CHAPITRE VINGT-QUATRE

 

 

Le point formé par Zêta du Triangle austral brillait comme toujours, car le terrible spectacle de sa mort n’avait pas encore traversé les années-lumière.

Le capitaine de vaisseau Sarah Meir, promue à ce grade lorsque Colin avait renvoyé l’équipage de Dahak, était assise au centre de la passerelle de commandement du planétoïde Ashar. Elle jeta un coup d’oeil autour d’elle puis fronça les sourcils au souvenir d’un passé amer : ces années obscures et pleines de désespoir, cette époque où elle et ses compagnons natifs de la Terre combattaient auprès des impériaux du Nergal contre les bouchers d’Anu. Il n’existait aucune comparaison entre jadis et maintenant… à ceci près que les journées étaient sombres à nouveau et que l’espoir se mesurait au compte-gouttes.

Mais l’optimisme était encore de mise, se rappela-t-elle, et si la témérité du plan de bataille de Colin la choquait, elle n’ignorait pas que son audace même leur donnait une chance de réussite. Sans oublier la qualité de leurs vaisseaux et de leurs effectifs restreints.

Et Dahak. On en revenait toujours à Dahak, mais quoi de plus normal ? Il les avait tous vus naître. Il était l’héritage légué à la Terre par l’Empirium en cette veille d’Armageddon. L’idée pouvait sembler un rien atavique, mais elle regardait Dahak comme leur totem, et…

« Commandant, nous venons de capter un hypersillon entrant, annonça l’officier de détection. Un énorme hypersillon. » L’ex-astronavigatrice de MacIntyre sentit un flot d’adrénaline l’envahir.

« Ne le perdez surtout pas de vue et transmettez tout de suite l’information via l’hypercom. » Elle reçut une confirmation puis s’adressa au département des machines. « Tenez-vous prêts à activer les moteurs Enchanach.

— À vos ordres, commandant. Hyperextracteur paré. Attendons votre feu vert pour le départ.

— Parfait. » Elle reporta son attention vers la détection. « Alors ?

— Nous avons les coordonnées spatiotemporelles d’émergence : dans quatre-vingt-dix-huit heures, environ à un mois-lumière en retrait par rapport à l’arrivée de l’avant-garde. »

Sarah fronça les sourcils. À leur place, elle ne serait jamais sortie de l’hyperespace à une distance si réduite des « monstres destructeurs de nid » qu’évoquaient sans nul doute les rapports de l’avant-garde ! Mais les Achuultani avaient-ils vraiment le choix ? Avec une portée de com aussi insignifiante, ils ne pouvaient faire autrement qu’émerger à proximité de l’endroit indiqué… et un écart d’un mois-lumière leur laissait amplement le temps de passer en hyper si l’ennemi pointait le bout de son nez.

Normalement, se dit-elle avec froideur, mais pas cette fois. Oh non ! pas cette fois.

« Com : prévenez le vaisseau amiral. Astronavigation : mettez le cap sur le point de rendez-vous, mais décrivez une trajectoire en jambe de chien. Je veux un relèvement croisé de la signature supraluminique. »

Les étoiles se mirent en mouvement sur le visuel et elle se détendit. D’ici quatre jours, l’incertitude prendrait fin… d’une façon ou d’une autre.

 

Le grand seigneur de l’ordre Hothan se tortilla les quatre pouces tandis que les messages de Sorkar défilaient une nouvelle fois. Il était petit pour un Protecteur, vif de corps et d’esprit. À l’époque de son noviciat, il avait été contrôlé de très près en raison d’une curiosité jugée quasi déviante. On lui avait presque refusé son titre de noblesse pour avoir remis en question l’efficacité des vaisseaux du Nid. Toutefois, même le Cerveau de guerre s’accordait à dire que ces défauts faisaient de lui un excellent stratège et un tacticien éclairé, caractéristiques qui avaient contribué à sa nomination à ce poste par le grand seigneur Tharno.

Mais les rapports de Sorkar lui inspiraient plus que de la curiosité. Il y percevait une pointe d’hystérie, émotion assez rare chez son vieux compagnon. Quoique après tout il s’agissait du secteur du démon, et Sorkar avait toujours été enclin à la superstition.

 

« Émergence confirmée et localisée, annonça Dahak. Marge d’erreur : zéro virgule zéro, zéro, zéro, zéro, vingt-neuf pour cent. »

Colin poussa un grognement et parcourut sa liste mentale une dernière fois. Dahak se trouvait à quatre-vingt-six pour cent de ses capacités ; ses autres bâtiments, à quatre-vingt-dix ou au-dessus. Les magasins débordaient de munitions, et le transfert de l’équipage squelettique du vieux planétoïde sur l’Ashar les faisait à nouveau disposer de seize unités autonomes. Ils étaient aussi prêts que possible, songea-t-il, attentif à ne pas regarder le transmat installé en vitesse à la place de la couchette et de la console de l’officier tactique.

