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Phillip Naifeh se réveilla à l’aube du dimanche matin avec des douleurs aiguës au thorax. On le transporta en urgence à l’hôpital de Cleveland. Le trajet en ambulance prit vingt minutes. Son état était stationnaire à l’arrivée.
Sa femme, âgée de quarante et un ans, attendait anxieusement dans le couloir de l’hôpital. Ce n’était pas la première fois qu’elle attendait. Il s’agissait d’une répétition de ce qui s’était passé trois ans plus tôt. Un jeune médecin expliqua que l’attaque n’était pas trop grave, que son patient avait déjà récupéré, qu’il était hors de danger. Pour le moment, il se reposait. On le placerait en observation jusqu’au lendemain et, si tout évoluait comme prévu, il pourrait retourner chez lui dans moins d’une semaine.
Bien entendu il n’était pas question pour Phillip de prendre son poste à Parchman et de s’occuper, de quelque manière que ce soit, de l’exécution de Cayhall. Il lui serait même interdit de téléphoner là-bas.
Le sommeil commençait à le fuir. Adam, habituellement, lisait dans son lit pendant une heure environ. Les publications juridiques sont les meilleurs des somnifêres. Aujourd’hui, pourtant, plus il lisait, plus il s’énervait.
Il dormit par à-coups durant la nuit de samedi. À son réveil, le soleil était levé. Presque huit heures. Lee avait parlé d’une nouvelle expérience dans la cuisine. Il n’y a pas si longtemps, elle se débrouillait très bien avec des neufs et des saucisses. Et, comme tout le monde, s’en sortait avec les toasts. Mais, tandis qu’Adam enfilait son jean et son teeshirt, aucune odeur de pain grillé ne lui parvint aux narines.
La cuisine était vide. Il appela sa tante et jeta un coup d’oeil à la cafetière. Elle était à moitié pleine. La porte de la chambre était ouverte. Les lumières éteintes. Adam fit rapidement le tour de toutes les pièces. Lee n’était pas davantage sur la terrasse. Une sensation désagréable
commençait à lui nouer l’estomac. Il courut jusqu’au parking, la jaguar ne s’y trouvait plus. Il marcha pieds nus sur l’asphalte déjà brûlant et demanda au gardien à quel moment elle était partie. Willis regarda son calepin. Mrs. Booth avait quitté l’immeuble depuis presque deux heures. Elle paraissait tout à fait normale.
C’est sur le divan de la salle de séjour qu’Adam découvrit la raison de cette disparition. Les suppléments du Memphis Press du dimanche y étaient posés en vrac, la rubrique mondaine sur le dessus. Le visage de Lee s’étalait en première page. Une photo prise lors d’une soirée de bienfaisance, quelques années plus tôt. C’était un gros plan sur les visages souriants de Mr. et Mrs. Phelps Booth. Lee était éblouissante dans une robe noire décolletée. Phelps portait un smoking aux revers de soie. L’image d’un couple parfaitement heureux.
Todd Marks venait d’exploiter un
autre filon de (affaire Cayhall.
Beau gâchis. Chaque nouvel épisode de ce feuilleton grimpait d’un cran dans (ignominie. L’article commençait de façon relativement neutre, avec un résumé des événements de la semaine se rapportant à (attente de (exécution. On y retrouvait des personnages devenus familiers au lecteur - McAllister, Roxburgh, Lucas Mann - et le ferme commentaire de Naifeh : ” Je n’ai rien à dire. ” Mais rapidement les choses se gâtaient. L’article s’attaquait méchamment à Lee Cayhall Booth. Cette éminente personnalité de la vie mondaine de Memphis, (épouse du grand banquier Phelps Booth était la tante d’Adam Hall et, aussi incroyable que cela paraisse, la fille du monstrueux Sam Cayhall.
A la lecture de ce torchon, on avait (impression que c’était Lee qui était coupable d’un crime odieux. On citait de soi-disant amies, ayant conservé (anonymat bien entendu, qui prétendaient avoir été atterrées en apprenant sa véritable identité. Le journaliste évoquait la famille Booth, sa fortune. Comment un descendant de (aristocratie avait-il pu s’abaisser au point d’épouser une Cayhall? Une autre soi-disant amie, toujours anonyme, s’interrogeait finement sur la décision de leur fils Walt de ne pas rentrer à Memphis. Ce garçon n’était toujours pas marié, précisait-on.
