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L’ATTRACTION NATURELLE :
BACTÉRIES, OISEAUX ET ABEILLES
 

Les célèbres paroles : « Sois bénie entre toutes les femmes », furent prononcées par l’archange Gabriel annonçant à Marie qu’elle allait concevoir et engendrer un fils venu du Saint-Esprit. Dans la peinture du Moyen Âge et de la Renaissance, Gabriel porte des ailes d’oiseau, souvent largement ouvertes et richement décorées. En visitant Florence l’année dernière, je fus fasciné par l’« anatomie comparée » des ailes de Gabriel telles que les avaient peintes les grands artistes italiens. Les visages de Marie et de Gabriel sont très beaux et leurs gestes souvent expressifs. Cependant, dans les peintures de Fra Angelico et de Marini les ailes semblent raides et sans vie, malgré la magnificence de leur ornementation.

C’est alors que j’ai vu la version de Léonard de Vinci. Les ailes de Gabriel y sont si souples et si élégantes que je ne m’attardai guère à détailler son visage ou à noter l’influence qu’il pouvait avoir sur Marie. Je m’aperçus bientôt d’où provenait la différence. Léonard de Vinci qui étudiait les oiseaux et avait compris l’aérodynamisme des ailes avait placé sur le dos de Gabriel un véritable mécanisme en état de marche. Les ailes étaient à la fois magnifiques et fonctionnelles. Elles possédaient non seulement l’orientation et la cambrure qui conviennent, mais également l’exacte disposition des plumes. S’il avait été à peine un peu plus léger, Gabriel aurait pu voler sans aucune assistance divine. Les autres Gabriel n’étaient affublés que de piètres ornements mal conçus ne pouvant en aucun cas leur permettre de voler. Je me suis rappelé à cette occasion que la beauté esthétique et la beauté fonctionnelle vont souvent de pair.

Dans les exemples de perfection du mouvement les plus fréquemment cités – la course du guépard, la fuite de la gazelle, le vol de l’aigle, la nage du thon et même la reptation du serpent ou la progression de la chenille arpenteuse –, ce que nous percevons comme une forme élégante représente également une excellente solution à un problème physique. Lorsque l’on désire illustrer le concept d’adaptation en biologie de l’évolution, on essaie souvent de montrer que les organismes « connaissent » inconsciemment la physique, qu’ils ont mis au point pour se nourrir et se déplacer des machines d’une efficacité remarquable. Lorsque Marie a demandé à Gabriel comment il lui serait possible de concevoir « puisque je ne connais point d’homme », l’ange répondit : « Rien n’est impossible à Dieu. » La nature, elle, n’est pas omnipotente. Mais ce qu’elle peut faire, elle le fait souvent avec une perfection inégalable.

J’ai récemment pris connaissance d’un exemple de réalisation tout à fait étonnant, celui d’un organisme qui a construit, à l’intérieur même de son corps, une machine de haute précision. Cette machine est un aimant, l’organisme une humble bactérie. Une fois Gabriel parti, Marie rendit visite à Elisabeth qui avait également conçu avec quelque aide divine. Le bébé d’Élisabeth (le futur Jean-Baptiste) « tressaillit dans son sein » et Marie prononça le Magnificat où l’on trouve ce verset, qui sera plus tard illustré de manière incomparable par Bach, et exaltavit humiles, « et il a élevé les humbles ». Les minuscules bactéries, les plus simples de tous les organismes quant à leur structure, premiers barreaux des traditionnelles (et fallacieuses) échelles de la vie, illustrent sur quelques microns toutes les merveilles et toute la beauté qui demandent des mètres pour s’exprimer dans d’autres organismes.

