Chapitre 27
Mon sommeil a été hanté par le mocassin à tête cuivrée que j’avais enfermé dans un sac poubelle et abandonné près de la jardinière de soucis devant la maison. Dans mes rêves, il débordait de vitalité, et me coursait au cœur d’une épaisse forêt aux arbres emberlificotés de lianes et de mousse en sifflant : « Asa, Asa, Asa… »
J’avais beau accélérer l’allure, il me talonnait. Je grimpais à un arbre. Il s’élançait à l’assaut du tronc et, parvenu en haut de la cime avant moi, me dévisageait en ricanant à la façon du chat de Cheshire.
Sa langue effleurait mon visage. Je le frappais à la tête. Il revenait sur moi, la gueule béante, et au-dessus des pointes de sa langue fourchue, j’apercevais trois chiffres six écarlates surmontés d’une minuscule croix rougeoyante.
Une des branches de l’arbre se métamorphosait soudain en un tentacule sinueux qui se tendait vers moi en brandissant un microphone. Je sentais le contact du métal sur ma joue.
Je ne reprenais ma course que pour heurter un obstacle de plein fouet.
Un corps étranger couvert de fourrure.
Je me suis réveillée. Le chat me léchait le visage.
— Excuse-moi, Birdie.
J’ai essuyé la salive sur ma joue et regardé la pendule.
Sept heures vingt.
J’étais en train de me faire un café dans la cuisine quand mon cellulaire a sonné. Slidell. Revigorée, j’ai pris l’appel.
— Ils l’ont foutu à la porte ce matin.
Il m’a fallu un moment pour comprendre.
— Finney ?
— Non, Jack l’Éventreur ! Bien sûr, Finney. De qui voulez-vous que je parle ? !
J’ai ravalé ma réplique.
— Le procureur s’est entendu avec l’avocat : pas de preuve tangible permettant d’inculper Finney du meurtre de Klapec ou de Rinaldi. Paraît que ça lui arrachait le cœur, au procureur. Et le vol d’ossements, c’était pas un motif suffisant pour le garder derrière les barreaux.
À la mention de Charlie Hunt, je me suis crispée. OK, fini de tourner autour du pot. Je l’appellerais dans la matinée.
— … dégueulasse, mais je ne vais pas le lâcher, ce petit con !
La voix de Slidell m’a ramenée à la réalité.
— Et de votre côté ?
Je lui ai parlé du serpent.
— Enfant de chienne. De la part de qui ?
Question à laquelle j’avais longuement réfléchi.
— Vendredi dernier, j’ai critiqué Boyce Lingo en public.
— C’est sûr qu’il y a beaucoup de gens qui le soutiennent, mais je les vois pas vraiment s’amusant à charcuter des reptiles.
— Je n’en suis pas aussi convaincue.
— C’était dans tous les journaux, que vous étiez avec moi pendant la fouille de la cave de Cuervo.
Slidell a fait une pause, soupesant d’autres possibilités.
— Peut-être que c’est un copain à Finney, un trou de cul vaudou.
Je lui ai parlé de Jennifer Roberts et lui ai raconté ma soirée au camp de la Pleine Lune. Je m’attendais à une tirade, il m’ajuste demandé ce que j’en avais pensé.
— Un ramassis d’éco-féminisme et de mauvaise poésie.
— Ce qui veut dire ?
— Aussi farfelus soient-ils, ils ne m’ont pas donné l’impression de pouvoir faire du mal à une mouche.
— John Wayne Gacy aussi donnait cette impression.
— Vous pensez que ce serpent était une menace ?
— Ouais, ou alors la réaction d’un gars furieux que Finney ait été arrêté et qui y est allé d’un petit tour de magie pour le faire libérer. Ironique, non ? a ricané Slidell. Un serpent déposé devant une porte le soir, et hop ! leur homme est libéré le lendemain matin. Par contre, ce qui est pas drôle du tout, c’est qu’y a au moins un zigoto qui connaît votre adresse. Vous avez intérêt à surveiller vos arrières.
Exactement ce que je m’étais dit.
— Vous voulez que je fasse surveiller votre maison ?
J’allais refuser, puis je me suis rappelé Rinaldi. À quoi bon prendre des risques ?
— Volontiers, merci.
