CHAPITRE XX

Deux semaines s'étaient écoulées depuis l'attaque de la prison. Morgan remontait la Grand-Rue en boitillant. Il s'arrêta pour rouler et allumer une cigarette. La diligence venait de faire halte devant l'hôtel, et Lily Leslie sortait de la véranda, un sac de voyage à la main. Morgan s'approcha en souriant pour l'aider à monter en voiture.

— Au revoir, Morgan, dit-elle de sa voix douce.

— Au revoir, Maggie. Bonne chance !

Elle lui sourit un peu tristement.

— J'en aurai peut-être besoin. Mais l'étiquette se décolle, Morgan. Vous avez réussi, de votre côté, et je crois que je vais pouvoir réussir aussi.

Au même instant, un petit homme sec, le nez surmonté d'une paire de lorgnons cerclés d'or, descendait à son tour les marches de la véranda.

— La banque rouvrira ses portes demain, Mr Orr, dit-il. Et il se peut que ces actions souscrites par Jerome s'avèrent rentables, à la longue.

Morgan le regarda monter en diligence, puis tourna les yeux vers la banque et vers la 2e Rue qui conduisait au bureau du shérif où Roy Forette portait un insigne d'adjoint épinglé sur sa veste. Morgan n'était pas le seul à avoir trouvé sa place à Arapaho Wells.

La lourde diligence s'ébranla dans un nuage de poussière. À l'occident, le soleil descendait lentement, teintant les nuages de sa pourpre orangée.

Morgan s'engagea dans la 2e Rue, saluant au passage d'un signe de tête les gens qu'il croisait. Il n'eut qu'un coup d'œil rapide pour la grande bâtisse à deux étages où avaient vécu Tena et Jerome, et il poursuivit son chemin jusqu'à l'extrémité de la rue.

Le cœur battant, les yeux illuminés d'une immense joie, il s'arrêta devant la barrière blanche d'une coquette maisonnette de bois.

Une petite fille, le nez collé à la vitre, l'observait gravement tandis qu'il remontait l'allée sablée. Au moment où il pénétrait sous la véranda, elle lui adressa un petit sourire timide et disparut.

Il tira la sonnette et attendit. Un bruit de pas légers et précipités résonna dans le couloir, et la porte s'ouvrit devant Tena.

Un instant, ils restèrent immobiles, les yeux dans les yeux, puis la jeune femme se jeta amoureusement dans les bras de son fiancé, levant vers lui son beau visage aux grands yeux sombres et veloutés, lui offrant sa bouche aux lèvres entrouvertes et frémissantes.

Morgan Orr était enfin chez lui.

Fin