« C’est parti, lança le commandant. Active les mouilleurs de mines.

— À vos ordres. »

Les convoyeurs téléguidés se mirent en route, accompagnés par Dahak et sa troupe de génies lobotomisés, traînant la patte en régime Enchanach à soixante c. Il n’y avait pas d’urgence.

Les transports atteignirent leurs stations, s’immobilisèrent, ajustèrent leur formation en douceur puis reprirent leur progression, cette fois à des vitesses subluminiques.

Étant donné la brièveté du premier affrontement avec l’avant-garde et les bâtiments perdus à Zêta du Triangle, Colin possédait plus de missiles de réserve que prévu. Il regrettait en quelque sorte cette chance – bien qu’il aurait beaucoup plus déploré un stock trop faible –, car chaque missile représentait trois ou quatre mines en moins pour le tonnage limité des convoyeurs. Malgré tout, ils disposaient d’un bon nombre de ces « pétards magiques », et il les regarda se répandre dans l’espace tandis que ses appareils balayaient la zone d’émergence des Achuultani à 0,4o c.

Il découvrit les dents. La Flotte utilisait rarement les mines à l’extérieur des systèmes stellaires, car il était impossible de deviner le point d’émergence d’un ennemi entre deux étoiles. Mais aujourd’hui, nul besoin de deviner : il connaissait les coordonnées en question. Une surprise de taille attendait les Achuultani.

 

Hothan s’étira une dernière fois et plia les jambes pour s’installer sur son socle de service. Avant les communiqués de Sorkar, il n’avait jamais appréhendé une émergence de routine en espace interstellaire normal. Mais aujourd’hui il se sentait troublé : tout comme le Cerveau de guerre, il ignorait comment les démons s’y étaient pris pour surprendre son collègue de l’avant-garde. En revanche, à l’instar du grand seigneur Tharno, il était bien déterminé à préserver sa flotte coûte que coûte.

Ses subordonnés avaient reçu des instructions précises avant de passer en hyper. Au moment de la translation sortante, ils seraient parfaitement prêts à combattre l’ennemi, mais si ces créatures se révélaient aussi démoniaques que Sorkar le prétendait, ces dispositions suffiraient-elles à leur donner l’avantage ? Mieux valait ne pas prendre de risques. C’est pourquoi Tharno et lui-même, avec l’accord du Cerveau de guerre, avaient abouti à une décision radicale : si les destructeurs de nid les attendaient au bout du chemin, prêts à pulvériser leurs appareils par multi-douzaines, ils prendraient la fuite dans l’hyperespace. Le Nid avait besoin de Protecteurs vivants !

Il jeta un coup d’oeil au chronomètre et consulta le Cerveau de guerre en vue d’un éventuel dernier conseil. Il n’en reçut aucun et se relaxa. Plus qu’un demi-segment de journée avant l’émergence.

 

Colin vit le signal rouge sang de l’hypersillon scintiller sur l’affichage ; les coursiers éclopés de l’avant-garde fonçaient en direction du bloc principal. Ils se retrouveraient dans une heure, puis la bataille commencerait. Une bataille sanglante, certainement plus terrible que les Achuultani et les Terriens ne l’imaginaient.

Dahak flottait au centre d’une sphère formée de cinquante-quatre gigantesques planétoïdes. Un sentiment de solitude aussi terrible que fugace envahit Colin lorsqu’il se rappela qu’il était le seul être humain au milieu de cette incroyable puissance de feu. Il se secoua. La concentration avant tout !

Le champ de mines givrait le velours noir de la tridi tel un nuage de poussière adamantine. Les transports camouflés entouraient les explosifs, immobiles, attendant de jouer leur rôle dans l’opération Laocoon. Quinze des planétoïdes de type Asgerd étaient eux aussi invisibles – même pour les scanners de Dahak, qui avait dû enregistrer leur position à l’avance. Ces bâtiments, sous le commandement de ’Tanni, formaient la réserve qui pouvait se déplacer et batailler sans le contrôle de Dahak. Mais ils représentaient plus que de simples pions sur un échiquier : ils abritaient des hommes et des femmes – des amis – dont un trop grand nombre allaient bientôt trouver la mort.

 

Hothan se contracta malgré des années de discipline et d’entraînement. Il déplorait cette incapacité à se relaxer. Mais peut-être était-ce mieux ainsi, car la tension aiguisait les réactions et…

Les relevés de la console vinrent interrompre le cours de ses pensées. Sur l’écran, une des courbes venait de décrire un pic pour le moins singulier. Pourtant, la profondeur de l’hyperespace demeurait inchangée, constituée de fréquences énergétiques bouillonnantes qui montaient et descendaient selon des schémas réguliers et normaux… Pourquoi l’ordinateur indiquait-il ces pics vertigineux ?

