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Le colonel à la retraite George Nugent ne fut pas réellement ému en apprenant la crise cardiaque de Naifeh. Le vieux bonhomme était d’ailleurs beaucoup mieux le lundi matin. Bon sang, il n’était qu’à quelques mois de sa retraite. Naifeh était un brave homme, mais on ne voyait plus très bien à quoi il servait. Il ne restait en fonction que pour arrondir sa retraite. Nugent envisageait sérieusement de prendre sa place.
Aujourd’hui, il lui fallait cependant examiner une question plus urgente. L’exécution de Cayhall devait avoir lieu dans neuf jours, ou plutôt huit étant donné qu’elle était prévue une minute après minuit, le mercredi de la semaine prochaine. Ce mercredi serait considéré comme un jour entier, mais ne durerait qu’une minute. Mardi en huit serait en fait le dernier jour.
Sur son bureau était posé un gros cahier relié en cuir. Les mots Protocole du Mississippi étaient imprimés en majuscules sur la couverture. C’était son chef-d’oeuvre, le résultat de deux semaines de minutieuses planifications. Nugent avait été horrifié de lire les instructions hasardeuses rassemblées de manière empirique par Naifeh lors des précédentes exécutions. C’était un miracle qu’ils aient réellement réussi àgazer quelqu’un. Maintenant il y avait un plan, des instructions soigneusement détaillées et bien présentées. Le livre avait cinq centimètres d’épaisseur et comportait cent quatre-vingts pages. Bien entendu, le nom de l’auteur y figurait en bonne place.
Lucas Mann entra dans le bureau du colonel à huit heures et quart le lundi matin.
- Vous êtes en retard, lança Nugent avec l’autorité de quelqu’un qui a maintenant la responsabilité des opérations.
Mann n’était qu’un avocat, tandis que Nugent, lui, était le maître de cérémonie. Mann se satisfaisait de son travail, mais Nugent avait des visées plus hautes. Celles-ci s’étaient d’ailleurs considérablement précisées au cours de ces dernières vingtquatre heures.
- Et alors? dit Mann, debout près d’un fauteuil.
Nugent était vêtu comme toujours d’un pantalon vert olive impeccablement repassé, d’une chemise amidonnée de la même couleur, avec un teeshirt gris sortant du col, les bottes soigneusement astiquées. ll se plaça derrière son bureau. Mann détestait ce type.
- Nous n’avons plus que huit jours, dit Nugent, comme s’il était le seul à le savoir.
- Pour moi, il en reste neuf, répliqua Mann.
Les deux hommes étaient debout.
- Mercredi en huit ne compte pas. Il ne nous reste que huit jours pour effectuer le travail.
- C’est-à-dire?
Nugent s’assit, bien droit, dans son fauteuil.
- Deux choses. Premièrement, voici un manuel que j’ai préparé en vue de l’exécution. Un protocole. De A à Z. Parfaitement construit, avec index et appendice. J’aimerais que vous revoyiez la réglementation légale qui s’y trouve pour vous assurer qu’elle est toujours valable.
Mann jeta un coup d’oeil sur la reliure noire, mais ne toucha pas au volume.
- Deuxièmement, j’aimerais avoir un rapport chaque jour sur ce qui se passe au niveau des appels. D’après ce que je comprends, il n’y a encore ce matin aucun empêchement légal.
- C’est exact, répondit Mann.
- J’aimerais donc, dis-je, avoir une mise heure de la matinée.
- Alors, il vous faut engager un avocat. Vous n’êtes pas mon supérieur, et je veux bien être damné si j’écris le moindre petit compte rendu pour accompagner votre café du matin. Je vous avertirai de l’évolution de la situation, mais je ne noircirai pas du papier pour vous.
Ah, les frustrations de la vie civile ! Nugent avait la nostalgie de la discipline militaire. Les avocats, des tire-au-flanc.
- Fort bien. Voulezvous néanmoins examiner le protocole ?
Mann ouvrit l’ouvrage d’un coup sec et tourna quelques pages.
- Vous savez, nous avons déjà organisé quatre exécutions sans ça.
- Franchement, ça m’étonne.
- Pas moi. Nous sommes devenus très efficaces, je l’avoue, et àmon grand regret.
