Une bataille gagnée

Au printemps, Le Monde pouvait titrer en une : « La bataille d’Alger, une bataille gagnée75. » Ce n’était pourtant pas tout à fait vrai.

Certes, le FLN était battu à Alger. Nous le savions, fout simplement parce qu’il ne se passait plus rien. Il ny avait plus d’attentats spectaculaires et les arrestations se faisaient plus rares. Certaines nuits, nous rentrions bredouilles. Alger était devenu un lieu trop malsain pour les rebelles qui préféraient se réfugier dans l’Atlas. J’avais même intercepté une lettre écrite en français par un chef fellagha :

« Mon cher frère, je suis obligé de quitter la Casbah parce que, pour le moment, Massu a gagné. Il ne perd tien pour attendre, le salaud ! »

Je montrai fièrement ce courrier et l’article du Monde à Massu qui décida de nous présenter à Lacoste, Trinquier et moi, ce qui fut fait.

Cependant, les chefs du FLN n’avaient pas tous quitté Alger. Pour la plupart, ces citadins marginaux n’étaient vraiment pas décidés à partir dans le djebel. Ils vivotaient souvent grâce à des petits métiers, des petits larcins qui leur interdisaient de s’éloigner. Ils ne s’en iraient que s’ils ne pouvaient plus faire autrement. Il fallait donc les traquer tant qu’ils n’étaient pas trop loin.

Nous n’avions qu’à suivre les pistes que nous traçaient certaines professions particulièrement sensibles : les maçons, par exemple. Bigeard en avait dressé la liste, grâce aux informations et aux registres fournis par la préfecture. Les maçons étaient en effet très sollicités pour fabriquer des caches d’armes et dissimuler des charges explosives qui, souvent, étaient emmurées. Nous faisions des contrôles. Lorsqu’on trouvait un maçon chômeur depuis longtemps dont les mains révélaient pourtant qu’il venait de travailler, cela faisait un suspect de plus.

C’est au moment où la bataille d’Alger semblait gagnée que le colonel Godard refit soudain surface. On ne l’avait jamais vu à la préfecture pendant la période aiguë, mais lorsqu’il apprit que Massu m’avait chargé de préparer des propositions de citations pour la croix de la valeur militaire, il n’hésita pas à venir me voir.

Le prétexte de cette visite était que je fasse obtenir une citation à un commissaire de police dont je n’avais jamais entendu parler.

— Vous comprenez, ça me serait utile, précisa mielleusement Godard.

— Si cette citation vous est aussi utile que vous le dites, jetai-je sèchement, faites-la donc vous-même et ne me demandez plus rien.

Cette réponse n’améliora évidemment pas nos relations.

Un seul dossier me préoccupait encore : celui du Parti communiste algérien, que nous avions laissé à peu près tranquille depuis l’affaire du bazooka. J’étais sûr que les communistes continuaient à intervenir activement dans la fabrication de bombes qui exploseraient sûrement un jour. Par ailleurs, le journal clandestin La Voix du soldat poursuivait la diffusion de son insidieuse propagande.

Massu, en accord avec les régiments, avait décidé d’alléger le dispositif militaire en place dans la ville. Il n’y aurait plus désonnais qu’un seul régiment à la fois, et chaque unité assurerait son tour de permanence. De ce fait, le secteur Alger-Sahel, commandé par Marey, prit une certaine importance.

Vers le mois d’avril, Suzanne Massu effectua un voyage à Paris. Là-bas, elle avait accès aux milieux influents de la société civile et on lui fît comprendre que son mari serait bien avisé de moins persécuter le FLN. À son retour, Suzanne décrivit à son époux l’état d’esprit de la capitale. Massu était embarrassé et nous appela, Trinquier et moi, pour nous confier ses préoccupations et les doutes qui lui venaient. Nous en discutâmes longuement.

— Vous comprenez bien, dit Massu, là-bas tout le monde est réticent.

— Réticent à propos de quoi ? demandai-je.

— À propos de notre acdon.

