La journée suivante passe en un éclair.
Se protégeant de la sollicitude de Sophie Cazenave
et de la paranoïa de Marc Léglise, tous deux désorientés par son
comportement cachottier persistant, Valérie ne tarde guère à
découvrir trois titulaires de comptes BGD dont les noms figurent
parmi ceux des entreprises ayant exécuté des travaux pour les
chantiers de Moran SA. Elle a tôt fait d'analyser leurs opérations
et de repérer des retraits en espèces conséquents intervenant après
réception de virements venus d'entreprises écrans.
De même que pour Laurent Dubreuil, les ponctions
varient de 10 à 15 % sur chaque paiement reçu, sans toutefois
atteindre, comme chez lui, une précision obsessionnelle.
Question obsession, Valérie commence à trouver que
son intérêt pour le cas Dubreuil ressemble à un trouble côtoyant la
pathologie... ou, au minimum, l'altruisme
bancairement incorrect. Peut-être que Puymireau a raison, je vais
devenir la mère Teresa des arnaqués.
Autre divergence avec Dubreuil, l'examen des
bilans de ses collègues en infortune reflètent, dans les annexes de
leurs comptes d'exploitation, l'entièreté des versements entrés
sans en déduire les montants rackettés. Ces victimes-là ont accepté
de payer l'impôt sur des revenus jamais empochés. Un peu à la manière des contribuables, avec la CSG non
déductible.
Gonflée à bloc après trois expirations prolongées
à l'extrême qui ont angoissé une Sophie feignant l'indifférence
mais tendant l'oreille, Valérie a contacté la patronne de la SMABD.
D'abord, parce que c'est une femme. Ensuite, parce que Béatrice
Décombes la connaît depuis ses débuts; chaque année, elles
dialoguent lors du renouvellement des accords financiers.
- Je vais aller droit au but, madame Décombes...
L'étude que j'ai faite de votre historique me laisse supposer que
vous êtes victime d'un rançonnage... Une pratique dénoncée par l'un
de vos confrères entrepreneurs.
Le silence. Son absence de
protestation vaut mille confirmations. Après vingt secondes
qui ont paru ne jamais devoir finir, la voix ferme de Béatrice
Décombes ne tergiverse pas.
- Je me méfie du téléphone. Vous pouvez venir me
voir?
- Bingo! Demain, 10
heures?
- 10 h 30.
- Ça me va.
Sûr ! Ça lui convient à merveille !
Aussi est-ce remontée à bloc que Valérie arrive à
son rendez-vous du mercredi... Pour vite perdre ses
illusions.
Béatrice Décombes reconnaît le « droit de cuissage
» (sic) pratiqué par Moran. Il l'exerce
consciencieusement chaque fois qu'elle pose des menuiseries
d'aluminium sur ses immeubles. Mais, rien à faire, elle ne
confirmera jamais devant un policier ou un juge; elle tient à sa
peau. À plusieurs reprises, le beau Jean-Denis, souriant comme à
son habitude, l'a menacée de mort si elle avait la langue trop
longue.
- Il avait l'air de plaisanter, mais je suis sûre
qu'il a les moyens de le faire et qu'il n'hésitera pas. Vous vous
rappelez en 99 la disparition de Blanchard, le patron des Enduits
de façades Blanchard...
- Oui, on a parlé d'une fuite à
l'étranger...
- Il adorait sa femme, ses mômes... On ne l'a
jamais retrouvé... Il enduisait tous les immeubles de Moran. Et, en
95... vous n'étiez pas encore dans les affaires... le suicide de
Tudal, le grossiste en carrelages haut de gamme... Fournisseur
exclusif de Moran... Il marie son fils, achète une villa au
Cap-Ferret et ne trouve rien de mieux à faire que d'aller se pendre
dans le Médoc.
- C'est effectivement troublant... J'ai l'impression d'avoir posé le pied sur une
mine. Il n'y a pas eu d'enquêtes?
