3.
École buissonnière au musée Guimet
L'accueil est courtois 1 . Le président me dit pourquoi il a accepté de me recevoir et je comprends que cela a un lien avec mon livre Une jeunesse française, dont il sait par François Mitterrand qu'il était « honnête ». Je lui expose mon projet. Je le trouve étonnamment serein face aux attaques dont il est l'objet. Il évoque le dernier livre de Franz-Olivier Giesbert avec une incroyable indulgence et se contente d'un « Il se prétendait mon meilleur ami ». Emploie le mot « naïveté » et me demande combien de temps d'entretiens il me faudrait.
– Je ne peux vous répondre avec précision, mais je pense qu'une vingtaine d'heures serait l'ordre de grandeur.
– Je dégagerai le temps nécessaire.
Je pense alors que nous arrivons au terme de ce premier rendez-vous. Mais il consulte sa montre et se dit prêt à parler jusqu'à midi trente, « pour se mettre en jambes ». Je vais donc essayer d'emblée de comprendre les racines de son engagement en faveur des arts premiers, qui l'ont amené à vouloir créer le musée du quai Branly.
Le fauteuil dans lequel je suis assis n'est pas idéal pour prendre des notes. Le président s'en aperçoit et explique comment et pourquoi les fauteuils plus confortables qui meublaient le bureau de son prédécesseur ont été remplacés. Après son élection en mai 1995, François Mitterrand lui avait demandé quelques jours de sursis avant de quitter l'Élysée.
« J'ai évidemment accepté… Quand j'arrive à l'Élysée, il tient à m'accompagner jusqu'à ce qui allait être mon bureau. Je suis stupéfait de ne pas reconnaître les lieux, avec les meubles Paulin…
– Ça vous étonne ? me dit-il.
– …
– J'ai tenu à vous laisser le bureau dans l'état où le général de Gaulle l'a quitté. »
Et Jacques Chirac de m'expliquer comment son prédécesseur s'était personnellement occupé de cette remise en état pour lui être agréable.
En quelques mots, le chef de l'État vient de me confier le lien fort qui le lia à son prédécesseur, et l'acceptation du message que celui-ci avait voulu lui transmettre par ce geste symbolique. Il vient manifestement de me livrer une première petite clé pour entrebâiller son armoire à secrets. Et comme s'il voulait s'assurer que j'avais enregistré sa pensée, il a tourné son regard vers le bureau Louis XV, marqueté de bois de rose et de violette, avec dessus en maroquin rouge, derrière lequel il travaille depuis plus de dix ans ; il pointe du doigt deux lampes bouillotes en vermeil, style Louis XVIII, et raconte qu'il les avait déjà eues quelques jours sur son bureau, la première fois qu'il avait été Premier ministre, en 1974. Mais Giscard, qui les avait repérées, envoya, sans le prévenir, quelqu'un les récupérer. Faisant mine de résister, Chirac s'était entendu signifier par l'émissaire inconnu :
– Vous n'avez pas le choix, c'est un ordre du président de la République.
S'il accepte volontiers la chaîne de souvenirs qui le rattache à de Gaulle et à Mitterrand, il rejette manifestement tout lien avec Giscard.

Jacques Chirac a 14 ans en 1946. Il est alors en quatrième B1 au lycée Carnot. Il dit avoir été attiré tout jeune – vers 14-15 ans – par l'art asiatique. Ses carnets de notes font de lui un élève qui « peut mieux faire », même si le professeur de français le trouve « intelligent » au premier trimestre, que celui d'histoire le trouve « bon », que celui d'anglais voit en lui un « bon élève », mais « un peu trop bavard ». À la fin de l'année, l'appréciation générale est qu'il est « intelligent », mais d'un « esprit pas assez posé ». Personne n'a remarqué que ses principaux pôles d'intérêt sont ailleurs et qu'il se garde bien d'en parler à quiconque. « J'ai commencé, dit-il, à faire l'école buissonnière pour aller au musée Guimet où je rencontrais des vieux messieurs très intéressants à qui je servais de grouillot en allant par exemple leur chercher le café. » « Jacky » était intéressé à la fois par ce qu'il voyait et par ce qu'il entendait. Les « vieux messieurs » furent rapidement intrigués par la soif de connaissances et l'intelligence du jeune Jacques, lequel leur confia son désir de suivre leur voie.
« Commence d'abord par apprendre le sanscrit », prescrivirent-ils à l'adolescent.
Et de lui indiquer le nom d'un professeur qui « logeait dans une petite chambre au fond d'une cour, dans le XIVe arrondissement, du nom de Vladimir Belanovitch ». Cet étonnant personnage a alors 61 ans. Russe blanc, parlant de nombreuses langues, arrivé en France par suite de la Révolution de 1917, il est né à Saint-Pétersbourg dans une famille de la petite-bourgeoisie. Diplomate, il a épousé une princesse Troubetzkoï, morte plus tard dans des circonstances dramatiques lors d'un accident d'automobile. La victoire de Lénine survint alors qu'il était en poste en Inde. Arrivé en France, il a longtemps travaillé comme ouvrier chez Renault, a été aussi chauffeur de taxi, et donne alors des cours de langues. Quand le jeune Chirac prend contact avec lui – autour de 1946-47 –, Vladimir Belanovitch est en quasi-retraite et fabrique des écorchés en carton pour les écoles…

Si cet épisode important de la vie de Jacques Chirac est corroboré par plusieurs sources, je ne suis pas sûr, en revanche, que sa rencontre avec ce Russe blanc se situe bien en 1946-47. Autant le président, comme on le verra, est on ne peut plus précis sur les chronologies de l'apparition de l'homme et de l'outil, ou des premiers signes religieux, dont les unités de mesure sont les dizaines, voire les centaines de milliers d'années, autant il reste flou sur la chronologie des événements qui ont jalonné sa vie. Quoi qu'il en soit, j'ai le sentiment que cette rencontre est survenue plus tard, à la toute fin des années 40 2 .