— Eh bien, tant pis : vous n’êtes pas à Paris, vous êtes à Alger. À Paris, les gens se moquent de ce qui se passe ici. Et vous, qui êtes à Alger, avec la mission d’y rétablir l’ordre, vous n’avez pas à vous soucier de ce qu’on pense là-bas.

Mme Massu avait une grande influence sur le général. Notamment pour protéger les femmes du FLN, qui, d’ailleurs, étaient peu nombreuses mais dont le rôle était redoutable. Elle estimait que la clémence à l’égard de certaines poseuses de bombes servirait peut-être à gagner la sympathie des femmes algériennes. Ainsi obtint-elle que Djemila Bouhired76, une étudiante en droit, arrêtée le 9 avril 1957 et convaincue d’avoir participé à de nombreux attentats, fût soustraite au processus normal d’action répressive. En clair, elle redoutait que Djemila Bouhired ne fût envoyée à la villa des Tourelles. Car beaucoup de gens savaient, et Suzanne Massu mieux que personne, qu’aucun terroriste qui entrait là-bas n’avait aucune mansuétude à espérer de ma part, quels que soient son sexe, son origine ou sa religion. La jeune femme fut confiée au capitaine Jean Graziani, l’adjoint de Le Mire au 2e bureau, que Suzanne Massu tenait pour gentil garçon.

Djemila Bouhired eut beaucoup de chance car je n’aurais pas hésité une seconde à l’exécuter77.

Graziani était loin d’être un tendre, mais il joua le jeu et s’occupa de sa prisonnière avec une grande courtoisie. Prévenant, il allait lui acheter des vêtements, l’emmenait dîner à la popote de la division sous les regards incrédules des autres officiers.

Grâce à l’intervention de Suzanne Massu, les femmes du FLN furent presque systématiquement livrées à la justice régulière. C’est ainsi qu’à la fin de la bataille d’Alger, alors que j’avais déjà regagné mon unité, j’ai appris qu’une femme médecin avait été arrêtée dans un maquis le jour même où l’un de nos officiers avait été sauvagement assassiné. Massu avait pris la peine d’envoyer un hélicoptère pour évacuer la prisonnière.

Pour moi, ce n’était pas le moment de mollir. Il fallait au contraire en finir et neutraliser les soutiens dont le FLN pouvait bénéficier à partir de la France. Ensuite, je m’occuperais du PCA.

Je me voulais d’autant plus énergique que je commençais à envisager le terme de cette mission. Dans mon esprit, tout devait être fini pour moi avant l’été. J’en touchai d’ailleurs deux mots à Massu. Il ne voyait pas d’inconvénient à mon départ, à condition que je me sois trouvé un remplaçant. Ce n’était pas simple car tout le monde savait que ma mission était très difficile. Le moins que l’on puisse dire, c’est que je ne faisais pas de jaloux. Si l’on avait battu le tambour dans les régiments pour me chercher un successeur, je suis sûr qu’on n’en aurait pas trouvé. C’est donc le plus discrètement du monde que je me mis en campagne pour solliciter quelques camarades. Tous refusèrent.

Nous étions au mois de mai 1957. Je passais beaucoup de temps à la préparation minutieuse des actions que j’entendais mener dans l’Hexagone. Nous en discutions avec Trinquier.

J’avais monté dans les moindres détails une opération visant à liquider Ben Bella et ses camarades du CCE78. Ben Bella serait, sans nul doute, appelé à jouer un rôle décisif si te FLN obtenait gain de cause. Son élimination aurait entraîné des luttes intestines terribles. Mon analyse rejoignait celle du gouvernement, et en particulier de Max Lejeune, Bourgés-Maunoury79 et Lacoste.

Après leur arrestation, en octobre 1956. Ben Bella et ses compagnons avaient été emmenés en France. Pour des raisons de sécurité, Mitterrand ne les avait pas gardés dans la prison où ils étaient censés se trouver. Dans le plus grand secret, il les avait fait mettre à l’écart, en province, dans un lieu sûr et sous bonne garde.

J’avais obtenu toutes les informations utiles sur les conditions de détention du leader FLN et de ses amis, qui, sans être luxueuses, n’étaient pas désagréables.