Le journal racontait aussi, et c’était le pire, que lors d’une soirée de bienfaisance Lee et Phelps Booth s’étaient trouvés placés à une table voisine de celle de Ruth Kramer.
Une petite photo de la veuve était insérée dans (article. C’était une femme séduisante, d’une cinquantaine d’années.
Il s’agissait d’un article franchement nauséabond. Adam jeta le Memphis Press par terre et but son café. Sa tante s’était réveillée dans cette chaude matinée de dimanche, propre, sobre pour la première fois depuis plusieurs jours. Elle s’était installée sur le sofa avec sa tasse et son journal. Et cet article lui avait sauté au visage. Elle avait de nouveau pris la fuite. Mais où? Quel était son abri? Elle évitait certainement Phelps. Peut-être avait-elle un amant quelque part qui (hébergeait et la réconfortait. Improbable. Adam espérait qu’elle n’était pas en train de
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L’atmosphère commençait à devenir irrespirable autour de la famille Booth. Leur sale petit secret était éventé. Comment allaient-ils supporter cette humiliation? La famille pouvait ne jamais s’en remettre.
Parfait, se dit Adam. Il prit une douche, changea de vêtements et quitta (appartement. D ne s’attendait pas à voir la Jaguar bordeaux dans les rues désertes de Memphis, mais il les parcourut par acquit de conscience. Il gagna enfin le lotissement situé près du refuge de (Auburn. Naturellement Lee ne s’y trouvait pas, mais ce trajet en voiture (avait rasséréné. À midi, Adam se rendit à son bureau.
La seule visite que Sam eut ce dimanche-là fut aussi inattendue que celle de Wedge. Il frotta ses poignets lorsqu’on lui enleva les menottes et s’assit devant le treillis, en face d’un homme aux cheveux gris, avec un visage avenant et un sourire chaleureux.
- Monsieur Cayhall, je m’appelle Ralph Griffin. Je suis depuis peu (aumônier de Parchman. C’est pourquoi nous ne nous sommes pas encore rencontrés.
Sam fit un petit signe de tête.
- Enchanté.
- Moi aussi. Vous connaissiez, j’en suis sûr, mon prédécesseur.
- Ah oui, le très honorable révérend Rucker. Où est-il maintenant?
- À la retraite.
- Tant mieux. Je ne l’ai jamais trouvé sympathique. Ça m’étonnerait qu’il réussisse sa montée au ciel.
- J’ai entendu dire qu’il n’était pas très aimé.
- Aimé? II était méprisé par tout le monde. Nous ne lui faisions pas confiance. Peut-être parce qu’il était pour la peine de mort. Pouvezvous imaginer ça? Dieu l’avait choisi pour s’occuper de nous et, malgré ça, il croyait que nous devions mourir. Vous savez, la loi du talion, ce truc-là.
- J’en ai entendu parler.
- Quelle sorte de religieux êtes-vous? À quelle Église appartenez-
vous?
- J’ai reçu les ordres dans (Église baptiste, mais actuellement je n’appartiens à aucune Église particulière. Le Seigneur, à mon avis, doit être très déçu par tant de sectarisme.
- Je le déçois aussi, savez-vous.
- Comment ça?
- Vous connaissez sans doute Randy Dupree. Viol et meurtre.
- Oui. J’ai eu son dossier entre les mains. À une certaine époque, il était prédicateur.
- Effectivement. Nous (appelons d’ailleurs le Petit Prédicateur. Il a reçu récemment du ciel le don d’interpréter les rêves. Il chante et guérit. ll ferait probablement danser les serpents si on le lui permettait. ” Ils
saisirônt les serpents. ” Évangile de Marc, chapitre seize, verset dixhuit. Bon. 11 a fini un très long rêve qui a duré presque un mois, une sorte de petit feuilleton. On lui a finalement révélé que je serais exécuté, et que Dieu attend que je confesse mes péchés.
- Ce ne serait pas une mauvaise idée. Mettre les choses en ordre.
- Pourquoi se hâter? J’ai encore dix jours.
- Donc, vous croyez en Dieu?
- Bien sûr. Êtes-vous pour la peine de mort?
- Sûrement pas.
Sam le regarda un moment en silence.
- Êtes-vous sérieux?
