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  1. Olivaux Christian
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Chapitre 35

Batz-sur-Mer. Vendredi, 10 h 30.

 

Lorsque Darlan sortit sur la terrasse, le soleil avait déjà bien entamé sa course. Le bleu du ciel sans taches de la veille avait fait place aux filets blancs de nuages d’altitude suivis, au-delà de l’horizon, de la naissance d’un front orageux. Même si la température restait encore agréable, le vent du large obligea le policier à enfiler le gilet qu’il avait posé sur ses épaules au moment de sortir. Le vent de la mer apportait des effluves revigorants, mélange d’iode et d’algues.

Son réveil, vers dix heures, s’était révélé plus difficile qu’il ne l’avait imaginé, après une nuit en pointillé, malgré le mélange d’alcool et de médicaments qui aurait dû l’assommer. Sa blessure le tiraillait sur le côté. Il avait effectué quelques gestes lents et pris un antalgique avant de pouvoir se décider à descendre. Au moment de prendre l’escalier, il avait frappé doucement à la porte de la chambre d’Alexandra sur le palier en face. Pas de réponse. Peut-être était-elle déjà levée. La bise sur la joue et la dernière petite phrase de la journaliste avaient trotté dans sa tête une partie de la nuit. Il aurait voulu savoir si cette magie avait survécu à la nuit.

Il retrouva Fred attablé, face à la mer, devant un solide petit déjeuner. Il finissait son café en lisant le journal.

– On est déjà à la une ? commença Darlan.

Son ami se retourna et replia son journal :

– Pas une ligne, je suis déçu… Ce numéro de Ouest-France devait déjà être bouclé à l’heure de nos exploits. J’espère qu’on fera les gros titres demain. Comment va notre grand blessé ?

– Je survis, surtout tant que je trouve des antalgiques.

– Marie va te changer ton pansement et voir ça. Elle m’a déjà répété deux fois que tu devrais quand même aller chez un médecin. Je sais ce que tu en penses, mais je crois que tu n’échapperas pas au minimum à ses bons soins. Elle est têtue, tu sais, et en ce qui me concerne, je cède à tous les coups.

– Elle est une mère pour moi, répondit le policier en rigolant.

– Installe-toi, et régale-toi en profitant de la vue, ça ne va pas durer. Quand on voit les nuages monter comme ça de l’horizon, c’est pas bon signe. Avant ce soir, tu vas avoir les honneurs d’une tempête sur la côte sauvage. Il n’y a que deux options, soit on déteste, soit on ne peut plus s’en passer. Moi j’aime bien quand ça souffle, mais je n’ai aucun mérite, le sang des gens de la mer coule dans mes veines. Depuis mon balcon, j’ai l’impression d’être aux commandes d’un navire géant.

– Je ne te connaissais pas cette âme de poète, mais je comprends, c’est vraiment magnifique ici.

Darlan se sentait une faim d’ogre. La veille au soir, la perspective de leur action nocturne et le stress lui avaient coupé l’appétit. Il fit honneur aux petits pains, pancakes et autres croissants chauds au beurre salé, agrémentés de jus de fruits frais et d’un grand bol de café.

– Tu as pu jeter un coup d’œil à la carte ? demanda-t-il entre deux bouchées.

– Marie m’a devancé, elle était déjà debout à sept heures. Je l’ai retrouvée dans le bureau en train d’examiner les schémas et la carte. Tu as fait une belle moisson d’informations sur le serveur. Nous avons tous les synoptiques et les plans de fabrication…

Il s’interrompit un moment, regardant par-dessus l’épaule de Darlan.

– On complote dans mon dos ?

Le policier se retourna pour découvrir Alexandra, arrivant par le petit portail fermant l’accès à la falaise, tout sourire, vêtue d’un short, de chaussures de sport et d’un tee-shirt à manches courtes, trempé de sueur. Bien que la journaliste s’efforce de le décoller de sa peau, le mince vêtement soulignait ses formes beaucoup plus qu’elle ne l’aurait souhaité. Avec ses cheveux attachés par un ruban noir, le visage empourpré d’avoir manifestement couru, Darlan la trouva irrésistiblement attirante. Il ne trouva rien de vraiment pertinent à dire et dut se précipiter pour lancer la première banalité qui lui venait à l’esprit, se disant qu’il devait avoir l’air idiot à la regarder de la sorte sans rien dire :

– Désolé, Alex, on n’a pas de temps pour ça, on parle boulot, tu es réveillée depuis longtemps ?