S'il situe sa rencontre avec Belanovitch dès ses 14-15 ans, c'est qu'il relie directement son « école buissonnière » aux années qu'il a passées pendant la guerre au Rayol (Var), durant lesquelles il a vécu comme un enfant sauvage à courir pieds nus dans la montage avec Darius Zunino. « C'était un petit voyou, mais un petit voyou sympathique… On courait beaucoup dans la nature, on chassait, on piquait des tuyaux de plomb, on les fondait, on les coupait en petits morceaux pour en faire des petits projectiles qu'on lançait avec des lance-pierres sur les oiseaux… Il y avait des drames avec le maire aux prises avec les Italiens d'abord, puis avec les Allemands qui avaient truffé la région de fils de communication tirés à même le sol… et nous, on coupait ces fils ; ce n'était pas un acte de résistance, mais c'est que ces fils étaient très utiles pour faire quantité de choses… Bref, on courait sans arrêt dans la montagne. »
Gilberte Zunino se souvient fort bien du jeune Jacques et de ses équipées sauvages avec son frère Darius 3  : « Ils chassaient beaucoup et les oiseaux qu'ils tuaient amélioraient notre ordinaire… Ils allaient chercher le miel dans les ruches et se faisaient piquer par les abeilles… Ils cassaient aussi beaucoup les ampoules avec leurs lance-pierres… Coupaient les fils laissés dans la montagne par les Allemands qui prenaient cela pour des actes de résistance. Il y a même eu une enquête qui n'a pas eu de conséquences dramatiques, parce que c'étaient des enfants… Ils ont quand même été beaucoup grondés… J'avais 13-14 ans. On aimait beaucoup Jacques. C'était un garçon sympathique, gentil comme tout… Darius et Jacques étaient des petits aventuriers qui n'avaient peur de rien. Nous étions une famille d'ouvriers et, évidemment, beaucoup plus pauvres que les Chirac, ce qui n'empêchait pas Jacques de préférer aux siens les goûters des Zunino, faits de pain grillé sur lequel on étendait un filet d'huile et on frottait de l'ail… Il adorait ! »
Le retour en région parisienne est particulièrement rebutant pour le jeune Jacques qui se souvient : « Quand je suis rentré en 45, j'ai été pendant quelques mois au lycée de Saint-Cloud. J'ai eu quelques problèmes et me suis fait virer à cause du lance-pierres que j'avais ramené du Rayol. Le lance-pierres a été un élément marquant de cette période de ma vie… Au Rayol j'ai toujours marché pieds nus, comme les gamins de cette époque en cet endroit. Quand on marche pieds nus, on finit par se faire de la corne sous les pieds. Une fois rentrés, ma mère m'a dit : “Maintenant, c'est fini, il faut que tu mettes des chaussures…” On m'a acheté des chaussures. Je ne pouvais pas les supporter. Et comme il n'était pas question de discuter, je sortais les chaussures aux pieds, et dès que j'avais passé le tournant, j'enlevais mes chaussures, les fourrais dans le sac et continuais pieds nus. J'ai fait cela pendant très longtemps… Quand nous nous sommes installés à Paris, rue Frédéric Bastiat [près de Saint-Philippe-du-Roule], même chose : je n'avais toujours pas réussi à m'habituer vraiment aux chaussures. »
C'est dans ce contexte-là que le président se souvient d'avoir fait l'école buissonnière au musée Guimet où il était entré un jour parce qu'aller au lycée Carnot lui « cassait un peu les pieds ».
« Ça m'a plu et je m'y suis installé. Évidemment, j'ai eu des problèmes parce que je sautais des cours… En troisième ou en seconde, j'avais un professeur de français qui s'appelait Vandaele. Cet homme, comme les gens distingués de cette époque, avait un vélo fabuleux en aluminium, rutilant. Naturellement, on ne laissait pas les vélos dehors, il entrait avec son vélo dans la classe, le posait, et il désignait un élève pour le nettoyer pendant l'heure de cours. Je ne devais pas être très studieux, je dois le reconnaître. Au bout d'un mois, quand il entrait dans la classe, il posait son vélo et disait “Chirac”. J'ai dû briquer ce vélo pendant la totalité des heures de classe de français de M. Vandaele. Il y avait Jacques Friedman avec moi. Un jour, je me suis battu avec lui et lui ai déchiré son pardessus – hélas, je crois qu'il était neuf. Madame Friedman, une sainte femme, pour qui j'avais affection et respect, est venue, folle de rage, chez ma mère, exigeant qu'on remplace le pardessus. (Jacques Chirac rit aux éclats en se remémorant cette histoire.) Friedman était sage, lui ne nettoyait pas le vélo de M. Vandaele…
– Vos résultats en français n'ont pas dû être terribles.
– Ah ! c'est sûr… Et comme dans les autres classes je me faisais généralement foutre dehors… On avait un type formidable qui était prof d'histoire naturelle. Quand on se faisait mettre à la porte, on se retrouvait dans le grand hall du lycée Carnot. Le secrétaire général passait et demandait à ceux qui traînaient ce qu'ils faisaient là. Et là… Il s'agissait donc de s'éclipser à temps. Ce brave professeur d'histoire naturelle recueillait donc ceux qui avaient été flanqués dehors par tel ou tel de ses collègues… Si bien que je n'ai jamais autant suivi de cours d'histoire naturelle qu'à cette époque… »
Les carnets de notes du jeune Chirac corroborent grosso modo l'image que le président en donne aujourd'hui. En troisième, il « doit se discipliner pour arriver à de meilleurs résultats » ; en seconde C, ses résultats ne sont pas bons : il n'obtient qu'un accessit en… éducation physique ; l'année de la première partie du baccalauréat, le prof de géo le trouve « sympathique, mais vraiment trop dissipé », et l'appréciation générale du second trimestre n'appelle pas de commentaire : « Attention à la tenue si l'élève veut terminer son année au lycée ! »

Revenons dans la petite chambre du XIVe où le jeune Chirac, envoyé par de « vieux messieurs » du musée Guimet, rencontre pour la première fois Vladimir Belanovitch :
« Si tu veux, je t'apprends le sanscrit », lui dit le Russe.
L'adolescent se met à apprendre les rudiments du sanscrit. Au bout de trois mois, estimant que ses progrès ne sont pas notables, Belanovitch lui conseille de renoncer :
« Tu n'es pas doué pour le sanscrit, ça ne sert à rien de t'acharner. Il vaudrait mieux que tu apprennes le russe… »
Jacques Chirac s'est donc mis à apprendre le russe avec cet original qui s'interdisait de lui adresser un seul mot de français. Malgré la différence d'âge, le professeur et l'élève nouent alors une relation forte. Jacques présente bientôt son prof à ses parents qui le prennent à leur tour en affection et lui proposent de s'installer sous leur toit, au 95, rue de Seine. Belanovitch va ainsi faire partie de la famille Chirac, laquelle l'emmène même à Sainte-Féréole, en Corrèze, où il devient l'attraction du village : un Russe blanc au beau milieu d'un électorat foncièrement communiste…
J'ai tenté d'en savoir plus long sur ce Vladimir Belanovitch qui a manifestement joué un rôle important dans la vie du futur président. J'ai seulement réussi à savoir qu'il est mort le 13 juin 1960 et a été enterré au cimetière russe de Sainte-Geneviève-des-Bois, dans le caveau n? 5746 où l'a rejoint sa femme Ludmilla Poutiatine, décédée le 29 janvier 1984. L'existence de cette femme a surpris Jacques Chirac qui n'en avait jamais entendu parler…

Belanovitch transforme le jeune Chirac en stakhanoviste de la traduction. Il lui fait en effet traduire l'intégralité de l'œuvre de Pouchkine. « On pense généralement que Pouchkine n'a pas beaucoup écrit, c'est faux ! Son œuvre représente plus d'un mètre linéaire… », se souvient le président dont l'œil s'allume à l'évocation de son cher vieux professeur et de l'auteur de La Dame de pique. Il s'appesantit sur la traduction, faite l'année de ses 20 ans, d'Eugène Onéguine, roman en vers, écrit en 1820 lors de l'exil de l'écrivain en Bessarabie. Nul doute que Chirac ne se soit projeté dans le destin du héros romantique qui, de façon symétrique, a eu un précepteur français ayant fui la Révolution française alors que lui-même avait un précepteur russe ayant fui la Révolution bolchevique… Un héros qui affecte en tout l'indifférence et s'interroge sur le sens de sa vie, trouve qu'il a dilapidé sa jeunesse et a une « âme vieillie ». Laisse d'abord passer l'amour fou de Tatiana, puis, plus tard, lui écrit pour déclarer sa flamme. Mais, devenue l'épouse vertueuse d'un vieux général, Tatiana alors le rejette…
Jacques Chirac envoie sa traduction à une dizaine d'éditeurs. La moitié ne lui accuse pas même réception. L'autre lui envoie des lettres polies de refus.
