baie avec un bruit retentissant. Lhélicoptère simmobilisa dans les airs, avant de se poser sur ses flotteurs dans les bas-fonds, à proximité du Zodiac. Une fois le moteur arrêté, Ben et Andy, coiffés dun casque, sautèrent dans leau et se dirigèrent vers les deux hommes de la Garde côtière canadienne pour les saluer.

— Où va-t-on maintenant ? demanda Costas. Les possibilités sont infinies.

— Il nous faut une piste, répondit Jack les sourcils froncés. Jespérais quon trouverait autre chose, un petit indice. Mais au moins personne dautre ne pourra aller plus loin. Autrement dit, je peux donner le feu vert au père OConnor pour quil révèle laffaire à la presse et à Interpol. Maria et lui doivent avoir fini de monter le dossier contre le félag et il ny a rien ici qui nous oblige à attendre plus longtemps. Tant que nous avions des chances de découvrir la menora, OConnor voulait avant tout que nous arrivions les premiers pour quelle ne tombe pas entre de mauvaises mains. Mais maintenant, nous devons tout faire pour arrêter ce Loki. La vie du père OConnor en dépend peut-être.

— Je préfère ne pas être là quand tu diras à Macleod de faire demi-tour pour retourner au fjord glacé, dit Costas.

Il saccroupit pour resserrer les lacets de ses chaussures et sadossa contre une butte verdoyante, sous le rocher plat. Tout à coup, Jack et Jeremy entendirent un grand fracas en même temps quun chapelet de jurons grecs. Ils ne voyaient plus que les chaussures de Costas émergeant dun monticule de tourbe.

— Ça va ? demanda Jack en regardant avec inquiétude dans le trou noir qui sétait formé sous le rocher.

Aidé de Jeremy, il se mit à extraire la tourbe et les pierres qui coinçaient les jambes de Costas.

— Ma fierté en a pris un coup, cest tout, répondit la voix étouffée. Mais je me suis fait un nouvel ami.

Quand le buste de Costas réapparut, Jack et Jeremy firent une étrange découverte. Dans une petite cavité, juste en face du visage de Costas, se trouvait un squelette humain recroquevillé, le crâne sous les genoux et les pieds enterrés dans le sol. Une peau danimal en loques pendait sur les os et le cuir chevelu retenait encore quelques longues mèches de cheveux blancs.

Jeremy se pencha en avant.

— Je suis un peu rouillé en paléopathologie, mais je dirais quil sagit dune personne de sexe masculin, dâge moyen voire avancé.

— Un Skraeling ? demanda Costas.

— Non, cest une physionomie européenne. Et ce type est grand. Il mesure bien plus dun mètre quatre-vingts. Il pourrait sagir dun des premiers explorateurs anglais ou français, mais je pense que ces ossements sont plus anciens, beaucoup plus anciens. Je crois bien quon a trouvé un Norrois.

Jack ferma les yeux et chancela légèrement. Cétait tout à fait possible. Il pria pour que sa chance ne labandonne pas.

— Il y a des entailles assez impressionnantes sur les os, indiqua Costas.

— Jai déjà vu ça en Angleterre, dans des sépultures de guerriers vikings, se rappela Jeremy. Ce sont des blessures causées lors de batailles par des haches et des épées. Rien à voir avec celles quaurait pu occasionner un combat avec les Skraelings, qui navaient pas darmes en métal tranchantes. Ce type a été taillé en pièces. Il a des marques étranges, qui sont peut-être liées à des lésions ultérieures, notamment ces cercles autour des poignets, comme sil avait été enchaîné. Mais il semble sêtre remis de toutes ses blessures de guerre bien avant de mourir.

Jack examinait le squelette dun air songeur.

— Tu penses à ce que je pense ?

— Noublions pas quil y a eu dautres Norrois ici, répondit Jeremy. Mais il est possible, je dis bien possible, que nous ayons encore trouvé un des hommes de Harald, en plus de Halfdan. Ce qui métonne, cest lancienneté des blessures. Si ce type était mort pendant le voyage, les fractures dues aux coups reçus à Stamford Bridge, lautomne précédent, auraient dû être encore fraîches. Or les os sétaient ressoudés des années, peut-être même des décennies auparavant.

— Et ce nest pas une sépulture, ajouta Jack. Cet homme sest faufilé là-dessous pour se terrer près du rocher. Cest pourquoi son squelette na pas été retrouvé.

— Cela peut peut-être nous donner un indice, dit Costas, qui sétait glissé au-dessus du squelette.

