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Le rendez-vous de quinze heures de la Man-man se pointait, serrant une serviette de bain jaune, avec, autour du doigt, la rainure pâle de l’endroit où aurait dû se trouver l’alliance. À la seconde où la porte était verrouillée, il essayait de lui donner le liquide. Il se mettait à ôter son pantalon. Son nom, c’était Jones, disait-il. Son prénom, Monsieur.
Les mecs qui venaient ici pour la première fois étaient tous pareils. Elle lui disait : payez-moi après. Ne soyez pas si pressé. Gardez tous vos vêtements. Il n’y a aucune urgence.
Elle lui disait que le carnet de rendez-vous était rempli de M. Jones, M. Smith, John Doe[16], et des tas de Bob White, aussi il ferait bien de se trouver un meilleur pseudonyme. Elle lui disait de s’allonger sur le canapé. De tirer les rideaux. De tamiser les lumières.
C’est ainsi qu’elle pouvait se faire des tas de pognon. Cela ne violait pas les termes de sa conditionnelle, mais ce uniquement parce que la commission des conditionnelles manquait d’imagination.
S’adressant à l’homme sur le canapé, elle disait : « Voulez-vous que nous commencions ? »
Même si un mec déclarait qu’il ne cherchait pas de sexe, la Man-man lui disait malgré tout d’apporter une serviette. Vous apportiez une serviette. Vous payiez en liquide. Ne demandez pas à la Man-man de vous envoyer la facture plus tard ou de faire payer une assurance quelconque, parce que c’était le moindre de ses soucis. Vous payez en liquide, ensuite seulement vous déclarez le sinistre.
Vous n’avez droit qu’à cinquante minutes. Les mecs devaient savoir ce qu’ils voulaient.
Ce qui sous-entend la femme, les positions, le décor, les jouets. Ne pas lui sortir une petite surprise de derrière les fagots à la dernière minute.
Elle disait à M. Jones de s’étendre. De fermer les yeux.
Laissez toute la tension du visage fondre et disparaître. D’abord, votre front ; laissez-le se relâcher. Décontractez le point entre les deux yeux. Imaginez votre front lisse et décontracté. Puis les muscles autour de vos yeux, lisses et décontractés. Puis les muscles autour de votre bouche. Lisses et décontractés.
Même si les mecs disaient qu’ils cherchaient uniquement à perdre un peu de poids, ils voulaient du sexe. S’ils voulaient cesser de fumer. Gérer le stress. Arrêter de se ronger les ongles. Guérir leur hoquet. Cesser de boire. Nettoyer leur peau. Quel qu’était le problème, la raison en était qu’ils ne tiraient pas leur coup. Quoi qu’ils puissent dire qu’ils voulaient, ils auraient droit au sexe ici, et le problème était résolu.
Savoir si la Man-man était un génie plein de compassion ou une traînée, c’est une question sans réponse.
Le sexe guérit pratiquement de tout.
Dans le domaine, c’était elle la meilleure thérapeute, ou alors c’était une pute qui vous foirait la cervelle. Ça ne lui plaisait pas vraiment de se comporter avec ses clients comme une adjudante sur le retour, mais faut dire qu’elle n’avait jamais envisagé de gagner son pain de cette manière.
Ce genre de séance, le genre sexe, s’était mis en place la première fois par pur accident. Un client qui voulait cesser de fumer voulait régresser jusqu’au jour de ses onze ans, quand il avait tiré sa première bouffée. De manière à pouvoir se souvenir du goût détestable qu’il avait éprouvé. En conséquence, il allait pouvoir laisser tomber la clope en revenant sur son passé et ne jamais commencer. C’était ça, l’idée fondamentale.
Lors de sa deuxième séance, le client avait voulu rencontrer son père, décédé d’un cancer du poumon, rien que pour bavarder. Jusque-là, c’est encore plutôt assez normal. Les gens veulent tout le temps rencontrer des morts célèbres, pour être guidés, pour être conseillés. Ç’a été tellement réaliste que, lors de la troisième séance, le client a voulu rencontrer Cléopâtre.
À chaque client, la Man-man disait : laissez toute la tension se vider de votre visage jusqu’à votre cou, puis du cou jusqu’à votre poitrine. Décontractez les épaules. Permettez-leur de glisser doucement en arrière pour s’appuyer au plus creux du canapé. Imaginez un poids pesant pressant votre corps, installant votre tête et vos bras de plus en plus profondément au creux des coussins du canapé.