Près d'un quart de siècle plus tard, alors qu'il vient d'être nommé pour la première fois à Matignon, Mme Esnous, sa secrétaire, qui avait auparavant été celle de Georges Pompidou, lui passe Claude Nielsen, patron des Presses de la Cité, un ami proche du président Pompidou.
« Cher Premier ministre, nous venons de découvrir une remarquable traduction d'Eugène Onéguine faite par vous. Je voudrais la publier avec une petite introduction de quelques pages…
– Vous ne l'avez pas voulue quand j'avais 20 ans, vous ne l'aurez pas maintenant ! »
Le président-directeur général des Presses de la Cité n'a pas été rebuté par ce premier refus et a continué d'« emmerder » le traducteur de Pouchkine. Le Premier ministre n'a pas cédé. « Pour dire la vérité, c'est probablement mieux ainsi, car je crois que cette traduction n'était pas très bonne », reconnaît-il. Je suis dans l'incapacité de dire si sa remarque relève de la coquetterie d'auteur ou si elle est conforme à la vérité, car je n'ai pas retrouvé cette traduction dont lui-même n'a pas conservé un exemplaire. Dans le bureau du président, on relève en revanche la trace de son intérêt ancien pour Pouchkine et Eugène Onéguine : sur une étagère, un coffret ressemblant à un gros et vieux livre, offert par Boris Eltsine, contient deux Eugène Onéguine, l'un dans une édition russe de 1834, l'autre, également russe, datant de 1934.
À chacun de ses voyages en Russie, Chirac ne manque pas une occasion de rappeler sa passion d'adolescence pour ce pays, sa langue, ses auteurs et sa culture. « Cette Russie que j'aime, dont j'ai dans ma jeunesse appris la langue, découvert les grands auteurs, admiré le destin grandiose… Depuis, vous le savez, votre grand pays tient dans mon cœur et dans ma vie une place à part… Aujourd'hui, nous pouvons renouer les fils du temps », déclare-t-il au Kremlin, le 26 septembre 1997, devant Boris Eltsine. Dans le même discours, il parle de la relation entre les deux pays, « pleine de passion, d'enthousiasme, parfois aussi de déchirements. À l'image, au fond, de ce que sont l'âme française et l'âme russe dont le poète Volochine écrivait qu'elle est une “flamme ardente et tourmentée” ». Évoquant la passion de la France pour les œuvres des romanciers, des poètes et des artistes russes, « Quel adolescent français ne s'est ému ou enflammé à la lecture d'Anna Karénine ou des Frères Karamazov ? », rappelle-t-il.

Après la littérature russe, toujours guidé par Belanovitch, le jeune Chirac s'est intéressé à l'Inde. La traversée de sa période indienne est faite au grand galop. Pour en savoir davantage, il suffit de se reporter, là encore, à ses discours prononcés lors de voyages officiels en Asie où, loin de Paris, il jette la pudeur aux orties et utilise le « je » pour évoquer ses passions asiatiques.
À New Dehli, le 25 janvier 1998, il confie ainsi avoir «  été fasciné très jeune » par la civilisation indienne, abordée à travers l'étude du sanscrit. « J'en ai découvert l'âme et la richesse en parcourant les salles de notre musée des arts de l'Asie, le musée Guimet. » Le même jour, il évoque la mort du Mahatma Gandhi, premier grand choc de sa vie : « Je me souviens comme si c'était hier de ma consternation et de mon émotion, ce 31 janvier 1948, lorsque, adolescent, étudiant dans ma chambre, j'entendis à la radio que le Sage avait été victime du fanatisme. Ce jour-là, l'Inde, mais aussi tous les hommes de paix et de bonne volonté du monde, étaient en deuil. » Le Mahatma Gandhi est mort de trois balles de revolver tirées par un fanatique hindou en disant Hey Rama (Oh, mon Dieu). L'apôtre de la non-violence, qui n'avait pas réussi à empêcher la partition entre l'Inde et le Pakistan, pas plus que les horribles massacres qui avaient suivi, tombait à son tour victime de la violence…
Dans un entretien postérieur, j'ai demandé au président de mieux situer ce moment qui a tant marqué sa vie. Il réagit d'emblée.
« Ah ça, c'est sûr ! Je vivais à l'époque chez mes parents [il était en seconde C au lycée Carnot, faisait des progrès en français, était toujours faible en version latine, mais bon élève en histoire-géographie], au 95, rue de Seine. J'y avais une petite chambre avec un cosy où il y avait quelques pièces mexicaines – j'aime beaucoup l'Amérique du Sud –, et une radio. Peu de choses dans ma vie m'ont pareillement saisi… »
Jacques Chirac esquisse une comparaison entre les différents moments dramatiques et à portée historique qu'il a vécus. La mort du général de Gaulle l'a moins touché, dit-il, parce qu'il était « plus âgé ». Ici, le président se lance dans une digression à propos de la façon dont il apprit la nouvelle : « C'est Giscard qui m'a téléphoné en me disant : “Une page est tournée.” » L'actuel chef de l'État a prononcé ces quatre mots en imitant Giscard ! Il enchaîne en évoquant la mort de Pompidou : « J'étais ministre de l'Intérieur, je l'aimais beaucoup, j'étais excessivement triste, je savais qu'il était malade et que ça devait arriver… Enfin, il y a beaucoup de gens qui sont morts, mais je ne crois pas que la mort d'aucun m'ait autant frappé que celle de Gandhi. Il est vrai que j'étais tout jeune… Pour moi, Gandhi incarnait quelque chose de tout à fait exceptionnel… Sa fin m'a traumatisé… »
Il est probable que c'est encore marqué par le traumatisme de la mort de l'apôtre de la non-violence qu'il signera l'Appel de Stockholm et se fera arrêter par deux policiers en civil, puis emmener au commissariat de la place Saint-Sulpice. Est-ce la même dynamique qui l'a conduit à flirter avec le Parti communiste, à militer contre l'armement nucléaire américain, à vendre L'Humanité-Dimanche, au grand dam de son père ? Michel Basset fait dire 4 au jeune Chirac : « Papa, j'aime mieux vivre avec les communistes qu'être anéanti par une bombe atomique américaine ! »

Après l'Inde, il a tourné son regard curieux vers la Chine. « Si vous interrogez les responsables politiques chinois, ils vous diront qu'il ne faut pas parler de ça avec Chirac, car il est intarissable, et c'est vrai que je n'étais pas parmi les plus sots. » Et d'évoquer un récent voyage là-bas où il a été sollicité par Christian Deydier, antiquaire parisien, et le directeur du musée de Shanghaï pour donner son avis sur des bronzes archaïques de la période Xian : « J'avais ma petite place naturelle dans cette expertise. »
À propos de cette passion de jeunesse pour la Chine, le président a lâché quelques éléments à l'intention de ses futurs biographes. Ainsi, le 18 mai 1997, à Shanghaï, il déclare avoir appris dès sa jeunesse à connaître cette « prestigieuse civilisation, la plus ancienne actuellement vivante ». « Pour un Européen façonné par une histoire faite de ruptures et de diversité, la Chine incarne la plus remarquable continuité culturelle. “Un État plus vieux que l'Histoire”, pour reprendre le mot du général de Gaulle. Une continuité qui s'incarne dans votre écriture comme dans vos rizières, où s'enracinent des modes de vie et une morale millénaires. » Il parle ensuite de la fascination de l'Europe pour la Chine, malgré sa difficulté d'accès : « Rencontre avec la Rome antique, malgré la présence des Parthes. Rencontre avec Byzance et le haut Moyen Âge, grâce aux soieries mystérieuses, linceul de nos saints. Rencontre avec Marco Polo. Rencontre avec les grandes découvertes et les Compagnies des Indes qui nous ont fait aimer l'art chinois, ses laques et ses porcelaines que nous importions et que nous imitions. Rencontre de tous temps par cette étonnante route de la Soie, cordon reliant la Chine au monde, voie d'accès du bouddhisme comme des marchands arabes. Mère des arts et des lettres, forte de sa civilisation stable d'Empire du Milieu, la Chine s'imposait. » Et, survolant toute l'histoire de l'Empire céleste, il évoque ce « temps de l'incompréhension », au xix e siècle, résultat de la conjonction de l'aveuglement mandchou et des appétits de l'impérialisme conquérant.