J’avais pu ainsi reconstituer le plan de la maison où ils se trouvaient. Il fallait juste que Massu accepte de déléguer cinq ou six de mes hommes à la garde de Ben Bella pendant une semaine, ce que je me faisais fort d’obtenir. Je ne doutais pas de pouvoir le convaincre. Pour le reste, il n’aurait à s’occuper de rien. J’avais opté pour un accident dû au gaz. La déflagration soufflerait les bâtiments et nous disparaîtrions. Pour cette opération, je serais intervenu moi-même, avec l’aide, bien entendu, des équipes que j’avais formées. J’avais monté ce plan en considérant que la bataille d’Alger était terminée. J’avais tout le temps de m’absenter quelques jours.

Je voulais d’autre part porter un coup définitif au FLN en m’en prenant à ses circuits financiers, donc à ses porteurs de valises. J’avais des interlocuteurs officieux à Paris et mes équipes d’Alger étaient prêtes à agir avec moi dans la clandestinité.

L’argent, comme on sait, est le nerf de la guerre, C’était une chose de couler les bateaux qui approvisionnaient en armes le FLN ou de piéger tes trafiquants d’armes comme le Service Action le faisait depuis trois ans. Mais il était encore plus efficace d’empêcher le FLN de prélever et de recevoir de l’argent pour acheter ces armes. L’essentiel des fonds recueillis venait en effet de France. C’était l’argent de tous les ouvriers et commerçants algériens qui étaient purement et simplement rackettés sur le territoire métropolitain. Ceux qui refusaient de payer étaient égorgés ou abattus d’une rafale de mitraillette avec la bénédiction de certains Français favorables à la cause du FLN.

L’argent passait par des réseaux de porteurs de valises de billets. Bien entendu, il arrivait que des valises disparaissent au passage. On savait tout cela mais personne, à Paris, ne s’en préoccupait, à l’exception d’une force spéciale composée de policiers algériens chargés d’agir avec brutalité contre le FLN.

Le réseau de porteurs de valises le plus connu était le réseau Jeanson mais il en existait d’autres, tout aussi efficaces. Il n’y avait pas de réelle volonté politique de les démanteler, puisque le FLN avait l’habileté de ne s’en prendre qu’aux Algériens. L’argent servait à acheter des armes en Belgique, en Suisse et en Tchécoslovaquie. Des armes dont on se servait ensuite contre l’armée française, contre les pieds-noirs et contre les musulmans hostiles au FLN.

Une autre partie de cet argent arrivait à Alger. Bigeard avait trouvé de très grosses sommes quand il avait interpellé Ben Tchicou. Massu avait envoyé cet argent à des œuvres charitables agissant en métropole au profit de la communauté musulmane.

Il était assez facile d’opérer contre les porteurs de valises. Sûrs de leur bon droit, bénéficiant du soutien d’intellectuels et de journalistes influents, fiers de ce qu’ils faisaient, comme ils le furent encore des années après80, ils ne se méfiaient pas. Du reste, en France, l’opinion se souciait peu de la guerre d’Algérie, mis à part les musulmans rackettés dans les usines et les parents des appelés qui avaient été envoyés au casse-pipe.

J’avais recueilli des informations précises, tant sur les réseaux de porteurs de valises que sur ceux qui les soutenaient. Il s’agissait de sympathisants tels que Hervé Bourges, Olivier Todd ou Gisèle Halimi, par exemple. Cette dernière était d’ailleurs discrètement venue jusqu’à Alger où elle avait réussi à rencontrer Suzanne Massu qui, elle aussi, avait été avocate. Nous ne l’avions appris qu’au dernier moment. Cela me parut une insupportable provocation et j’étais parti avec Garcet pour l’intercepter. Nous l’avons manquée de peu.

J’avais ainsi établi une liste d’une douzaine de personnes à neutraliser et j’avais élaboré un plan dont j’avais affiné les détails avec Trinquier.

