DICTIONNAIRE DES AUTEURS

BALLARD (JAMES GRAHAM). – Né en 1930 à Shanghai, J.G. Ballard fut rapatrié en 1946 en Angleterre – son pays d’origine – après plusieurs années de détention dans un camp militaire japonais. Après des études de médecine et une période dans la R.A.F. au Canada, il travailla comme scénariste de films scientifiques avant de se consacrer à une carrière d’écrivain. Son premier récit fut publié en 1956 et, parmi ses romans ultérieurs, The Wind from Nowhere (1962), The Drowned World (1962, Le Monde Englouti) et The Crystal World (1966, La Forêt de Cristal) constituent des variations sur un thème qui semble l’avoir obsédé : le monde finit lentement des conséquences d’un cataclysme, pendant que le narrateur contemple cette fin en s’abandonnant à l’introspection. Quelques critiques américains, dont Judith Merril, ont salué en J. G. Ballard le chef de file de la « nouvelle vague » de la science-fiction, caractérisée par un désir d’expérimentation stylistique et verbale. J. G. Ballard lui-même se considère cependant surtout comme un explorateur de l’« espace interne », exprimant de la sorte son intérêt pour l’étude psychologique de l’homme confronté aux modifications que la science impose à son entourage. Depuis plusieurs années, il est revenu au genre de la nouvelle, écrivant toutefois plus lentement que naguère.

BIGGLE JR. (LLOYD). – Né en 1923, Lloyd Biggle est le seul écrivain notable de science-fiction qui possède un titre de docteur en musicologie. Ses premiers récits furent publiés en 1956. Parmi ses romans figure le cycle d’un détective de l’avenir, Jan Darzek, qui fit sa première apparition dans Ail the Colours of Darkness (1964) et qui fiât par la suite chargé de missions à l’enjeu régulièrement grandissant. Une autre série narre les efforts de la Cultural Survey, un organisme chargé d’organiser les relations entre les civilisations d’une confédération galactique : The Still Small Voice of Trumpets (1969), The World Menders (1971). Son intérêt pour les arts – qu’il ne laisse apparaître que timidement, comme s’il redoutait de se faire traiter de pédant – et sa minutieuse édification de cultures extra-terrestres donnent à l’œuvre de Lloyd Biggle son originalité.

DELANY (SAMUEL RAY). – Né en 1942 dans une famille de la bourgeoisie noire aisée de Harlem, Samuel Delany fut élève d’une école privée puis commença des études scientifiques. Il abandonna celles-ci rapidement pour se lancer dans une carrière littéraire, marquée à ses débuts par une maîtrise précoce. Ses premières œuvres publiées furent des romans : The Jewels of Aptor (1962, Les Joyaux d’Aptor), la trilogie The Fall of the Towers (1963-1970, La Chute des tours), fondés sur le motif de la quête, mais frappant principalement l’attention par un souci du raffinement verbal qui exprimait la créativité d’une imagination incessamment en éveil pour élaborer le détail d’une comparaison, d’une sensation ou d’un élément du décor. Babel-17 (1966), qui utilise le motif de la linguistique, et The Einstein intersection (1967, L’Intersection Einstein) où des extra-terrestres adoptent des formes humaines pour faire revivre des légendes dont la signification leur échappe, lui valurent deux prix Nébula. Les romans ultérieurs de Delany, Dhalgren (1975) et Triton (1976), développant respectivement les thèmes de la décadence culturelle et au changement, sont plus ambitieux mais moins homogènes. Samuel Delany a également écrit d’intéressantes nouvelles tout au long de sa carrière. Parmi celles-ci, Time Considered as a Hélix of Semi-Precious Stones (1969) remporta les prix Nébula et Hugo. Il est en outre l’auteur d’essais critiques, les uns lucides et pénétrants, les autres précieux et fastidieux, dont un choix a été publié sous le titre The Jewel-Hinged Jaw (1977).