L’impossible se produisit à nouveau. Sur le panneau d’affichage, les pointes se succédaient, les chiffres étincelants jaillissaient de nulle part comme des coups de poignard nerveux et saccadés. Il n’avait jamais vu ça ! Une décharge d’horreur lui vrilla les nerfs.

 

Colin affichait un sourire glacial tandis que les mines commençaient à disparaître.

Les Achuultani accomplissaient des merveilles dans l’hyperespace, mais ils méconnaissaient encore certaines astuces. Rien d’étonnant, d’ailleurs, vu qu’ils étaient toujours en mode offensif. Cependant, tout comme ils avaient planifié et répété leurs attaques pendant des siècles innombrables, l’Empirium s’était préparé à sa défense, et l’Empire avait poussé le travail plus loin.

Les mines de l’Empirium ne pénétraient dans l’hyperespace que pour mieux en ressortir à une distance mortelle des vaisseaux cibles ; celles de l’Empire y entraient, repéraient l’hyperchamp actif le plus proche puis lui transmettaient une bonne partie de leur propre énergie pour augmenter son efficacité.

Une portion de ce champ était aussitôt catapultée une douzaine de fréquences plus haut et emportait avec elle la section de vaisseau concernée. Même les unités assez grandes pour se permettre de perdre un fragment de leur carcasse – et de continuer le combat dans l’espace normal – étaient éliminées avant d’émerger. Les puissantes vagues d’énergie brisaient les appareils en mille morceaux puis avalaient leurs os cassés.

Mais, malgré cette technologie, les mines impériales n’avaient qu’une faible portée et manquaient de précision dans les conditions extrêmes des hyperfréquences. Dix ou vingt de ces engins étaient nécessaires pour frapper un objectif aussi réduit qu’un champ de propulsion… Heureusement, les transporteurs de Colin avaient déversé cinq millions de ces dispositifs !

 

Hothan oublia l’étrangeté des relevés énergétiques quand le Foudroyeur émergea de l’hyperespace. Il avait des inquiétudes plus immédiates : par exemple, où se trouvait la flotte de Sorkar ? Ce dernier avait déterminé le rendez-vous, alors où était il ? Sa flotte ne pouvait pas avoir été balayée dans son intégralité ! Hothan connaissait très bien Sorkar : il aurait ravalé son orgueil et se serait enfui avant une telle catastrophe !

Mais son absence ne constituait qu’un souci parmi tant d’autres. Le grand seigneur de l’ordre jura en apercevant ceux de ses vaisseaux qui avaient déjà émergé. Suite à un mauvais calcul, plusieurs flottilles étaient en retard, provoquant par là même un grand désordre dans la formation rigoureuse planifiée par ses soins. Le moment était mal choisi pour une telle incompétence ! Il se ferait un plaisir de les…

Un moment. Avait-il bien vu ? Un objet venait de passer en hyper. Et là-bas… une nouvelle signature supraluminique ! Et une autre ! Mais que… ?

Il aboya un ordre, et la section des scanners redirigea ses instruments. À qui – ou à quoi – avait-on affaire ? Il ne s’agissait en tout cas pas des cylindres de Sorkar. Ni même d’autres vaisseaux : leur taille était trop réduite ! Et de toute façon, pourquoi des bâtiments quitteraient-ils l’espace normal juste maintenant ? Mais alors que… ?

Par le Grand Nid ! C’étaient des armes… et Sorkar était mort. Sans savoir pourquoi, il en était certain. Son homologue avait rendu l’âme. Il était tombé dans une embuscade, tout comme lui à présent ! Hothan se trouvait non pas face à des bâtiments de guerre, mais à un adversaire bien plus redoutable, et il ne pouvait que contempler ces silhouettes énigmatiques tandis qu’elles se volatilisaient devant lui… et ses formations n’arrivaient toujours pas. Horrifié, il comprit soudain à quoi étaient dus les « trous » dans sa flotte. Sorkar avait raison : ils étaient confrontés aux démons destructeurs dont parlaient les légendes !

Il combattit sa peur et prit un instant pour réfléchir. Peut-être existait-il une solution. Il distribua des ordres, et le tonnerre du Foudroyeur s’abattit sur les dispositifs qui n’avaient pas encore été enclenchés. Le feu de la Fournaise les entoura, or ils ne possédaient pas de bouclier. Ils éclatèrent par multi-douzaines. Les autres cylindres ouvrirent le feu, semant la destruction parmi les nuages d’armes meurtrières.

 

Colin fut saisi d’un sentiment de sincère respect lorsqu’il vit les ogives antimatière jaillir. Quelqu’un au sein des forces ennemies avait très vite compris de quoi il retournait. Et réagi de la seule façon possible.