En 1975, un microbiologiste de l’université du New Hampshire, Richard P. Blakemore, découvrait des bactéries « magnétotactiques » dans des sédiments proches de Woods Hole au Massachusetts. (De même que les organismes géotactiques présentent une réaction d’orientation sous l’influence de la pesanteur et les créatures phototactiques une sensibilité à la lumière, les bactéries magnétotactiques s’alignent et nagent dans des directions préférentielles, celles des champs magnétiques.) Blakemore a ensuite passé une année à l’université de l’Illinois en compagnie du microbiologiste Ralph Wolfe et est parvenu à isoler et à cultiver une souche pure de bactéries magnétotactiques. Blakemore et Wolfe se sont alors tournés vers un spécialiste de la physique du magnétisme, Richard B. Frankel du National Magnet Laboratory au Massachusetts Institute of Technology. (Je remercie ici le docteur Frankel pour les explications patientes et claires qu’il a bien voulu me fournir.)

Frankel et ses collègues ont trouvé que chaque bactérie élabore à l’intérieur de son corps un aimant composé d’une vingtaine de particules opaques, vaguement cubiques, mesurant environ 500 angströms de côté (un angström est un dix millionième de millimètre). Ces particules sont composées en grande partie d’un matériau magnétique Fe3O4, appelé magnétite ou pierre d’aimant. Frankel a alors calculé le moment magnétique complet par bactérie et a découvert que chacune contenait assez de magnétite pour s’orienter dans le champ magnétique terrestre en échappant à l’influence du mouvement brownien. (Les particules trop petites pour être affectées par les champs gravitionnels qui nous stabilisent ou par les forces superficielles qui jouent sur les objets de taille intermédiaire sont agitées de manière désordonnés par l’énergie thermique du milieu dans lequel elles sont en suspension. C’est généralement le « jeu » des particules de poussière dans le soleil que l’on donne comme exemple pour illustrer le mouvement brownien.)

Les bactéries magnétotactiques ont élaboré une remarquable machine en utilisant pratiquement la seule configuration susceptible de fonctionner comme une boussole à l’intérieur de leur corps minuscule. Frankel explique pourquoi la magnétite doit se présenter sous la forme de particules et pourquoi celles-ci doivent avoir environ 500 angströms de côté. Pour remplir efficacement son rôle de boussole, la magnétite doit être présente sous la forme de particules dites de domaine élémentaire, c’est-à-dire comme des éléments n’ayant qu’un moment magnétique, unique, avec deux extrémités opposées, l’une dirigée vers le nord, l’autre vers le sud. Les bactéries renferment une chaîne de ces particules orientées selon leur moment magnétique du pôle nord au prochain pôle sud, tout au long de la colonne, « tels des éléphants se suivant à la queue leu leu dans une parade de cirque », comme l’a écrit Frankel. De cette façon, la chaîne de particules tout entière agit comme un seul dipôle magnétique, avec deux extrémités, l’une dirigée vers le nord, l’autre vers le sud.

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Si les particules étaient un peu plus petites (moins de 400 angströms de côté), elles seraient « superparamagnétiques », un mot bien long pour dire que l’énergie thermique à la température ambiante d’une pièce entraînerait une réorientation interne du moment magnétique des particules. Si les particules étaient supérieures à 1 000 angströms de côté, des domaines magnétiques distincts dirigés dans des directions différentes se formeraient à l’intérieur de chaque particule. Cette « concurrence » réduirait ou annulerait le moment magnétique global de la particule. Ainsi, conclut Frankel, « les bactéries ont résolu un intéressant problème de physique en sécrétant des particules de magnétite d’une dimension convenant parfaitement pour faire office de boussole, 500 angströms ».

Mais la biologie de l’évolution étant avant tout la science du « pourquoi », il faut nous demander quelle peut bien être l’utilité d’un aimant pour une créature si petite. Les possibilités de déplacement d’une bactérie, pendant les quelques minutes de son existence, ne devant pas excéder quelques centimètres, il me semble difficile de penser qu’un mouvement orienté vers le nord ou vers le sud puisse jouer un rôle quelconque dans son répertoire de caractères adaptatifs. Mais quelle direction préférentielle pourrait revêtir une importance particulière ? Frankel propose, d’une manière assez plausible à mon avis, que la faculté de se déplacer vers le bas pourrait être essentielle pour ce type de bactéries, car c’est vers le bas que se dirigent les alluvions dans les milieux aquatiques et c’est vers le bas que l’on peut atteindre une zone où la pression d’oxygène est optimale. Ces êtres « inférieurs » désireraient donc se rabaisser plus encore !