Intrigué par cette connaissance de la Chine ancienne et notamment « des bronzes archaïques de la période Xian », j'ai rencontré Christian Deydier, 56 ans, président du Syndicat national des antiquaires, épris de civilisation chinoise et des objets qui la jalonnent. Il a une boutique, « Oriental Bronzes », rue du Bac, à Paris. Né au Laos en 1950, il se passionna pour l'écriture protochinoise découverte sur les écailles de tortue et sur les os divinatoires de la dynastie Shang. Mais c'est à ses travaux sur les bronzes archaïques qu'il doit sa renommée, notamment auprès des archéologues chinois. Mécène des fouilles du tombeau de la princesse Xincheng, de la dynastie Tang, près de Xi'an, Deydier a publié le résultat de ses travaux en Chine dans la principale revue d'archéologie chinoise, Wenwu. Après quelques rencontres avec Jacques Chirac dans des expositions et salons d'art asiatique, et grâce à l'amitié de Jacques Kerchache, Christian Deydier est devenu un familier du président. Il dit de lui qu'il a « un œil redoutable » pour repérer la pièce unique dans les arts africains, précolombiens aussi bien qu'asiatiques. Un « œil » que Kerchache a su amplifier et perfectionner.
Deydier raconte comment, à la Biennale des antiquaires de 2004, qu'il visitait avant l'ouverture officielle, le président s'est attardé devant un stand qui exposait des objets Taïnos, en a pris un, l'a examiné en véritable amateur, puis a contesté sa datation, au grand dam du propriétaire de l'objet. Deydier a alors appelé un grand expert à la rescousse, lequel a confirmé la date avancée par Jacques Chirac. On sent, chez le spécialiste, l'admiration pour cet amateur éclairé qu'il range, après lui, parmi les meilleurs spécialistes des bronzes archaïques chinois, mais aussi des céramiques Song. « Il est aussi spécialiste des céramiques et des statuettes japonaises… Il impressionne les dirigeants asiatiques par ses connaissances. »
Deydier évoque la visite du musée de Shanghaï qu'il fit en sa compagnie, en octobre 2004, et dont le chef de l'État m'avait déjà parlé. Il a d'abord localisé et daté un vase en bronze qui ressemblait à une pièce du xv e siècle avant Jésus-Christ, mais il a tout de suite décelé que quelque chose clochait et a affirmé avec justesse qu'elle n'était en fait que du xii e… À propos d'un bronze représentant un cochon, Chirac s'est opposé frontalement au directeur du musée de Shanghaï qui le datait du vii e avant J.C., alors que lui-même soutenait qu'il était plus ancien, du xi e. Le ton a monté. Puis il a fallu convenir que c'était Chirac qui avait raison… « Il fait partie des cinq ou six spécialistes mondiaux des bronzes archaïques… Les Chinois et, d'une façon générale, les Asiatiques le considèrent comme un grand connaisseur. »
Deydier n'est pas le seul à voir dans le président de la République un éminent spécialiste de l'art chinois. Han Wei, ex-directeur de l'Institut de recherche sur l'archéologie du Shaanxi, est du même avis, ainsi qu'il l'a confié à l'agence Xinhua 5  : « J'admire beaucoup son charme personnel, et plus encore sa compréhension profonde de la civilisation orientale. » Cet archéologue chinois a apporté une importante contribution à la recherche archéologique sur les dynasties Zhou, Qin, Han et Tang. Il est également expert en objets anciens en bronze, en or et en argent. Depuis 1992, date à laquelle Han Wei et Jacques Chirac se sont connus à Xi'an, capitale de la province du Shaanxi, en Chine du Nord-Ouest, ils se sont rencontrés plusieurs fois à Paris et à Xi'an, tout en entretenant une correspondance. Han Wei a même été reçu à l'Élysée le 6 juillet 1998.
« Il existe sept grandes merveilles du monde, et la découverte des guerriers et chevaux en terre cuite fabriqués sous le règne de l'empereur Shihuangdi devrait être la huitième », a déclaré Jacques Chirac après avoir visité le musée des guerriers et chevaux en terre cuite, ajoutant que si ceux qui n'ont pas visité les pyramides ne peuvent prétendre être réellement allés en Égypte, ceux qui n'ont pas contemplé l'armée de terre cuite ne peuvent dire qu'ils ont vraiment visité la Chine. Selon Han Wei, le président français est un des rares dirigeants étrangers à comprendre la civilisation extrême-orientale, en particulier la culture chinoise antique. Il connaît bien la route de la Soie des dynasties Han et Tang, les poteries émaillées tricolores, les poteries aux couleurs secrètes, ainsi que les contes de la dynastie Tang. Han Wei a été décoré de la Légion d'honneur en 1999 par le chef de l'État.
Le président confirme qu'il ne nourrit « aucun complexe à l'égard de ses guides archéologues chinois ». Et, à propos de Xi'an, il complète l'anecdote racontée par Han Wei en affirmant que les Chinois ont installé une énorme pancarte à l'entrée du tombeau : « Xian, la huitième merveille du monde » – Jacques Chirac.
Après que je lui eus rapporté l'appréciation flatteuse de Deydier sur sa connaissance des bronzes archaïques, le président émet ce commentaire :
« C'est gentil, mais ce n'est malheureusement pas vrai… »
Puis, après un temps de réflexion, il atténue sa dénégation :
« Cela a pu être vrai il y a dix ans, mais ce n'est plus le cas… Il y a un autre grand spécialiste de tout l'art de l'Extrême-Orient, c'est Jean-François Jarrige 6 , mais aussi sa femme, une grande experte, qui passe plusieurs mois par an sous des climats pas possibles, au Pakistan ou ailleurs…
– Deydier m'a dit que vous lisiez beaucoup, que vous vous teniez informé des résultats des fouilles effectuées en Chine…
– C'était vrai, mais je n'ai plus assez de temps.