Une si grande flotte ne sortait pas de l’hyperespace en un claquement de doigts. L’émergence de chaque unité devait être soigneusement synchronisée de sorte que les vaisseaux ne se heurtent pas au moment de rejoindre l’espace normal. Le commandant achuultani ne tournerait pas les talons maintenant, il n’abandonnerait pas ceux de ses bâtiments qui n’étaient pas encore arrivés. Et pour l’heure sa seule défense possible consistait à tirer sur les mines immobiles. Isolés, ses missiles causaient peu de dégâts, mais il en lâchait des milliers, ce qui lui donnait de bonnes chances de sauver le gros des troupes manquantes.

À moins qu’un événement ne le distraie de sa tâche.

 

« Alerte ! Alerte ! Missiles ennemis ! »

Hothan releva la tête, bien que la nouvelle ne le surprît pas vraiment. Il était évident que des êtres assez malins pour tendre ce piège diabolique feraient intervenir des vaisseaux lourds pour couvrir leur manoeuvre. Mais s’il avait prévu l’événement, le chef achuultani n’en était pas moins confronté à un dilemme : continuer d’abattre les mines et renoncer à la défense de ses appareils présents, ou combattre le front adverse et laisser mourir ses nichées encore en chemin ?

Il avait remarqué que seule une fraction de ces maudites armes atteignaient leur cible… Il pria le Grand Ineffable pour le salut des bâtiments encore dans l’hyperespace puis décida de répondre à l’assaut des vaisseaux ennemis… s’il s’agissait bien de vaisseaux et s’il parvenait à les localiser !

 

Adrienne Robbins regarda les premiers bâtiments achuultani partir en fumée et réprima un juron. Même le Herdan donnait l’impression de ronger son frein en attendant le feu vert de Jiltanith, mais tout avait été calculé. Ce qui n’empêchait pas le commodore d’enrager devant ces innombrables cibles qu’on lui interdisait de frapper.

 

Hothan ordonna à ses cylindres de se déployer en éventail pour mettre le grappin sur leurs bourreaux, puis sa mine s’assombrit : il était sans doute en train de commettre les mêmes erreurs que Sorkar. Quel idiot ! Il aurait dû mieux se préparer. Mais comment préméditer une défense contre un tel ennemi ? Comment braver des fantômes invisibles ?

Ses unités n’en finissaient pas d’exploser. Des multi-douzaines d’unités ! Et toujours aucune trace de l’adversaire ! Seules les traînées éphémères des missiles en approche suggéraient sa position, et les vaisseaux de tête aku’ultan allaient bientôt dépasser la portée des hypermissiles du Foudroyeur. Le front adverse se trouvait-il donc si loin ?

 

Colin surveillait les Achuultani qui s’approchaient à toute vitesse. Leur cap les menait tout droit vers la zone de destruction maximale : ils tentaient de déduire les coordonnées spatiales de Dahak sur la base des traces laissées par ses missiles meurtriers. Un courage d’autant plus effrayant qu’il provenait de créatures déterminées à exterminer l’espèce humaine.

Mais elles avaient encore du chemin à parcourir, et son bon vieux planétoïde, tel un sniper déchaîné, accumulait les victimes par centaines. Si son stock d’ogives avait été illimité, MacIntyre aurait pu reculer ad infinitum, maintenant une vitesse plus élevée que celle de ses ennemis et les arrosant de missiles depuis une distance supérieure à leur propre portée de tir. Mais il ne possédait pas assez de munitions pour arrêter un million de bâtiments et, quand bien même ce serait le cas, ils auraient tôt fait de détaler dans l’hyperespace.

S’il voulait les détruire, il fallait les disperser. Leurs armes étaient redoutables, mais de faible portée et moins performantes que les siennes prises individuellement ; elles n’entraînaient de gros dégâts qu’en regroupement serré, c’est pourquoi il devait diviser leur formation pour permettre à ’Tanni de les harceler jusqu’à la destruction. Or, pour ce faire, il devait s’approcher à portée de ses armes à énergie. Ensuite, il ne lui resterait plus qu’à dissoudre leurs rangs avec les faisceaux imparables de Dahak – qui présentaient l’immense avantage d’être inépuisables.

« Droit devant ! » ordonna-t-il d’un ton sec, et la phalange de lunes taillées dans l’acier de combat se fraya un chemin à travers les sillons de ses propres missiles.

 

Enfin ! Presque tous ses bâtiments avaient émergé. Le moment était venu de laisser son orgueil de côté et de s’enfuir. Ses escadrilles étaient épuisées et mal en point, et beaucoup de ses vaisseaux de commandement avaient été atomisés. Il lui fallait du temps pour faire le point et se réorganiser en tenant compte des armes démoniaques de ces saccageurs de nid.

 

Ils achèveront leur sortie de l’hyperespace dans vingt-sept secondes, annonça Dahak.

— Lance l’opération Laocoon, commanda Colin.