Mais comment une bactérie sait-elle où se trouve le bas ? Bardés des préjugés hautains des énormes créatures que nous sommes, nous pourrions penser que la question est stupide et que la réponse va de soi : la seule chose qu’elles aient à faire, c’est de s’arrêter et de regarder où elles tombent. Mais les choses sont bien différentes. Nous tombons parce que nous sommes soumis à la pesanteur. La pesanteur, l’exemple commun d’une « force faible » en physique, ne nous influence que parce que nous sommes gros. Nous vivons dans un monde de forces concurrentes et l’importance relative de ces forces dépend avant tout de la taille des objets sur lesquels elles jouent. Pour les créatures de dimensions macroscopiques, celles qui nous sont les plus familières, le rapport surface-volume est essentiel. Cette proportion décroît lorsque la taille de l’organisme augmente, la surface ne croissant qu’en fonction du carré de la longueur et le volume en fonction du cube de la longueur. Les créatures de petite taille, les insectes par exemple, vivent dans un monde dominé par des forces agissant sur leur surface. Certaines peuvent marcher sur l’eau ou se tenir la tête en bas sur un plafond car la tension superficielle est plus forte que la pesanteur qui les attire vers le bas. La pesanteur joue sur les volumes (ou pour être plus précis, sur les masses qui sont proportionnelles aux volumes dans un champ gravitationnel constant). Les lois de la pesanteur s’appliquent à nous à cause de notre faible rapport surface-volume. Mais elles affectent très peu les insectes, et pas du tout les bactéries.

Le monde d’une bactérie est si dissemblable du nôtre que nous devons faire table rase de toutes nos certitudes sur ce qui nous entoure. La prochaine fois que vous verrez à la télévision Le Voyage fantastique, détachez vos yeux de Raquel Welch et du vilain globule blanc prédateur pour réfléchir un court instant à la façon dont ces aventuriers miniaturisés se déplaceraient réellement sous la forme d’objets microscopiques à l’intérieur du corps humain (dans le film, ils se comportent comme des gens normaux). D’abord, ils seraient soumis aux chocs du mouvement brownien, ce qui donnerait au film un aspect de confusion désordonnée. Et, comme Isaac Asimov me le faisait remarquer, leur navire ne pourrait pas avancer à l’aide de son hélice, le sang étant trop visqueux à cette échelle. Il lui faudrait posséder un flagelle… comme une bactérie.

D’Arcy Thompson, premier pionnier après Galilée de l’étude des rapports entre échelle et forme, nous incite à rejeter nos préjugés si nous voulons comprendre le monde d’une bactérie. Dans son chef-d’œuvre, On Growth and Form (publié en 1942, mais toujours disponible), il termine ainsi son chapitre « Sur la grandeur » :

« La vie couvre un éventail de grandeurs très étroit si on le compare avec celui dont traite la science physique ; mais assez large cependant pour renfermer trois situations aussi éloignées l’une de l’autre que celles dans lesquelles un homme, un insecte et un bacille vivent et remplissent leurs multiples fonctions. L’homme est soumis à la pesanteur et repose sur notre mère, la Terre. Un insecte aquatique trouve à la surface d’un étang matière de vie et de mort ; c’est à la fois pour lui un périlleux enchevêtrement et un soutien indispensable. Dans ce troisième monde où vit le bacille, la pesanteur est oubliée et la viscosité du liquide, la résistance définie par la loi de Stokes, les chocs moléculaires du mouvement brownien et sans doute, également, les charges électriques du milieu ionisé composent l’environnement physique et exercent une influence puissante et immédiate sur l’organisme. Les facteurs prédominants ne sont plus ceux qui agissent à notre échelle ; nous sommes parvenus au bord d’un univers dont nous n’avons aucune expérience et où toutes nos idées préconçues doivent être révisées. »

