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Il nous fallut un certain temps pour rassembler les chevaux des chevaliers et les dépouiller de leurs selles et de leurs harnais que nous entassâmes dans la grotte. Nous y traînâmes également les corps. En effet, s’ils étaient découverts par des vautours ou d’autres animaux, cela pourrait indiquer à une autre patrouille ce qui s’était passé. Après avoir éloigné les chevaux – nous espérions qu’ils s’égailleraient dans le Wendrush et se perdraient dans ses plaines immenses –, nous fîmes nos derniers préparatifs avant d’entrer dans Argattha. Ymiru déballa des torches dont il avait prévu l’utilité dès le départ d’Alundil. Il sortit également le déguisement dont il aurait besoin pour traverser la ville et l’enfila. C’était une grande robe noire à capuche qui le couvrait de la tête aux pieds. Un voile intégré à la capuche dissimulait son visage et il avait une énorme paire de bottes et des gants noirs pour cacher ses pieds et ses mains poilus. C’est ainsi que s’habillaient les Saryaks d’Uskudar qui étaient très grands. Bien sûr, ceux-ci n’étaient pas tout à fait aussi grands que les Ymanirs, et ils étaient loin d’être aussi gros. De plus leur peau noire était lisse comme du jais. Aussi, le déguisement d’Ymiru ne résisterait-il pas à un examen minutieux. Mais nous espérions que cette épreuve lui serait épargnée puisque nous avions trouvé un moyen de contourner les portes d’Argattha.

« Et si on nous arrête, dit Kane en brandissant l’un des médaillons des chevaliers, ceci devrait nous permettre de passer. »

À sa demande, nous enfilâmes tous un médaillon et dissimulâmes les nôtres.

« Porter ça me fait horreur », dit Liljana en tapotant du doigt le dragon d’or de son nouveau médaillon.

Nous étions tous dans le même état d’esprit. Et l’idée d’enlever aux morts leur armure et leur surcot et de nous habiller en hommes de Morjin comme le proposait Maram nous faisait encore plus horreur. « Avec ça, nous pourrions entrer sans problème dans la salle du trône du Dragon, expliqua-t-il.

— Non, répliqua Kane en secouant la tête, d’autres chevaliers de Morjin, étonnés de voir des étrangers porter la livrée de leurs amis, pourraient nous arrêter. Ou nous demander le nom de notre compagnie. Je pense que ça présente plus de risques que d’avantages. »

Nous fûmes tous d’accord avec lui. Nous rentrerions donc dans la ville vêtus de nos cottes de mailles et de nos tuniques en lambeaux et ressemblant parfaitement à des vagabonds venus vendre leurs services comme l’avait suggéré le capitaine des chevaliers.

Nos derniers préparatifs achevés, Ymiru traîna quelques gros rochers jusqu’à l’ouverture que Maram avait pratiquée dans la montagne afin que d’éventuels passants ne la remarquent pas. Puis, à l’intérieur de la grotte, à côté des corps des hommes que nous avions tués, nous allumâmes les torches. Leur fumée âcre et huileuse remplit la cavité sombre autour de nous. Leur flamme jaune vacillante donnait assez de lumière pour distinguer la voûte arrondie et les murs noirs de la grotte, et le tunnel à son extrémité : sombre et rectangulaire, c’était une porte sur l’enfer.

Tenant une torche d’une main et le bouclier de mon père de l’autre, je m’y enfonçai le premier. Ymiru dont le peuple avait autrefois creusé ce passage dans la roche dure n’était pas d’une grande utilité. Il nous avait dit tout ce qu’il savait de ce tunnel secret, à savoir qu’il serpentait sous le premier niveau d’Argattha depuis longtemps abandonné par Morjin et les autres habitants de la ville. Ymiru pensait qu’il débouchait peut-être sur l’ancienne salle du trône ou sur un escalier y menant. « Il doit arriver quelque part au premier niveau, dit-il. Et de là, nous monterons au second niveau qui est habité, puis aux suivants jusqu’à la nouvelle salle du trône de Morjin qui se trouve au septième et dernier étage de la ville. »

Dans le tunnel obscur, il faisait froid et l’air était rare. C’était juste assez haut pour permettre à Ymiru de marcher sans se baisser, mais c’était si étroit que nous étions obligés d’avancer les uns derrière les autres. Ne sachant pas ce que ma torche découvrirait dans le passage noir et courbe devant moi, je marchais lentement. De part et d’autre, les parois de basalte à l’aspect luisant semblaient se resserrer sur moi pour m’empêcher de respirer. L’air confiné, emprisonné là depuis près de mille ans, empestait. Sa moiteur écœurante charriait des odeurs de putréfaction, de souffrance et de mort.