— Je vais demander qu’une voiture passe toutes les heures pour s’assurer que tout est casher. On devrait peut-être convenir d’un signal de détresse.
— Une lanterne en haut de la tour nord de la vieille église ?
— Hein ?
— J’allume une seule fois si l’attaque vient de la terre ?
Pas de réaction. L’allusion à Paul Revere, héros de l’indépendance américaine, est tombée à plat.
— OK. Si j’ai un problème, je laisserai la lumière du perron allumée.
— Ça marche.
— Vous voulez le serpent ?
— Qu’est-ce que vous voulez que je foute d’un mocassin étripé ?
J’ai ensuite mis Slidell au courant des segments fins que j’avais apportés à Marion Ireland à l’UNCC.
— En quoi est-ce que c’est important ?
— Ça ne l’est peut-être pas. Je le saurai quand j’aurai les clichés.
Il m’a offert un petit interlude de musique nasale avant de déclarer :
— Y a un gars du nom de Vince Gunther qui a été arrêté pour racolage le 28 septembre. Il a passé la nuit au poste jusqu’à ce que quelqu’un se pointe dans l’après-midi avec la caution. Ça pourrait être le faucon dont parlait Eddie. Je vais essayer de remonter sa piste par le type chargé d’encaisser les cautions…
Après une pause, il a repris :
— Je crois qu’ils viennent de découvrir qu’Eddie avait de gros soucis d’argent.
— Ah bon ?
— Plus de cinquante mille dollars de dépenses sur sa carte de crédit.
— Et alors ?
— Alors rien. Ils vérifient.
— Rinaldi n’avait jamais évoqué de difficultés financières ?
— Jamais, a rétorqué Slidell avec force.
— On croit qu’il aurait pu être tué pour une affaire d’argent ?
— Ils vérifient.
La pause a duré plus longtemps.
— J’ai du mal à le croire. Depuis la mort de sa femme, la seule chose qui intéressait Eddie, c’était de rentrer chez lui, d’écouter sa musique de snob et de se taper des mots croisés. Et cet autre truc aussi, avec des chiffres.
— Des sudokus ?
— Ouais. Et il aimait faire la cuisine. Rien que pour lui. De vrais repas, pâtes fraîches avec fines herbes et tout, a dit Slidell en aspirant fortement le « h » du mot « herbes ».
Ce détail m’a serré le cœur. Je connaissais Rinaldi depuis près de vingt ans, pourtant je ne savais rien de lui en dehors du fait qu’il était originaire de Virginie-Occidentale, qu’il avait perdu sa femme et n’était pas remarié, qu’il était féru de musique classique et maniaque de l’ordre, qu’il aimait la bonne chère et les vêtements coûteux. Dorénavant, je n’en saurais guère plus.
— Il avait de la famille ?
— Un fils marié, Tony, qui vit dans le Nord, du côté de Boston. Depuis qu’il est tout petit.
— Ils n’avaient pas de contact ?
— Ouais, mais c’est pas un sujet dont Eddie voulait discuter.
Je n’ai pas cherché à savoir pourquoi Rinaldi n’avait pas élevé son fils.
— Comment il a réagi ?
— Il a dit : « Trouvez les salauds qui ont tué mon père ! » a jeté Slidell sur un ton rogue. Que voulez-vous qu’il dise d’autre ?
Je n’ai pas relevé. C’était sa manière à lui d’exprimer son chagrin.
— L’affaire est entre les mains de la section des homicides, a-t-il poursuivi. Des gars des brigades de vols et viols font du porte-à-porte dans le quartier pour réunir des témoignages. Ils vérifient des dossiers, ce genre de trucs. Vu le temps merdique qu’il faisait ce soir-là, y avait pas foule dans les rues. Personne a rien vu. Du moins, c’est ce qu’ils me racontent. Mais je suis pas vraiment en première position dans le répertoire du cellulaire de mes collègues.
Compréhensible. Slidell était déjà difficilement contrôlable en temps ordinaire. Comment prédire ses réactions s’il apprenait qu’on avait une piste pour le meurtre de Rinaldi ? Tout le monde savait qu’ils étaient très proches.
— Je vous retrouve à l’église ?
— Je resterai dans le fond.
La communication achevée, j’ai allumé mon ordi et me suis branchée sur ma messagerie.
