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  1. Olivaux Christian
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Chapitre 17

Lyon. Mercredi, 23 h 30.

 

Alexandra marqua un temps d’arrêt lorsqu’elle franchit le seuil du salon du policier, en découvrant l’invraisemblable agencement d’ordinateurs qui en occupait la plus grande partie :

– Qu’est-ce que vous faites avec tout ça ? Vous travaillez à la maison ?

– Je vais vous expliquer, si vous voulez bien vous asseoir un moment et me laisser parler. Mais avant ça, il nous faut mettre quelque chose sur cette jolie bosse. J’ai tout ce qu’il faut dans la salle de bains.

Darlan la guida au centre de son « bureau » et lui avança un siège.

– Je vais me changer avant de finir de ruiner ma moquette, dit-il, en considérant ses vêtements et ses chaussures encore trempés. Ne touchez à rien. 

Il disparut dans une pièce adjacente, la laissant au milieu de ses machines.

Alexandra examina sa propre toilette et grimaça. Elle aurait également bien besoin de se changer. Son pantalon et son chemisier étaient bons pour la poubelle, entre les traces de brûlures, les taches douteuses et le voile de grisaille dû à la fumée. Quant au parfum qu’elle exhalait, les traces d’Opium  d’Yves Saint-Laurent qui persistaient dans son cou ne suffisaient pas à atténuer l’odeur de fumée incrustée dans ses vêtements et ses cheveux. Elle ne voyait pas distinctement son reflet dans les écrans, mais imaginait facilement l’état de sa coiffure et de son maquillage. Elle passa sa main dans ses cheveux mi-longs et les ébouriffa, espérant vainement le miracle de les voir retomber dans un meilleur état. Elle était partagée entre le besoin immédiat de prendre une douche et de se changer, et l’envie de comprendre ce qu’il venait de se passer, pourquoi elle était là, chez cet homme qui se disait policier.

Philippe Darlan revint quelques minutes plus tard, vêtu de la même façon, jeans et tee-shirt blanc. Alexandra se fit la réflexion qu’il n’avait pas eu à recoiffer ses cheveux coupés très court, un avantage certain. Il posa sur le bureau tout le nécessaire pour soigner plaies et bosses : Alexandra le laissa faire, d’autant qu’il semblait assez à l’aise avec les produits et les pansements.

– Où avez-vous appris à soigner les bobos comme ça ?

– J’ai encadré des colonies de vacances pendant quelques années. Ça aide.

Après avoir terminé son travail, Darlan replaça les cheveux d’Alex sur le côté du front pour camoufler le pansement couleur chair.

– Voilà, on ne voit plus rien, comme neuf.

Alexandra le regarda, cherchant à comprendre s’il plaisantait pour détendre l’atmosphère ou si c’était chez lui une seconde nature.

– Je vous ai préparé ma chambre pour dormir. Je prendrai le canapé, dit-il en s’installant au centre de son « bureau ». Il réveilla les consoles, automatiquement mises en veille pendant son absence. Il s’assura d’un coup d’œil que la jeune femme ne puisse voir ses mains et entra son mot de passe.

– Ça vous ennuie si je vais me rafraîchir pendant que vous lancez vos bidules ? J’ai l’impression de ressembler à un épouvantail.

Il la regarda un instant et répondit distraitement :

– Non, vous êtes très bien.

– Mais bien sûr ! Vous pouvez juste m’indiquer la salle de bains ?

– Heu ! oui, c’est juste là, après le couloir, à droite.

Alexandra trouva dans la salle de bains joliment décorée, une impressionnante collection de petites bouteilles de parfum et tout un nécessaire de maquillage. Elle imaginait difficilement ce policier black en collectionneur de bouteilles de parfum pour femme. Il devait avoir une femme dans sa vie, bien qu’elle ne comprenne pas qu’une femme puisse supporter un type qui semblait connecté en permanence à ses machines. Il ne portait pas d’alliance, donc une concubine, ou une simple copine, mais une copine ne laisserait pas sa collection de parfum…

Utilisant les produits qu’elle trouva dans le placard, elle parvint sans trop d’effort à se redonner figure humaine, mais regarda la douche avec envie : « Plus tard », se dit-elle. En revanche, elle ne résista pas à l’envie de sentir certains parfums et d’essayer sur elle Un air de First de Van Cleef & Arpels, dont elle appréciait la touche légère et fruitée.

Lorsqu’elle revint dans la pièce principale, tous les écrans étaient allumés :

-  On dirait Houston pour le départ d’une fusée, lança-t-elle pour attirer l’attention du policier.

Il ne bougea pas, concentré sur son travail.