— Opération en cours. »

Les transports disposés autour du champ de mines activèrent leurs moteurs Enchanach. Aucun humain ne se tenait sur leurs passerelles de commandement, mais ce n’était pas nécessaire pour une tâche aussi simple. Ils entreprirent une série de manoeuvres supraluminiques préprogrammées qui évoquaient une mazurka endiablée : leurs positions respectives changeaient si vite et de façon si efficace qu’au moins l’un des bâtiments se trouvait toujours à chaque point cardinal d’un cercle de vingt minutes-lumière de diamètre.

Ils effectuaient leur danse sans faire de mal à personne… mais au fur et à mesure que leur ballet progressait, un étau gravitationnel se resserrait autour des forces achuultani. Telles des étoiles invisibles, ils délimitaient peu à peu un énorme espace sphérique à l’intérieur duquel le seuil de l’hyperespace ne pouvait être atteint.

 

Hothan regarda, ébahi, ses instruments. Incroyable ! Les démons étaient en train d’emprisonner une flotte entière dans les limites de l’espace normal !

Incroyable… mais vrai. En un instant, son plan de fuite avait capoté. Quelqu’un venait de parquer ses Protecteurs comme autant de qwelloq destinés à l’abattoir. Par quel tour de magie avaient-ils réussi cet exploit ?

Il lutta contre la panique et l’angoisse. Impossible de s’échapper, et les tirs ennemis se faisaient de plus en plus pressants. Les destructeurs raffermissaient leur étreinte pour porter le coup de grâce.

Mais on ne s’exposait pas aux défenses d’un qwelloq sans y laisser des plumes.

 

« As trouvé succès, mon Colin, murmura Jiltanith. Ils sont bloqués ! »

Un susurrement de joie hésitante répondit à son exclamation, mais, tout comme elle, son personnel de passerelle gardait les yeux rivés sur l’affichage tridi de Dahak II. Les mines avaient fait deux fois plus de ravages que prévu : seuls sept cent cinquante mille vaisseaux achuultani avaient émergé. La bataille s’annonçait sous les meilleurs auspices. En un sens, du moins. Car Dahak approchait le front ennemi, et bientôt débuterait une hécatombe qui engendrerait plus de pleurs que d’acclamations.

 

C’était un grand seigneur : il donnait ses ordres de manière vive et tranchante.

Plusieurs hyper-douzaines de ses vaisseaux avaient été détruits, mais il en demeurait quelques méga-douzaines. Et l’adversaire venait désormais à lui : il n’avait plus besoin de déployer ses formations pour le trouver. Un cortège de cylindres – dont la pointe, telle une comète, s’enflammait à mesure que les vaisseaux se désintégraient – continuait sa course en direction du chaos, mais le reste de la flotte commençait à se rassembler.

Il était fier de ses Protecteurs. Malgré leur terreur – sans doute aussi pénible que la sienne –, ils obéissaient à la vitesse de l’éclair. Certes, la chaîne de commandement souffrait de quelques lacunes dues à un trop grand nombre de pertes, mais ils exécutaient les ordres sans flancher.

Voilà ! Les saccageurs de nid arrivaient !

Il ravala une poussée de peur primale lorsqu’il aperçut leurs images relayées par ordinateur. Ils étaient aussi titanesques que Sorkar les avait décrits, et bien plus nombreux : au moins quatre douzaines. La flottille chargeait tête baissée, composée de bâtiments volumineux comme des lunes et barricadés derrière un rideau de tonnerres luminescents. Leurs redoutables langues de feu caressaient les contours de la flotte aku’ultan, mais son point névralgique n’avait pas encore été touché. L’ennemi, lancé à une vitesse extraordinaire, arriverait bientôt à portée des armes d’Hothan.

Il assigna des cibles, coordonna ses schémas opérationnels, puis ses effectifs bondirent en avant de façon à s’interposer entre l’armée adverse et le Foudroyeur. Il hésita à les faire s’éloigner, mais son seigneur adjoint n’était pas sorti de l’hyperespace : lui et son vaisseau devaient impérativement survivre si le Nid voulait conserver une chance de victoire.

Une mélodie retentit, et il fronça les sourcils. Un communiqué ? D’où provenait-il ?

Un vaisseau coursier apparut… Sorkar avait tenté de le prévenir ! Hélas, son messager arrivait trop tard. Une transmission ultrarapide déferla dans les puissants neurocircuits du Foudroyeur, qui la digérèrent aussitôt. Les démons approchaient encore lorsque les données jaillirent sur la console d’Hothan. Il blêmit en parcourant les relevés de ces terribles faisceaux énergétiques qui avaient provoqué… la mort d’un soleil ! Et soudain il comprit. Ils lui avaient tendu un piège aussi maléfique que celui dans lequel était tombé son homologue. Et, tout comme lui, Hothan et ses frères de nichée allaient périr. Les saccageurs ne devaient pas être très nombreux, sinon leur marteau colossal aurait compté plus d’unités, mais sa flotte n’en faisait pas moins figure de nursery en comparaison de la leur.