Les opérations prévues devaient être menées à Paris avec une équipe très légère. Les cibles auraient été abattues par balles,

La série d’attentats meurtriers du lundi 3 juin 1957 empêcha l’accomplissement de ces projets. L’action était signée par le FLN. De faux employés de l’EGA81, envoyés par l’équipe d’Ali la Pointe, piégèrent trois lampadaires proches de trois stations de trolleybus et réglèrent leurs bombes pour l’heure de la sortie des bureaux. Il y eut huit morts, dont trois enfants, et une centaine de blessés. Ces attentats firent autant de victimes musulmanes qu’européennes.

Dans l’après-midi du dimanche suivant, le 9 juin, jour de la Pentecôte, une bombe de deux kilos éclata nous l’estrade de l’orchestre du Casino de la Corniche, un dancing situé à dix kilomètres à l’est d’Alger, près de Pointe-Pescade, et fréquenté exclusivement par des Européens. L’explosion, d’une rare violence, fit neuf morts et quatre-vingt-cinq blessés. Les musiciens furent pulvérisés. On ne retrouva rien du chef d’orchestre. La chanteuse eut les deux jambes arrachées. De tous les attentats, c’est celui qui me parut le plus spectaculaire et qui me frappa le plus.

Massu était furieux. D’autant que, le surlendemain, l’enterrement des victimes donna lieu à une flambée de violence sans précédent. Il fallut protéger la Casbah pour éviter un bain de sang, peut-être même l’incendie dont on nous avait menacés. Le bilan de la journée fut de six morts et cinquante blessés, pour l’essentiel des musulmans.

Ces attentats, survenus après une période d’accalmie, nous incitèrent à renforcer l’action répressive, en commençant par le PCA. Nous savions, par expérience, qu’il comportait des spécialistes de l’action violente et notamment des chimistes préposés à la fabrication de bombes et des fournisseurs d’armement tels que l’aspirant Maillot.

J’avais été très marqué par la lecture de Sans patrie ni frontières, un livre de Jan Valtin, lequel, originaire d’Europe de l’Est, avait été associé de près aux partis communistes. Cette lecture avait renforcé ma conviction selon laquelle dans le phénomène communiste les structures avaient au moins autant d’importance que l’idéologie qu’elles servaient. Ce que je connaissais de l’organisation des partis communistes en général et du PCA en particulier me montrait que les différents services étaient séparés par des cloisons verticales et étanches. De sorte que si le responsable d’un service pouvait, à un haut niveau, côtoyer le responsable d’un autre service, il n’en allait pas forcément de même pour les militants.

Nos recherches se fondaient sur tes travaux d’exploitation de renseignements qui avaient été effectués dès le début de la bataille d’Alger, notamment le recensement de la population.

De semblables opérations pouvaient être menées par des unités non parachutistes. C’est ainsi que, le 10 juin 1957, un adjudant de CRS qui utilisait des fiches établies d’après les travaux de Roger Trinquier, intercepta, à l’entrée d’Alger, dans le cadre d’un travail de routine, une grosse voiture conduite par un médecin, le docteur Georges Hadjadj. Ce médecin était fiché comme étant susceptible d’exercer un rôle important dans la hiérarchie du PCA.

L’adjudant conduisit le médecin jusqu’à l’OR le plus proche. Le docteur Hadjadj ne fit aucune difficulté pour avouer qu’il était un responsable important, mais il assura qu’il n’avait rien à voir avec les attentats. Il n’était chargé que du service de propagande de son parti.

Il reconnut cependant l’existence d’un Service Action et confirma que le chef en était bien André Moine, ainsi que je m’en doutais depuis janvier. Il avait d’ailleurs eu l’occasion de le croiser lors de réunions, mais il se déclarait incapable de le localiser, comme se déclarait tout aussi incapable de livrer aucun élément plus précis sur ce Service Action.

Georges Hadjadj avoua enfin que, dans le cadre de son travail de propagande, il avait en charge le journal La Voix du soldat sur lequel il donna tous les détails que nous pouvions souhaiter Cette révélation ne faisait pas avancer l’enquête sur les poseurs de bombes mais elle me permettait d’atteindre un des objectifs que Massu m’avait assignés.

Le nom de Maurice Audin apparaissait dans les papiers du médecin. Ce nom était par ailleurs sur nos listes.