- Écoutez-moi, Lucas, je ne me réjouis pas de cette exécution, dit Nugent d’un air faussement navré. C’est Phillip qui m’a demandé de le faire. J’espère qu’il va y avoir un sursis. Je l’espère sincèrement. Mais s’il n’y en a pas, alors nous devons être prêts. Je veux que tout se passe sans heurt.
Mann n’était pas dupe de tant d’hypocrisie, il s’empara cependant du manuel. Nugent n’avait pas encore assisté à une exécution, et il comptait maintenant les heures, pas même les jours. Il mourait d’envie de voir Sam ligoté à la chaise et respirant le gaz.
jour écrite à la première
Lucas quitta le bureau. Dans le couloir, il croisa Bill Monday, le bourreau, qui, à coup sûr, se rendait chez Nugent pour discuter tranquillement des préparatifs.
Adam arriva à l’Appendice peu avant trois heures. La journée avait commencé pour lui dans l’affolement. Lee avait été arrêtée pour conduite en état d’ivresse. Rien, depuis, ne s’était amélioré.
Pendant qu’il buvait du café dans son bureau, essayant de se débarrasser d’une migraine, Darlene, en (espace de dix minutes, lui avait apporté un fax en provenance de La NouvelleOrléans et un autre de la Cour de justice de l’État. Il avait perdu sur les deux tableaux. La cinquième chambre soutenait la décision de la Cour fédérale. La chambre àgaz n’était pas un moyen cruel et obsolète d’exécution. Quant à la Cour d’État, elle rejetait les attaques portées contre la défense de Benjamin Keyes. Le mal de tête était brusquement oublié. Moins d’une heure après, Mr. Richard Glander avait téléphoné de Washington pour s’informer des projets d’Adam. Il voulait savoir quelles autres requêtes pouvaient être déposées par la défense. Une demiheure après le coup de téléphone d’Olander, un fonctionnaire des peines capitales de la cinquième chambre avait appelé Adam pour lui demander s’il avait (intention de faire appel du jugement de la Cour d’État.
Adam avait expliqué aux deux fonctionnaires qu’il présenterait ses appels aussi rapidement que possible, peut-être même avant la fin de la journée. À la réflexion, il trouvait très difficile de pratiquer le droit à si grande échelle. À ce stade de la procédure, cours de justice et juges (observaient pour voir quelle serait sa prochaine démarche. Malheureusement, les raisons en étaient évidentes et décourageantes. Tout le monde se moquait qu’il trouve ou non un moyen d’empêcher (exécution. On s’inquiétait simplement des problèmes de logistique. Les juges n’aimaient guère lire des requêtes à trois heures du matin. Ils voulaient avoir des copies des tout derniers appels sur leurs bureaux avant que ceux-ci n’arrivent officiellement.
Phelps avait appelé Adam juste avant midi pour (informer qu’il n’avait pas encore retrouvé Lee. Il avait téléphoné à toutes les cliniques de désintoxication, à toutes les maisons de santé à cent kilomètres à la ronde, et aucune n’avait entendu parler de Lee Booth. Il continuait ses recherches, malgré un agenda tyrannique.
Sam arriva à (Appendice une demiheure plus tard, de méchante humeur. Il avait appris les nouvelles des rejets à midi sur (antenne de Jackson, la station qui tenait le compte à rebours. Plus que neuf jours. Il s’assit devant la table et regarda Adam d’un air morne.
- Où sont les esquimaux ? demanda-t-il comme un enfant qui a envie d’un bonbon.
Adam glissa la main sous la table et en sortit un petit emballage en polystyrène expansé. Il plaça la boîte sur la table.
revuillement
On a failli me la. confisquer à l’entrée. Alors, dégustez-les avec
e Sain en prit un, l’admira un long moment, puis, avec précaution,
enleva le papier. Il lécha la pellicule de chocolat, puis mordit dedans. Il
savourait ce miracle, les yeux fermés.
À peine une minute plus tard, le premier esquimau était englouti, et Sain s’attaquait au second.
- Mauvaise journée, dit-il en léchant le chocolat.
Adam lui remit quelques papiers.
- Voici les deux jugements. Incroyablement brefs et contre nous. Vous n’avez pas une foule d’amis dans ces palais de justice, Sam.
- Je le sais. Heureusement, le reste du monde m’adore. Je n’ai aucune envie de lire ces sottises. Qu’allons-nous faire maintenant?
- Prouver que vous êtes bien trop fou pour être exécuté. À cause de votre grand âge, vous ne comprenez pas réellement la nature de votre punition.