- Tuer est une mauvaise chose, monsieur Cayhall. Si, effectivement, vous êtes coupable du crime pour lequel on vous a condamné, alors vous aviez vraiment tort de tuer. Mais le gouvernement a pareillement tort de vous tuer.
- Alléluia, mon frère.
- Je n’ai jamais été convaincu que Jésus souhaitait la mort du pécheur. Il ne nous a pas enseigné la vengeance mais l’amour et le pardon.
- C’est ainsi que j’ai lu les Évangiles. Comment diable avezvous obtenu le droit de travailler ici.?
- J’ai un cousin au Sénat.
Sam sourit.
- Vous ne resterez pas longtemps. Vous êtes trop honnête.
- Non. Mon cousin est le président de la commission chargée des prisons, il est très puissant.
- Alors, priez pour qu’il soit réélu.
- C’est ce que je fais chaque matin. Je voulais simplement faire une petite visite pour me présenter. J’aimerais parler avec vous durant les prochains jours, prier avec vous si vous le désirez. Je n’ai jamais assisté un condamné à mort.
- Il n’est pas demandé d’avoir de l’expérience.
- Avezvous peur?
- Je suis vieux, mon révérend. J’aurai soixante-dix ans dans quelques mois, si on me laisse aller jusque-là. Par moments, la pensée de mourir m’est plutôt agréable. Quitter cette cage serait un soulagement.
- Vous vous battez néanmoins.
- Bien sûr, mais parfois j’en arrive à ne plus savoir pourquoi. C’est comme de lutter contre un cancer. On perd peu à peu ses forces, on décline. On meurt un peu chaque jour, et on atteint le moment où la mort serait la bienvenue. Mais personne ne veut réellement mourir. Pas même moi.
- J’ai lu certaines choses sur votre petitfils. Ça doit être réconfortant. Je sais que vous êtes fier de lui.
Sam sourit et fixa le plancher.
- De toute façon, poursuivit le révérend, je serai dans les parages. Aimeriez-vous que je revienne demain?
- Ce serait bien. Laissez-moi réfléchir un peu, d’accord?
- Entendu. Vous connaissez le règlement, n’est-ce pas? Durant vos dernières heures, vous n’aurez le droit d’avoir près de vous que deux personnes. Votre avocat et votre directeur de conscience. Je serais honoré de rester près de vous.
- Merci. Aurez-vous le temps de parler à Randy Dupree ? Le pauvre garçon devient fou, et il a réellement besoin qu’on l’aide.
- Je le verrai demain.
- Merci.
Adam regardait le film qu’il venait de louer, le téléphone à portée de la main. Il n’avait aucune nouvelle de Lee. À dix heures, il appela àdeux reprises la côte ouest. D’abord sa mère, à Portland. Elle parut accablée, mais rassurée d’avoir de ses nouvelles. Adam s’abstint de parler de son grand-père. ll travaillait énormément, il serait, en toute probabilité, de retour à Chicago dans une quinzaine de jours. Lee allait bien, ajouta Adam.
Le second appel était destiné à sa jeune sueur Carmen, à Berkeley. Une voix d’homme répondit au téléphone. Un certain Kevin, son fidèle compagnon depuis plusieurs années. Carmen vint rapidement à l’appareil. Elle avait suivi les événements de près. Adam laissa planer un certain optimisme sur toute l’afaire. Sa sueur s’inquiétait de le savoir là-bas, au milieu de ces horribles racistes, de ces malades du KKK. Adam lui répondit que tout se déroulait dans le plus grand calme. Il habitait chez Lee. Ils profitaient au maximum l’un de l’autre. Adam fut surpris que sa sueur désire avoir des nouvelles de Sam. Comment était-il, à quoi ressemblait-il, comment se comportait-il, avait-il parlé d’Eddie ? Devait-elle faire un saut en avion pour le voir avant le 8 août ? Il y penserait, en parlerait à Sam.
Il s’endormit sur le divan, la télévision allumée.
À trois heures du matin, il fut réveillé par la sonnerie du téléphone; une voix inconnue lui annonça sèchement que Phelps Booth était àl’appareil.
- Vous êtes sans doute Adam?
Il se redressa et se frotta les yeux.
- Oui, c’est moi.
- Avezvous des nouvelles de Lee? demanda Phelps d’un ton étonnamment neutre.
Adam jeta un coup d’oeil à la pendule accrochée au mur audessus de la télévision.
- Non. Que se passe-t-il?