Un courriel de Katy pour s’excuser de notre dispute. Plus facile que de téléphoner, je suppose.
Un homme au Nigeria qui souhaitait s’associer avec moi pour obtenir deux millions de livres. La seule chose que j’avais à faire, c’était de lui transmettre mes coordonnées bancaires.
Un collègue de l’UNCC m’invitait à une soirée pour l’Halloween. Me rappelant combien je m’étais ennuyée l’année dernière, j’ai décliné.
[email protected]. Sujet : non indiqué.
Ah non.
Ah oui. Allison Stallings voulait prendre un verre avec moi. Elle avait d’autres questions à me poser.
Horreur et damnation, je lui avais parlé pendant ma cuite ! Pas étonnant que Larke Tyrell soit furieux.
Mais non, je ne pouvais pas l’avoir appelée.
Si c’était elle, comment avait-elle obtenu mon numéro ? Et lequel, d’ailleurs, le fixe ou le cellulaire ? Mme Flowers n’était pas du genre à livrer des informations personnelles. Et personne à l’université non plus.
Enfin, personne parmi les gens qui savaient qu’il ne fallait pas le donner.
Mais la nouvelle secrétaire ? Comment s’appelait-elle, déjà ? Natasha ? Naomi ?
Coup d’œil à ma montre : huit heures cinq. Je l’ai appelée.
Elle a juré ses grands dieux qu’elle n’avait donné mon numéro de téléphone à personne.
Est-ce que je l’aurais donné moi-même à quelqu’un ? Qui avais-je vu, ces dernières semaines. Ah oui… Takeela Freeman. Ce devait être par elle que Stallings l’avait obtenu. Mais si elle avait mon numéro, pourquoi m’envoyait-elle un courriel au lieu de m’appeler ?
Parce que j’étais restée vingt-quatre heures sans répondre à aucun de mes deux numéros ? Parce que les gens qui m’avaient appelée pendant le week-end avaient été informés que ma ligne était en dérangement ?
J’ai noté dans un coin de mon cerveau d’interroger Takeela.
Il y avait aussi deux messages de l’entomologiste à qui j’avais envoyé les insectes prélevés dans la cave et sur le corps de Klapec. Tous deux comportaient une pièce jointe.
Pour le premier, pas de surprise : l’état des insectes permettait de supposer que le poulet était mort depuis à peu près huit semaines avant le jour où les prélèvements avaient été effectués. Cela plaçait à la mi-août l’époque où l’autel avait été utilisé pour la dernière fois.
Cette date collait, puisque c’était le 26 août que s’était produite la rencontre fatidique entre Cuervo et la locomotive.
L’autre rapport, celui concernant les insectes prélevés sur Klapec, comportait une liste des espèces et leur nombre. L’entomologiste avançait deux opinions : l’une se rapportant à l’environnement post mortem, l’autre au temps écoulé depuis la mort.
La première n’avait rien d’inattendu. Elle corroborait la conclusion à laquelle Larabee et moi-même étions parvenus au terme de l’autopsie.
Les échantillons soumis n’apportent aucune preuve d’une immersion dans un environnement aquatique.
OK Klapec avait été déposé volontairement là où on l’avait retrouvé. Il n’avait pas abouti là porté par le courant du lac.
Le deuxième point était plus troublant.
Le décédé a été aperçu in situ le 9 octobre, puis signalé et récupéré deux jours plus tard. Concernant la période en question, la température a avoisiné les 21°. Le corps était enveloppé dans un drap en plastique laissant circuler l’air et il présentait un grave traumatisme. Étant donné ces conditions, l’activité des insectes est exceptionnellement réduite. Cependant, cela ne contredit pas le niveau inférieur d’un TEM correspondant à quarante-huit heures minimum.
Je me suis laissée retomber contre mon dossier, perplexe.
Dans ses notes, Rinaldi signalait que son informateur, Vince, avait vu Jimmy Klapec pour la dernière fois le 29 septembre en compagnie du client violent, sosie de Rick Nelson. Si c’était vrai, où avait donc traîné Klapec pendant la période allant du 29 septembre au 11 octobre, date à laquelle son corps avait été retrouvé ?
Dans son carnet, Rinaldi avait écrit :
JK. 29/9. VDF avec EN selon VG.