- Mais il a les flics et les juges dans sa poche,
Valérie! Je vais vous avouer un truc que je n'ai jamais dit aux
flics... Deux ou trois jours avant d'être rayés des cadres,
Blanchard et Tudal étaient venus me voir, à quatre ans
d'intervalle... Avec à peu près les mêmes intentions que vous :
dénoncer les malversations de Moran...
- Vous me fichez la trouille.
- Je le souhaite. Mais vous êtes majeure, vous
faites ce que vous voulez. Moi, je tiens à garder une mère à mes
enfants... Et je vous conseille d'être très, très, très
prudente.
- Je le suis par déformation
professionnelle.
- Je crains que non.
Elle va me
dénoncer!
- N'allez surtout pas croire que j'éprouve de la
sympathie pour cette ordure. D'ailleurs, je vais bosser de moins en
moins pour lui. Entre parenthèses, quand je dis « pour lui », ce
n'est pas tout à fait exact, puisque je signe à chaque fois avec
une SARL écran. Il a tout un bataclan de sociétés prête-noms... Là,
je finis un gros chantier qu'il m'a refilé sur la technopole de
Martillac et je le laisse tomber. Il est au courant. Il n'est pas
jaloux, il s'en fout. Des sous-traitants à la mords-moi-le-doigt,
des petits nouveaux à faire débuter, il en trouve autant qu'il
veut. La seule chose qu'il exige, c'est le silence. Il a le mien.
Je lui ai prouvé qu'il pouvait compter dessus.
Elle a été sa maîtresse !
Elle a balancé Blanchard et Tudal !
- Croyez-moi, Valérie, imitez-moi. Vous êtes
jeune, vous êtes belle, ce serait trop con de finir bêtement
accidentée.
- Je... je pense que je vais me ranger à votre
point de vue.
- J'en suis ravie.
Le soir, après l'amour, dans la chambre-cocon à
pierres apparentes exquisément meublée par un Hugo au naturel
voluptueux, blottie contre lui près de la cheminée où brûle une
bûche de chêne, Valérie a la tête ailleurs, un fardeau lui oppresse
la poitrine : Béatrice Décombes y a enraciné une peur qui ne va
plus la quitter.
Quant à son amant, il n'a guère brillé... Il ne
parvient pas à effacer de son esprit l'image du jeune Virgil
Antonescu, en larmes après l'examen du docteur Courrèges,
confessant, comme s'il s'agissait de ses propres fautes, la
prostitution que ses aînés lui ont imposée, et les viols répétés
qu'il a subis depuis l'âge de cinq ans.
Tous deux, nus, assis sur l'épais tapis indien, se
sont égarés dans la contemplation des flammes caressant
amoureusement le bois qu'elles dévorent.
— À quoi tu penses?
— À un malheureux gosse victime d'un gang,
organisé façon cour des miracles à l'échelle européenne.
- Tu vas le tirer d'affaire?
- On essaie... Mais rien n'est simple.
Tu peux le dire.
- Et toi?
- Moi?
- À quoi tu pensais?
- Bof... ça se mélangeait... Si je balance Moran, Dubreuil, Décombes, je trahis le
secret professionnel.
- Ça a un rapport avec ce que tu m'as dit la
semaine dernière?
- Ton client qui t'a confié qu'on le
rançonnait.
- Comment tu le sais? C'est pas croyable!
- Le flair du proc. Depuis huit jours, je te sens
différente.
Ça me bouffe les méninges,
cette histoire.
- Tu t'es fourrée dans la merde?
- ... Ce n'est pas impossible... J'ai l'impression
de savoir des choses qui me mettent en danger.
- Danger de? Perdre ton job?
- La vie.
- Ho ! T'es sérieuse?
- Ce matin, j'ai rencontré une femme qui m'a fait
peur. Il pivote face à elle.
- Tu dois me parler, Valou. Tu dois me raconter ce
que tu sais. Tu ne peux pas garder ça pour toi.
Elle se dresse.
- Bah, je crois que je me fais des idées, je suis
une froussarde... Mon père me l'a dit, je ne sais combien de
fois.