Décontractez vos bras, vos coudes, vos mains. Sentez la tension qui suinte petit à petit jusque dans chaque doigt, puis décontractez-vous et imaginez la tension qui se vide par l’extrémité de chaque doigt.
Ce qu’elle a fait, c’est qu’elle l’a mis dans une transe, une induction hypnotique, et elle a guidé l’expérience pas à pas. Il ne faisait pas un voyage dans le passé. Rien de tout ça n’était réel. Ce qui était essentiel, c’est que lui voulait que cela se produise.
La Man-man, elle se contentait de fournir la petite histoire scène par scène. La description plan après plan. Le commentaire sur la couleur. Imaginez-vous en train d’écouter la retransmission d’un match de base-ball à la radio. Imaginez à quel point cela peut paraître réel. Et maintenant imaginez cela depuis l’intérieur d’une lourde transe de niveau thêta, une transe profonde dans laquelle vous êtes capable d’entendre et de sentir les odeurs. Vous percevez le goût, vous éprouvez des sentiments. Imaginez Cléopâtre qui sort du tapis déroulé, nue, parfaite, tout ce que vous avez toujours désiré.
Imaginez Salomé. Imaginez Marilyn Monroe. Que vous puissiez retourner dans le temps vers n’importe quelle période historique et rencontrer n’importe quelle femme, des femmes qui accepteraient de faire tout, absolument tout ce que vous pourriez imaginer. Des femmes incroyables. Des femmes célèbres.
Le théâtre de l’esprit. Le bordel du subconscient.
C’est ainsi que tout a commencé.
Bien sûr, ce qu’elle faisait, ça s’appelle de l’hypnose, mais ce n’était pas une régression à un passé réel. Il s’agissait plutôt d’une sorte de méditation guidée. Elle disait à M. Jones de se concentrer sur la tension dans sa poitrine et de la laisser se retirer. De la laisser s’écouler jusqu’à sa taille, ses hanches, ses jambes. Imaginez l’eau qui tourbillonne en spirale dans une bonde d’évier. Décontractez chaque partie du corps, et laissez la tension s’écouler jusqu’à vos genoux, vos tibias, vos pieds.
Imaginez de la fumée qui dérive doucement dans le ciel. Laissez-la se disperser. Suivez-la des yeux qui s’amenuise. Qui disparaît. Qui se dissout.
Dans son livre de rendez-vous, tout à côté du nom du mec, ça disait Marilyn Monroe, la même chose que la plupart des gars à leur première visite ici. Elle aurait pu vivre rien qu’en faisant Marilyn. Elle aurait pu vivre rien qu’en faisant la princesse Diana.
À M. Jones, elle disait : imaginez que vous levez les yeux vers un ciel bleu, et imaginez un minuscule avion en train d’écrire dans ce ciel la lettre Z. Ensuite laissez le vent effacer la lettre. Puis la lettre X. Effacez-la. Puis la lettre W.
Laissez le vent l’effacer.
Tout ce qu’elle faisait se résumait en fait à installer le décor. Elle se contentait de présenter des hommes à leur idéal. Elle leur arrangeait un rencard avec leur subconscient parce que rien n’est jamais aussi bon que ce que vous pouvez en imaginer. Pas une femme n’est aussi belle que celle qu’elle est dans votre tête. Rien n’est aussi excitant que votre imaginaire fantasmatique.
Ici, vous aviez droit au sexe dont vous ne faisiez que rêver, et uniquement rêver. Elle installait le décor et faisait les présentations. Le reste de la séance, elle surveillait l’horloge et peut-être qu’elle lisait un livre ou faisait un mot croisé.
Ici, vous n’étiez jamais déçu.
Enterré dans les profondeurs de sa transe, un mec s’allongeait là et s’agitait, de tics en coups de reins, comme un chien chassant des lapins dans un rêve. À quelques mecs d’intervalle, elle se récupérait un hurleur, ou un gémisseur ou un grogneur. Il faut s’interroger sur ce que les gens dans la pièce voisine pensaient à ce moment-là. Les mecs dans la salle d’attente entendaient tout le tintouin, et ça les rendait complètement dingues.