DISCH (THOMAS MICHAEL). – Né en 1940. Travailla dans une agence de publicité et dans une banque avant de se lancer, en 1964, dans une carrière littéraire. Ses récits de science-fiction se caractérisent souvent par leur allure sombre, soit qu’ils décrivent la totale indifférence d’entités qui manipulent les humains, comme The Genocides (1965), soit qu’ils baignent dans le pessimisme comme Camp Concentration (1968). Dans ce dernier roman, le narrateur est un des prisonniers traités au moyen d’un médicament « miracle » qui accroît spectaculairement ses facultés intellectuelles, mais au prix d’une mort rapide et affreuse. Dans 334, Disch présente une série de nouvelles liées sur le fond d’un New York écrasant du proche avenir, et exposant le problème général de la survie dans ce milieu. Pénétrant, ironique, cruel, alternant la froideur et l’austérité, Disch paraît avoir hérité quelque chose de la noirceur inspirée qui distinguait C.M. Kornbluth pour l’unir à un maniérisme qui lui est personnel.

Farmer (Philip José). – Né en 1918, Philip José Far-mer travailla pour une compagnie d’électricité puis pour une entreprise métallurgique, après avoir terminé le collège. Suivant des cours au soir, il obtint en 1950 une licence ès lettres et se lança dans une carrière littéraire. Dans le monde de la science-fiction, il apparaît comme une sorte de Janus, regardant dans deux directions opposées à la fois. Il s’est courageusement attaqué, d’une part, à des sujets naguère tabous dans le récit d’anticipation : dans The Lovers (Les Amants étrangers), écrit en 1952 et profondément remanié en 1961, il évoque des rapports sexuels entre des êtres d’espèces différentes ; dans Attitudes (1952) et dans d’autres récits rattachés au même cycle, il a considéré la place du missionnaire dans une civilisation dominée par le voyage spatial. D’autre part, Philip José Farmer a donné une dimension nouvelle au récit d’aventures dans la science-fiction, en concevant des univers littéralement créés sur mesure par des héros-dieux qu’il a mis en scène dans le cycle s’ouvrant par The Maker of Universes (1965, Créateur d’Univers). Animé par un même souci de pousser aussi loin que possible les limites de son décor, il a imaginé dans le cycle de River-world (1965, Le Fleuve de l’éternité) la résurrection de tous les hommes de toutes les époques sur une planète géante. Philip José Farmer a également écrit la biographie suivie ae quelques personnages romanesques, qu’il s’est diverti à reconstituer d’après les récits où ces héros avaient été mis en scène : Tarzan et Doc Savage furent les premiers sujets de ces biographies para-romanesques. Farmer s’est aussi amusé à mettre en présence des personnages créés par des auteurs différents – Sherlock Holmes avec Tarzan, Hareton Ironcastle avec Doc Savage, Phileas Fogg avec le professeur Moriarty. Il a justifié ces libertés en imaginant la chute d’une météorite dans le Yorkshire, en 1795, météorite qui aurait provoqué des mutations chez les cochers et les passagers de deux diligences qui se trouvaient dans le voisinage du point de chute : Farmer a fait de nombreux personnages littéraires célèbres les descendants de ces voyageurs. Ce goût de l’écrivain pour l’interpénétration du réel et du fabulé se distingue aussi par l’introduction de ses alter ego dans l’action, généralement reconnaissables par leurs initiales identiques à celles de l’auteur : Paul Janus Finnegan, alias Kickaha, dans le cycle de The Maker of Universes, Peter Jairus Frigate dans celui de Riverworld. De même, Farmer s’est amusé à utiliser pour son roman dans Venus on the Half-Shelf (1971) la signature de Kilgore Trout – lequel Trout est un écrivain imaginé par Kurt Vonnegut Jr.

GUIN (WYMAN). – NÉ EN 1915. CARRIÈRE PROFESSIONNELLE PRINCIPALEMENT CONSACRÉE AU DOMAINE PHARMACEUTIQUE. S’EST IMPOSÉ À LATTENTION PAR DES NOUVELLES ÉCRITES EN 1950 ET 1962 ET DÉVELOPPANT SELON UNE MINUTIEUSE RIGUEUR DES THÈMES DE DÉPART PARFOIS OUTRÉS.