– Depuis presque deux heures, j’ai dormi comme un bébé, bercée par le bruit de l’océan. Je peux me joindre à vous ? J’ai vraiment besoin de boire quelque chose de frais.

– J’ai en magasin du jus d’orange frais juste pressé par mes soins, proposa Fred, ainsi que tout le petit déj qui va avec.

– Merci… C’est un régal de courir le long de la côte. Si j’habitais ici, j’irais trotter tous les matins, répondit-elle en se servant et en s’installant face à l’océan.

– Tu as parfaitement raison, Alexandra. C’est ce que je me dis chaque jour : « Il faut que j’aille courir, je commence demain ! »

 

***

 

Alexandra s’était réveillée en pleine forme. Les peurs et les doutes de la veille s’étaient dissipés. Elle avait croisé Marie au moment où elle s’apprêtait à partir pour emmener les enfants à l’école.

– J’ai préparé le petit déj sur la table dehors, tu sais où est le café… Je ne serai pas longue, le temps de déposer les enfants au collège à Guérande et de faire quelques courses.

– C’est gentil, mais pour l’instant, je crois que je vais profiter du soleil pour aller courir un peu.

– Comme je t’envie d’avoir le temps pour faire un footing, j’en étais friande également il y a quelques années, mais avec les enfants et le travail, c’est devenu quasiment impossible. Tu as des affaires de sport ? Je peux t’en prêter si tu veux.

– Je veux bien, merci… L’ex-copine de Darlan à qui j’ai emprunté des affaires ne possédait pas le moindre short.

Dix minutes plus tard, Alexandra trottinait doucement sur le chemin qui suivait la falaise. Serpentant le long de celle-ci, l’itinéraire pouvait la conduire directement jusqu’au Croisic en passant par Batz-sur-Mer s’il lui en prenait l’envie. Courir avait toujours été pour elle un moyen formidable pour réfléchir, pour faire le point. Elle en ressentait le besoin depuis leur arrivée chez Frédéric et Marie et appréciait d’autant plus. D’un côté, ils l’avaient accueillie comme un membre de la famille ; en quelques heures, elle s’était sentie un peu chez elle. Mais de l’autre, leur famille unie, établie, les mots doux et les petits gestes que Fred et Marie s’échangeaient, l’amour qu’ils manifestaient pour leurs enfants, lui rappelait avec force sa condition de célibataire endurcie. Depuis quelque temps, elle fréquentait moins assidûment ses amies mariées ou en couple pour les mêmes raisons. Elle parvenait à passer de bons moments avec ses quelques copines célibataires ou divorcées lors de sorties dans des pubs branchés, sans pour autant se guérir de son vague à l’âme. Elle aspirait à autre chose et se reprochait en cet instant ce sentiment qu’elle interprétait comme de la jalousie. Ainsi que le lui avait rappelé Marie à qui elle s’était confiée spontanément la veille, elle devrait renoncer à certaines de ses libertés égoïstes si elle fondait une famille. Elle ne pourrait plus décider seule. Elle était convaincue que seul un grand amour pouvait lui donner envie de cela… Ce qui lui laissait à penser qu’elle n’avait jamais connu le grand amour. Comme tant de femmes, elle avait été convaincue qu’elle rencontrerait son idéal, son complément, sans l’avoir cherché, juste par ce que c’était dans l’ordre des choses. Pendant longtemps, cette idée avait été pour elle une évidence. Les années passaient, mais il ne s’était jamais présenté.

Ses pas l’amenèrent jusqu’au village où elle longea la rue du Golf. Alexandra passa devant un restaurant dont la terrasse donnait directement sur la falaise. Elle s’arrêta un instant pour regarder la carte. La Roche Mathieu présentait de nombreuses spécialités de poissons dont elle raffolait, son estomac commença à la rappeler à l’ordre.