- ça ne marchera pas.
- Cette idée vous plaisait samedi. Que s’est-il passé?
- Ça ne marchera pas.
- Pourquoi pas ?
- Parce que je ne suis pas fou. Je sais parfaitement bien pourquoi on va m’exécuter. Tu fais ce que les avocats adorent : concevoir des plans biscornus et trouver des experts farfelus pour les soutenir.
Il mordit un grand coup dans son esquimau et passa sa langue sur ses lèvres.
- Vous voulez renoncer? lança Adam.
Sain réfléchit en regardant ses ongles jaunis
- Peut-être, dit-il en se léchant les doigts.
Adam se glissa à côté de son grand-père au lieu de se placer en face et le regarda droit dans les yeux.
- Qu’est-ce qui se passe, Sam?
- Je ne sais pas. J’ai réfléchi à tout ça.
- Je vous écoute.
- Quand j’étais jeune, mon meilleur amis s’est tué dans un
ans une ‘ femme,
un bébé,
-
par la nicotine.
accident de voiture. ll avait vingtsix jeune
une jolie maison, la vie devant lui. Et brusquement il n’était plus là. Je
lui ai survécu pendant quarante-trois ans. Je suis un vieillard, Adam. Je
suis réellement vieux. Je suis fatigué. J’ai envie de renoncer.
- Allons, Sam !
- Regarde tout ce que ça donnerait. Tu n’aurais plus à subir ces pressions insensées. Tu ne passerais pas la semaine prochaine à t’agiter comme un fou et à rédiger des requêtes inutiles. Tu ne te sentirais pas responsable et misérable une fois (affaire finie. Je ne passerais pas mes derniers jours à prier pour un miracle, je pourrais mettre mes affaires en ordre. Nous aurions plus de temps ensemble. En fin de compte, cela rendrait un tas de gens heureux - les Kramer, McAllister, Roxburgh et
quatre-vingts pour cent des Américains qui sont pour la peine de mort. Ce serait un grand moment dans la défense de (ordre public. Je pourrais partir dignement au lieu de ressembler à un désespéré qui s’accroche àla vie par peur de la mort. C’est assez séduisant.
- Que vous arrive-t-il, Sam ? Samedi dernier, vous étiez encore prêt à combattre avec acharnement.
- Je suis fatigué. Je suis un vieil homme. Ma vie a été longue. Et que se passera-t-il si tu réussis à sauver ma peau? Où ça me mènera-t-il? Je n’irai nulle part, Adam. Tu retourneras à Chicago et tu te consacreras entièrement à ton métier. Je suis sûr que tu viendras ici quand tu pourras, que tu m’écriras, que tu m’enverras des cartes postales, mais moi je continuerai à vivre dans le quartier des condamnés à mort, pas toi. Tu n’as aucune idée de ce que c’est.
- Nous n’allons pas renoncer, Sam. Vous avez encore une chance.
- La décision ne t’appartient pas.
Il termina le deuxième esquimau et s’essuya la bouche du revers de sa manche.
- Je n’aime pas quand vous êtes comme ça, Sam. Je vous préfère déchaîné, agressif, combatif.
- Je suis fatigué, c’est tout.
- Vous ne pouvez pas les laisser vous tuer. Vous devez vous battre jusqu’au bout, Sam.
- Pourquoi?
- Parce que ce n’est pas juste. Parce que c’est moralement indéfendable pour (État de vous tuer. Voilà pourquoi vous ne devez pas renoncer.
- Mais nous allons perdre de toute façon.
- Peut-être. Peut-être pas. Ça fait presque dix ans que vous vous battez. Pourquoi abandonner lorsqu’il ne reste plus qu’une semaine ?
- Parce que c’est fichu, Adam. Cette affaire arrive à son terme.
- Peut-être, mais nous ne pouvons pas capituler. Je vous en prie, ne jetez pas (éponge. Bon Dieu, je progresse. J’arrive à secouer ces marionnettes.
Sain sourit gentiment avec un air indulgent.
Adam posa sa main sur le bras de son grand-père.
- J’ai pensé à plusieurs nouvelles stratégies, dit-il. En fait, demain, un expert viendra vous examiner.
Sain tourna la tête pour le regarder.
- Quelle sorte d’expert?
- Un psy.
- Un psy?
- Oui. Un psy de Chicago.
- J’ai déjà parlé à un psy. Ça ne s’est pas vraiment bien passé.