Ymiru, empêtré dans ses nouvelles bottes, marchait juste derrière moi. Maram le suivait de près, talonné par maître Juwain, Liljana et finalement Kane. Dans cet endroit sinistre, leur peur était comme une odeur à part entière, tout aussi inévitable que celle de la fumée graisseuse des torches. Je sentais la sueur nerveuse de Maram et les effluves rances du kalvaas sur sa moustache et sur sa barbe. Atara luttait de toutes ses forces pour garder le moral dans cette effrayante obscurité. Et je devinais en Kane quelque chose de sombre, plus profondément ancré que sa haine, qui le dévorait.

Nous parcourûmes environ un huitième de mille en enjambant des rochers brisés et quelques fissures dans le sol du tunnel. La roche paraissait avoir conservé des cris et des hurlements vieux de plusieurs âges. L’humidité s’accrochait aux parois du passage comme si on les avait torturées jusqu’au sang. Le sol glissant était traversé par un petit filet d’eau et d’autres liquides provenant des niveaux supérieurs de la ville. Ici et là, ils formaient des petites mares de quelques pouces de profondeur dégageant une odeur fétide de boues métalliques, d’ordures en putréfaction et de déchets humains. Avançant d’un pas lourd, Ymiru avoua qu’il était ravi d’avoir des bottes, comme nous tous d’ailleurs.

Nous arrivâmes à un endroit où le tunnel se divisait en deux. Le couloir de droite avait l’air aussi peu engageant que celui de gauche. Me tournant vers Ymiru, je lui demandai : « Est-ce que tous les deux mènent à la vieille salle du trône ?

— Je ne sais pas », répondit-il en secouant la tête. Tapotant le sac qu’il portait sur son dos et dans lequel il avait rangé la carte de son père, il ajouta : « Si seulement l’argile vivante pouvait montrer des formes aussi petites que celles-ci. »

Je demandai alors à Atara de venir et Ymiru se colla contre la paroi du tunnel pour lui permettre de se glisser jusqu’à moi. Debout près de moi à l’embranchement du tunnel, elle regarda à droite et à gauche.

« De quel côté faut-il aller ? Est-ce que tu vois le chemin que nous devons prendre ? »

Elle sortit sa boule de cristal et la tint devant elle. Puis, sans hésiter, elle dit : « À droite. »

Alors que nous reprenions notre progression dans l’obscurité, je me demandai si elle n’avait pas simplement choisi cette direction au hasard pour nous rassurer. Bientôt, nous tombâmes sur une fissure inattendue dans la roche. Elle fendait le plafond et les parois et s’enfonçait profondément dans le sol. Je faillis trébucher dans ce gouffre noir. Maram suggéra d’en sonder le fond en y lançant une pierre, mais se rendit vite compte de l’imprudence de sa proposition. La fissure était très large et je dus prendre mon élan et sauter pour la traverser, comme Ymiru et Maram. Mais il en fallut un peu plus à maître Juwain. Quand arriva son tour de sauter, il fut un peu court et sans Maram qui l’attrapa par le bras, il serait retombé dans les ténèbres.

« Merci », lui dit maître Juwain, les joues gonflées par l’effort. Debout au bord du gouffre avec Maram, il n’osait pas se retourner pour le regarder.

« Je vous en prie, maître, répondit Maram. Ne vous inquiétez pas, je ne veux pas que vous mouriez. »

Son sourire montrait qu’il était très fier d’avoir sauvé la vie à maître Juwain comme Ymiru l’avait fait pour lui.

Quand nous fûmes tous en sécurité de l’autre côté, après que les autres eurent sauté à leur tour, nous repartîmes. Nous avancions aussi silencieusement que possible dans l’obscurité étouffante. Nous tombâmes sur d’autres embranchements et d’autres fissures. L’une d’entre elles était si large qu’elle était enjambée par un étroit pont de pierre. Cette arche semblait si usée et si vieille que je craignis qu’elle ne s’effondre au premier pas. Pourtant elle supporta mon poids et celui bien plus important d’Ymiru. Quand Maram l’eut franchi à son tour, il tendit la main au-dessus comme pour sentir l’air.

« C’est chaud, dit-il. Presque brûlant. »

Je revins vers lui avec difficulté et sentis le souffle d’air chaud qui montait de la faille sur mon visage. Dans ces bouffées brûlantes, je crus entendre des bruits de métal frappé, des claquements de fouet et des hurlements de souffrance.

« Qu’est-ce qu’il y a là-dessous ? demandai-je à Ymiru.

— Rien que des mines, je crois.

— Et il y en a combien de niveaux ?

— Il n’y a pas d’étages dans les mines. » Il nous expliqua alors que les mines sous Argattha avaient été creusées en zigzags comme des boyaux humains et qu’elles s’enfonçaient loin dans la terre.

« Loin jusqu’où ?