Ainsi comment une bactérie sait-elle où se trouve le bas ? Nous utilisons les aimants pour l’orientation horizontale de façon si exclusive que nous oublions souvent (en fait, je subodore que nombre d’entre nous l’ignorent tout à fait) que le champ magnétique de la Terre a également une composante verticale dont la force dépend de la latitude. (Nous éliminons la déviation verticale en construisant les boussoles car elle ne nous intéresse pas. En tant que créatures de grande taille soumises aux lois de la pesanteur, nous savons dans quelle direction se trouve le bas.) L’aiguille de la boussole suit les lignes de force de la Terre. À l’équateur, ces lignes sont parallèles à la surface. En allant vers les pôles, elles s’inclinent de plus en plus vers le centre de la Terre. Chez moi, à la latitude de Boston, la composante verticale est en réalité plus forte que l’horizontale. À Woods Hole, une bactérie nageant vers le nord comme une aiguille de boussole nage aussi vers le bas.

Cette fonction d’orientation n’est pour le moment qu’une simple supposition. Mais si ces bactéries utilisent surtout leurs aimants pour nager vers le bas (plutôt que pour se chercher, ou pour faire Dieu sait quoi dans ce monde qui nous est si étranger), alors il nous est possible d’avancer quelques hypothèses vérifiables par l’expérience. Les membres de la même espèce, vivant dans des populations naturelles adaptées à la vie à l’équateur, ne fabriquent probablement pas d’aimants, car là-bas il n’y a pas de composante verticale. Dans l’hémisphère austral, les bactéries magnétotactiques devraient présenter une polarité inversée et nager vers leur pôle qui se dirige au sud.

On a aussi signalé que la magnétite entrait dans la composition de plusieurs organismes de plus grandes dimensions, qui tous accomplissent des performances remarquables dans le domaine de l’orientation horizontale, ce qui est l’usage traditionnel de la boussole pour des créatures à notre échelle. Les chitons, mollusques à huit plaques calcaires sur le « dos », cousins des praires et des escargots, vivent surtout sur les rochers près du niveau de la mer dans les régions tropicales. Ils grattent leur nourriture sur les rochers grâce à une longue râpe appelée radula dont l’extrémité des dents est composée de magnétite. De nombreux chitons font des excursions fort éloignées de leur habitat, mais reviennent à leur point de départ avec une grande précision. L’idée qu’ils pourraient utiliser leur magnétite comme boussole vient de suite à l’esprit, mais aucune preuve n’est venue confirmer cette hypothèse. Il n’est même pas évident que les chitons aient assez de magnétite pour percevoir le champ magnétique terrestre, et Frankel m’a dit que leurs particules dépassent pour la plupart la limite du domaine élémentaire.

Certaines abeilles ont de la magnétite dans l’abdomen et nous savons qu’elles sont influencées par le champ magnétique terrestre (voir l’article de J.L. Gould, un de mes homonymes sans plus, J.L. Kirschvink et K.S. Defeyes dans la bibliographie). Les abeilles accomplissent leur célèbre danse sur la surface verticale de leur rayon de miel en convertissant l’orientation de leur vol vers la nourriture en liaison avec le soleil en un angle dansé par rapport à la pesanteur. Si le rayon est tourné de telle sorte que les abeilles doivent danser sur une surface horizontale où elles ne peuvent pas exprimer la direction en termes gravitionnels, elles sont, dans un premier temps, désorientées. Puis, après plusieurs semaines, elles alignent leurs danses sur la direction de la boussole. De plus, un essaim d’abeilles, placé dans une ruche vide sans indication quant à l’orientation, construisent leur rayon dans la direction magnétique qu’il occupait dans la ruche parentale. Les pigeons, dont les qualités d’orientation ne sont plus à démontrer, possèdent une structure composée de magnétite entre leur cerveau et leur crâne. Cette magnétite existe sous la forme de domaines élémentaires et peut donc servir d’aimant (voir C. Walcott et al. dans la bibliographie).