- Ce type est différent. Il travaille pour nous. Il affirmera que vous n’avez plus toutes vos facultés.
- Tu veux dire que je les avais quand je suis arrivé ici ?
= Oui, c’est ce que nous avancerons. Ce psychiatre vous examinera demain. Il fera un rapport. Vous êtes sénile, vraiment fou, un crétin fini, et je ne sais quoi encore.
- Comment sais-tu qu’il dira ça?
- Parce que nous le paierons pour qu’il le dise.
- Qui le paie ?
- Kravitz et Bane, ces judéo-américains de Chicago qui vous sont dévoués et que vous haïssez. En réalité cette idée est de Goodman.
- Votre expert doit être de première grandeur.
- On ne peut pas se montrer délicat au point où nous en sommes. D’autres avocats du cabinet s’en sont déjà servis pour plusieurs affaires. Il dit toujours ce qu’on veut qu’il dise. Simplement, conduisez-vous de façon bizarre lorsqu’il viendra vous parler. Racontez-lui des histoires horribles sur cet endroit. Faites-lui bien sentir l’atrocité et l’horreur qu’il y a à être ici.
- Aucun problème.
- Dites-lui que vos facultés se sont détériorées au cours des années, que cette situation est particulièrement pénible pour un homme de votre âge. Vous êtes de loin le plus âgé ici, Sam. Dites-lui à quel point vous en souffrez. Rajoutez-en. Il fera un rapport absolument irrésistible, et je me précipiterai au Palais avec ça.
- Ça ne marchera pas.
- Ça vaut la peine d’essayer.
- La Cour suprême du Texas a autorisé l’exécution d’un débile mental.
- On n’est pas au Texas, Sam. Chaque affaire est différente. Simplement, soyez de notre côté, soutenez-nous, d’accord.
- Nous? Qui ça?
- Goodman et moi. Vous m’avez dit que vous ne le haïssiez plus. J’ai pensé que je pouvais le laisser entrer dans la danse. Sérieusement, j’ai besoin d’aide. C’est bien trop de travail pour un seul avocat.
Sam écarta sa chaise de la table et se leva. Il s’étira les jambes et les bras et commença à marcher de long en large en comptant ses pas.
- je rédige une requête pour la Cour suprême ce matin même, dit Adam en consultant son calepin. Ils refuseront probablement de m’écouter, mais je le ferai néanmoins. Je termine également l’appel pour la cinquième chambre à propos de la défense défectueuse. Le psychiatre sera là demain après-midi. Je présenterai la requête concernant vos facultés mentales mercredi matin.
- je préférerais partir en paix, Adam.
- Oubliez ça, Sam. Nous n’allons pas renoncer. J’ai parlé à Carmen hier au soir, elle veut vous voir.
Sam s’assit sur le bord de la table et regarda le plancher. Ses yeux plissés étaient tristes. Il tira sur sa cigarette et envoya la fumée en direction de ses pieds.
- Pourquoi en aurait-elle envie?
- je ne lui ai pas demandé pourquoi, et ce n’est pas moi qui le lui ai suggéré. C’est elle qui a mis la question sur le tapis. Je lui ai dit que je vous interrogerais là-dessus.
- je ne l’ai jamais vue.
- je sais. Elle est votre seule petite-fille, Sam, et elle veut venir vous voir.
- je ne veux pas qu’elle me voie dans cet état, dit-il en montrant sa combinaison rouge.
- Elle n’y prêtera même pas attention.
Sam tendit la main vers la boite et prit un autre esquimau.
- Tu en veux un? demanda-t-il.
- Alors, pour Carmen?
- Laisse-moi y réfléchir. Est-ce que Lee veut toujours venir me
voir ?
- Euh… bien sûr. Je ne lui ai pas parlé depuis quelques jours, mais je suis certain qu’elle le désire.
- je croyais que tu habitais chez elle.
- Effectivement. Mais elle est en voyage.
- Laisse-moi réfléchir. À cet instant précis, j’y suis opposé. Je n’ai pas vu Lee depuis presque dix ans, et je ne veux pas qu’elle se souvienne de moi tel que je suis maintenant. Dis-lui que je vais réfléchir, mais pour le moment je n’y tiens pas.
- je le lui dirai, promit Adam, se demandant s’il la verrait prochainement.