— Je ne sais pas, Val. La ville a sept niveaux et chacun d’eux mesure cinq cents pieds de haut. On dit que les mines sont deux fois plus profondes que tous les niveaux réunis. Et ça, c’était il y a deux mille ans. »

À quel point, me demandai-je, à quel point Morjin est-il près de trouver les courants sombres de la terre dont il a besoin pour libérer le Seigneur de la Mort appelé Angra Mainyu ?

« Venez, Val », dit Ymiru, debout près de moi au bord de ce puits. Il posa sa main gantée sur mon épaule. « Ne regardez pas en bas, regardez vers le haut. Nous avons encore du chemin à parcourir. »

Je hochai la tête en attendant que les autres aient franchi le pont à leur tour. Puis je repartis en tête, tendant la torche enflammée devant moi et m’enfonçant plus profondément dans Argattha.

Au bout de quelque temps, l’odeur nauséabonde commença à m’agresser et à brûler dans mon sang comme du poison. Le bruit lointain de l’eau tombant goutte à goutte résonnait dans ma tête comme un marteau implacable. Par endroits, des puits d’aérage perçaient le sol ou le plafond du tunnel. Mais loin de nous soulager de l’oppression que les ténèbres faisaient peser sur nous, ils n’apportaient que de nouvelles odeurs infectes, des cris étouffés et un filet de boue et de fange s’écoulant lentement à l’intérieur de la terre. Ma torche ne produisait pas beaucoup de lumière, mais c’était suffisant pour chasser les rats qui jaillissaient de la pénombre dans leur hâte de nous échapper. Certains d’entre eux étaient presque aussi gros que des chats. Les yeux luisants et rouges, pareils à des braises, ils détalaient et leurs griffes raclaient la roche, et quelquefois mes bottes. La rapacité de ces créatures prises au piège et affolées me faisait froid dans le dos. Je me demandai de quoi elles se nourrissaient mais je ne voulais pas vraiment le savoir.

Franchissant de nouvelles failles, le tunnel serpentait dans les entrailles de la montagne en maintenant généralement le cap vers le sud. Au bout d’un mille environ, nous atteignîmes un autre embranchement où le tunnel tournait à droite et à gauche comme s’il épousait les lignes d’un cercle parfait. J’hésitai à prendre l’une ou l’autre de ces directions et Atara elle-même ne sut de quel côté aller quand elle s’avança jusqu’à moi.

« Je ne sais pas, me dit-elle finalement en secouant la tête. Choisis, toi.

— Bon, alors prenons à la droite. »

Et c’est ce que nous fîmes. Mais au bout d’une centaine de mètres, nous aboutîmes à un autre carrefour et il fallut de nouveau choisir. Cette fois encore, je pris à droite et nous repartîmes en tournant dans cette direction.

Et les embranchements se succédèrent ainsi. Le tunnel s’orienta brusquement vers l’ouest, puis vers le nord pour s’incurver de nouveau vers le sud. À trois reprises, nous arrivâmes à une impasse et dûmes rebrousser chemin. Nous avançâmes un moment vers l’est avant que le passage ne change une fois encore de direction et ne nous ramène vers le nord, c’est-à-dire à l’opposé de l’endroit où nous voulions aller. Bientôt, il devint évident que nous étions entrés dans un labyrinthe et que nous étions perdus.

« C’en est trop ! » s’exclama Maram alors que nous étions regroupés à l’un des embranchements. Un rat affamé, plus effronté que les autres, se jeta sur lui pour tenter de lui arracher un morceau de jambe. Il lui donna un coup de pied et celui-ci s’éloigna en couinant. « C’est l’enfer, ici. »

Liljana qui peinait à respirer dans l’air fétide, se tourna vers Ymiru : « Vous ne nous aviez pas dit qu’il y avait un labyrinthe ici.

— Je ne le savais pas. Morjin a dû le faire creuser pour égarer les assassins ou ceux qui voudraient le poursuivre hors de la ville.

— En tout cas, nous, nous sommes égarés, fit-elle remarquer. Comment retrouver notre chemin là-dedans ? »

Malheureusement, il n’avait pas de réponse à lui apporter, et nous autres non plus. Finalement, Kane qui en avait assez de rester immobile agita sa torche en direction du corridor qui s’enfonçait vers la gauche et dit : « Repartons, alors. Qu’est-ce que vous voulez faire d’autre ? »

Accédant à sa proposition, nous repartîmes. Pendant longtemps, nous errâmes dans les boyaux du labyrinthe qui grignotaient la roche nue comme des vers sombres et entortillés. Au bout de quelque temps, nous commençâmes à ressentir une grande fatigue. La torche de Liljana, qui avait épuisé toute son huile, fut la première à crachoter et à s’éteindre. À l’aide de son bout couvert de suie, nous fîmes une marque sur la paroi à l’endroit où nous nous trouvions en espérant que cela nous permettrait de nous orienter si nous repassions dans cette partie du labyrinthe. Mais la marque noire était presque impossible à distinguer sur la roche sombre. Bientôt, pensai-je, toutes les torches s’éteindraient et nous ne pourrions plus voir les marques sur les murs, ni même les murs d’ailleurs.