À aucun moment il n’envisagea la possibilité que l’ennemi se soit suicidé pour venir à bout de Sorkar. L’embuscade dont il était victime en fournissait la preuve éclatante. Ils déferleraient dans ses rangs, actionneraient leurs rayons mortels et poursuivraient la boucherie jusqu’à ce que leurs propres pertes soient trop élevées. Ensuite ils s’éclipseraient.

Un Protecteur ne craignait pas le trépas, mais la mort à cette échelle recelait une dimension d’horreur. Pas sa mort à lui, celle de sa flotte. La fin même de la Grande Visite. Même s’il survivait à cet assaut, les dommages encourus seraient incalculables, et ces créatures ne s’en tiendraient sans doute pas à une seule attaque. Sorkar avait dû combattre une douzaine de bâtiments ; Hothan, lui, faisait face à quatre douzaines d’entre eux ! Et Tarhish seul savait combien de ces immenses sphères ils possédaient encore en réserve !

Mais si son bataillon devait y passer, il ne serait pas le seul. Les mastodontes étaient à portée de tir et il aboya un ordre.

 

Le visage de Jiltanith pâlit quand les Achuultani ouvrirent le feu. La boule de flammes – résultat d’explosions d’antimatière et de leurs vagues de plasma fulgurantes – se déchira en deux au passage de Dahak. Mais derrière elle arrivaient les premiers hypermissiles, plus dangereux encore que la nuée d’ogives subluminiques. La salve, destructrice et imparable, satura la gamme d’hyperfréquences, puis se dirigea pour transpercer les boucliers des planétoïdes et percuter leurs flancs blindés.

Rigide dans sa couchette, elle maudissait son impuissance tout en observant le funeste spectacle : l’homme qu’elle aimait filait tout droit vers ce noyau incandescent… sans faire mine de dévier de sa course.

 

Dahak tremblait et tanguait sous la violence extrême qui pilonnait son bouclier. À l’intérieur de son globe, il demeurait invisible à l’ennemi. Les centaines d’ogives qui explosaient autour de lui ne représentaient que des tirs manqués, mais elles n’en perdaient pas pour autant leur puissance destructrice. Ses générateurs de rempart crissaient en signe de protestation, s’efforçant à tout prix d’écarter les missiles ravageurs. Si sa tridi ne s’était pas soudain estompée, tout l’espace de visualisation aurait été occupé par un éclat aveuglant, une brillance semblable à celle d’un halo stellaire.

Les tracteurs vissaient Colin à son siège et la sueur perlait sur son front. Les bâtiments achuultani n’étaient pas déployés de façon à encercler son escadron ; ils formaient une masse compacte qui expulsait une pluie dense et furieuse de torpilles. Aucune machine de facture humaine n’était conçue pour résister à une telle véhémence. Les rapports d’avaries affluaient par dizaines en provenance des unités de tête. Des soleils miniatures s’épanouissaient à l’intérieur des champs de force, les rongeant à petit feu jusqu’à y ouvrir une brèche.

Même Dahak aurait été incapable de fournir un compte rendu verbal d’un tel carnage. S’il avait essayé, Colin n’y aurait rien compris. De toute façon, une telle mesure n’était pas nécessaire : le commandant communiait avec son vaisseau via ses neuroémetteurs, son identité se perdait au coeur de l’immensité nébuleuse de la centrale informatique. Quant aux autres bâtiments, véritables extensions de son cerveau et de son système nerveux, ils se précipitaient dans la gueule du loup sous son commandement.

 

Hothan observa l’approche des destructeurs, incrédule devant leur fantastique résistance. Ses missiles percutaient leurs vaisseaux avec force et régularité, à tel point que ses scanners ne parvenaient plus à pénétrer les remous de plasma qui ondulaient entre les deux fronts. Personne ne pouvait survivre à une telle correction, encore moins continuer d’avancer !

Mais ces démons défiaient les lois de la probabilité. Pris dans la tourmente, ils trouvaient la force de riposter. Ses cylindres fondaient comme glace au soleil. Ils craquaient, détonaient, se ratatinaient sous l’effet des ogives gourmandes. Sorkar l’avait prévenu, et pourtant il ne…

Voilà !

 

MacIntyre tressaillit quand le planétoïde Sekr éclata en mille morceaux. Il ignorait combien de missiles la pauvre épave avait encaissés, mais elle avait fini par céder. Son hyperextracteur avait flanché, et un halo d’énergie pure tourbillonnait encore dans le vide de l’espace.

Suivirent le Trel, le Hilik puis l’Imperial Bia. Mais désormais plus rien n’empêcherait les bâtiments de Colin d’entrer à portée de leurs armes à énergie. Néanmoins, ils constituaient des cibles très vulnérables, sans liberté de mouvement aucune, sans la moindre possibilité de fuite. Car si Dahak s’était avisé de les laisser « gambader », l’effet relativiste lui aurait probablement fait perdre son contrôle sur eux. C’était là leur plus grande faiblesse : ils étaient incapables de manoeuvrer.