Si elle était entrée en clinique pour désintoxication, on (internerait très certainement pour plusieurs semaines.
- je serai content quand ça sera fini, Adam. J’en ai réellement pardessus la tête.
Il prit une grosse bouchée de crème glacée.
- je vous comprends. Mais n’y pensons pas pendant un certain temps.
- Pourquoi?
- Pourquoi? Mais c’est évident. Je ne veux pas passer ma vie professionnelle à me souvenir sans arrêt que j’ai perdu ma première affaire.
- Ce n’est pas une mauvaise raison.
- Parfait. Donc on continue ?
- Si tu le dis. Amène ton psy. Je me montrerai aussi dingue que possible.
- Parfait.
Lucas Mann attendait Adam au portail de la prison. Il était presque cinq heures. Il faisait encore chaud et l’air était toujours aussi lourd.
- Vous avez une minute ? demanda-t-il à travers la vitre de la voiture d’Adam.
- Sans doute. De quoi s’agit-il?
-. Garez-vous là-bas et nous nous assiérons à l’ombre.
‘ Ils se dirigèrent vers une table de pique-nique placée près des parloirs, sous un énorme chêne, avec la route nationale pour horizon.
- Plusieurs choses, dit Mann. Comment va Sam? Tient-il le coup?
- Aussi bien qu’on peut s’y attendre. Pourquoi?
- Par intérêt, c’est tout. Au dernier comptage, nous avons reçu quinze demandes d’interview aujourd’hui. La tension monte. La presse s’échauffe.
- Sain n’a aucune intention de leur parler.
- Des journalistes veulent aussi vous voir.
- Je n’ai pas davantage l’intention de leur parler.
- Bien. Il faudra faire signer à Sam un formulaire qui nous donne l’autorisation écrite de dire à ces messieurs d’aller voir ailleurs. Êtes-vous au courant pour Naifeh ?
- Je l’ai lu dans le journal ce matin.
- Il va bien, mais il ne pourra pas s’occuper de l’exécution. C’est un paranoïaque, un dénommé George Nugent, un des adjoints du directeur, qui prendra le relais. Un ancien colonel. Un militaire à la retraite, vous voyez le tableau. Une ganache. Un dangereux naïf.
- Je m’en fiche. Il ne peut tuer Sam avant que la Cour n’ait donné l’ordre d’exécution.
- Juste. Je voulais simplement vous mettre en garde.
- Impatient de le rencontrer.
- Autre chose. J’ai un ami, un vieux copain à la faculté de droit, qui travaille maintenant dans les services du gouverneur. Il m’a appelé ce matin. Il paraîtrait que McAllister se fait du souci à propos de l’exécution de Sain. Selon mon informateur, qui pourrait bien être manipulé par le gouverneur, ce dernier aimerait vous accorder une audience de recours en grâce, de préférence dans deux ou trois jours.
- Êtes-vous proche du gouverneur?
- Non. Je le méprise.
- Moi aussi. Mon client également.
- C’est pourquoi cet ami a été sollicité pour m’influencer. Le gouverneur commencerait à douter du bien-fondé de l’exécution de Sam.
- Le croyez-vous?
- C’est suspect. La réputation du gouverneur s’est faite sur le dos de Sam Cayhall, et je suis certain qu’il met au point son plan médiatique pour les huit prochains jours. Mais qu’avezvous à perdre?
- Rien.
- Ce n’est pas une mauvaise idée.
- Je suis de cet avis. Malheureusement, mon client m’a formellement interdit de solliciter une telle audience.
Mann haussa les épaules comme si, en vérité, les décisions de Sam ne le concernaient pas.
- Alors, c’est à Sam de décider. A-t-il fait un testament?
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- Et pour l’enterrement?
- Je m’en occupe. Il veut être enterré à Clanton.
Ils commencèrent à marcher en direction du portail.
- Le corps ira dans un dépôt mortuaire à Indianola, pas très loin d’ici, pour y être remis à la famille. Toutes les visites se terminent quatre heures avant l’exécution. Dès ce moment, Sam ne peut avoir à ses côtés que deux personnes - son avocat et son directeur de conscience. Il faut aussi qu’il choisisse ses deux témoins, s’il le désire.
- Je lui en parlerai.
- Nous avons besoin de la liste des visiteurs qu’il acceptera de recevoir à partir d’aujourd’hui. C’est habituellement la famille et les amis proches.
- La liste sera courte.
- Je sais.