Elle s’approcha et ne put retenir une exclamation de surprise en découvrant, sur toutes les fenêtres, les différentes informations affichées. Des images satellites, des plans de rues, des listes de chiffres, des tableaux d’informations… Son regard, parcourant rapidement les écrans, s’arrêta sur une photo d’elle, en haut d’une fiche, où elle découvrit, détaillés dans un tableau, sa date de naissance, son adresse, son numéro de Sécurité sociale, ses téléphones fixes et mobiles, son pseudo Facebook, une liste déroulante incluant les adresses mails de ses contacts sur Internet ainsi que des pans entiers de sa vie qu’elle pensait privée. Remarquant le trouble de la journaliste, le policier replia la fenêtre en question d’un geste rapide sur le clavier.

– Pourquoi vous l’enlevez ? dit-elle énervée, c’est très instructif, je pense. Je n’apprécie pas du tout que vous disposiez de toutes ces informations sur moi. Comment les avez-vous obtenues ? Et qu’est-ce qui vous donne le droit de fouiller dans la vie privée des gens ? 

– Je peux avoir votre attention quelques secondes ? coupa-t-il en levant la voix. Vous êtes bien une journaliste à poser tout le temps des questions. Si vous voulez bien écouter pour changer. Voilà ce que je vous propose : je vous dis ce que je sais et vous faites la même chose après. Ça vous va ?

– O.K., répondit-elle, suspicieuse, après quelques secondes.

Philippe Darlan réfléchit un instant, la main sur la souris, cherchant le bon moyen de présenter les choses pour expliquer à la jeune femme les raisons qui l’avaient poussé à débarquer dans l’appartement de Fallière pour lui sauver la vie.

Pendant le trajet en voiture, il avait coupé court à toutes ses demandes d’explications et à ses injonctions de rejoindre le commissariat local. Résistant à la pression, il était parvenu à la convaincre de lui faire confiance, simplement parce qu’il venait de lui sauver la vie. Dans un deuxième temps, il s’était demandé quelle attitude adopter avec elle. D’un côté, il ne pouvait se résoudre à laisser tomber la jeune femme. Ce qu’il avait appris ce soir lui suffisait pour savoir que, dès qu’il la laisserait partir, elle serait en danger de mort. De l’autre, il lui serait impossible de l’aider sans lui donner des informations confidentielles sur son travail : il ne risquait rien de moins que de perdre son job, voire de retourner en prison s’il en venait à perturber l’enquête en cours. Par ailleurs, et c’est ce qui emporta la décision, il voulait comprendre ce qui se cachait derrière les décisions étranges de sa hiérarchie et sur la série de meurtres en cours. Il entendait bien utiliser les ressources à sa disposition et son talent pour continuer à protéger la journaliste. « Ce côté Robin des bois » sourit-il intérieurement.

Il suivit son instinct et ouvrit les archives des messages, des vidéos, des ordres donnés au centre opérationnel. Il raconta avec force détails ce qu’il savait. Alexandra suivait les explications, stupéfaite du nombre d’informations que le policier lui présentait. À aucun moment, dans son métier ou dans sa vie, elle n’avait imaginé que les citoyens de son pays puissent être autant surveillés, pistés, écoutés, regardés.

– Et maintenant le clou du spectacle, déclara-t-il avec une certaine fierté, lorsqu’il passa sur « lecture » l’enregistrement de la communication téléphonique qui lançait le tueur sur la piste de la journaliste.

La voix résonna dans la pièce :

« Occupe-toi de la journaliste, elle est chez Fallière. Cette fois-ci nous ne voulons pas de traces. Ça doit être pris pour la poursuite de l’action terroriste, un règlement de compte, fais disparaître toutes les preuves. 

– Bien compris.

– Et ne traîne pas, tu as vingt minutes max. J’ignore pendant combien de temps encore je vais parvenir à les balader. Il n’y a plus personne à nous dans le quartier, mais ça ne va pas durer. Tu me rappelles quand c’est fait. »

Alexandra resta sans réaction. Cette voix commanditait son meurtre, sans émotion, juste un ordre. Sa vie n’avait tenu pendant un instant qu’à quelques mots, prononcés dans un téléphone, comme on dit à un proche « Tu penses à ramener du pain ? »

– Comment tout cela peut-il être possible, demanda-t-elle ? Si je comprends bien, quelqu’un a intérêt à faire disparaître toutes les preuves concernant l’assassinat de Fallière ? Et moi avec. Mais pourquoi ?