« Il fait froid, ici, grommela Maram. J’ai les pieds mouillés et douloureux. Je suis fatigué. Et en plus, j’ai faim. »

Comme nous étions tous affamés, nous fîmes une halte et choisîmes un endroit sec sur le sol de pierre froide pour manger rapidement quelque chose. Nous partageâmes du fromage dur et du pain de guerre en nous efforçant d’ignorer la puanteur envahissante de l’air au moment d’avaler cette nourriture sommaire. Nous nous efforcions aussi de ravaler la peur qui nous tordait le ventre et qui augmentait avec l’obscurité à mesure que nos torches s’éteignaient les unes après les autres.

Quand nous reprîmes notre errance un petit peu plus tard, il ne restait plus que deux torches allumées. J’en pris une pour ouvrir le chemin et Kane prit l’autre pour fermer la marche. Ymiru, Maram, maître Juwain, Liljana et Atara marchaient dans les ténèbres entre ces deux lumières jaunes et tremblotantes.

Nous finîmes par arriver dans une grande pièce circulaire et je devinai que nous étions au centre même du labyrinthe. C’est là que mourut notre dernière torche et avec elle, une grande partie de nos espoirs. Plongés dans l’obscurité totale, nous nous blottîmes les uns contre les autres.

« Oh, cette fois, c’est la fin, gémit Maram, c’est sûrement la fin. »

Maître Juwain, dont la ténacité semblait croître avec la gravité de notre situation, le rassura : « Ce n’est sûrement pas la fin. Nous sommes probablement au centre de ce dédale et nous devons considérer cela comme un progrès.

— Je ne crois pas, maître, répliqua Maram. Vous n’avez pas remarqué que cette pièce n’avait qu’une entrée ? Et donc qu’une sortie ? Tout ce qu’il nous reste à faire maintenant, c’est revenir sur nos pas et nous perdre une fois de plus. »

Sa logique réduisit maître Juwain au silence. Pendant un bon moment, nous restâmes là dans l’obscurité à écouter le bruit de notre respiration et les rats qui détalaient autour de nous. L’un d’eux essaya encore de mordre Maram qui le repoussa brutalement en poussant un juron désespéré et en frissonnant violemment.

« On dirait que les rats t’aiment, lui dit Atara. Peut-être qu’ils sentent le kalvaas dégoûtant que tu t’es renversé dessus.

— Maudits rats ! répondit-il en frissonnant encore plus violemment. Je crois qu’ils sont pires que tout ce qu’on a pu trouver dans le Vardaloon. »

Il se tut pour réaliser un exercice de respiration que lui avait enseigné maître Juwain. Puis il abandonna. « Et cet endroit maudit est pire que le Marécage Noir. »

Maintenant, c’était à moi de frissonner. Perdu dans les entrailles noires de la terre, je me demandais comment échapper à ce dédale sans fin, surtout sans y voir. Je craignais, si nous ne trouvions pas bientôt comment sortir de cette ville aux ténèbres terrifiantes, de m’en vouloir terriblement de nous y avoir conduits et surtout, d’en vouloir au monde entier pour avoir donné la vie à des créatures aussi sinistres que Morjin.

Finalement, je dégainai mon épée. Elle brilla d’une douce lumière argentée. Ce n’était pas suffisant pour remplir la pièce et éclairer ses murs sombres, mais cela nous remonta quand même le moral.

Quand je la pointai vers le haut, son éclat s’accentua légèrement. C’était étrange de penser que la Pierre de Lumière était peut-être toute proche, quelque part au-dessus de nous, dans la salle du trône de Morjin, derrière un demi-mille de rocher. Morjin aussi devait être tout proche. Je pouvais presque sentir nos cœurs battant du même sang empoisonné et je devinais que son esprit cherchait le mien. Le lien qu’il avait créé entre nous avec un petit peu de kirax m’obscurcit soudain l’âme. Pendant un court instant, je laissai la terreur qu’il m’inspirait s’emparer de moi. Le doute envahit mes entrailles comme si j’avais bu les eaux pestilentielles qui coulaient dans la roche glacée. Très vite, il s’attaqua à moi et m’ouvrit en deux. Et par cette sombre faille dans mon être, bêtes et démons fondirent sur moi. Au début, je fus si choqué par cette agression inattendue que je ne compris pas qu’il s’agissait d’une illusion. Venus de nulle part, des êtres noirs ressemblant à des oiseaux, dotés de griffes acérées et arborant le visage de ceux que j’avais tués, me tombèrent dessus. Je les parai avec mon épée mais ils s’enflammaient à son contact et se mettaient à hurler d’une manière si pitoyable que je crus que c’était moi qui criais. C’est alors qu’une silhouette énorme franchit le seuil de la pièce. Elle avait de grands yeux dorés, des écailles aussi rouges que la rouille et des serres crochues qui cherchaient à m’étriper. Entre ses dents d’un blanc éblouissant, elle crachait du feu dans ma direction comme le faisaient, disait-on, les dragons dans l’ancien temps. Je fis tournoyer mon épée en direction de son cou tordu et vis avec horreur sa lame brillante se briser en une centaine de morceaux scintillants. Puis le feu m’enveloppa de sa chaleur incroyable et commença à me brûler à travers ma cotte de mailles, réduisant l’acier en une lave luisante qui me rongeait le cœur et…

« Val ! » appela quelqu’un.

