Culottes succinctes

Il n’est peut-être guère surprenant, étant donné ma formation théâtrale, que les accessoires, les costumes et le cérémonial soient devenus des éléments de plus en plus essentiels de la récente expansion de ma vie privée. Mon lit est devenu une scène pour ce drame humain intense intitulé les « rapports sexuels Â». De mes représentations devant un public, j’avais retenu que l’artifice, l’ambiance et le rituel pouvaient, bien plus efficacement que la réflexion ou les meilleures intentions, propulser le (ou la) participant(e) dans un état de vérité et de beauté particulier. Dans ma chambre, où je troquais mes tutus contre des guêpières, mes diadèmes et mes pointes contre des bandeaux et des talons aiguilles, la logique poétique était manifeste. Or le slip ouvert s’intégrait parfaitement (ô combien !) dans la tragi-comédie qu’était à présent ma sexualité. Ce dessous largement méconnu et oublié est si rarement célébré, ou même évoqué, que je me dois de faire une petite digression pour corriger cette énorme omission.

Alors que le string a été élevé à un statut sexuel qui dépasse son réel usage, le slip ouvert est vraiment là où tout se joue. Ou, du moins, là où mon clito entre en scène. J’ai même acheté le premier – avec optimisme et tristesse – pendant que j’étais encore mariée. Une petite culotte en nylon noir transparent, dépourvue d’entrejambe entre les élastiques des cuisses. Dès l’instant où je l’ai vue – accrochée à un cintre de soie rouge, dans un sex-shop où je m’étais aventurée lors de vacances à Copenhague –, le feu m’est monté au visage. Ah, un nouveau souvenir danois à rapporter à la maison avec ma statuette sans jambes de la Petite Sirène. Mais cet article orphelin a simplement fini par accumuler la poussière au fond de mon tiroir de lingerie… Jusqu’au jour où, bien des années plus tard, je l’ai redécouvert, lavé et ressuscité dans ma nouvelle vie de célibataire. La première fois que je l’ai mis pour un amant, cela a vraiment été un progrès. Mais il a provoqué une réaction des plus encourageantes. J’en avais besoin d’un autre ! Où donc faire mes petites emplettes ?

On trouve en général des slips ouverts dans les sex-shops et, de temps en temps, en petite quantité, chez Frederick’s of Hollywood, où le choix est également assez limité. Malgré l’attrait titillant du produit, la boutique Victorias Secret arrête brusquement de proposer ses petites culottes à la fente aguicheuse. Mais, au fait, où se cache Victorias Secret ? Certainement pas à son adresse dans l’Ohio. J’imagine que c’est là où ces maîtres de la frontière entre la décence et la vulgarité se fixent une limite pour garder leur respectabilité. Mais les sex-shops ont une autre réputation à soutenir, et ils ont tous beaucoup de choix. En moyenne à peine plus chères que le string en coton basique, mais beaucoup plus abordables que les bagatelles de La Perla, ces petites merveilles sans entrejambe vous vaudront sans aucun doute plus de succès auprès de votre jules.

Les slips ouverts sont de véritables petites œuvres d’art. Or l’art se voit aux détails – ou à leur absence judicieusement prévue. Ce sont, en bref, des moyens de cadrer la chatte. D’où leur grand potentiel pour les amants, qui va même jusqu’à guider ceux qui sont dotés d’un sens de l’orientation hésitant au centre du terrain de jeux. Contrairement à la croyance populaire, ils existent en plusieurs modèles différents, chacun avec un je ne sais quoi * particulier. J’en possède personnellement cinq sortes, avec mes préférés.

Il y a d’abord le modèle bikini, très normal d’aspect – les miens sont violet foncé –, qui, à y regarder de plus près (ce qui est le but, somme toute), arbore une petite fente très coquine de sept centimètres et demi, bordée de dentelle noire, au milieu de l’entrejambe qui forme, pratiquement, une magnifique ouverture pour langue ou verge baladeuse. Sous son apparente innocence, c’est à certains égards la plus coquine de la collection… Mais, enfin, peut-être pas… Il y a les noirs transparents, qui portent le concept de fente à l’infini : l’ouverture, garnie de ruban rouge, descend tout simplement du devant de la ceinture pour s’y rattacher par-derrière en passant entre les fesses. Très commode, ce modèle permet l’accès au dito, au con et au cul, bien qu’il ait l’air tout à fait décent quand on garde les jambes serrées.

Et puis il y a ma culotte de petite fille : blanche, avec de minuscules roses roses. Celle-ci est d’une conception assez complexe. Même si elle garde la ceinture d’une culotte normale, tout l’entrejambe a été excisé pour ne laisser que deux délicieux petits élastiques courant entre les cuisses avec rien du tout au milieu, hormis l’écrin du bijou indiscret. Artistiquement brossés, les poils du pubis y reçoivent un adorable cadre triangulaire, et les menus nÅ“uds roses qui décorent les points de jonction de la peau et du slip m’émeuvent tout particulièrement. Dans l’ensemble, ce modèle vraiment « ouvert Â» est peut-être le plus élégant de la série, mais je suis également attachée à une culotte assez rigolote qui a été visiblement créée d’après un tutu de danseuse. Avec son lien fendu entre les jambes et son spirituel petit volant de gaze noire en forme de tutu autour de la ceinture, elle est tout à fait adorable.

Mais la plus belle de toutes, ma préférée, c’est le Papillon. Je l’ai en deux teintes, noire et rose pastel. Ce sont les spécimens les plus chers. Et l’on comprend aisément pourquoi : ils utilisent le moins de tissu de tous ! Ces délicates petites Å“uvres d’art incarnent au mieux la grande ironie de ce dessous si particulier : ce sont des slips ouverts chic.

Dans le style string, le haut de la zone pubienne est conçu et réalisé en forme de papillon ouvert, doté d’ailes semées de perles et de paillettes scintillantes. Oui, j’adore voir ma chatte briller en costume d’apparat. Je porterais des rideaux de velours rouge avec des embrasses à gland doré entre les jambes, si je pouvais ! Mais la vraie pièce de non-résistance * de ce slip si spécial réside dans les deux fines bretelles élastiques qui rattachent par-derrière le bas des ailes du papillon au centre de la fine ceinture élastique. Bien disposées le long des grandes lèvres de la vulve, elles tirent un tant soit peu, accentuant ainsi spectaculairement l’entrée de la fente.

Mais, un jour, ces deux petites bretelles ont glissé – oh, là, là ! – et montré une fois de plus que la fortune est mère de l’invention. Avec ces élastiques bien calés à l’intérieur, de chaque côté du clitoris et de son capuchon, le papillon s’envole. Oh, oh, que c’est bon ! Et cela dépasse de loin la reine du porno pour toucher au sommet du grand art : un Modigliani revu par Mondrian.

Être ainsi encadrée, mise en position et exposée, et puis avoir un amant qui atteint sa cible. Eh bien, rien que d’y penser, je peux jouir séance tenante ! L’usage de ces divers amours fendus pour aider et encourager ces hommes dont le seul objet comme la seule récompense sont mon bouton me semble être la moindre des marques de respect.