– C’est ce que je vous propose de découvrir. C’est, je pense, le seul moyen de forcer mes collègues à considérer que les ordres qu’ils reçoivent sont parfois étranges et certainement pas très réglo. C’est la raison pour laquelle j’ai tenu à vous amener chez moi et pas dans un commissariat ou à mon travail.

– Et c’est où votre travail, exactement ?

– C’est la direction régionale de la DCRI. Nous travaillons pour la sécurité du territoire, et le plus souvent, ces derniers temps, sur de l’antiterrorisme.

– Et si j’ai bien compris, c’est de là qu’est parti cet ordre de me supprimer.

– Vous avez tout compris, voilà pourquoi je ne veux pas qu’ils soient au courant de votre présence chez moi.

– Est-ce que nous ne devrions pas plutôt rendre ces infos publiques ? Avec mon journal, ça ne devrait pas être difficile et j’imagine déjà la réaction du public si nous présentons des preuves.

– Je vois, vous cherchez le scoop, coupa-t-il. Vous êtes bien journaliste.

– Ça vous arrive de passer cinq minutes sans faire une réflexion stupide ? Un journaliste est là pour informer, pas pour faire des scoops !

Sans le savoir, Darlan avait abordé un sujet tabou chez la jeune femme. En dehors de son milieu professionnel, elle évitait souvent de parler de son métier pour éviter justement les raccourcis de ce genre. Une grande partie de la population se limitait à cette vision étriquée, convenue et ridicule de son métier, considérant que les journalistes avaient une fâcheuse tendance à présenter l’information pour faire du sensationnel, même si c’était au détriment d’une vérité plus ordinaire.

Vexé, Darlan replongea dans le terminal « Mission » pour constater que Françoise Eynac, la rédactrice en chef du journal restait en garde à vue dans le cadre d’une procédure antiterroriste. Actuellement, elle subissait un interrogatoire, les noms des enquêteurs, des collègues à lui, apparaissaient également. Pas de mise en examen pour l’instant. Comme dans toutes les procédures antiterroristes depuis l’attentat du TGV, la garde à vue se déroulait sans la présence d’un avocat et pouvait être prolongée sans limites dès lors qu’elle était jugée indispensable par les enquêteurs.

Une autre information se mit à jour dans le tableau : une équipe dépêchée chez Fallière venait de rendre compte de l’incendie. Le statut correspondant à la journaliste passa à « incertain », certainement à cause de la destruction de son téléphone. Il décida de ne pas alerter la jeune femme et se focalisa sur la rédactrice en chef.

– O.K., pas de scoop, mais jetez donc un coup d’œil là-dessus, suggéra-t-il en reculant son siège pour lui permettre de s’approcher des écrans : votre patronne a été arrêtée. Quelque chose me dit que lorsqu’ils la relâcheront, elle n’aura plus aucune envie de publier quoi que ce soit.

Alex lut deux fois le contenu de la fenêtre, sidérée que Françoise ait pu être arrêtée.

– Je comprends maintenant pourquoi elle n’est pas venue avec moi chez Fallière. Et dire que j’ai cru qu’elle se dégonflait à la dernière minute. Je m’en veux, il faut absolument que je l’appelle dès qu’elle sera relâchée.

– N’y comptez pas trop, vous pouvez être certaine que ses lignes seront écoutées en permanence et vous serez localisée en quelques secondes.

Elle marqua une pause, essayant de faire le tri dans les informations à sa disposition pour formuler les bonnes questions.

– Comment est-ce possible qu’elle ait été interpellée ? Si je comprends bien, c’est moi que vos collègues suivaient depuis que j’ai commencé à être en contact avec Fallière. Alors, pourquoi l’arrêter, elle ?

– Je l’ignore, nous appliquons cette procédure habituellement dans le cadre de coups de filet, lorsque nous avons déjà identifié tous les acteurs principaux d’un réseau. Nous n’intervenons dans ce cas que lors d’opérations bien programmées. Pour votre patronne, je pense que c’est un moyen de vous contrôler, ou d’obtenir la certitude que rien de cette histoire ne sera rendu public. La plupart des gens l’ignorent, mais au-delà des mesures de fermeté annoncées par notre président au soir de l’attentat du TGV, et pour garantir des résultats, nos moyens et notre liberté de manœuvre ont été considérablement renforcés. La fameuse directive 622 est restée pour beaucoup assez obscure. Et pourtant, grâce à ce décret, nous ne subissons quasiment plus aucun contrôle des institutions. Tant que nous avons des résultats et que ça ne sort pas de chez nous, nous pouvons faire pratiquement tout ce que nous voulons.

– Ce serait mal connaître Françoise, je ne l’ai jamais vue renoncer.