Dans lobscurité, il tendit la main avec précaution sous la cage thoracique. Il parvint à retirer deux objets et confia le plus gros à Jack. Celui-ci le prit sans y faire attention, encore plongé dans limpénétrable énigme du squelette.

— Alors, cest quoi ? demanda Costas.

Il redressa la tête et vit ses compagnons fixer lobjet bouche bée. Cétait un pendentif plat, de la taille dune petite soucoupe, sculpté dans une pierre verte lustrée, indubitablement du jade. Sur la surface curviligne se dessinait un motif qui, au premier abord, semblait abstrait mais savéra représenter deux yeux, un bec et des ailes stylisées.

— Bon Dieu ! sexclama Jeremy. Cest le dieu aigle des Mayas.

Costas sortit du trou et sépousseta.

— Les Mayas... dit-il dun ton flegmatique. Le Mexique, le Yucatan. Les temples dans la jungle, les sacrifices humains, cest ça ?

— Impossible ! lança Jack.

Il retira avec précaution la pellicule de poussière qui recouvrait les deux disques en argent formant les yeux de laigle. Il les fixa en hochant la tête et donna le pendentif à Jeremy.

— Cest impossible. Tu vois ce que je vois ?

— Ce sont des pièces, répondit Jeremy à voix basse Bon, soyons purement objectifs. Celle de gauche est une pièce viking dAngleterre, un penny quadrilobé du roi Knut. Regardez, on peut lire CNUT REX ANGLO autour du buste couronné.

Il retourna le pendentif.

— On voit le revers de lautre côté, poursuivit-il, ARNCETEL OEO, frappée par un dénommé Arncetel à York. Knut a régné de 1016 à 1035, mais ses pièces étaient appréciées pour leur pureté. Elles ont été largement utilisées dans toute la Scandinavie au moins jusquen 1066.

— Et lautre ? demanda Costas.

— Cest une pièce romaine. À toi, Jack.

Jeremy redonna le pendentif à Jack, qui observa attentivement la pièce de droite.

— Cest un denier en argent de lempereur Vespasien, annonça-t-il. IMP CAESAR VESPASIANUS AUG. Un portrait particulièrement fin de Vespasien avec une couronne de laurier.

— Je suis encore perdu ! sexclama Costas. Vespasien ? Lempereur romain ?

— Les Vikings emportaient parfois de vieilles pièces en or et en argent, répondit Jeremy. Ils les volaient dans les trésors des cités méditerranéennes quils pillaient et les ramenaient comme souvenirs.

Jack leva les sourcils et retourna le pendentif. Il nettoya le revers de la pièce avec le doigt et resta interdit.

— Incroyable... Cest une Judaea Capta, une des pièces frappées sous Vespasien après la conquête romaine de la Judée, en 70 ou 71 apr. J.-C.

Il orienta le pendentif dans la lumière et ses compagnons virent clairement une femme assise sous un trophée de la légion romaine avec, au-dessous, un seul mot, IVDAEA.

— Est-ce que tout cela a un rapport avec ce que nous cherchons, le trésor perdu du temple de Jérusalem ? demanda Costas.

— Je fais peut-être fausse route, répondit Jack, mais je crois que ces deux pièces sont issues du trésor de Harald Hardrada. Quant à savoir comment elles ont atterri dans ce pendentif, ça, cest un mystère. Il sest passé quelque chose dextraordinaire, quelque chose qui a poussé cet homme à revenir, des années plus tard, à cet endroit où il était venu pour la première fois à bord du drakkar de Harald. Eh oui, cela a un rapport avec ce que nous cherchons ! Cest fantastique ! Cette pièce a peut-être été frappée avec largent des vases volés dans le Temple avec la menora. Qui sait, Vespasien lui-même la peut-être eue entre les mains. Si elle sest trouvée dans le trésor de Harald, cest peut-être un pur hasard, mais jen doute. Harald connaissait lhistoire de lempereur. Il était allé à Jérusalem. Tout ce qui était associé à la menora et au trésor du Temple devait renforcer sa propre gloire. Maintenant, jai vraiment le sentiment que nous sommes sur ses traces. Cest notre plus belle découverte jusquici. Peut-être napprocherons-nous jamais la menora de plus près.

— Ou peut-être que si, sempressa dajouter Costas en glissant un clin dœil à Jack. Regarde ça.

Il se pencha de nouveau sous le rocher et ramassa le second objet quil avait trouvé auprès du squelette.

— Je crois que cest une autre pierre runique, annonça-t-il.

Jeremy se précipita sur léclat de roche et lexamina attentivement. Lune des faces, grossièrement polie, portait une inscription à peine visible.