– … Que vous receviez les résultats des fouilles opérées en Chine sur ordre du président chinois…
– Il est vrai que j'ai toujours eu de très bonnes relations avec les autorités chinoises successives… Au fond, ils sont assez flattés qu'on connaisse leur culture et qu'on s'intéresse à leur histoire ; c'est un élément de sympathie, ils n'ont pas l'habitude que les Occidentaux soient familiers de leur histoire et s'y s'intéressent. Je me souviens d'un dîner avec Jiang Zemin (1993-2003), le prédécesseur de Hu Jintao. Nous parlions de la période qui a précédé les Tang et je lui disais qu'il y avait eu trois empereurs. Il me répondit : “Non ce n'est pas vrai : il n'y en a eu que deux…” En réalité, il y a bien eu trois empereurs, mais il est vrai que le troisième avait 9 ans quand il a été assassiné. On n'a pas pu se mettre d'accord. Les siens s'alignaient sur lui, les miens [les membres de la délégation française qui assistaient au dîner] ne disaient rien… Vers onze heures et demie, minuit, on s'est quittés, et à deux heures du matin Jiang Zemin m'a téléphoné – je dormais déjà – et m'a dit : “Vous aviez raison, j'ai consulté des historiens, vous aviez raison…” Ça a créé des liens d'estime et d'amitié, de montrer qu'on connaît et respecte ainsi leur culture… »
J'ai tenté, lors d'un autre rendez-vous, de savoir s'il s'était intéressé à la philosophie chinoise et s'il avait été influencé par elle.
« C'est indissociable, mais comme je ne suis pas philosophe, ma connaissance de la philosophie chinoise est restée relativement superficielle. C'est inséparable et je m'y suis donc intéressé aussi…
– Vous êtes imprégné par cette philosophie ?
– Je vois bien le sens de la question, elle est intéressante… Oui, c'est une question intéressante…
– Vous voyez où je veux en venir ?
– Non, mais il n'est pas dépourvu d'intérêt de savoir si on est imprégné ou non par des pensées et des cultures étrangères…
– Exactement.
– Pour dire la vérité, je ne le crois pas. Je suis passionné, fasciné, mais, curieusement, je ne me sens pas influencé. Peut-être me trompé-je, mais si je respecte beaucoup toutes les cultures, je ne peux pas dire que je suis plus impressionné par la culture chinoise que par d'autres…
– En revanche, j'ai cru déceler chez vous sinon un rejet, du moins une certaine distance par rapport aux xvii e et xviii e siècles européens, par rapport aux Lumières…
– Il ne s'agit pas d'un rejet, plutôt d'un agacement vis-à-vis de ceux qui ne voient et ne jugent que par rapport à cela. Non, et je n'éprouve naturellement pas le moindre rejet non plus pour les époques traditionnelles, que j'apprécie énormément, mais je suis souvent irrité par ceux qui ne jugent que par telle ou telle… »

Jacques Chirac n'a pas fini de me retracer son cheminement intellectuel le long de la route de la Soie, celle qu'emprunta le bouddhisme. Après la Chine, il s'est passionné pour l'Empire du Soleil levant sans pour autant renier ses premières passions. Ayant acquis une culture livresque et muséale, faisant sienne la pensée de Saint-John Perse – « Il n'y a pas de formation humaine complète sans séjour en Extrême-Orient » –, il a découvert l'Asie, « ses campagnes, ses rizières où s'enracinent des modes de vie et des morales millénaires ; ses villes où s'incarnent la vitalité, le dynamisme, l'ingéniosité des peuples ».
C'est au Japon qu'il a éprouvé un de ses grands chocs esthétiques : « Lors d'un de mes premiers voyages au Japon, je suis allé dans un monastère de Horyuji, à Nara, et j'ai été voir la Kudara Kannon, une permanence de Bouddha. L'extraordinaire beauté et sérénité qui s'en dégageaient m'ont fait un choc. C'est une œuvre majeure de l'art sino-japonais du vi e siècle. C'est comme ça que je me suis intéressé d'emblée au Japon… Et je n'ai eu de cesse de faire venir la Kudara Kannon à Paris. Naturellement, elle n'avait jamais quitté l'archipel et je me suis dit que j'allais, en échange, faire quelque chose d'important, et que j'allais envoyer quelque chose d'important : la Liberté, au Japon 7 . Vous ne pouvez pas imaginer les difficultés que j'ai eues pour faire parvenir la Liberté au Japon avec cet “homme à l'écharpe rouge”, un homme de salon, Pierre Rosenberg, directeur du Louvre de 1994 à 2001. »
Pause : autant le président a le plus grand mal à dire un mot de travers sur tous ceux qui lui ont planté dans le dos poignards, flèches et javelots, autant, quand dans un récit il croit deviner une allusion à l'« homme à l'écharpe rouge », il fonce comme un taureau. J'ai ainsi été témoin de nombreuses de ses charges sauvages.
Reprise de la ruade :« La honte de ma vie ! J'obtiens, en échange de la Liberté, l'envoi de la Kudara Kannon au deuxième semestre de 1997. Il fallait vraiment que mes relations avec les autorités et les milieux culturels compétents au Japon soient de toute confiance. On fait donc venir la Kudara Kannon. J'avais pensé à tout, sauf à ce triste personnage [NDLA : Rosenberg]. Ils me l'ont collée dans un sous-sol ! Naturellement, j'avais fait venir tout ce qu'il y avait de plus distingué parmi les prêtres shinto qui l'accompagnaient. Pour montrer la Kudara Kannon, une manifestation shinto, avec toutes sortes de prières, de déclarations, etc., était indispensable. Et ils m'avaient foutu ça dans les caves du Louvre ! C'était incroyable, j'en ai eu la honte de ma vie… Naturellement, les Japonais, comme toujours, ont fait comme s'ils ne s'apercevaient de rien, mais c'est une des choses que je n'ai pas pardonnées à ce monsieur… »
Quand il a été fait docteur honoris causa de l'université de Keio, au Japon, le 18 novembre 1996, à l'occasion de sa première visite officielle au Japon en tant que chef de l'État, le président a livré une fois de plus quelques-uns de ses souvenirs devant un amphithéâtre bondé : « Le Japon, c'est vrai, Monsieur le président, vous l'avez dit, est un pays que j'aime. Que j'ai découvert dans ma jeunesse, à Paris, au musée des arts asiatiques Guimet… » Et de faire l'article sur « son » magnifique musée fondé à la fin du xix e siècle, au retour d'un voyage au Japon, par un industriel féru d'archéologie et d'histoire des religions. Il explique que c'est après avoir ressenti un choc esthétique devant la statuaire bouddhique qu'il a tout naturellement été lui-même conduit à vouloir connaître les autres aspects de la civilisation japonaise. Et, surprise pour ceux qui le prendraient encore pour un analphabète, il est aussi féru de poésie japonaise : « À cette époque, j'ai découvert avec bonheur le Manyoshu, ce monument de votre littérature classique que je relis régulièrement et que j'ai voulu voir traduit entièrement en français, ce qui est maintenant fait […]. J'ai étudié avec passion les mythes fondateurs de l'archipel et ses grandes épopées… »
Jacques Chirac déclare avoir été également séduit par la virtuosité des potiers, par l'élégance de l'architecture, par l'harmonie des jardins, par le raffinement esthétique et la sensibilité du théâtre, par la variété et la finesse de la cuisine, aussi – ce que tout le monde sait aujourd'hui – par le rituel des lutteurs de sumo. « Ainsi est née ma passion pour le Japon, une passion entretenue par mes très nombreuses visites dans votre pays », conclut-il ce jour-là.