– Peut-être, mais ne sous-estimez pas les gens qui sont derrière tout ça. Les moyens de pression peuvent être conséquents. La famille, les amis, les proches. Des menaces précises viennent à bout de toutes les résistances. Si avec ça on stimule la fibre patriotique, on arrive à des résultats.

Alexandra regarda le policier avec mépris :

– Vous parlez de ça avec tant de légèreté, comme si espionner et menacer des gens était une chose normale. Vous faites ça tous les jours et vous arrivez à dormir ?

– Je ne suis qu’un maillon de la chaîne. Je suis analyste, mon boulot consiste à fournir des synthèses d’informations. Je ne m’occupe pas des interrogatoires même si j’ai aussi été formé pour le faire. Pour le reste, notre travail permet aux citoyens que vous êtes de dormir tranquilles, alors oui, je dors bien.

Il se tourna vers la jeune femme et chercha à deviner dans son regard bleu clair s’il pouvait lui faire confiance. Son expression, à la fois offusquée et interrogative, le laissait dubitatif. Il continua néanmoins :

– Je dois quand même avouer que depuis un certain temps, je me pose des questions sur le bien-fondé de telles ou telles actions qui me semblent parfois éloignées de nos préoccupations.

– Quelles actions ?

– Surveillance de personnalités politiques, surtout de l’opposition d’ailleurs, mise en place de mouchards sur des serveurs de journaux en ligne.

– Pourquoi obéissez-vous si vous n’êtes pas d’accord ?

– C’est mon job… et j’ai tendance à croire que je suis quand même plus utile à mon poste que si je le quitte. Je dois dire que depuis l’arrivée du nouveau chef opération qui a été mis en place après l’attentat du TGV, il y a plein de choses que je ne comprends plus. Mais j’ai l’impression que les autres agents du service ne s’en aperçoivent pas. Sans doute parce que je suis le seul à avoir l’accès à toutes les informations ou presque.

– Et comment faites-vous pour avoir accès à des informations que vos collègues n’ont pas ?

– En utilisant ça, tout simplement répondit-il avec une pointe de fierté, en désignant d’un geste tous les équipements encombrant son salon.

Alex observa avec attention tous les ordinateurs reliés entre eux par une forêt de fils et de câbles électriques que le policier manipulait avec aisance. Elle se demanda comment un flic pouvait réellement posséder chez lui les équipements électroniques permettant d’accéder à toutes les données du centre antiterroriste et sans doute plus encore.

– Tout ça est vraiment légal ? demanda-t-elle.

– Si vous voulez que je vous aide, le mieux est d’éviter de poser des questions. Ici, c’est chez moi, c’est ma vie privée, O.K. ?

– Vous êtes amusant. N’est-ce pas ma fiche que j’ai vue à l’instant sur l’écran ? J’ignorais que mes goûts en matière de sport étaient publics.

Darlan feignit de ne pas entendre. Il ne voulait pas entrer dans une situation conflictuelle avec elle et, par-dessus tout, il craignait qu’elle découvre l’usage qu’il faisait habituellement de son matériel. Il se retourna vers son clavier et entra quelques lignes de commande. Une nouvelle fenêtre apparut sur l’écran principal.

– Je ne trouve rien de plus, dit-il après quelques minutes de manipulation, si ce n’est que votre patronne devrait sortir dès demain. Ça ne ressemble pas aux procédures habituelles, sauf s’il est manifeste qu’il s’agit d’une erreur. À moins que le seul objectif soit de s’assurer que vous ne lui avez fourni aucune information qu’elle pourrait publier.

Il enleva la main de la souris et se tourna vers elle, signifiant ainsi dans son langage qu’il stoppait ses recherches.

– Je vous ai tout dit. À vous maintenant, qu’avez-vous trouvé chez Fallière ? Vous y avez risqué votre vie, j’espère que vous avez appris quelque chose.

Alexandra le considéra un moment, passa sa main dans ses cheveux :

– Vous m’offrez à boire ?

– Pardon ?

– Ça se fait chez les gens civilisés. Nous parlons depuis une demi-heure, j’ai avalé de la fumée, il fait chaud et maintenant j’ai soif.

– Heu ! oui, bien sûr, répondit-il en se levant maladroitement.

Il s’en voulait de se montrer si peu prévenant. Quand il restait trop longtemps dans ses machines, il perdait le sens commun pour ne plus s’intéresser qu’à son univers. C’était ce que lui avait dit Flora, sa copine réunionnaise, avant de le quitter brutalement.

– Que désirez-vous boire ? lâcha-t-il en entrant dans la cuisine.