À l’issue de la séance, un mec se retrouvait trempé de sueur, la chemise mouillée collant à la peau, le pantalon taché. Certains arrivaient même à vider leurs chaussures de la sueur qui s’y accumulait. Ils pouvaient la chasser de leurs cheveux en secouant la tête. Le canapé dans le bureau de la Man-man était traité à l’antitaches Scotchgard mais jamais il n’avait l’occasion de sécher complètement. Aujourd’hui, il est scellé sous une enveloppe amovible en plastique transparent, plus pour garder les années de foutoir à l’intérieur de sa carcasse que pour le protéger du reste du monde.
Donc les mecs devaient chacun apporter une serviette, dans leur attaché-case, dans des sacs en papier, dans des sacs de sport, à côté d’un change de vêtements propres. Entre deux clients, elle vaporisait des désodorisants d’atmosphère. Elle ouvrait les fenêtres.
À M. Jones, elle disait : faites en sorte que toute la tension dans votre corps se rassemble dans vos orteils, avant de se vider. Toute la tension. Imaginez votre corps entier qui se relâche. Tout mou. Décontracté. Effondré. Sans ressort. Décontracté. Lourd. Décontracté. Vide. Décontracté.
Respirez par l’estomac plutôt que par la poitrine. Inspiration, puis expiration.
Ça entre, et puis ça sort.
Inspirez fortement.
Et puis expirez. De manière égale et sans heurts.
Vos jambes sont lourdes et fatiguées. Vos bras sont lourds et fatigués.
Au départ, ce dont se souvient le stupide petit garçon, c’est que la Man-man faisait des nettoyages de maisons, pas du passage d’aspirateur ni du ménage, non, en aucun cas, mais du nettoyage spirituel, des exorcismes. La partie la plus difficile du boulot consistait à obtenir des gens des Pages jaunes qu’ils acceptent de passer son annonce sous la rubrique « Exorciste ». Vous allez brûler de la sauge. Dire le Notre Père en marchant en rond. Peut-être même taper sur un tambour en terre cuite. Déclarer la maison propre. Des clients paieront rien que pour que vous fassiez ça.
Les points froids, les mauvaises odeurs, les sensations d’effroi étrange – la plupart des gens n’ont pas besoin d’exorciste. Ce qu’il leur faut, c’est une nouvelle chaudière, ou un plombier, ou un décorateur d’intérieur. Le point étant : ce qu’on pense n’est pas important. Ce qui est important, c’est que eux soient sûrs d’avoir un problème. La plupart de ces boulots passent par l’intermédiaire des agents immobiliers. Dans cette ville, nous avons une loi sur l’inventaire détaillé des biens immobiliers, et les gens reconnaissent jusqu’aux défauts les plus débiles, non pas seulement l’amiante et les citernes à fuel enterrées, mais aussi les fantômes et les esprits frappeurs. Tout le monde veut retirer de sa vie plus d’excitation qu’il n’en aura jamais. Les acheteurs sur le point de conclure l’affaire, il faudra les rassurer un tout petit peu sur la maison. L’agent immobilier passe un coup de fil, et vous faites votre petit numéro, vous brûlez un peu de sauge, et tout le monde est gagnant.
Ils ont ce qu’ils voulaient, plus une bonne histoire à raconter. Une expérience à transmettre.
Ensuite est arrivé le Feng Shui, se rappelle le gamin, et les clients voulaient un exorcisme et, en plus, ils voulaient que la Man-man leur dise où placer le canapé. Les clients demandaient : où est-ce que le lit devait aller pour leur éviter de couper le flux du chi depuis le coin de la commode. Où ils devaient accrocher les miroirs pour renvoyer le flux de chi au premier ou loin des portes ouvertes. Voilà le genre de boulot que c’était devenu. Voilà ce que vous faites avec une maîtrise en anglais.
À lui seul, le CV de la Man-man était une preuve que la réincarnation existait.
Avec M. Jones, elle reprenait l’alphabet à l’envers. Elle lui disait : vous êtes debout dans une pâture à l’herbe bien grasse, mais maintenant les nuages vont descendre, ils vont descendre de plus en plus bas, pour se poser sur vous jusqu’à ce qu’ils vous entourent d’un brouillard épais. Un brouillard dense et brillant.