Son intérêt pour le Manyoshu m'intrigue. Jacques Chirac m'explique : « De mon point de vue, c'est probablement – il ne faut jamais dire la plus grande œuvre de la culture mondiale, parce qu'on peut toujours en trouver une autre –, c'est sûrement l'une des trois plus grandes œuvres de la culture mondiale… Je m'y étais intéressé, mais, naturellement, je ne peux la lire dans le texte. Aussi ai-je voulu que le Manyoshu soit traduit en français. Je me suis fait conseiller par Jean-François Jarrige, le directeur du musée Guimet… Je sais bien que tout le monde ne se précipite pas sur le Manyoshu, mais c'est vraiment pour moi une des œuvres maîtresses de la culture mondiale… »

C'est lors de l'inauguration du musée Guimet rénové, le 15 janvier 2001, que Jacques Chirac est allé le plus loin dans les confidences publiques sur ses passions asiatiques et le rôle qu'y a joué « son » musée : « En fervent amoureux de Guimet […], j'y ai de profondes attaches. Il fut pour moi, comme pour tant d'autres, un lieu de révélation et d'apprentissage. C'est ici qu'il y a longtemps j'ai rencontré et aimé l'Asie. Ici que j'ai découvert l'ancienneté, le génie de civilisations majestueuses. Que j'ai mesuré leur grandeur. Et, par contraste, le carcan ethnographique ou exotique dans lequel l'Occident les avait trop souvent tenues enfermées. »
Le président se fait ensuite lyrique : « J'ai passé là de longs moments. Admirant, sur les linteaux et frontons des temples khmers, l'affrontement des dieux gracieux et des titans. Interrogeant le sourire énigmatique des somptueux Bodhisattvas. Fixant leurs figures harmonieuses et calmes, écoutant leur silencieux message de détachement et de sérénité. Comme beaucoup de visiteurs, et parce que “les tiares d'Ajanta, les torses gréco-bouddhiques appellent toujours dans l'esprit la grande vie légendaire”, disait André Malraux, j'ai médité sur l'Éveil du prince Siddhartha. J'ai suivi en imagination le long chemin de sa pensée par la route de la Soie. Devant les bouddhas à visage d'Aphrodite ou de Ganymède exhumés de Hadda – malheureusement feu Hadda –, j'ai rêvé à la prodigieuse rencontre des soldats perdus d'Alexandre avec les cavaliers des steppes et les ascètes de l'Inde. »
Au milieu de son interminable discours, Jacques Chirac a révélé en quelques mots les raisons profondes de son amour pour le musée Guimet et de sa passion pour l'Asie. Ce « musée fut autre chose qu'une collection de curiosités, bien davantage qu'un musée des beaux-arts : un véritable “laboratoire d'idées”, un centre de recherches sur les religions et les civilisations du monde. Un lieu de réflexion pour puiser à d'autres sources les réponses aux grandes questions de l'Occident moderne ». Mais aussi pour quérir des réponses à ses propres interrogations : nous y reviendrons pour tenter de mieux appréhender le « mystère Chirac ».

Continuons de cheminer sur les multiples voies que le chef de l'État a empruntées depuis sa première visite au musée Guimet pour arriver, un bon demi-siècle plus tard, au musée des Arts premiers du quai Branly. L'école buissonnière ne l'a pas conduit vers le seul musée Guimet et ses prolongements asiatiques. Au cours de son adolescence, parallèlement à la poursuite du cursus classique d'un jeune bourgeois parisien, il a couru les librairies du Quartier latin pour s'initier à l'art moderne, mais aussi à la poésie, notamment grâce aux livres édités par Pierre Seghers, qui deviendra son ami… Il dégagera également du temps pour se familiariser avec la culture des Dogons du Mali, initiation qu'il a amorcée dans l'atelier du peintre Fernand Léger qu'il fréquentait à la fin des années 40, rue Notre-Dame-des-Champs, non loin de la rue de Seine où il habitait. Fernand Léger qui, durant l'entre-deux guerres, s'était inspiré de l'art nègre aussi bien dans sa peinture que dans ses sculptures, dans les ballets et même au cinéma, s'était exilé à New York pendant la guerre. Revenu en France en 1945, il s'était installé à Paris. « Quelques personnages y parlaient beaucoup de l'influence de l'art africain, avec un goût particulier pour la culture des Dogons du Mali. J'ai essayé de m'y initier… », se souvient le président de la République.
Au fil des ans, Jacques Chirac va aussi se passionner pour les civilisations précolombiennes… « Quelque chose m'a toujours frappé, dit-il. Tous les chefs-d'œuvre naissent libres et égaux ! » Le ton est ferme, à l'évidence le président exprime là un principe essentiel, presque aussi fondamental que la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen que le petit-fils de quatre instituteurs laïcs porte depuis toujours en lui et avec lui. Et de se lancer dans un exposé des deux conceptions opposées de la transmission de l'art et de la culture. La première est incarnée par l'« homme à l'écharpe rouge » : « Pour lui, en dehors des peintures de quelques décennies des xvii e et xviii e, il n'y a rien. En russe, on dirait que c'est un nye kultura, un sans-culture. » La seconde conception est incarnée par son ami Jacques Kerchache et par lui-même. Et d'utiliser des mots dont il pourrait se servir pour décrire un affrontement militaire. Pour lui, les enjeux de la bataille entre les deux conceptions dépassent la question de la transmission de l'art et de la culture, mais relèvent évidemment du politique. Jacques Chirac reconnaît avoir usé de tout son poids pour battre en brèche la vision dominante incarnée alors par Pierre Rosenberg. Ce choc frontal s'est terminé par sa victoire et par l'installation du Pavillon des Sessions, qui fut la première exposition en France d'arts premiers.
Au début de cette histoire, a lieu la rencontre de deux hommes. Rencontre improbable, due au seul hasard, entre le maire de Paris et un collectionneur et marchand d'art, dans un hôtel de l'île Maurice, en 1991. Autant le discours public de Jacques Chirac sur ses passions est sophistiqué, autant il s'exprime comme un paysan corrézien pour raconter les différents chocs de sa vie : « On était ensemble à l'île Maurice pendant quinze jours pour passer nos vacances. On a parlé. L'homme est d'une immense culture, basée sur une grande expérience. Avant le petit déjeuner, il avait déjà visionné deux ou trois mille photos de statuettes, sculptures, masques… Il avait un œil extraordinaire, une incroyable sûreté de jugement. Il me montre un jour cinq ou six pierres mégalithiques des Taïnos. Je les trouvais toutes merveilleuses. Lui en prend une et me dit : “Celle-ci est parfaite…” Moi, je ne voyais aucune différence entre elles. »
Kerchache a été l'un des plus grands, peut-être le plus proche ami de Jacques Chirac. Fils d'anciens ouvriers communistes, ancien conseiller de Léopold Sédar Senghor, devenu l'un des grands spécialistes de l'art primitif, il avait recueilli dès 1990 de nombreuses signatures à l'occasion de la publication de son manifeste « Les chefs-d'œuvre du monde entier naissent libres et égaux », qui réclamait l'ouverture au musée du Louvre d'un huitième département consacré à cet art. Poètes, scientifiques, connaisseurs, artistes l'avaient rejoint pour soutenir sa démarche.