Soudain, une lumière scintillante se répandit dans la pièce. Je vis que c’était Flick qui tournoyait, décrivant des spirales de bleu iridescent et d’argent. Une fois encore, il nous avait retrouvés. Et sous sa silhouette rassurante, maître Juwain se tenait debout devant moi, sa varistei pointée sur ma poitrine. Elle brillait d’un beau vert profond. À son contact apaisant comme de l’eau fraîche, je sentis s’éteindre le feu maudit qui brûlait en moi. Alors, tandis que je secouai lentement la tête, mon esprit retrouva sa lucidité.

Kane, son épée à la main, se tenait près de lui et me regardait intensément. Je me rappelai que dans ma folie, j’avais brandi mon épée contre lui et contre mes autres amis. Apparemment, seule son habileté à parer mes coups désordonnés avait empêché qu’ils ne soient coupés en deux.

« Val, que s’est-il passé ? me demanda maître Juwain.

— C’est…, c’est difficile à dire, maître. » Je contemplai la lame d’Alkaladur. « Au début, quand mon épée s’est mise à flamboyer, j’ai eu un moment d’espoir. Je l’ai vue nous guider jusqu’à la Pierre de Lumière. Mais le Dragon attendait là lui aussi – il attend et nous surveille toujours. Et mon espoir s’est transformé en désespoir. »

Maître Juwain hocha la tête gravement. « Vous courez un grand danger ici, dit-il, et nous aussi. Un danger pire que la mort, et même que la capture et la torture. Vous avez parlé de changement subit : apparemment, le Seigneur des Mensonges est assez fort pour empoisonner le plus robuste des arbres et pour transformer le bien en mal. »

Il poursuivit en me demandant si j’avais fait les exercices qu’il m’avait enseignés, et en particulier les méditations de la lumière.

« Oui, maître, tout le temps. Et mon épée m’y a aidé. Enfin, le silustria. Il m’a protégé pendant toute la traversée du Nagarshath. Et je commençais à penser que j’avais remporté la bataille contre les mensonges du Dragon.

— Cette bataille-là ne peut pas être remportée, dit maître Juwain. Et au moment où on pense avoir gagné, on est sûr d’avoir perdu. »

Kane frappa son épée contre la mienne et l’acier retentit dans la pénombre de la pièce. « Bon. C’est vrai que le meilleur des boucliers devient inutile à partir du moment où il est abaissé, non ? »

J’approuvai de la tête. « Merci de me le rappeler.

— Comme vous nous l’avez vous-même rappelé, dit-il en souriant farouchement. Depuis le début, vous avez montré plus d’enthousiasme à retrouver la Pierre de Lumière que n’importe lequel d’entre nous et sans cet enthousiasme, nous ne serions jamais venus jusque-là. »

Ses yeux profonds cherchaient la confiance dans mon regard et maître Juwain, Atara et les autres me considéraient de la même façon. Ils comptaient sur moi pour découvrir la sortie de ce labyrinthe apparemment sans fin et le chemin jusqu’à la Pierre de Lumière.

Et soudain, je sus qu’il y avait bien un moyen de sortir de là. Grâce au lien qui m’unissait aux méandres obscurs de l’esprit de Morjin, je commençais à comprendre la logique tordue qui présidait à ces entrelacs. C’était la logique de sa vie et de toutes ses œuvres, y compris de ce labyrinthe. Pendant des heures et des heures, j’avais erré dans une partie de ce dédale. Ses couloirs en courbe et ses embranchements étaient enregistrés en moi comme si mon sang était de l’argile vivante liquide. Alors, tandis que je contemplais le cristal d’argent brillant de mon épée, mon esprit s’ouvrit et dans un éclair de lumière, je vis l’ensemble du labyrinthe à partir de cette pièce qui en constituait le centre.

« Venez, dis-je en me dirigeant vers l’entrée, nous y sommes presque. »

Nous reprîmes notre place les uns derrière les autres et Ymiru se retrouva juste derrière moi. Il soufflait dans les corridors sinueux, les yeux fixés sur mon épée lumineuse. À l’exception de Liljana, il était le seul parmi tous mes compagnons à ne pas voir Flick et ne profitait donc pas des lumières dansantes de cet être étrange. Mais les autres le distinguaient très bien et s’émerveillaient de constater qu’il avait adopté la forme d’une spirale enflammée et se tenait immobile au-dessus de ma tête. Sa présence leur donnait le courage de se déplacer avec plus d’assurance dans les couloirs de ce dédale.