Elle sourit tristement, ondoyante de lueurs
orangées dans la danse des flammes. Elle va vers le lit.
- Et puis, c'est lâche de cafter... Ça aussi,
c'est une leçon de mon papa; il a horreur de la délation.
Hugo se lève.
- Attends, attends, révéler un délit ou un crime,
c'est un devoir ! Il faut du courage pour dénoncer.
Elle enfile son chemisier.
- Je n'ai pas été élevée dans cette optique...
Mais, en la circonstance, je rejoins ton avis.
- Cela ne relève pas exclusivement de la
subjectivité, ne me dis pas que tu n'as pas gardé de tes brillantes
études quelques notions de droit pénal.
- Non, je n'ai rien oublié. Ni l'article 434-1 qui
punit la citoyenne, si elle se tait; ni le 226-13 qui condamne la
banquière, si elle parle. Je les ai relus à
midi.
- Ah ! là, tu me sèches.
Il la regarde avec une béatitude admirative. Elle
prend un petit air suffisant.
- N'oublie pas que tu causes à une major de
promo.
Et elle éclate de rire en remontant la fermeture
Éclair de son pantalon.
- Tu ne restes pas?
Il y a une profonde déception dans sa
question.
J'ai une lessive à étendre et un tas de linge à
repasser.
- Notre relation ressemble de
plus en plus à un deal hygiénique. Je ne vaux pas mieux que
ça?
Je le vexe. Il ne songe même
pas à se rhabiller. Elle rit.
- Si tu veux, je te porte mon repassage au Palais,
demain matin.
Il la prend par les épaules.
- J'ai une meilleure idée. Tu l'apportes demain
soir, et tu t'installes ici.
Elle frotte son bout de nez contre le sien, en lui
frictionnant vigoureusement les fesses.
- Je te promets une réponse ferme et définitive
pour la Saint-Valentin.
L'amoureux transi rayonne.
- Vrai?!
- Juré.
Elle lui bécote les lèvres. Ils ferment les
yeux.
Il fait nuit. Il tombe une petite pluie fine. Dans
sa Clio orange essoufflée qui la ramène à Beau Site, Valérie se
demande bien ce qui lui a pris de fixer une borne à son temps de «
fiançailles ».Je suis trop spontanée. Je fais
n'importe quoi... Tu le sais! Pourquoi tu t'en méfies pas, nom d'un
chien! Et pourquoi la Saint-Valentin? C'est barjot! je déteste
cette filouterie de commerçants, ces consignes communautaires de
groupes de pression! Si t'aimes quelqu'un, t'as pas besoin
d'attendre le 14 février pour fêter, COLLECTIVEMENT, à jour et
heure programmés, le bonheur de vivre avec lui! Et j'ai aucune
envie de devoir me décider sous l'effet d'une mise en demeure...
même si je me la suis adressée... Je suis folle... Peut-être que
c'est vrai, que je refuse d'être aimée... C'est quoi, ma vie
affective ? Une énorme collection d'indécisions.
Sur France Info, un porte-parole des sinistrés
toulousains de l'usine AZF affirme que TotalFinaElf a tenté de
cacher à la justice un rapport du CNRS de Poitiers démontrant l'ex
plosibilité du nitrate d'ammonium mis en présence de dérivés
chlorés. Maître Soulez-Larivière, l'avocat du groupe industriel,
réfute.
« Les conditions expérimentales, très spécifiques
de cette expérience, n'ont rien de commun avec celles qui
prévalaient sur le site au moment de la catastrophe. »
Vérité, vérité! t'es jamais
sortie du puits; t'as dû t'y noyer.
Valérie réalise soudain que, par une conduite
entièrement machinale, elle s'est traînée jusqu'ici. Fais gaffe! Réveille-toi! La Clio a stoppé, pour
ainsi dire toute seule, devant le feu rouge voisin de l'école
Sainte-Marie Grand Lebrun où, de François Mauriac à Patrick Baudry,
une bonne partie de ceux que Robert Puymireau appelle « l'Aquitaine
qui compte » ont fait leurs études.