HADDEN ELGIN (SUZETTE). – Née en 1936. Docteur ès sciences linguistiques. A consacré la majeure partie de son activité professionnelle à l’enseignement (langue française, guitare, linguistique). Ses romans unissent une action évoquant le space-opera à une attention minutieuse accordée aux sociétés mises en scène, le tout fréquemment éclairé par une lumière délibérément féministe.

HILL (RICHARD). – Né en 1943. Après avoir exercé divers métiers (vendeur de chaussures, chauffeur d’ambulance, surveillant de piscine, etc.) s’est tourné vers l’enseignement et la littérature. A écrit, en plus de quelques récits de science-fiction, des articles de journalisme et des poèmes.

LAFFERTY (RAPHAËL ALOYSIUS). – Né en 1914, R. A. Lafferty donna à Judith Merril, (dans The Year’s Best S.F., 11e série) les notes suivantes en guise d’esquisse d’autoportrait : « Si j’avais eu une biographie intéressante, je n’écrirais pas de la science-fiction et du fantastique pour l’intérêt de remplacement. Je suis, dans le désordre, quinquagénaire, célibataire, ingénieur électricien, corpulent. » S’étant mis tardivement à l’activité d’écrivain, Lafferty a rapidement montré qu’il ne ressemblait à aucun autre auteur. Ses idées n’appartiennent qu’à lui, et il en va de même de son style narratif, qui peut paraître bâclé et mal équilibré de prime abord, mais qui possède en réalité une vivacité et une souplesse rythmiques peu communes. Dans les univers de Lafferty, l’absurde et l’impossible peuvent se succéder sans attirer l’attention des personnages, ni heurter le lecteur. Ils suffisent, avec les étincelles d’une imagination infatigable, à justifier des récits où il n’y a ni message, ni confession. Parmi ses romans, Past Master (1968) met en scène Thomas More, appelé dans le futur pour résoudre les problèmes d’une société qui devrait être utopique – thème qui donne un aperçu de la manière dont agit la « logique » de l’auteur. Ce dernier est cependant encore plus à l’aise dans le genre de la nouvelle, dont Does anyone else have some-thing to add (1974, Lieux secrets et vilains messieurs) offre un bon recueil. R. A. Lafferty ne fera certainement pas école – il est trop inimitable pour cela – mais sa conversion de l’électronique à la littérature s’est traduite pour la science-fiction par un enrichissement aussi substantiel qu’imprévisible : une nouvelle forme de la rationalisation de la démence.

MACAPP (C. C.). – Pseudonyme de Carroll M. Capp (1917-1971), qui écrivit de la science-fiction au cours des douze dernières années de sa vie. Les plus notables de ses récits se fondaient sur des variantes ingénieusement développées du thème de l’invasion de la Terre.

POHL (FREDERICK). – Né en 1919, Frederick Pohl a pratiquement tout fait dans le domaine de la science-fiction (à l’exception, semble-t-il, du travail d’illustrateur). Il a été, successivement ou simultanément, agent littéraire, rédacteur en chef de magazines (notamment de Galaxy, entre 1961 et 1969), critique de livres, éditeur d’anthologies, conférencier et auteur. Dans cette dernière activité, il s’est longtemps caractérisé par sa verve satirique et par une efficience méthodique qui l’a poussé à toujours exploiter aussi totalement que possible les implications d’un thème, d’une situation – d’une idée en général. Il collabora souvent avec C. M. Kornbluth, et a signé avec lui en 1953 le plus célèbre roman auquel son nom reste attaché, The Space Merchants (Planète à gogos). The Magazine of Fantasy and Science Fiction lui a consacré un numéro spécial en septembre 1973. En tant que romancier, Pohl donna ses meilleures œuvres relativement tard. Il obtint en 1977 le prix Nébula pour Man-Plus (Homme-Plus), où il raconte sans complaisance l’histoire d’un humain transformé pour pouvoir survivre sur Mars. En 1978, il obtint le Nébula et le Hugo pour Gateway, qui combine les motifs de l’exploration interplanétaire, de la psychanalyse et de la survie stochastique. Il a été président des Science Fiction Writers of America en 1974-1976. Frederick Pohl a évoqué ses mémoires d’écrivain dans un chapitre de Hell’s Cartographers (1975), publié par Brian W. Aldiss et Harry Harrison, ainsi que dans une autobiographie, The Way the Future Was (1978).