Maintenant !

 

Le grand seigneur Hothan grogna. Les faisceaux évoqués par les observateurs de Sorkar pulvérisaient leurs objectifs comme une flamme de bougie calcine un sulq. Il avait terrassé près d’une douzaine de vaisseaux, mais les autres chargeaient encore et ses unités étaient trop lentes pour s’échapper. Elles ne pouvaient même pas se disperser pour tenter d’esquiver les coups de bélier de l’ennemi. Il décida de mettre à contribution ses propres armes à énergie – du moins celles des cylindres qui survivaient un peu plus longtemps que les autres –, mais ces pâles copies du tonnerre ennemi ne donnèrent aucun résultat. Seuls les missiles parvenaient à blesser ces monstres, qui se trouvaient désormais si près que ses éclairs foudroyaient ses propres troupes !

Mais il n’avait pas le choix. Il se concentra sur son bloc de service, bien décidé à ne pas pleurnicher tandis que ses semblables brûlaient comme paille dans la Fournaise.

Le Cerveau de guerre réclama soudain son attention, et il jeta un coup d’oeil au panneau d’affichage.

 

« Feu à volonté ! »

La voix de Jiltanith résonna dans la com via torsion spatiale de Colin, frémissante au milieu des vibrations qui secouaient la coque de Dahak. Quinze vaisseaux supplémentaires descendirent dans l’arène. À leur façon. Ils demeurèrent camouflés et restèrent trop en retrait pour utiliser leurs rayons, mais leurs missiles fendirent l’espace jusqu’à atteindre la formation achuultani.

Lady Adrienne Robbins gronda tel un tigre affamé puis modifia légèrement la position du Herdan. En véritable artisan de la mort, elle donna libre cours à sa soif de massacre, et des cercles resplendissants irradièrent de la phalange de cylindres.

Les bâtiments non téléguidés de la garde impériale s’élancèrent afin de couvrir la progression de leurs jumeaux tandis que Dahak plongeait dans la mêlée.

 

Colin devait se retirer du maelström. Son esprit ne supportait plus le tempo enragé des perceptions et des instructions de Dahak. À partir de maintenant, il n’était plus qu’un passager à bord de cette croisière en direction de l’enfer.

De profondes blessures constellaient les flancs du planétoïde. Des nuages d’air et d’acier vaporisé zigzaguaient dans son sillon, et son quadrant arrière s’amincissait de plus en plus tandis qu’une multitude de navettes s’activaient pour réparer les dégâts. Bon sang ! ces salopards avaient du cran ! Ils ne tentaient même pas de fuir. Ils bataillaient jusqu’à la mort, cherchaient la faille, assénaient des coups fatals à l’escadron impérial. Quinze de ses unités avaient succombé, dix autres accusaient de graves dommages, mais le reste persistait tel un fleuve embrasé creusant son lit dans la formation adverse.

Les vaisseaux amiraux se trouvaient quelque part au milieu du tourbillon. Les têtes pensantes de l’ennemi. Le fil rouge qui assurait la cohésion des troupes.

 

Hothan cligna des paupières, stupéfait. Le Cerveau de guerre ne se trompait jamais, mais cette donnée était forcément erronée ! Des bâtiments de guerre télécommandés ? C’était absurde !

Les codes informationnels apparurent sur l’écran. Cette fois, il s’agissait d’un ordre, pas d’un avertissement. Une unité esseulée se trouvait à l’intérieur du groupement de démons. Sa signature énergétique différait des autres, et toutes les directives provenaient d’elle. Comment le Cerveau de guerre en était-il arrivé à cette conclusion à partir d’une marée de signaux étranges et incompréhensibles ? Hothan l’ignorait, mais si c’était exact…

 

Dahak tituba, et les lumières de commandement un vacillèrent.

Colin pâlissait à mesure que les rapports d’avaries inondaient ses neurorécepteurs. L’ennemi avait redéfini ses cibles. Il ne tirait plus sur l’arc frontal de leur phalange, mais à l’intérieur du globe ! Et l’ensemble de sa force de frappe était assignée à cette tâche !

L’escadron impérial s’était transformé en boule de feu, et Dahak se contorsionnait en son sein. Les Achuultani n’apercevaient pas le planétoïde et ne pouvaient donc pas l’atteindre directement, mais, avec une telle quantité de missiles concentrée dans une zone aussi restreinte, l’un ou l’autre finirait par faire mouche. Des langues de plasma rongeaient sa coque, poignardaient avec toujours plus d’ardeur son épiderme d’acier de combat, mais le planétoïde maintenait sa course, incapable d’esquiver. Il avait le choix entre attaquer ou battre en retraite, or il restait trop de cylindres à détruire pour considérer la deuxième option.