- Elle a des ennuis. La police m’a appelé il y a une heure environ. Ils l’ont arrêtée ce soir au volant de sa voiture en état d’ébriété. Ils l’ont emmenée au poste.
- Oh non! fit Adam.
- Ce n’est pas la première fois. Elle a refusé de souffler dans le baron ét a été conduite en cellule pour y être enfermée avec des ivrognes pendant cinq heures. Elle a porté mon nom sur les formulaires, c’est pourquoi les flics m’ont appelé. J’ai filé jusqu’à la prison, mais elle avait déjà versé sa caution. Elle n’y était plus. Je pensais qu’elle avait cherché à vous joindre.
- Non. Elle n’était .pas dans l’appartement quand je me suis réveillé hier matin. Et elle m’a laissé sans nouvelles. Où a-t-elle pu aller?
- Qui sait? Je n’ai aucune envie de réveiller ses amies à cette heure-ci. Peut-être devrions-nous nous contenter d’attendre.
Qu’on l’invite brusquement à prendre une décision mit Adam mal à l’aise. Ces deux-là étaient mariés pour le meilleur et pour le pire depuis presque trente ans, et ils en avaient vu d’autres. Comment Phelps Booth pouvait-il penser que lui, Adam, connaissait la solution?
- Elle n’a pas quitté le poste de police en voiture, n’est-ce pas?
- Bien sûr que non. Quelqu’un est venu la chercher. Ce qui crée un nouveau problème. Il faut aller récupérer sa voiture dans le parking du commissariat.
- Avezvous une clef?
- Oui. Vous pourriez m’aider à sortir l’auto?
Adam, tout à coup, se souvint de l’article dans le journal et de la photo de Phelps et de Lee. Pour les Booth, il devait être celui par qui le scandale arrive. S’il était resté à Chicago, rien de tel n’aurait jamais eu lieu.
- Bien sûr. Simplement, dites-moi…
- Attendez-moi chez le gardien. Je serai là-bas dans dix minutes.
Adam se lava les dents, noua les lacets de ses baskets, et passa un quart d’heure à échanger des propos insignifiants avec Willis. Une Mercedes noire, le modèle le plus imposant qu’il ait jamais vu, apparut et s’arrêta le long du trottoir. Adam monta dans la voiture.
Les deux hommes se serrèrent la main, par politesse. Phelps portait une tenue de jogging et une casquette avec l’insigne du Racing, l’équipe de base-ball. Il roulait lentement.
- Je suppose que Lee vous a raconté un certain nombre de choses sur moi, dit-il sans la moindre expression de méfiance ou d’inquiétude.
- Oui, certaines choses, dit Adam prudemment.
- Bon. Comme il y a beaucoup à dire, je ne vais pas vous demander quels sont les sujets qu’elle a abordés.
Très bonne idée, se dit Adam.
- Il est probablement préférable de parler simplement de base-ball. J’imagine que vous êtes un fanatique du Racing, dit Phelps.
- Bien sûr, et vous ?
- Moi aussi. J’adore le sport, mais l’argent a tout pourri.
Cela parut bizarre à Adam que Phelps Booth s’en prenne àl’argent.
- Qu’y a-t-il de mal à ce que les joueurs essaient de gagner leur vie?
- Qui vaut cinq millions de dollars par an ?
- Personne. Mais si des rockers en gagnent cinquante, pourquoi les joueurs de base-ball n’en gagneraient pas cinq? Il s’agit d’un jeu. L’important, c’est les joueurs. Je me rends au stade pour les voir, pas pour admirer le propriétaire du club.
- Mais vous vous rendez compte du prix des billets? Quinze dollars pour assister à un match !
- Le stade est plein. Il faut croire que les spectateurs se moquent du prix.
Ils traversèrent le centre-ville, absolument désert à quatre heures du matin. Quelques minutes plus tard, ils s’arrêtaient devant le commissariat.
- Écoutez, Adam, je ne sais pas trop ce que Lee vous a dit sur ses problèmes avec l’alcool.
- Elle m’a dit qu’elle était alcoolique.
- C’est malheureusement vrai. C’est la deuxième fois qu’elle est arrêtée pour conduite en état d’ivresse. La première fois, j’ai réussi àécarter la presse, mais je ne sais trop ce qui va se passer aujourd’hui. Elle est soudain devenue la cible des journalistes. Grâce au ciel, elle n’a blessé personne, dit Phelps en garant la voiture près de la clôture du parking. Elle s’en est sortie et a rechuté une demidouzaine de fois.