Jacques Chirac a un mal fou à laisser affleurer les sentiments qu'il porte aux gens qu'il aime ou a aimés. Il se sent plus à l'aise devant la page blanche. Dans un discours lu lors de l'inauguration du Pavillon des Sessions 8 qu'avait ardemment voulu Jacques Kerchache, il s'était défait de sa pudeur habituelle pour honorer la mémoire de son ami, mort le 8 août 2001 « sur cette terre maya couleur de soufre, de miel et d'émeraude, qu'il aimait tant  ».
« Voyageur infatigable, porté par une insatiable curiosité, amoureux de la nature et des hommes, âme sensible et exaltée, esprit libre et caractère affirmé, Jacques Kerchache a, pendant un demi-siècle, embrassé le monde avec le regard d'un grand artiste et l'enthousiasme inspiré des poètes. Personnage romanesque, il abordait la vie avec passion et volupté. Il portait ses rêves avec une rare opiniâtreté, surmontant tous les obstacles, galvanisant toutes les énergies. Justesse du regard, force des convictions : il était aussi un homme de cœur. Tout au long de sa vie, Jacques Kerchache a parcouru la planète afin d'établir un inventaire critique de la sculpture mondiale, de la Préhistoire à nos jours, dans les collections publiques et privées, à la recherche des “formes matrices” de l'art. Il était convaincu que l'on peut porter un même regard esthétique sur les formes naturelles et culturelles de tous les temps. »
Si Jacques Chirac a adhéré d'emblée à la vision des arts premiers de Jacques Kerchache, c'est qu'elle rejoignait la sienne, qui n'était pas encore achevée. Une vision caractérisée par une recherche continuelle de l'universalité dans les chefs-d'œuvre de toutes les cultures. Dans le choix des objets, il s'intéressait exclusivement à « la capacité de l'artiste à trouver des solutions plastiques originales ». Ce qu'il voulait, « c'est distinguer, dans ces cultures, les Phidias, les Michel-Ange, les Picasso, ceux qui, à l'intérieur de systèmes symboliques et religieux extrêmement codés, prennent des risques, arrivent à s'affranchir des contraintes techniques, mentales, pour faire évoluer les formes 9  ».
Cette complicité trouva une application pratique à la veille de la célébration du cinq centième anniversaire de la découverte du Nouveau Monde par Christophe Colomb. Les deux complices étaient révoltés par la commémoration en grande pompe de cet événement qui avait abouti à la destruction des civilisations précolombiennes :« Je n'ai pas d'admiration pour ces hordes qui sont venues en Amérique pour détruire, raconte aujourd'hui Jacques Chirac. On m'a demandé de participer à la célébration de cet événement. Le roi d'Espagne m'a appelé quand il a appris ma décision de ne pas y associer Paris : “Je suis sidéré d'apprendre que tu [Juan Carlos tutoie tout le monde] as décidé que Paris s'abstiendrait… – Pour moi, ce n'est pas un grand moment de l'Histoire…” »
Et le président de commenter ce souvenir : « Au surplus, ce n'est pas historiquement fondé. Ce n'est pas Colomb qui a découvert l'Amérique, mais les Vikings, cinq siècles plus tôt ! Ils n'ont pas fait tant d'histoires et, de surcroît, ils ont eu l'élégance de se détruire eux-mêmes… »
1492-1992 a donc été un déclic pour les deux Jacques : « On va célébrer l'événement à notre façon. On va faire revivre une civilisation morte, les Taïnos. Nous allons la réhabiliter. Pourquoi ? Ce sont les premiers à avoir accueilli les Espagnols. Ils étaient environ un million à leur arrivée… Soixante ans après, le dernier mourait. » Tous deux ont conscience de la difficulté de l'entreprise. À la fois parce que les objets sont peu nombreux, disséminés dans de très nombreux musées, et parce qu'ils ne représentent pas l'intégralité des objets créés et utilisés par les Taïnos. « Ils ne voulaient pas exhiber leur jeu de balle, à cause des liens qu'il avait avec l'esprit », explique le chef de l'État.
À compter de cette décision, une recherche systématique est lancée dans les musées et ailleurs pour recenser et sélectionner les trigonolithes, reliquaires, haches, hommes-oiseaux, dignitaires en transes pour la cohoba, spatules vomitives, pierres, vases, pendentifs, sièges honorifiques, urnes, etc.
Ce pied de nez à la pensée dominante ethnocentriste donne lieu à l'inauguration de l'exposition, le 24 février 1994, au Petit-Palais. Quelque cinq cents personnes attendent le discours de Jacques Kerchache, commissaire de l'exposition, mais l'expert a une extinction de voix. Il est déjà malade. Au pied levé, le maire de Paris prend sa place et provoque, par ses propos iconoclastes, le départ de l'ambassadeur d'Espagne de la célébration… Par-delà cette prise de position on ne peut plus politique, Jacques Chirac affirme que l'étude ethnographique de l'art taïno donne à voir autrement ce Nouveau Monde que l'archéologue n'avait pu entièrement resituer : « L'étude des civilisations anciennes fait justice de toutes les idées fausses et simplistes. Les arts non européens sont bien loin de l'exotique et du pittoresque. Ce sont des arts à part entière ! »
Après l'incroyable succès de l'exposition, les deux amis n'entendent pas s'arrêter en si bon chemin et veulent voir se créer à Paris un musée où exposer des objets des cultures non européennes. Pour nommer leur projet, sans doute inspiré par les « arts primordiaux » d'André Malraux, Jacques Chirac parle des « arts premiers », expression qui a fait florès et qu'il regrette : « C'est une erreur, un mauvais terme… Premiers, premiers de quoi ? Je regrette de l'avoir lancé… »
Kerchache ne voit qu'un seul lieu où abriter l'exposition permanente : le Louvre, à la 6e section. Mais les deux hommes doivent alors affronter, comme on l'a vu, l'« homme à l'écharpe rouge » : « On a voulu faire quelque chose malgré les hurlements des conservateurs… Finalement, j'ai obligé le Louvre à nous céder le Pavillon des Sessions pour accueillir la première exposition d'arts premiers… » Chirac devient lyrique, parlant d'« une des choses les plus belles du monde ».
– L'avez-vous visitée ?
À ma grande honte, je dois lui avouer que non.