Finalement, après avoir décrit des cercles vers l’est puis vers le nord pour repartir soudain en sens inverse, nous aboutîmes à une brèche dans la paroi arrondie qui ouvrait sur un nouveau passage. Celui-ci se dirigeait vers le sud et je sus que nous avions enfin trouvé la sortie sud du labyrinthe.

« Vous êtes sûr que ce tunnel va vers le sud ? me demanda Ymiru. J’avoue que ça fait un moment que je ne sais plus où je suis.

— Val a le sens de l’orientation, dit Maram derrière lui. Il sait toujours où il est. »

Pas toujours, pensai-je en me rappelant la lune évanescente du Marécage Noir. Mais cette fois, je ne m’étais pas trompé car au bout d’une centaine de mètres, le tunnel déboucha soudain sur un escalier.

« Sauvés ! s’écria Maram. Ce sont probablement les marches qui mènent au premier niveau !

— Taisez-vous, maintenant ! siffla Kane. On ne sait pas ce qu’on va trouver là-haut ! »

Les marches s’enroulaient en spirale dans la roche, vers la gauche comme celles du château de mon père. Ymiru avait dit que la hauteur des niveaux d’Argattha était de cinq cents pieds. Mais apparemment, Morjin avait construit son tunnel de secours juste au-dessous du premier niveau car nous fûmes loin d’en monter autant. Quelques minutes plus tard, l’escalier aboutit à un petit corridor qui débouchait sur une immense salle sans porte.

Je fus le premier à y pénétrer et je vis tout de suite qu’elle était faiblement éclairée par quelques vieilles pierres rayonnantes incrustées dans les murs d’une hauteur vertigineuse. À trois cents pieds au-dessus de nous, la voûte du plafond était soutenue par de grandes colonnes en pierre dont beaucoup étaient endommagées et gisaient sur le sol dur de la pièce sous forme de roues de basalte cassées. L’immensité même de cet espace, creusé au cœur même de la montagne, me frappa d’effroi. L’endroit respirait la terreur, et pas seulement la mienne. En effet, au moment où Ymiru et les autres me rejoignaient à quelques pas de l’entrée, je vis que nous n’étions pas seuls. À l’extrémité sud de la salle, sur la gauche, une petite silhouette en haillons tirait de toutes ses forces sur une chaîne attachée à sa cheville.

« Regarde ! me dit Atara. C’est un enfant. »

J’allai me diriger vers lui quand Kane posa soudain sa main sur mon épaule en disant : « Attention, c’est peut-être un piège ! »

L’enfant – s’il s’agissait bien d’un enfant – nous vit presque immédiatement. Il se mit à tirer sur sa chaîne, les yeux fous de terreur.

« Ne t’inquiète pas, murmurai-je, on ne te fera pas de mal ! »

J’entrepris de nouveau de traverser la pièce encombrée de gravats en luttant contre l’odeur de peur que dégageait l’enfant et la pestilence envahissante de l’air. Cela puait la cannelle, la sueur, la poix brûlante, la roche chauffée et le mal aussi ancien que la montagne elle-même.

« Qui es-tu ? lui demandai-je en avançant prudemment vers lui. Qui t’a enchaîné ici ? »

Je vis qu’il s’agissait bien d’un enfant, un garçon de neuf ans environ. Son corps maigre était recouvert de haillons crasseux. Ses cheveux noirs emmêlés tombaient sur son visage sale. Il avait la peau mate et les yeux en amande des Sungs, et pourtant il appartenait visiblement à Morjin car il portait, tatouée sur le front, la marque des esclaves : un dragon rouge lové profondément imprimé dans la chair.

« Regardez ! » me dit Kane en se précipitant vers moi. Il montrait du doigt l’extrémité nord de la pièce. Là, entre deux énormes piliers, se dressait une pyramide de crânes de quelque vingt pieds de haut. Les os arrondis et les orbites vides brillaient d’un jaune blafard dans la pauvre lumière des pierres rayonnantes.

« Oh que je n’aime pas cet endroit ! s’écria Maram. Sortons d’ici. »

Il regardait en direction d’une grande ouverture sur le mur ouest, à l’opposé de l’escalier par lequel nous avions pénétré dans la salle. Je vis que les portes de ces deux entrées avaient été arrachées de leurs gonds depuis longtemps. À quoi Morjin destinait-il désormais cette pièce immonde ? S’en servait-il comme cachot pour torturer et exécuter ses ennemis ? Mais comment un enfant pouvait-il être considéré comme un ennemi, même par Morjin ?