Elle passa sur le côté et regarda la terrasse avec envie. Elle aurait aimé s’attabler là pour un dîner romantique en regardant le soleil se coucher sur l’océan. Elle laissa ses idées vagabonder au rythme de sa rêverie. Pendant un instant, elle se vit assise à une table et les traits de l’homme avec qui elle partageait ce moment étaient ceux de Darlan. Elle chassa cette vision, le policier ne pouvait pas être celui avec qui elle rêvait de passer ce moment unique. Il était tellement éloigné de son idéal. Mais quel était réellement son idéal ? Au fil des années, Alexandra s’était forgé une image de l’homme qui partagerait sa vie sans avoir jamais trouvé toutes les qualités dans une seule et même personne. Sans doute sa définition d’hier était-elle différente de celle d’aujourd’hui. Dans ses rêves, il était grand, brun, musclé sans excès, bronzé, courtois, amusant, cultivé, sportif, attentionné, disponible, bon amant… mais en aucun cas d’origine africaine. Son enfance passée dans une famille qui militait activement pour l’extrême droite avait généré en elle un comportement qui lui faisait rechercher la compagnie des gens « comme elle » pour réutiliser les mots de son père, sans pour autant être convaincue réellement de ses choix. Le policier ne pouvait entrer dans cette catégorie, tout les séparait. Outre sa couleur de peau qui ne la gênait pas, qui ne la gênait plus, elle le trouvait maladroit, voire blessant dans ses propos, brutal dans ses jugements, et plus généralement un peu bizarre avec sa passion pour le hacking. Manifestement pas attiré par le sport. Elle se demandait comment il pouvait conserver cette silhouette en restant toute la journée et la plupart des nuits assis devant des ordinateurs.

D’un autre côté, elle devait reconnaître, à son corps défendant, qu’il pouvait être attachant, courageux, sensible certainement, encore que ce trait de caractère soit difficilement décelable sous sa carapace. Il lui avait sauvé la vie, elle ne l’oubliait pas. La veille, dans la voiture, alors qu’il avait sa tête posée sur ses genoux, elle l’avait trouvé très attirant pendant un moment, jusqu’à ce que le frisson qu’elle avait ressenti s’évanouisse avec une de ses réflexions stupides. Elle se ressaisit et rejeta l’idée, en bloc. Elle n’était pas prête pour une nouvelle relation ; c’est ce qu’elle répétait inlassablement à ses copines depuis plusieurs mois ; et le policier n’était clairement pas un bon choix. Elle s’en voulut de ce moment d’égarement, de faiblesse.

Un nouveau gargouillement dans son ventre la ramena à la réalité, il était temps de rentrer.

 

***

 

–  Alors, qu’avez-vous découvert ? demanda Alexandra entre deux bouchées de croissant au beurre.

Fred répondit, sous l’œil agacé du policier qui aurait bien aimé qu’Alex s’inquiète au moins un peu de son état de santé ou de ses traits tirés à cause de la mauvaise nuit qu’il venait de passer. Elle était grandement responsable de sa blessure et semblait peu s’en soucier…

– Je disais que la carte a livré au moins en partie ses secrets. Nous avons trouvé deux EPROM distinctes qui doivent normalement contenir les deux versions du programme, sauf qu’elles sont agencées pour faire croire qu’il ne s’agit que d’un module de backup… de sauvegarde. Si on ne sait pas ce qu’on cherche, aucune chance de trouver ça.

Fred attendit la réaction de Darlan qui l’encouragea à continuer d’un signe de tête. De son côté, Alexandra semblait écouter avec l’attention exagérée de celle qui n’a pas compris.

– La suite est plus intéressante : il semble que la définition de la carte permette une activation du programme bis du microprocesseur, seulement par une commande extérieure.

– Qu’est-ce qui te fait penser ça ? demanda Darlan.

– Nous avons trouvé un autre composant sans marquage. Nous n’en sommes pas certains, mais d’après les schémas, il n’est pas impossible que ce composant soit en mesure de relayer une commande à distance vers le composant de Fallière. La question est : quelle commande à distance ? Peut-être une connexion Internet, mais sans le reste de la machine, il est quasiment impossible d’en deviner l’usage. Même si la carte est le cœur du système, il manque dans notre puzzle au minimum un boîtier, une interface, un module de communication, quel qu’il soit, un écran et une alimentation et j’en oublie certainement.

– Tant que nous ignorons la constitution complète de la machine, il nous est impossible de comprendre comment elle peut passer en mode fraude, compléta Darlan.

– Et pourquoi les machines ne seraient-elles pas activées localement ? demanda Alex.

– Par un complice ? Non, ça ne tient pas, il faudrait recruter autant de complices que de bureaux de vote.

– Je n’ai pas parlé de complices ! Si j’ai bien compris ce que j’ai lu, les machines sont contrôlées par les scrutateurs justes avant l’ouverture des bureaux de vote. Ils doivent lancer un programme de diagnostic et ils récupèrent à la fin un papier qui leur dit que la machine est O.K.

Fred et Darlan la regardèrent d’un air surpris.

– J’ai lu ça dans un papier d’une collègue il y a quelques mois. Je m’en souviens encore, car je m’étais imaginée la tête des scrutateurs et des élus, attendant que la machine crache son papier.

