Fontenay-le-Royal

Il y a toujours un foutoir en mouvement chez les écrivains. Livres lus, livres à lire, manuscrits reçus, manuscrits terminés, manuscrits à reprendre, dossiers de presse, articles découpés... Tout cela pourrait être l’objet d’un inflexible rangement. C’est parfois le cas, et cela semble alors d’une tristesse épouvantable, comme si l’homme des livres se chargeait de connotations mortifères en classant froid, à la manière d’un notaire ou d’un huissier. Le lecteur au contraire aime bien l’idée de s’immiscer, de se lover dans un de ces terriers vivants où le papier s’empile avec cette apparente désinvolture qui n’est que l’envers d’un désir maniaque de préservation.

Le bonheur absolu, la terre d’élection, c’est l’univers de Léautaud. Quelques reportages tardifs, photos de Doisneau et de quelques autres prises au début des années cinquante, quand le solitaire de Fontenay atteignit une notoriété brutale à la suite de ses entretiens radiophoniques avec Robert Mallet, restent en arrière-plan dans les consciences, au moment de saisir l’un des volumes du Journal littéraire — une vingtaine autrefois, trois désormais. On peut aimer lire des journaux intimes, se surprendre à regarder le monde avec l’acerbe ironie de Jules Renard, l’énigmatique pointillisme de Stendhal. Mais Léautaud, c’est autre chose. On devient Léautaud. Non pas qu’il s’agisse d’une image flatteuse ; si la liberté séduit, c’est plutôt l’abondance des contradictions qui rapproche, et aide à absorber. La rêverie morbide aussi. Et puis demeure une part de mystère irréductible. Le style de Léautaud, c’est celui du journal, de la vie transmise et partagée. Alors, bien sûr, on s’exaspère avec l’auteur du Petit Ami de ce folklore auquel on voulait le réduire : porteur de sacs de croûtes pour les chats, de vêtements de clochard aristocrate, d’une réputation de bohème-cliché. On est bien hypocrite, car les images restent au fond de soi. Jardin transformé en jungle, tapis mités, bouquins partout éparpillés, et tous ces chats qui semblent autant de métaphores d’un bien-être à se couler dans le décor d’une misère abri, refuge. L’univers de Léautaud, c’est celui de son écriture, et celui des photos. Le seigneurial laisser-aller d’un monde libertaire où les bouquins ont eu le dernier mot.

Dickens, barbe à papa
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