Un léger coup de klaxon expulse la jeune femme de
ses divagations. Elle jette un coup d'oeil au rétroviseur.
- Oh, non !
Dans la Ford Fiesta verte vissée à son pare-chocs,
Joël Ardinaud, radieux, agite la main et lui envoie des baisers.
Depuis quand il me suit? Pas depuis longtemps,
sinon, il aurait klaxonné avant.
Par un clignotement de phares et des gestes
exubérants, hilare, il l'encourage à avancer.
Il comprendra jamais! D'où il
sort? Elle découvre que le feu, embrumé de crachin, a viré
au vert. C'est vrai que pour rentrer, je passe
toujours ici... Elle enclenche la première. Joël
l'applaudit, bras levés. Si ça se trouve, il
m'attend depuis deux heures; il est malade... Elle conduit,
un œil sur la rue, l'autre sur le rétro. Il a
du mal à garder sa droite, il est encore ivre. Il se bousille à
petit feu. Elle soupire. Ça devient un cauchemar. Faut que je m'en
débarrasse.
La Clio tourne brusquement à gauche de l'église
Saint-Amand.
Prise de court, la Fiesta prolonge sa route de
quelques mètres sur l'avenue Louis-Barthou et fait un demi-tour
laborieux pour relancer la filature.
J'en ai marre, mais j'en ai
marre de ces mecs qui me collent aux fesses! Sans compter que
l'autre jour, il m'a carrément menacée de mort! Valérie
accélère à fond... À fond, pour la vieille Renault, ça signifie à
quatre-vingt-dix, cent... Sur le sol mouillé, la stabilité du
véhicule est approximative. Dans le rétroviseur, la Ford grossit à
vue d'œil. Je vais demander à Hugo de
s'occuper de lui : il me fout la trouille. J'en ai ras-le-bol, ça
ne peut plus durer.
Nouveau changement de direction impromptu, à
droite; les roues arrière chassent. Sonnerie du portable.
Si c'est Hugo, je lui dis d'appeler les
flics. De son manteau de cuir, elle extrait laborieusement
le mobile, à peine plus gros qu'un briquet, et le déplie tout en le
portant à l'oreille.
- Oui!
- Ch'saisis pas c'que tu fous, là!
C'est pas vrai! Elle
vire à gauche.
- C'est moi qui t'suis ! Tu m'as pas
r'connu?
- Si! Je t'ai reconnu! Arrête de me coller au
train! Va-t'en ! Fous-moi la paix !
La Fiesta est à trois mètres de la Clio moteur
hurlant.
- Mais, Valy, pourquoi tu cherches à m'échapper?
C'est ridicul' ! Faut que ch'te parl' ! Au boulot, t'as jamais
l'temps; au resto, j'ai pas l'oseill' pour suiv' et l'jour où j'ai
cogné à ta port', tu m'as fait j'ter par l'gardien...
Virage à droite... en heurtant le trottoir.
- Rrraaah!
- Calm'-toi ! R'gard', t'as failli bigorner
l'lampadair' !
- Arrête de me harceler! On s'est tout dit!
- Déconn' pas...
- Lâche-moi ! Tourne la page !
- Ben, justement... j'y arriv' pas... R'gard' dans
quel état tu m'mets.
Dans le rétroviseur, son visage se crispe comme
s'il pleurait.
- Vois un psy!
Il rit.
- C'est toi qu'en as b'soin... En m'quittant, t'as
agi sur un coup d'tête...
- Il est con, mais il est
con! Mais comment j'ai pu? On a passé cinquante nuits
blanches à en parler, de notre séparation ! À la vitesse à laquelle
tu me fais rouler, je vais avoir un accident !
Ils dépassent en trombe la clinique Les Grands
Chênes.
- C'est toi qui choisis. Lèv' le pied, j'f'rai
pareil. T'as qu'à t'arrêter, m'dis pas que ch'te fais peur.
- Si, tu me fais peur ! Tu me pourris la vie
!