– Ils pourraient ainsi activer le mode fraude sans même le savoir, poursuivit Darlan. Rien qu’en lançant le programme de diagnostic. C’est pas bête. 

– Merci de te l’entendre dire.

Le policier ne releva pas la remarque :

– Ou bien il suffit que les commanditaires de l’affaire imposent une procédure de vérification supplémentaire, en prétextant justement vérifier la fiabilité des machines. Dans ce dernier cas, ce serait précisément les organismes de contrôle qui passeraient les machines en mode triche à leur insu.

– Il est évident que les organismes de contrôle, publics ou privés, sont très attentifs au respect des normes et à l’utilisation des machines.

– C’est certainement vrai. Je reste pourtant persuadé que dans ce domaine, il est très facile de tromper ceux qui sont chargés du contrôle. Dans mon boulot, enfin celui que j’avais jusqu’à hier, j’ai réussi à faire plancher une équipe d’experts sur une version d’un logiciel parfaitement clean, et à le changer après coup. Personne ne s’est jamais rendu compte de rien.

– Pourtant, tes amis policiers ont réussi à te repérer chez toi, n’est-ce pas ? Tu n’étais donc pas aussi invulnérable que ça, compléta Alex, qui se souvenait très clairement de la réaction brutale du policier lorsqu’il avait été tracé.

Fred assistait aux discussions animées entre son ami et la journaliste, les laissant se contredire ou se compléter, s’amusant de les voir se chamailler, s’envoyer régulièrement des piques. Il n’arrivait pas à décider si ces échanges cachaient une grande affection mutuelle ou s’ils étaient réellement comme chien et chat. Pour Marie, c’était une évidence. Elle attendait patiemment le jour où ils se tiendraient par la main. Pour une fois, Fred doutait de la clairvoyance de sa femme.

Il décida d’intervenir :

– Je vous écoute tous les deux, mais je pense que nous faisons fausse route. Nous ne devons pas nous focaliser uniquement sur le moyen d’activation des machines. Elles doivent recevoir non seulement le signal d’activation du mode fraude, mais également, le nom ou la liste qui doit être favorisé. J’imagine que ceux qui ont mis ça au point ont bien l’intention de gagner les présidentielles, mais également les législatives, sans quoi ils perdraient le pouvoir. Plus personne n’imagine de cohabitation de nos jours. Les concepteurs du projet ont certainement pensé à tout. Il leur faut un moyen de commander la reprogrammation des machines, juste après l’heure d’ouverture des bureaux de vote, et sans aucune action nécessaire à proximité de celles-ci. La fraude s’opère forcément juste après l’ouverture du scrutin. Je suis prêt à parier que l’opération inverse est réalisée juste avant la fermeture.

– Je reviens donc à mon idée initiale, jubila Darlan. Une commande centralisée. Les machines sont donc forcément connectées vers l’extérieur pendant un court laps de temps.

– La seule chose que nous pouvons en conclure, continua Fred, c’est que nous n’avons pas assez d’informations pour savoir comment fonctionnent exactement ces machines à voter. Il nous faut trouver les pièces manquantes du puzzle.

Alexandra regarda les deux hommes tour à tour :

– Vu le temps qui nous reste, je ne vois pas comment nous allons faire. Le deuxième tour a lieu dans deux jours, et nous n’avons pas le début d’une solution.

– J’espère seulement que nous n’arriverons pas trop tard, coupa Fred. Je ne me verrais pas vivre dans un pays où un président s’est maintenu au pouvoir par la fraude. Disons les choses clairement, seul le pouvoir en place peut avoir organisé ça. Et les résultats du premier tour nous donnent raison. Ils se sont maintenus alors que tout le monde les donnait perdants.

– Même si cela doit se produire, nous pourrons peut-être nous rabattre sur une bonne campagne de presse, en espérant que cela suffira pour faire réagir la population, je sais assez de quoi je parle, finit-elle en reprenant un croissant.

– Tu as raison, à condition que la presse soit indépendante, ce qui est loin d’être le cas. Presque tous les organes de presse appartiennent à quelques grands groupes, tous à la solde du pouvoir en place.

– Tu exagères, coupa Alex, nous ne sommes pas en Italie.

– Je n’en suis pas si sûr. À partir du moment où les principales chaînes de télévision privées appartiennent à des groupes contrôlés par des hommes politiques et que les canaux publics sont dirigés par des gens nommés par le gouvernement en place et dépendent des subsides de l’État pour survivre, il ne faut pas s’attendre à des miracles en terme d’indépendance.