Imaginez que vous êtes debout dans un brouillard froid et brillant. L’avenir est à votre droite. Le passé à votre gauche. Le brouillard est froid et mouillé sur votre visage.
Tournez à gauche et commencez à marcher.
Imaginez, elle disait à M. Jones, une forme juste devant vous dans le brouillard. Continuez à marcher. Sentez le brouillard qui commence à se lever. Sentez le soleil brillant qui vous chauffe les épaules.
La forme est plus proche. À chaque pas, la forme est de plus en plus distincte.
Ici, dans votre esprit, vous disposez d’une intimité totale. Ici, il n’y a pas de différence entre ce qui est et ce qui pourrait être. Vous n’allez attraper aucune maladie. Ni de morpions. Pas plus que vous n’allez enfreindre de loi. Ou vous contenter de moins que le meilleur de tout ce que vous pouvez imaginer.
Vous pouvez faire tout ce que vous pouvez imaginer.
Elle disait à chaque client : inspirez profondément. Puis expirez.
Vous pouvez avoir n’importe qui. N’importe où.
Ça entre. Et puis ça sort.
Du Feng Shui, elle est passée à la focalisation. Dieux antiques, guerriers de lumière, animaux familiers décédés, elle les avait simulés. La focalisation a conduit à l’hypnose et à la régression au passé. Faire régresser les gens l’a conduite jusqu’ici, jusqu’à neuf clients par jour à deux cents sacs par tête. Jusqu’à la salle d’attente pleine de mecs toute la journée. Jusqu’à des épouses appelant le petit garçon et lui hurlant à la figure : « Je sais qu’il est ici. Je ne sais pas ce qu’il raconte, mais il est marié. »
Jusqu’à des épouses dans des voitures dehors, appelant par téléphone portable, pour dire : « Ne croyez pas que je ne sache pas ce qui se passe là-haut. Je l’ai suivi. »
Ce n’est pas comme si la Man-man avait commencé avec l’idée d’invoquer les femmes les plus puissantes de l’histoire pour qu’elles offrent branlettes, pipes, moitié-moitié[17] et tours du monde.
Ç’a juste fait boule de neige. Le premier mec a parlé. Un de ses amis a appelé. Un ami du deuxième mec a appelé. Au début, tous autant qu’ils étaient, ils demandaient de l’aide pour se guérir d’un truc légitime. Le fait de fumer ou de chiquer. De cracher en public. De voler à l’étalage. Puis ils ont juste voulu du sexe. Ils voulaient Clara Bow[18] et Betsy Ross[19], et Elizabeth Tudor[20] et la reine de Saba.
Et tous les jours la Man-man courait à la bibliothèque pour faire sa recherche sur la femme du lendemain, Eleanor Roosevelt[21], Amelia Earhart[22], Harriet Beecher Stowe[23].
Ça entre, et puis ça sort.
Des mecs appelaient, voulant s’embourber Helen Hayes[24], Margaret Sanger[25] et Aimee Semple McPherson[26]. Ils voulaient tringler Édith Piaf, Sojourner Truth[27] et l’impératrice Theodora. Et au départ, ça a posé des problèmes à la Man-man, la manière dont tous ces mecs n’étaient obsédés que par des femmes mortes. Et cette façon qu’ils avaient de ne jamais demander deux fois la même. Et peu importait la masse de détails dont la Man-man illustrait une séance, les mecs ne voulaient jamais que s’embourber et tringler, bourrer et niquer, enfiler, emmancher, baiser, fourrer, défoncer, pilonner, tirer, trombiner et faire la bête à deux dos.
Et il arrive parfois qu’un euphémisme n’en soit tout bonnement pas un.
Il arrive parfois qu’un euphémisme soit plus vrai que ce qu’il est censé cacher.
Ces mecs signifiaient juste exactement ce qu’ils venaient chercher.
Ils ne voulaient pas de conversation, de costumes d’époque ou de précision historique. Ils voulaient Emily Dickinson[28] nue, en hauts talons, un pied par terre et l’autre posé sur le dessus de son bureau, penchée en avant, en train de se passer et repasser une plume d’oie dans la raie du cul.
Ils payaient deux cents sacs pour entrer en transe et trouver Mary Cassait[29] portant un soutien-gorge pigeonnant.