- La faute à qui?
- J'appelle les flics! Fais-toi
désintoxiquer!
Valérie coupe la communication. Elle pianote sur
le clavier et porte à nouveau l'appareil à son oreille, épiant dans
le miroir la réaction du poursuivant. Je le
trouvais craquant parce qu'il ressemblait à Perkins! Pourquoi j'ai
oublié Norman Bates?!
Soulagée, elle voit la Fiesta rapetisser...
Il abandonne! Elle replie le
mobile.
Une Audi pointe le nez à sa droite. Merde! Elle lui grille la priorité, en l'évitant de
justesse.
Klaxon en fureur.
Là-bas, loin derrière, juste après la voie ferrée,
Joël fait demi-tour en zigzaguant dangereusement. Valérie lève le
pied... roule encore un peu... et se gare le long du trottoir.
J'ai fait n'importe quoi, là! Il me rend
dingue.
Quand le poursuivant a disparu de son horizon,
elle aussi fait demi-tour... Prudente, appliquée... Elle reprend le
chemin de Beau Site. Dire que sa fragilité
m'avait plu! le suis servie, je la déteste!
Il lui faut à peine cinq minutes pour gagner la
rue Poujeau et éprouver un réel bonheur à pénétrer sur le domaine
de la résidence, l'exquise douceur de retrouver son foyer.
Nom d'un chien! comment je
n'y ai pas pensé?!
À cent cinquante mètres, au pied de SON immeuble,
devant SON entrée, la Fiesta verte l'attend.
Laurent Dubreuil se retourne pour la
trente-sixième fois de la nuit.
- Tu n'arrives pas à dormir?
- Je t'ai réveillée? Excuse-moi.
- Je ne dormais pas non plus...
Anita allume la lampe de chevet à pampilles de
cristal.
- Tu penses à Moran?
- Oui... Je suis dos au mur... Il me reste quatre
possibilités... Un hold-up, pour dégoter 14 000 euros tout de
suite, et 50 000 autres avant mars...
- La deuxième possibilité est aussi géniale?
- Me flinguer...
- Arrête !
- J'ai pas de flingue... Et puis, tu sais ce que
je pense du suicide... Je ne veux pas que Nicolas et Noémie gardent
de moi le souvenir d'un déserteur... Troisième solution : déposer
le bilan et couler en silence... Ça aussi, je crois que ce serait
lâche.
- Mais pourquoi? Tu bénéficierais de dispositions
légales qui se pratiquent tous les jours. On repartirait de zéro,
on ne serait pas les premiers.
- Tu oublies Andernos.
- Oublie-le un peu, toi aussi ! Quand ton père a
donné sa caution, il était majeur et vacciné !
Il s'agite.
- Comment tu peux dire ça?
Draps et couverture bleu outremer deviennent un
amas informe entre ses grosses mains. Anita lui effleure
l'épaule.
- Je suis injuste et
méchante. Excuse-moi.
- ... Je serais un dégonflé de déposer le bilan
avant de tenter la quatrième solution.
- C'est ta banquière qui te dit ça? Je la déteste!
- Mais non, au départ, elle a proposé le dépôt de
bilan...
- Tu perdras ton temps avec Moran ! Et s'il te
donnait un coup de pouce, ce serait pour mieux t'étrangler.
Il ricane.
- À moins que ce soit moi qui l'étrangle.
- Oh, je t'en prie...
- Je veux le regarder les yeux dans les yeux, lui
dire ce que je sais, et je veux le voir se foutre de moi quand je
lui reprocherai d'avoir volé le pain de mes enfants.
- Et après... S'il se paie ta tête, qu'est-ce que
tu feras?
- ... Je le
massacre... J'en sais rien... Je verrai.
T'es pas doué pour
l'improvisation, mon pauvre Laurent... Anita se serre contre
lui. Elle pose sa tête au creux de son épaule.
- Ça me fait peur.
- Faut que je le fasse... Si je n'essaie pas, je
me mépriserai... Je ne pourrai plus regarder mon père et ma
mère.