– Tu es un peu caricatural, les journalistes tiennent à leur indépendance. C’est une des vertus du métier. Je ne nie pas qu’il ait pu y avoir quelques influences ici et là. Mais, dans l’ensemble, la presse est libre dans notre pays.

– Je suis persuadé que les journalistes sont fondamentalement honnêtes, mais si on touche au portefeuille, il est probable que la morale et l’éthique passent au second plan. Et je crois me souvenir que Reporters Sans Frontières a mis la France sous surveillance, il y a quelques années, considérant la liberté de la presse après l’adoption de la loi Loppsi 2 qui permet entre autres de filtrer l’information accessible au grand public.

– Je n’ai rien lu là-dessus, s’étonna Alex.

– Demande à des journalistes, insista Darlan, sur un ton qui se voulait plaisant.

Une rafale souleva un bord de la nappe tenue par des clips sur la table en bois. Le voile de nuages obscurcissait rapidement le soleil et Alexandra frissonna. Le policier se leva en grimaçant de douleur et lui posa son gilet sur les épaules. Elle le regarda en souriant, intriguée, puis, prenant Fred à témoin :

– Il est amusant. Capable en moins d’une minute de se montrer odieux, et l’instant d’après, de se conduire en homme galant… C’est assez perturbant, mais j’apprécie, au moins la deuxième partie… Tu es en progrès Philippe, c’est déjà ça. Merci.

– On n’arrête pas de le dire, Darlan est un type bien, compléta Fred.

– Bon, c’est fini là ? Heureusement que Marie n’est pas là pour en rajouter encore.

– Où est-elle ? demanda la journaliste pour couper court, en s’emmitouflant dans le gilet.

– Elle a insisté pour examiner la carte mère des machines dans la société où elle travaille, elle a des moyens dont nous ne disposons pas à la maison.

– Il ne vous a fallu que quelques heures pour découvrir que les machines à voter étaient conçues en intégrant un mode permettant la fraude. Comment se fait-il que les organismes de contrôle n’aient rien vu ? s’interrogea Alexandra. Ils sont normalement compétents et capables en théorie de déceler une éventuelle fraude, non ?

– Nous ne sommes pas meilleurs qu’eux. La seule différence est que nous savions ce que nous cherchions et nous connaissions le fonctionnement du composant de Fallière. Pour quelqu’un qui n’a pas ces informations, c’est quasiment impossible à remonter sauf peut-être pour celui qui cherche à copier la carte. Je suis persuadé que les organismes de contrôle n’y ont vu que du feu.

– Qui sont ces organismes ?

– Normalement, pour ce genre de choses, on fait appel à des sociétés de certification et d’inspection comme le Bureau Veritas ou l’APAVE, par exemple. Il est probable qu’ils soient impliqués dans la démarche de fourniture d’un agrément.

– Tu veux dire que c’est un organisme privé qui donne l’agrément pour des systèmes aussi sensibles que des machines à voter ?

– Oui, pour le reste, il faudrait leur poser la question, ils se doivent d’être transparents sur leurs démarches de contrôle.

– Puisque tu trouves que nous n’agissons pas assez, je te propose d’aller leur demander de vive voix, proposa Darlan en s’adressant à Alexandra. Ils ne devraient pas faire de difficultés pour répondre aux questions d’une journaliste, qu’en penses-tu ?

Alexandra soutint son regard :

– Aucun problème, je les appelle juste après ça, lança-t-elle en reprenant un croissant.

– Mais où met-elle tout ça ? demanda Fred en s’attardant sur les courbes gracieuses de la jeune femme.

– Je fais du sport, c’est tout, et tu devrais en faire autant.

– Prends ça dans les dents, rigola Fred en se tapotant sur le ventre où pointait un léger embonpoint.

Darlan préféra couper court :

– Pour ma part, je vais me renseigner pour savoir à quel endroit les machines sont assemblées. Je suis certain que si nous parvenons à mettre la main sur les plans complets des machines, la solution nous sautera aux yeux.

– Et que comptes-tu faire si tu trouves ? Recommencer l’opération d’hier soir ?

– Mise à part la fin, le reste était assez sympa, non ?

– Si tu veux parler de ta blessure, je me suis déjà excusée. Et je ne sais pas où nous serions maintenant si je n’avais rien fait.

– Oui, c’est vrai, nous te devons tout, ironisa Darlan. La prochaine fois, je te laisse diriger, ça sera certainement mieux.

Alexandra regarda le policier sans cacher son animosité et en le fusillant de son regard bleu clair. Elle continua tranquillement son petit déjeuner sans répondre.

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