« Comment t’appelles-tu ? demandai-je à l’enfant terrorisé en posant ma main sur sa tête. Où est ta mère ? Et ton père ? »

À mon contact, il sursauta. Repoussant violemment ma main, il regarda, affolé, du côté de l’ouverture autrefois dotée d’une énorme porte en fer.

« Il arrive ! me dit-il d’une voix douce que l’esclavage avait rendue amère. Il arrive !

— Qui est-ce qui arrive ? » lui demandai-je.

J’examinai la jambe nue du garçonnet. Il s’était débattu si fort contre ses fers qu’il en avait la peau arrachée. De plus, sa cheville présentait des traces de morsures. Je ne voulais pas admettre l’évidence, à savoir, que le pauvre enfant avait essayé de ronger sa propre jambe comme un animal pris au piège.

« Qui est-ce ? » répétai-je.

Il me regardait comme s’il essayait de déterminer qui je pouvais bien être, moi. Puis, faisant preuve d’un grand courage, il surmonta en partie sa frayeur et répondit : « C’est le Dragon.

— Morjin, ici ? » dit Kane d’une voix rageuse en agitant son épée dans l’air.

L’enfant tira jusqu’au bout de sa chaîne attachée à un anneau dans le sol. Il tomba à genoux sur des ossements qui craquèrent. Tout autour de lui, j’aperçus des piles de crânes et de squelettes de rats. Sa tunique déchirée était maculée de boyaux et de sang des rats qu’il avait dû manger.

« Le Dragon, répéta l’enfant. Vous ne l’entendez pas ? »

La vaste salle résonnait de bruits lointains venant d’autres parties de la ville. On entendait de l’eau tomber goutte à goutte et le fer frappant la pierre ; la roche, elle, semblait battre comme un gros cœur noir suivant un rythme vieux comme le temps.

« Ecoute, Petit Rat, dit Maram en s’approchant de lui. Il y a trop longtemps que tu es là, tu dois entendre des choses qui n’existent pas…

— Non, c’est le Dragon ! Il faut partir d’ici ! »

Il tendit sa main maigre comme pour désigner les restes de rats qui jonchaient le sol. Et là, au milieu des os blancs rongés, juste hors de sa portée, se trouvait une clé noire en fer.

« Toutes les abominations, marmonna Kane tandis que je me penchais pour ramasser la clé. Toutes les abjections de l’esprit. »

Je me retournai pour voir si la clé ouvrait bien les fers. Tandis que je me baissais, Atara caressa la tête tremblante de l’enfant et lui demanda : « C’est le Dragon qui t’a enfermé ici ?

— Non, c’est Morjin. Lord Morjin.

— Et tu crois qu’il va revenir ici ?

— Non ! Je vous l’ai dit, c’est le Dragon qui arrive ! »

Liljana et maître Juwain avaient tous deux sortis leur gelstei.

Liljana tournait sa baleine bleue entre ses doigts avec l’intention évidente de pénétrer l’esprit de l’enfant pour voir ce qui n’allait pas. Quant à maître Juwain, il souhaitait seulement le guérir de ses hallucinations et de ses peurs.

Je glissai la clé dans le trou de la serrure. Elle entra avec un bruit sec et sonore. Le cœur de l’enfant battait maintenant encore plus vite que le mien : boum, boum, boum.

« Vite ! me cria le garçonnet, il faut courir ! » Des odeurs de cannelle et de poix brûlante envahirent soudain l’espace et un souffle d’air chaud traversa la pièce. Du couloir sombre de l’autre côté de l’ouverture de la salle montait un bruit de pas sourd et régulier, un funeste : Boum, boum, boum.

« Vite, Val ! s’écria Maram. Descendons l’escalier ! Il y a vraiment quelque chose qui vient ! »

Je fis tourner la clé vers la droite, puis vers la gauche, avec un grincement de métal. Je l’agitai dans la serrure tandis que l’enfant tirait de toutes ses forces sur sa chaîne. L’odeur de cannelle et de sueur se fit beaucoup plus forte. Soudain, le grondement funeste de rochers ébranlés remplit la salle : boum, boum, boum !

La serrure s’ouvrit brusquement au moment où Atara visait l’ouverture avec une flèche. Et là, dans cet immense rectangle sombre apparut une énorme silhouette. Elle avait quinze pieds de haut et devait être trois fois plus longue. Des écailles, rouges comme du fer oxydé, couvraient la totalité de son long corps sinueux pratiquement jusqu’à la pointe noueuse de sa queue. Au bout de ses grosses pattes arrière, des griffes coupantes comme de l’acier creusaient des sillons dans le sol de pierre. Ses ailes parcheminées étaient repliées sur ses flancs comme des oreilles de chat avant la bagarre. Ses grands yeux dorés fixaient l’enfant avec malveillance. Quand j’ôtai les fers de sa jambe, ils se fixèrent sur moi.