- Une demidouzaine de fois ? Elle m’a dit qu’elle avait suivi trois cures de désintoxication.
- Impossible de croire les alcooliques. Elle m’a fait au moins cinq serments au cours des cinq dernières années. Son endroit favori est une petite clinique, tout ce qu’il y a de chic, appelée Spring Creek. C’est au bord du fleuve, à quelques kilomètres au nord de la ville, très joli, très calme. Réservé bien sûr à une clientèle aisée. On les sèvre et on les dorlote. Bonne nourriture, beaucoup d’exercice, sauna, vous voyez, tout le tralala. C’est si paradisiaque qu’à mon sens j’ai l’impression qu’elle s’est rendue là-bas hier soir. Elle a des amis qui lui réservent sa chambre. Une résidence secondaire, quoi.
- Combien de temps va-t-elle y rester?
- Ça dépend. Le séjour est d’au moins une semaine. Parfois d’un mois. Ça coûte deux mille dollars par jour et, bien entendu, on m’envoie la note. Mais je m’en moque. Je paierais une fortune pour l’aider.
- Quel sera mon rôle?
- Tout d’abord, nous allons essayer de vérifier où elle est. Quand elle en arrive là, elle agit de façon assez prévisible. Je suis sûr qu’elle va se réfugier à Spring Creek. Après quoi, il me faudra faire jouer mes relations pour neutraliser la presse. Ce ne sera pas facile étant donné tout ce qu’on a imprimé récemment.
- Je suis désolé.
- Dès qu’on l’aura retrouvée, il faudra aller la voir. Portez-lui des fleurs et des chocolats. Je sais que vous êtes très occupé, et ce qui vous attend durant les prochains, euh…
- Neuf jours.
‘ - C’est ça. Bon. Essayez tout de même de la voir. Lorsque ce sera fini à Parchman, je vous conseille de retourner à Chicago et de la laisser tranquille.
- De la laisser tranquille?
- Oui. C’est sans doute dur à entendre, mais c’est nécessaire. Ses problèmes ont plusieurs causes. J’en suis une, entre autres, mais il y a des choses que vous ignorez. Sa famille aussi est en partie responsable. Elle vous adore, mais vous faites resurgir des cauchemars. Ne m’en veuillez pas. Je sais que ça fait mal, mais c’est la vérité.
Adam regarda la clôture de fil de fer barbelé bordant le trottoir.
- Elle a arrêté de boire pendant cinq ans, poursuivit Phelps. Et nous avons pensé que c’était définitif. Puis Sam a été condamné, et Eddie est mort. (Quand elle est revenue de l’enterrement, elle a sombré de nouveau et j’ai souvent pensé qu’elle ne s’en sortirait plus. C’est mieux pour elle si vous restez au loin.
- Mais j’aime Lee.
- Et elle vous aime. Mais il faut vous aimer à distance. Envoyez-lui des lettres, des cartes postales de Chicago, des fleurs pour son anniversaire. Téléphonez-lui une fois par mois, parlez de films et de livres, mais gardez le silence sur la famille.
- Qui prendra soin d’elle?
- Elle a presque cinquante ans, Adam, et c’est quelqu’un de très indépendant. Elle est alcoolique depuis de nombreuses années, et il n’y a rien que vous ou moi puissions faire. Elle connaît sa maladie. Elle arrive à ne pas boire quand elle ne veut pas boire. Vous n’avez pas une bonne influence sur elle. Ni moi non plus, d’ailleurs. Désolé.
Adam respira profondément et posa la main sur la poignée de la portière.
- Ne m’en veuillez pas, Phelps, si je vous ai mis, vous et votre famille, dans l’embarras. Ce n’était pas volontaire.
Phelps sourit et posa une main sur l’épaule d’Adam.
- Croyez-le ou non, mais ma famille, sur beaucoup de points, est encore plus instable que la vôtre. Nous avons vu pire.
- Ça me semble difficile.
- C’est pourtant la vérité, dit Phelps en lui tendant un trousseau de clefs. Présentez-vous là-bas, ils vous conduiront à sa voiture.
Adam ouvrit la portière et descendit de la Mercedes. Tandis qu’il franchissait le portail, il ne pouvait s’empêcher de penser que Phelps Booth aimait toujours sa femme.