Aurions-nous mal interprété cette note ? Si oui, qu’avait voulu dire Rinaldi ?
Je me suis remémoré Klapec étendu sur la berge du lac Wylie, les incisions sur son thorax et sur son ventre, son torse décapité. Son cadavre aurait dû être couvert de larves et d’œufs. Pourquoi y en avait-il si peu ? Et pourquoi les animaux prédateurs ne s’y étaient-ils pas intéressés ?
Je me suis représenté le crâne de Susan Redmon dans la cave mal éclairée de Cuervo.
Deux situations bien différentes et pourtant semblables, en ce sens qu’elles témoignaient toutes les deux d’un usage macabre de restes humains. Autre détail digne d’être noté : le fait qu’elles surviennent dans un laps de temps extrêmement resserré. Étrange. Comment expliquer ça ?
Je ne pouvais qu’être d’accord avec Slidell : les deux affaires étaient liées. D’ailleurs, je le sentais instinctivement. Y en avait-il d’autres qui s’ajoutaient à celles-ci pour former tout un réseau ? Si oui, ce réseau était-il étendu ? Et qui en tirait les ficelles ?
Finney ? Il niait connaître un santero appelé Cuervo. Pourtant, il s’était crispé en entendant son nom. Il possédait une Ford Focus. Et des livres sur le satanisme.
Coïncidences troublantes, certes, mais moi, je ne crois pas aux coïncidences. À mon sens, ce sont seulement des lacunes dans les connaissances que l’on a d’un fait.
À propos de faits, il était grand temps que j’en récolte sur cet Asa Finney.
Google m’a proposé deux entrées lorsque j’ai tapé son nom. La première se rapportait à l’un des fondateurs de la ville de Hamilton, dans l’État de New York ; la seconde proposait un lien avec la page Web d’une sorcière appelée Ursa.
Asa. Ursa. Bingo. J’ai voté pour l’ourse.
Sur la page d’accueil, en haut à gauche, un pentagramme argenté tournoyant lentement en émettant des étincelles ; à droite, une photo d’Asa Finney dans une longue robe blanche sur laquelle était brodée la constellation de la Grande Ourse. Appelée aussi Grand Chaudron. Employez le nom que vous voudrez.
Une pyramide composée de strates a rempli le centre de l’écran, proposant des liens vers différentes pages du site. Annonces, Ouvrages parus, Célébrations, Manuel, Magick, Phases de la lune, Poésie, Rituels et Samhain.
J’ai choisi Poésie.
Finney avait une prédilection pour les lys qui pleuraient et les cœurs qui, tels des phares, faisaient apparaître la réalité par le truchement de l’amour.
Je suis passée à Samhain.
Il y avait une citation tirée de L’Arbre d’Halloween, de Ray Bradbury, une pub pour un livre intitulé Mystères païens d’Halloween et une interminable explication sur l’origine de la Toussaint signée Finney. Elle correspondait en tout point à ce que Jennifer Roberts m’en avait dit. J’ai appris, entre autres choses, qu’en Écosse la tradition voulait qu’on s’offre des vêtements en étant soi-même vêtu de l’habit du sexe opposé au sien, les hommes étant costumés en femmes, les femmes en hommes.
Que faisaient les hommes qui portaient des kilts ? Cette question m’a distraite un moment.
Le seul point présentant un quelconque intérêt était que la fête de Samhain se composait souvent de deux fêtes distinctes : le repas, et aussi une pratique célébrée un peu avant. D’accord. Cela corroborait les dires de Roberts à propos d’une réunion au camp en dehors du calendrier habituel.
Retour à la page principale. Manuel.
Autre photo d’Asa Finney, cette fois-ci en gros plan. C’était vraiment un Rick Nelson au visage grêlé par l’acné.
Au-dessous de la photo, plusieurs étiquettes : Médecine et Magick ; Chaque souffle est une prière-, Les Roches sont des êtres au même titre que nous ; Aphrodisiaques : Dons de la déesse. Tous ces liens devaient renvoyer à une leçon de vie selon la pensée wicca.
Sentant monter un début d’ennui, j’ai cliqué sur Aphrodisiaques.