– Allez-y, allez-y ! Vous verrez, vous comprendrez…
Il revient alors encore une fois sur celui qui a voulu se dresser en travers de leur chemin :
« J'apprends un jour que Rosenberg a décidé que l'entrée du Pavillon des Sessions se ferait sur le quai et que deux gardiens déchireraient les billets, l'un pour le Grand Louvre, l'autre pour le Pavillon… Je suis furieux de cet ostracisme à l'égard des arts premiers… Quelque temps plus tard, j'aperçois Rosenberg à un cocktail donné à l'Élysée. Je fonce sur lui : “Qu'est-ce que c'est que cette histoire des deux gardiens… ? – Il ne faut pas mélanger les choses, me répond-il. – Avez-vous décidé de mettre un os dans le nez de celui qui déchire les billets pour le Pavillon des Sessions ?” Et je l'ai planté là. Il n'avait pas l'air content… »
Il garde, il gardera toujours un os, non dans le nez, mais en travers de la gorge quand il reparlera de l'« homme à l'écharpe rouge ». Et sa rage a transparu, malgré la réserve qu'impose sa fonction, quand il a évoqué ce choc dans son discours prononcé à l'occasion du départ à la retraite de Pierre Rosenberg, le 10 avril 2001. Rappelant les «  débats d'idées où s'opposent, avec vivacité parfois, convictions et certitudes, visions et conceptions, principes et théories », il n'a pu s'empêcher d'évoquer le « domaine de prédilection » du partant, qui est « bien sûr la peinture des xvii e et xviii e siècles français et italiens ». Il feint de s'esbaudir sur son intimité avec Poussin, Boucher, Chardin, Watteau, La Tour, Fragonard, etc., dont il est le « grand expert mondial », pour mieux l'estourbir en confrontant les deux visions d'un grand musée parisien : « Pour vous, dit-il, le musée de référence dans ses domaines traditionnels, d'une richesse exhaustive : une vision encyclopédique, celle du “musée des musées” ; et moi, modestement, défendant l'idée d'un musée sinon universel, du moins conférant aux œuvres qu'il abrite valeur d'universalité. »
Devant moi, Jacques Chirac ne recule pas à recruter François Mitterrand pour renforcer son camp contre l'« homme à l'écharpe rouge » et ce qu'il représente. Il remercie son prédécesseur pour tout ce qu'il a fait pour le Grand Louvre : « Il a été le premier à approuver la Grande Pyramide. Il a accompli un travail considérable. Et, grâce à lui, le Louvre est devenu le plus beau musée du monde. Malheureusement, il n'a pas été suivi… » Par qui ? Évidemment par celui qui a fait du Louvre « un bric-à-brac où la culture vous tombe sur la tête, où les objets ne sont pas mis en valeur… »
Le président de la République s'est évidemment beaucoup impliqué dans le choix du successeur de l'« homme à l'écharpe rouge ». Il a reconnu en Henri Loyrette, spécialiste du xix e, notamment de l'impressionnisme, un « homme de culture capable de changer les choses 10  ». Un homme qui pourra replacer « l'art parmi ses influences, dans son environnement humain, politique, social, scientifique », qui aime à dire que « l'artiste ne se comprend bien qu'entouré des siens : ses maîtres, relations, élèves, épigones ». Avant que Loyrette ne prenne la direction du grand navire, Chirac et lui ont évidemment « parlé ensemble des grands défis que le Louvre, avec d'ailleurs l'ensemble des musées français, devait dorénavant relever ».
« C'est en fait une véritable révolution culturelle à laquelle nous assistons, a poursuivi Jacques Chirac dans le même discours-profession de foi. Cet engouement est plus qu'un effet de mode. Il est la conséquence d'une soif, d'une maturité du public, d'une société qui est devenue en quelque sorte une “société culturelle” tant la production, la diffusion, l'échange et la consommation de contenus culturels marquent aujourd'hui de leur empreinte les exigences individuelles de la vie sociale et aussi de l'économie. » Le chef de l'État souhaite que les musées rendent vie aux œuvres et à leurs auteurs. « Lamartine et, après lui, Cocteau ont dit leur lassitude des musées “cimetières des arts”. » Toujours cette même idée qui revient chez lui comme un leitmotiv : « L'art contre la mort ! Rendre vie aux œuvres, c'est aussi organiser la cohérence du parcours, la “profondeur” du parcours 11 . »
Le Pavillon des Sessions n'était qu'une étape dans le projet global de Chirac et de Kerchache d'installer les arts premiers à Paris pour sous-tendre sa véritable obsession : la promotion du « dialogue des cultures » : « On vit dans un monde où on est toujours à deux doigts de se taper sur la gueule… Mieux on pourra dialoguer, plus on évitera les affontements inutiles !… », m'explique, prosaïque, le président de la République.
Jacques Chirac a consacré beaucoup d'énergie à franchir tous les obstacles, notamment ceux dressés par une partie de la communauté scientifique, pour ériger le musée des Arts premiers. Il s'est ainsi « disputé comme chien et chat » avec Henry de Lumley avec qui il entretient par ailleurs d'excellents rapports. Mais l'opposant le plus virulent a été André Langaney, alors directeur du laboratoire d'anthropologie du musée de l'Homme, qui l'« injuriait directement ou indirectement chaque semaine ». Dans la rubrique « Débats » de Libé du 18 juin 1997, Langaney écrivit ainsi, entre autres gentillesses : « Aujourd'hui, un lobby de collectionneurs et antiquaires pousse un président discrédité à vouloir, par caprice princier, remplacer le musée de l'Homme et le populaire musée de la Marine par un musée d'art exotique, qualifié scandaleusement de “primitif” ou “premier” ! Ce projet raciste et aberrant vient de gens pour qui l'art s'évalue par le prix des “pièces” sur le marché ou par les stars de notre culture qui les ont volés ou possédés. En aucun cas par le projet des artistes ou le sens que leur culture donnait ou donne à leurs œuvres. Une grande cavalerie administrative détourne des crédits de l'État, toujours refusés au musée de l'Homme, vers une association 1901 créée pour le démanteler ! Le trésorier des prédateurs est le directeur responsable de l'institution au ministère et le président, l'inénarrable Friedman 12 , assureur racheté avant faillite et conseilleur en dissolution. Cet argent doit servir à payer un collectionneur 13 , autoproclamé conseiller “scientifique”, et ses comparses dont le projet est de virer la science du musée. »
Jacques Chirac achève l'histoire du musée du quai Branly, conclue par l'inauguration officielle, le mardi 20 juin, en présence de Kofi Annan, mais surtout du vieil anthropologue Claude Lévi-Strauss, en disant : « Lumley a perdu, car moi j'avais Lévi-Strauss derrière moi. Je ne lui ai jamais rien demandé, mais il m'a soutenu dès le départ. » Et il ajoute presque en passant, encore une fois sans mâcher ses mots, qu'« on ne peut pas avoir une approche de l'art si on n'a pas une vision générale du monde, et c'est la raison pour laquelle je suis généralement allergique aux gens qui estiment qu'ils ont seuls la beauté et le droit en partage… Chaque culture apporte à l'humanité quelque chose d'essentiel. C'est vrai que je supporte mal l'hégémonie de firmes comme Coca-Cola et que j'ai en permanence des problèmes avec les Américains, toujours à vouloir imposer leur point de vue… »
1 Le 1er juillet 2006.
2 Michel Basset, copain d'enfance de Jacques Chirac, dans un livre approximatif sur la jeunesse de ce dernier, intitulé Les Vertes Années du Président, situe cet épisode à la fin des années 40. Livre publié en 1996 par les éditions Filipacchi.
3 Entretien téléphonique avec l'auteur, le dimanche 23 juillet 2006.
4 Les Vertes Années du Président, op. cit.
5 Dans une dépêche datée du 6 octobre 2004.
6 Directeur du musée Guimet.
7 La Liberté guidant le peuple, d'Eugène Delacroix.
8 Le 4 avril 2003, au Louvre.
9 In Connaissance des Arts, numéro spécial édité à l'occasion de l'exposition L'Art des sculpteurs taïnos,qui s'est déroulée du 24 février au 29 mai 1994 au Petit-Palais.
10 Discours de Jacques Chirac pour le départ de Pierre Rosenberg de la direction du Louvre.
11 Idem.
12 Il s'agit de Jacques Friedman, l'ami d'enfance de Jacques Chirac, qui a été nommé en 1995 président de la Commission du Musée des arts premiers.
13 Il s'agit de Jacques Kerchache.