Ce n’était pas le premier homme venu qui pouvait s’offrir ses services, aussi se récupérait-elle toujours et encore le même type de spécimen. Les mecs garaient leur mini-van à six blocs de là et se dépêchaient jusqu’à la maison en rasant les murs et en tirant derrière eux leur ombre contrainte et forcée. Ils entraient d’un pas hésitant, lunettes noires sur le nez, et attendaient à l’abri de revues et de journaux ouverts jusqu’à ce qu’on appelle leur nom. Ou leur pseudonyme. S’il arrivait par hasard que la Man-man et le stupide petit garçon les rencontrent en public, ces hommes faisaient semblant de ne pas la connaître, cette femme. En public, ils avaient des épouses. Dans les supermarchés, ils avaient des gamins. Ils avaient de vrais noms de la vraie vie.
Ils la payaient en billets de vingt et de cinquante tout moites sortis de portefeuilles trempés pleins de choses suantes, photos, cartes de bibliothèque, cartes de crédit, cartes de membre de clubs, permis, monnaie. Obligations. Responsabilité. Réalité.
Imaginez, disait-elle à chaque client, le soleil sur votre peau. Sentez le soleil qui se fait de plus en plus chaud à chaque bouffée d’air que vous expirez. Le soleil brillant et chaud sur votre visage, votre poitrine, vos épaules.
Inspirez. Puis soufflez.
Ça entre. Puis ça sort.
Ses clients à répétition, maintenant ils voulaient tous des spectacles fille sur fille, ils voulaient des fiestas à deux filles, Indira Gandhi[30] et Carole Lombard[31]. Margaret Mead[32] et Audrey Hepburn[33] et Dorothea Dix[34]. Les clients à répétition ne voulaient même plus être des personnes réelles. Les chauves demandaient des tignasses bien pleines de cheveux épais. Les gros lards demandaient du muscle. Les pâlots, du bronzage. Après un nombre suffisant de séances, chaque homme demandait une arrogante érection de trente bons centimètres.
Et donc ce n’était pas de la vraie régression au passé. Et ce n’était pas de l’amour. Ce n’était pas de l’histoire, et ce n’était pas la réalité. Ce n’était pas la télévision, mais ça se passait dans votre esprit. C’était une diffusion, et c’était elle l’émettrice.
Ce n’était pas du sexe. Elle n’était que le guide du voyage organisé destination rêve mouillé. Une danseuse go-go se trémoussant dans votre giron pour vous hypnotiser.
Chaque mec gardait le pantalon pour les dégâts éventuels et leur maîtrise. Leur contention. Le foutoir allait bien au-delà de simples pointillés de zizi. Et ça payait une fortune.
M. Jones avait droit à l’expérience Marilyn standard. Il s’allongeait rigide sur le canapé, tout suant, respirant par la bouche. Ses yeux se révulsaient. Sa chemise se mouillait sous les bras. Son entre-deux faisait la tente.
La voici, disait la Man-man à M. Jones.
Le brouillard a disparu et la journée est belle et chaude. Sentez l’air sur votre peau nue, vos bras nus, vos jambes nues. Sentez combien vous avez de plus en plus chaud à chaque bouffée d’air que vous expirez. Sentez-vous grandir, plus long, plus gros. Déjà vous êtes plus dur et plus lourd, plus violacé et plus palpitant que vous ne l’avez jamais été.
La montre de la Man-man disait qu’ils disposaient d’une quarantaine de minutes avant le client suivant.
Le brouillard a disparu, monsieur Jones, et la forme qu’il y a juste devant vous, c’est Marilyn Monroe en robe de satin moulante. Toute dorée et souriante, les yeux mi-clos, sa tête bascule légèrement en arrière. Elle se tient dans un champ de fleurs minuscules et elle lève les bras, et comme vous vous rapprochez, sa robe glisse jusqu’au sol.
S’adressant au stupide petit garçon, la Man-man disait toujours que ça, ce n’était pas du sexe. Ce n’était pas tant des femmes réelles que des symboles. Des projections. Des symboles sexuels.
Le pouvoir de la suggestion.
S’adressant à M. Jones, la Man-man disait : « Allez-y, lancez-vous. »
Elle disait : « Elle est toute à vous. »