Le monde est plein de signaux que nous ne percevons pas. Les créatures minuscules vivent dans un monde différent régi par des forces qui nous sont étrangères. De nombreux animaux, qui appartiennent à la même échelle de taille que nous, dépassent largement nos facultés de perception. Les chauves-souris évitent les obstacles en projetant des sons contre eux à des fréquences que je ne peux pas entendre, bien que certaines personnes y soient sensibles. De nombreux insectes voient dans l’ultraviolet et suivent les « invisibles » guides à nectar des fleurs, pour atteindre leur nourriture et se charger du pollen qu’ils transporteront vers la fleur suivante que ce pollen fécondera. (Les plantes se dotent de raies de couleur permettant aux insectes de s’orienter, pour leur propre bénéfice à elles et non pour faciliter la tâche des insectes.)

Nos facultés de perception sont bien faibles. Environnés dans la nature par tant de phénomènes fascinants et réels que nous ne voyons pas (et que nous n’appréhendons ni par l’ouïe ni par l’odorat ni par le toucher ni par le goût), nous nous montrons si crédules et si friands de prétendus pouvoirs nouveaux que nous prenons les trucages de médiocres magiciens pour des regards sur un monde psychique qui dépasse nos compétences. Le paranormal appartient peut-être au domaine du fantastique ; c’est en tout cas un refuge pour les charlatans. Mais des pouvoirs perceptifs « para-humains » nous entourent chez les oiseaux, les abeilles et les bactéries. Et nous pouvons utiliser les instruments que la science met à notre disposition pour pressentir et comprendre ce que nous ne pouvons pas percevoir directement.


Addendum

En se demandant dans quel but les bactéries pouvaient bien élaborer des aimants dans leur corps, Frankel supposait fort à propos que se diriger vers le nord n’avait pas grand intérêt pour une créature aussi minuscule, mais que se diriger vers le bas (la seconde influence du magnétisme à des latitudes moyennes ou hautes dans l’hémisphère boréal) pouvait être très important. Cela m’amena à penser que si l’hypothèse de Frankel était valable, les bactéries magnétiques de l’hémisphère austral devaient nager vers le sud pour pouvoir se diriger vers le bas, c’est-à-dire que leur polarité devrait s’inverser par rapport à leurs cousines de l’hémisphère nord.

En mars 1980, Frankel m’envoya le manuscrit d’un article qu’il avait écrit avec la collaboration de R.P. Blakemore et A.J. Kalmijn. Ils s’étaient rendus en Nouvelle-Zélande et en Tasmanie pour y étudier la polarité des bactéries magnétiques de l’hémisphère austral. Et il s’avéra en effet qu’elles se dirigeaient vers le sud et vers le bas, ce qui confirmait de manière éclatante l’hypothèse de Frankel et le bien-fondé de ce chapitre.

Ils réalisèrent également une autre expérience qui apporta une confirmation supplémentaire d’un autre type. Ils recueillirent des bactéries magnétiques à Woods Hole au Massachusetts et divisèrent leurs cellules – qui toutes se dirigeaient vers le nord – en deux lots. Ils firent des cultures du premier groupe pendant plusieurs générations dans une chambre à polarité normale, mais maintinrent le second dans une chambre à polarité inversée qui simulait les conditions existant dans l’hémisphère austral. Comme on s’y attendait, les cellules se dirigeant vers le nord continuèrent, après plusieurs semaines, à prédominer dans la chambre de polarité normale. Mais dans la chambre à polarité inversée, les cellules se dirigeant vers le sud formèrent la majorité. Les bactéries ne changeant pas de polarité durant leur vie, ce changement spectaculaire résultait probablement d’une forte sélection naturelle ayant joué en faveur des cellules dotées de la faculté de nager vers le bas. On peut penser que des cellules se dirigeant vers le nord et d’autres vers le sud sont apparues dans chacune des deux cultures, mais que la sélection a éliminé les individus incapables de se diriger vers le bas.

Frankel me disait récemment qu’il se préparait à se rendre sur l’équateur géomagnétique pour voir ce qu’il allait advenir de ces bactéries en un lieu où le champ magnétique ne possède pas de composante verticale.