– Si vous avez un jus de fruit frais…

Après quelques secondes à chercher dans un réfrigérateur désespérément vide, il répondit, gêné :

– Il ne me reste que de la bière au frais, je suis désolé.

Sans qu’il la voie, Alexandra hocha de tête en souriant : décidément, ce type tombait dans tous les clichés. Elle l’imagina avachi sur le canapé à regarder un match de foot en buvant de la bière. Au vu de sa silhouette longiligne et musclée, elle s’était imaginé d’abord avoir affaire à un sportif à la vie saine. D’un autre côté, lors des stages de sports auxquels elle participait, les soirées étaient souvent arrosées à la bière :

– O.K. Ça ira pour une bière, merci.

Darlan paniqua un instant, ne trouvant qu’un seul verre digne de ce nom pour la servir, n’imaginant pas pouvoir décemment lui demander de boire au goulot, ce qu’il faisait pour sa part régulièrement : moins de vaisselle à faire. Il se souvint enfin de l’endroit où il avait rangé le deuxième. Dans un coin de la cuisine, il servait de pot à crayons et à tout ce qu’il vidait de ses poches : monnaie, tickets de métro… Il le vida et le lava à la hâte, espérant qu’elle ne viendrait pas regarder ce qu’il faisait.

Il apporta les deux grands verres à bière remplis de Leffe blonde. La mousse restait suffisamment consistante au-dessus du liquide pour donner l’illusion d’une pression.

Alexandra avala avec délice deux grandes gorgées, sentant le liquide frais se répandre en elle. Elle passa le verre sur son front. Ce contact lui apporta une agréable sensation de fraîcheur qui hélas ne dura pas. Elle commença à raconter au policier comment elle avait connu Fallière, le meurtre place Bellecour, ses derniers mots, la ceinture et ce qu’elle contenait et enfin les informations qu’elle avait dénichées dans son ordinateur.

– Malheureusement, nous n’avons plus rien, finit-elle, plus aucune preuve, juste les quelques infos dont je me souviens. Je ne sais pas comment nous pouvons continuer. Je pense que Fallière conservait dans son ordinateur suffisamment d’éléments pour inquiéter ceux qui ont décidé de l’assassiner. Mais nous n’avons plus la ceinture et ce quelle contenait. Son appartement est détruit ainsi que toutes les preuves qui s’y trouvaient, y compris l’ordinateur et la compilation de tout son travail. Nos adversaires ont bien réussi leur coup.

– Ne sous-estimez pas ce que l’on peut faire avec tout ça. Je ne pense pas que Fallière ait conservé des données sur Internet, mais peut-être que nous pouvons trouver quelque chose dans ses mails.

– Effectivement, j’ai lu quelques échanges avec son ami algérien. Il était notamment question d’une société qui utilisait le composant ou quelque chose comme ça.

– Vous n’avez pas noté le nom de cette société, par hasard ?

Elle regarda le policier avec agacement :

– Bien sûr que je l’ai noté, je suis reporter, vous vous souvenez ? Je note tout dans un carnet qui ne me quitte jamais, sauf lorsque je me fais agresser et que je dois quitter précipitamment un appartement en flammes après avoir été assommée. Et avant que vous ne me reposiez la question : non je ne l’ai pas retenu, désolée.

– Bon, je vais voir ce que je trouve.

En quelques secondes, il sortit la fiche de Fallière qu’il avait lui-même rédigée. De lien en lien, il remonta jusqu’au serveur abritant les mails privés de l’ingénieur.

– C’est bizarre, tous ses mails ont été effacés aujourd’hui même. Si j’en crois l’heure de l’opération, il n’a pas pu effectuer cette opération lui-même, il était déjà mort.

– Qui a fait ça, alors ?

– Peut-être mon service, je me renseignerai. Nous faisons ce genre de choses lorsqu’il existe un risque que des informations ne filtrent, surtout vers la presse. Je vais chercher s’il possède d’autres boîtes mail ailleurs. Il vous a dit qu’il se sentait surveillé, ce serait une raison suffisante pour communiquer depuis une boîte anonyme.

Tout en travaillant, il expliquait à haute voix les manipulations qu’il effectuait. Comment il contournait les protections pour découvrir les éléments qui lui permettraient de savoir si l’ingénieur possédait un compte anonyme. Il lui décrivit ensuite comment il pouvait y accéder sans que l’hébergeur ne puisse remonter jusqu’à lui.

Alexandra écoutait les explications sans pour autant comprendre. Darlan paraissait en transe devant ses machines, mais la journaliste restait parfaitement imperméable à tous ces logiciels, protocoles, robots et autres outils de hacking. Elle sentit une grande lassitude l’envahir.

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