— Elle ressemble à celle que les nazis ont trouvée dans le drakkar, murmura-t-il. Même futhark classique, même époque, mais écriture différente. Les runes ont été gravées en superficie. Ce fut peut-être le dernier geste de cet homme tapi sous le rocher.

— Il se pourrait que notre homme soit précisément revenu ici pour laisser un message, suggéra Costas. Peut-être voulait-il honorer la promesse que Harald avait faite aux Groenlandais.

— Tu parviens à lire quelque chose ? demanda Jack à Jeremy.

— Il est plus facile pour moi de translittérer les runes en vieux norrois en utilisant lalphabet classique, répondit Jeremy.

Il sortit un carnet et traça une ligne régulière de symboles sur une page en revenant parfois en arrière pour faire des rectifications.

 

par var ørœfi ok strandir langar ok sandar. Rak pà skip peirra um haf innan. Sandar hvitir viôa par sem pier fôru ok ôsœbratt.

 

— Je ne parviens pas à lire la première ligne complètement, mais elle comporte le mot dœgr, courses, et la rune qui correspond au nombre vingt. Je pense que cela signifie que les Vikings ont parcouru vingt courses le long dune côte bordée de longues plages de sable.

Ensuite leur navire, le skip, a été ballotté dans locéan intérieur, um haf innan. Puis ils sont arrivés sur une terre sans relief, recouverte darbres et précédée de grandes plages de sable blanc descendant en pente douce vers la mer. Les deux dernières lignes ne sont pas claires non plus, mais la deuxième semble faire référence à une terre de feu et de lumière.

— Cest exactement ce que tu disais, Jack ! sexclama Costas. Vingt courses, vingt jours, ils ont pu longer la côte est des États-Unis. Cest une côte bordée de longues plages de sable, notamment quand on arrive en Floride. Et locéan intérieur pourrait tout à fait être la mer des Caraïbes.

— Leur navire a été ballotté, précisa Jack avec enthousiasme. Juillet, août, cest le début de la saison des ouragans. Il a pu être poussé au beau milieu de la mer et ils navaient plus aucune idée de lendroit où ils se trouvaient.

— Et la terre sans relief, recouverte darbres ! sécria Jeremy. Quand jétais gosse, jai pris le bateau pour aller sur la péninsule du Yucatan. Cest exactement ce que lon voit. Le Yucatan est un plateau calcaire incroyablement plat, à seulement quelques mètres au-dessus du niveau de la mer, recouvert darbres, de broussailles, et entouré de plages de sable blanc étincelantes.

— Aussi chaud que lenfer en plein été, ajouta Costas. Une terre de feu et de lumière.

— Ce nest plus une simple hypothèse, conclut Jack. Tout concorde.

Il regarda le pendentif en jade et se tourna vers Jeremy.

— Et la dernière ligne ?

Jeremy essaya dapaiser sa respiration et leva les yeux vers Jack, les pommettes rouges dexcitation.

— Je parviens à discerner trois mots. Le premier, Ginnungagap, labîme recouvert par les eaux du bout du monde, est un terme norrois qui correspond aux enfers.

Le deuxième, cest Ragnarok. Le troisième, je ne lai jamais vu jusquici dans un texte en vieux norrois. Cest un nom propre, un nom de lieu. Ukilabnal ou quelque chose comme ça. Il semblerait que Harald et ses hommes aient trouvé le Ragnarok à cet endroit et livré leur dernière bataille au bord des enfers.

— Excepté notre ami, souligna Costas en montrant le squelette. Je suis sûr quil aurait aimé partir au Valhalla avec ses compagnons.

— Est-ce que ce nom te dit quelque chose ? demanda Jack à létudiant.

— Oh oui ! sécria Jeremy dune voix enrouée par lémotion. Initiation à lanthropologie. Heureusement, mon conseiller dorientation ma recommandé de ne me fermer aucune porte. Étude de la civilisation mésoaméricaine.

— Je técoute.

— Au XIe  siècle, Uucil-abnal était le nom de Chichén Itzá, le plus grand centre religieux des Mayas, enfoui au cœur de la jungle du Yucatan.

— Ça alors !

Costas poussa un soupir de satisfaction.

— Enfin ! sexclama-t-il.

Il se leva en déployant avec raideur ses jambes encore couvertes de tourbe et regarda avec dégoût le crachin qui tombait sur lui.

— Vous qui avez du sang viking, poursuivit-il, vous avez peut-être une certaine tendresse pour ce climat pourri mais moi, cela me laisse froid.

Il se tourna vers Ben et Andy, arrivés auprès deux entre-temps, et leur adressa un large sourire.

— Faites vos valises, les gars. On va au Mexique !