« Oh ! Seigneur ! s’écria Maram en cherchant sa pierre de feu. Oh ! Seigneur ! »

Comme le garçon avait essayé de nous le dire, il s’agissait d’un dragon, et même d’un dragon femelle. Et apparemment, elle était très en colère que nous lui ayons dérobé son festin sous le nez.

« Liljana ! maître Juwain ! hurlai-je. Emmenez l’enfant en bas des marches ! »

Liljana saisit la main du garçonnet et se mit à courir en direction de l’escalier, suivie de près par maître Juwain. À ce moment-là, le dragon bondit en avant et Atara décocha sa flèche en visant un œil. Mais le dragon tourna la tête à temps et la flèche rebondit sur les écailles le long de ses impressionnantes mâchoires.

Celles-ci s’ouvraient maintenant, découvrant des dents blanches et pointues, longues comme des couteaux. Devinant que le dragon brûlait de charger Atara et de la couper en deux d’un coup de dents, je m’avançai, l’épée pointée vers lui et levai mon bouclier. Heureusement que j’avais encore le bouclier de mon père.

« Val ! Le feu ! » me cria Maram. Un instant, je crus qu’il parlait de sa gelstei. « Le feu, attention ! »

Soudain, le dragon se mit à trembler et à tousser et une immense flamme jaillit brusquement de sa gueule. Son flot orangé tomba sur mon bouclier et brûla le cygne argenté en relief qui devint aussi noir que l’acier qui l’entourait. Une partie de la flamme passa au-dessus du bouclier et m’atteignit au visage. Alors, sans lui laisser le temps de reprendre son souffle et de préparer une autre flamme, je me précipitai pour le tuer.

Ymiru et Kane firent de même. Kane se rapprocha du flanc du dragon et lui enfonça son épée dans le ventre. Une gerbe d’étincelles fusa des écailles et l’épée rebondit dessus tout comme la deuxième flèche qu’Atara décocha dans l’œil du dragon. Ymiru eut plus de succès avec son borkor qu’il lança en direction de la gueule toujours ouverte de l’animal. Avec une force incroyable, celui-ci s’écrasa sur sa mâchoire, lui brisa deux de ses énormes dents et ébranla le dragon tout entier. Utilisant à son tour sa grosse tête noueuse comme un gourdin, celui-ci la balança sur le côté dans la poitrine d’Ymiru réussissant à lui casser quelques côtes et à le faire tomber. Puis sa queue s’abattit soudain sur Kane. S’il ne s’était pas rapidement baissé sous son passage, les pointes du bout, semblables à celles d’une masse d’arme, lui auraient arraché la tête.

Profitant de la distraction du dragon, je me rapprochai de son énorme corps haletant et lui plantai mon épée en pleine poitrine. Mais l’étincelant silustria d’Alkaladur, qui avait fendu des armures, ne parvint pas à pénétrer en profondeur. Se glissant entre deux écailles épaisses, il s’enfonça d’un pouce environ, se contentant d’infliger au dragon une blessure semblable à celles que m’avaient faites les oiseaux buveurs de sang avec leur bec. « Val ! Il est trop fort ! me cria Atara. Regagnons l’escalier ! » Maram obtempéra sans perdre de temps. Saisissant sa gelstei dont il n’avait pas réussi à tirer la moindre étincelle, il fit demi-tour et courut en direction de la petite porte à l’est. Pendant que Kane aidait Ymiru à se relever, je me mis devant eux pour les protéger avec mon bouclier. Le dragon dont la gueule blessée saignait, considérait Ymiru d’un air méfiant et haineux. Soudain, il écarta de nouveau ses mâchoires pour nous carboniser.

Cette fois, je vis qu’il ne soufflait pas vraiment du feu. En fait, toussant et haletant, il cracha sur nous un jet d’une substance rougeâtre, semblable à de la gelée. Au contact de l’air, celle-ci s’enflamma. Collante comme du miel, elle s’accrocha à mon bouclier dont elle rongea l’acier comme de l’acide enflammé.

« Reculez, Val ! » me cria Kane.

Ymiru et lui étaient déjà partis vers l’escalier avec Atara. Je m’écartai du dragon aussi vite que possible. La bête nous lança un nouveau jet enflammé que je parai une fois de plus avec mon bouclier. Puis je partis en courant vers les marches avant que le dragon ne produise davantage de ce liquide rouge épouvantable. J’atteignis la porte et dévalai l’escalier au moment où jaillissait un nouveau flot. Quelques gouttes de cette gelée touchèrent ma cotte de mailles et me brûlèrent le dos. Mais mes amis et moi étions à l’abri. Le corps énorme du dragon ne pourrait jamais se glisser dans l’embrasure étroite de la porte.

Hélas, il nous était également impossible d’aller plus loin. Apparemment, nous étions prisonniers des profondeurs d’Argattha.