REED (KIT). – Pour l’officier d’état civil, Lilian Reed, née (en 1932) Craig. Journaliste, enseignante, auteur de récits, fantastiques, réalistes et de science-fiction. Dans les meilleurs de ces derniers, elle présente, sur un ton généralement paisible et sans prétention, des fables morales où l’élément scientifique reste subordonné à l’importance des problèmes humains.

ROTSLER (WILLIAM). – Né en 1926. Caricaturiste principalement, mais aussi photographe et réalisateur de films. Commença à écrire de la science-fiction en 1970. Sa réputation en ce domaine se fonde essentiellement sur une nouvelle, Patron of the arts (1972, ultérieurement développée en roman), où il explore les relations entre l’art et les contraintes socio-économiques. Ses récits plus récents n’ont pas rempli les promesses de cette nouvelle, leur virtuosité occasionnelle d’écriture ne suffisant pas à masquer leur superficialité.

SILVERBERG (ROBERT). – Né en 1936. De son passage à l’Université Columbia, il a gardé des goûts littéraires classiques (Eliot, Yeats). Débute en 1954. Très fécond, il se spécialise dans la production en série (plus de 200 titres publiés jusqu’en 1960, sans compter les nouvelles signées de pseudonymes), ce qui ne l’empêche pas de recevoir en 1956 le prix Hugo décerné au « jeune auteur le plus prometteur ». De 1960 à 1965, il tourne le dos à la science-fiction et devient résolument polygraphe : romans pornographiques, livres pour la jeunesse, vulgarisation historique et scientifique, tout sort de sa machine à écrire, y compris un livre sur la fondation de l’État d’Israël, If I forget thee, O Jerusalem. Il revient à la science-fiction en 1965 et joue un rôle important dans la « nouvelle vague », comme critique de livres à la revue Amazing, président des Science Fiction Writers of America (1967-1968) et anthologiste (New Dimensions, à partir de 1971). Ses ouvrages les plus importants sont surtout des romans : Thorns (1967, Un jeu cruel), The Man in the Maze (1968, L’Homme dans le Labyrinthe), Nightwings (1968-1969, Roum, Perris, Jorslem ou Les Ailes de la nuit), The World Inside (1971, Les Monades urbaines), Son of Man (1971, Le Fils de l’homme), The Book of Skulls (1972). Les rééditions récentes de plusieurs de ses romans comportent des introductions originales de Sil-verberg, lesquelles font connaître les modes de pensée d’un auteur qui a su passer de l’état de polygraphe à celui d’écrivain authentique. Elles portent aussi, sur leur couverture, un jugement d’Isaac Asimov : « Là où Silverberg va aujourd’hui, le reste de la science-fiction suivra demain ! En avril 1974, The Magazine of Fantasy and Science Fiction consacra un numéro spécial à Robert Silverberg. Silverberg exprima à plusieurs reprises le désir de s’éloigner définitivement de la science-fiction. Mais en décembre 1979, The Magazine of Fantasy and Science Fiction commença à publier en feuilleton un nouveau roman de lui, Lord Valentine’s Castle.

TENN (WILLIAM). – Pseudonyme de Philip Klass, né en 1920. N’a écrit qu’une cinquantaine de nouvelles, surtout dans les années cinquante, où il fut un des auteurs marquants de la revue Galaxy. Il est connu par son sens de l’humour et sa désinvolture, mais le pathétique et l’amertume ne sont pas moins significatifs de son œuvre. Depuis 1959, il ne fait plus que de rares apparitions aux sommaires, car son temps est pris par l’enseignement de la science-fiction qu’il donne à l’Université de l’État de Pennsylvanie. Il a cependant donné un roman, Of Men and Monsters. (1968, Des Hommes et des Monstres). Il a aussi publié une belle anthologie sur le thème de l’enfant dans ta science-fiction : Children of wonder (1953).