Hadjadj révéla spontanément que ce jeune professeur de mathématiques, cadre du PCA, mettait sa demeure à la disposition du parti pour y loger des agents. De sorte qu’il pouvait parfaitement héberger un militant du Service Action.

Hadjadj donna l’adresse d’Audin, qui habitait dans le secteur relevant de Charbonnier, ce qui permit aux hommes du 1er RCP d’aller l’appréhender. J’ai naturellement été prévenu de cette arrestation et, aussitôt, je suis passé à l’appartement où Audin se trouvait encore, dans l’espoir de découvrir l’adresse d’André Moine.

Plus tard, alors qu’il arrivait dans l’appartement d’Audin, Henri Alleg82 tomba dans la souricière tendue et fut arrêté à son tour. Pour moi, ni Audin ni Alleg, quoique fichés, n’avaient une grande importance en tant que tels.

Je suis repassé chez Audin après la capture d’Alleg. J’ai demandé à Charbonnier d’interroger ces deux hommes pour savoir s’ils appartenaient au Service Action du PCA et d’exploiter les papiers et les carnets d’adresses qui se trouvaient chez eux pour voir si le nom d’André Moine n’y figurait pas. Comme on sait, Audin disparut le 21 juin. Cette disparition fit scandale et donna lieu à une enquête très poussée. Quant à Alleg, il raconta son interrogatoire dans son livre, La Question. J’ai croisé Alleg au moment de son arrestation. Il ne le mentionne d’ailleurs pas dans cet ouvrage pourtant peu avare de détails. Les affaires Alleg et Audin eurent un retentissement considérable en métropole, grâce à l’interprétation qu’en donnèrent le parti communiste et la presse qui soutenait le FLN.

J’arrivais maintenant à six mois de détachement au-delà desquels ma position m’amènerait à une affectation définitive que je ne souhaitais pas. J’estimais que ma mission avait été entièrement remplie : la grève avait été brisée, le fichier avait été récupéré, La Voix du soldat ne se ferait plus entendre. Bien plus, Larbi Ben M’Hidi et Ali Boumendjel avaient été liquidés et j’avais tout mis en place pour que les autres subissent bientôt le même sort.

Godard avait obtenu, avec l’aide de Massu, le commandement du secteur Alger-Sahel. De sorte qu’il pouvait maintenant avoir un œil sur ce que nous faisions. Cet élément nouveau m’incita à quitter au plus vite mes fonctions et à me trouver un successeur. J’en avais repéré un en la personne de Jacques de La Bourdonnaye-Monluc, capitaine à l’unité de marche du 11e Choc qui stationnait dans les environs d’Alger. C’était un camarade d’Indochine qui avait appartenu au 1er RCP. Il se trouvait dans une situation épineuse car, ayant été mis par Decorse83 en tête de la liste dite d’osmose84 de son unité, il devait prochainement s’en aller, c’est-à-dire quitter à la fois les parachutistes et Alger pour rejoindre le 44e régiment d’infanterie à Tebessa, sur la frontière tunisienne. L’avantage d’une affectation auprès du général Massu serait de lui permettre de rester sur place, ce à quoi il tenait absolument pour des raisons personnelles, et de garder son statut de parachutiste, qui lui était encore plus cher.

Au début, il ne se montra pas très enthousiaste. Le ler RCP arriva à Alger pour effectuer sa permanence : j’invitai alors La Bourdonnaye à la cantine de l’unité avec Prosper et Monette Mayer, et nous sûmes trouver des arguments pour le convaincre.

Je ne pouvais pas m’entendre avec Godard, il m’était impossible d’envisager de poursuivre cette mission. Du reste, Godard s’inquiétait de nous voir harceler les communistes et chercher à développer des actions contre des Français. Il parvint d’ailleurs à se débarrasser de Trinquier qui reçut l’ordre de rejoindre sa nouvelle affectation dans les quarante-huit heures.

Alors, je lui expédiai La Bourdonnaye-Monluc. Les deux hommes sympathisèrent et, une semaine plus tard, l’affaire était conclue. Il reprenait mon équipe.

Je pus enfin dire à Massu que j’avais trouvé mon remplaçant et que pour moi la bataille d’Alger était finie.