Qui dit aphrodisiaque dit partage. À cette affirmation succédait une authentique révélation : Les aphrodisiaques existent sous forme de plantes ou d’aliments ! Les herbes incluent le ginseng, l’ail et le guarana. Bon, d’accord, je ne le savais pas.
Les nourritures érotiques peuvent aussi bien être salées, gluantes, sucrées, caoutchouteuses, humides, chaudes ou froides. On se demande ce qui restait d’autre.
En bas de page, Finney stipulait que les avis donnés étaient strictement à but informatif et il engageait vivement les lecteurs à consulter des professionnels de la santé avant d’utiliser des aphrodisiaques en cas de problème sexuel.
Bonjour, docteur, je peux manger un caramel ? Qu’en pensez-vous ?
J’étais sur le point de quitter la page quand une boîte de dialogue en bas à gauche de l’écran a attiré mon attention : des liens vers d’autres sites, probablement pour ses clients libidineux.
Botánica Exática
Les Sœurs Divines de la Botanique
Éléments de la Terre
La Botánica Buena Salud
Humeurs Mystiques
Potions Païennes
Botánica Buena Salud. Le magasin de Cuervo ?
Le souffle court, j’ai cliqué sur le lien. Et obtenu le message que ce lien n’était pas disponible.
Était-ce le même magasin ? Un autre magasin en ligne portant le même nom ?
Étais-je tombée sur la preuve que Finney et Cuervo étaient en contact ? Si oui, pourquoi Finney avait-il nié connaître le santero ?
Finney avait-il inclus le magasin de Cuervo simplement parce qu’il se trouvait à Charlotte ?
Cuervo et Finney. Un santero et un sorcier. Quel rapport y avait-il entre eux ? Les convictions de Slidell concernant Finney, convictions purement instinctives, seraient-elles fondées ? Ursa s’exprimait-elle ailleurs que dans la poésie et les herbes en pot ? Dans le meurtre de Jimmy Klapec, par exemple ? Dans celui de Rinaldi ?
Dans celui de Cuervo ?
Se pouvait-il que la mort du santero n’ait pas été accidentelle ?
Jennifer Roberts était absolument convaincue de l’innocence de Finney. Néanmoins, elle n’avait pas réussi à le joindre le soir où Klapec avait été tué.
Toutefois, elle avait raison sur un point : Finney ne donnait pas l’impression d’être violent, à en juger par son site Web. Uniquement d’être un peu excentrique.
J’ai fermé la page.
Et voilà que je me suis retrouvée en face d’un corps sans tête transpercé par des douzaines d’épées. Un corps qui s’est dissous lentement jusqu’à céder la place à un écran tout noir. Puis est apparu un point qui a grossi, grossi, jusqu’à se muer en une créature extraterrestre pleine de dents. Beaucoup trop de dents.
Je suis restée hypnotisée : un cercle rouge est apparu sur le poitrail de la créature. Puis, subitement, ce corps a explosé en une quantité de fragments qui ont volé dans tous les coins de l’écran. Des noms se sont mis à voguer au milieu de l’espace. Guildes du mal. Mondes mythiques. Univers étranges. À la poursuite de la proie. À vous de jouer ! Apprenez les dernières techniques de programmation. Et enfin, un titre orange et rouge a clignoté, invitant le spectateur à cliquer sur l’icône : Dr. Games.com.
Aucune boîte de dialogue portant la mention « Fermer ». J’ai déplacé ma souris sur le X en haut à droite de l’image. Impossible de la faire disparaître.
Brusquement, il m’est revenu que Finney était dans les jeux vidéo. Aurait-il créé cette image pour inciter les visiteurs d’Ursa à se rendre sur un autre site ?
OK, Dr. Games. J’accepte de jouer.
La page d’accueil de Dr. Games ne contenait ni photo ni graphique, mais une unique phrase libellée en ces termes :
Bienvenue aux joueurs occasionnels, aux joueurs passionnés ou aux professionnels des jeux.
Une liste proposait les choix suivants : Comment assembler le meilleur PC pour jouer. Éléments indispensables pour créer un bon jeu. Concepteur de jeux, un métier. Introduction à la conception des jeux. Téléchargements gratuits.
Je suis allée directement au portail numéro cinq.
Et là, j’ai plongé dans un monde nouveau et terrifiant.