 

Jiltanith déglutit. Les Achuultani avaient deviné leur ruse. Sinon, pourquoi auraient-ils reconfiguré leur tactique d’assaut ? Ils bombardaient le noyau de l’escadrille ; Dahak était pris au piège. Mais leurs rangs arrière faiblissaient et leur nombre diminuait… or le vaisseau amiral devait bien se trouver parmi eux.

Dahak II abandonna son camouflage et s’immergea dans le puits de gravité de son moteur Enchanach, capable de gober aussi bien l’espace autour de lui que les autres unités de la réserve. Du moins si les appareils maintenaient une distance insuffisante entre eux au moment de sortir de l’hyperespace. Pas même les ordinateurs impériaux ne pouvaient déterminer le point exact d’émergence d’un groupe de bâtiments ni garantir que ceux-ci ne se détruiraient pas les uns les autres au moment de la translation. Tous les capitaines de ’Tanni comprirent aussitôt le risque qu’elle s’apprêtait à courir…

Et pourtant ils lui emboîtèrent le pas.

 

Colin grinça des dents. Ils n’y arriveraient jamais !

Mais soudain il écarquilla les yeux. Non ! Pourquoi… ? Ils ne devaient pas !

Mais c’était trop tard. Ils déboulèrent à plusieurs fois la vitesse de la lumière, dans une tentative désespérée et suicidaire de lui sauver la vie. Il n’osa pas les distraire maintenant. De toute façon, il n’avait plus le temps.

 

Hothan en eut le souffle coupé. D’où avaient-ils surgi ? Qui étaient-ils ?

Quinze sphères voraces jaillirent au milieu de ses vaisseaux dans un fracas de furie gravitonique. Deux d’entre elles se matérialisèrent trop près l’une de l’autre, s’entre-déchirant et emportant une supra-douzaine de ses propres bâtiments avec elles. Puis la confusion prit fin, et douze nouveaux ennemis se postèrent en face de lui. À un jet de pierre de son bâtiment ! Et des autres ! Tels de mauvais génies, ils sortirent de leurs lampes magiques et activèrent leurs faisceaux sanguinaires.

 

Douze mille humains périrent lorsque le Ashar heurta le Trelma, puis six mille de plus quand le Thrym tomba sous le feu concentré de l’ennemi. Les Achuultani avaient tout donné.

Ils avaient résisté à la charge impitoyable de Dahak, enduré les millions de pertes qu’il leur avait infligées. À présent, ils arrivaient au bout. Il leur était interdit de franchir le seuil de l’hyperespace, mais ces nouveaux monstres, eux, l’avaient largement dépassé. Tels des titans enragés, frais et sans blessures, ils dévastaient un escadron entier d’une chiquenaude énergétique.

Un de leurs rayons atteignit le Foudroyeur et sa moitié antérieure explosa.

Désormais, le réseau hiérarchique des Aku’Ultan souffrait de sérieuses déchirures. Plus de grands seigneurs, plus de Cerveau de guerre. Les subordonnés firent de leur mieux, mais, sans coordination, les diverses formations agissaient en solo. La machine à tuer si parfaitement huilée se divisa en minuscules foyers de résistance improvisés, et les planétoïdes impériaux ne tardèrent pas à en profiter.

Adrienne Robbins propulsa l’Empereur Herdan sur les traces des cylindres qui martelaient encore le globe estropié de Dahak. Le Royal Birhat assaillit l’un des flancs de la phalange ennemie, et Deux s’occupa de l’autre. Sous la pression des deux bâtiments, les Achuultani tentèrent de s’éclipser.

Ils prirent la fuite au maximum de leur puissance subluminique puis tâtonnèrent pour trouver les limites du filet gravitonique tissé par Colin. Ils s’espacèrent de plus en plus, ne parvenant bientôt plus à se protéger mutuellement. Les vieux vaisseaux de la garde impériale dotés d’un équipage, impitoyables, décidèrent eux aussi de manoeuvrer de façon individuelle. À présent que les cylindres étaient dispersés, chaque sphère avait le potentiel de détruire l’armada entière. Les forces terriennes s’élancèrent.

 

Colin s’affaissa dans sa couchette, trempé de sueur, tandis que Dahak II pénétrait à l’intérieur du globe de protection. Le visuel de commandement un se réactiva, et l’empereur se mordit la lèvre en apercevant les cratères qui constellaient les coques des appareils de ’Tanni. Puis son image apparut. Elle arborait des yeux gonflés de rage guerrière et un visage tendu.

« Imbécile ! Pourquoi avoir pris de tels risques ?

— Feut ma décision, non tienne !

— Attends seulement que je t’attrape !

— Lors je céderai à ton étreinte puisqu’as encore bras et mains pour le faire ! » répliqua-t-elle. Son expression s’adoucit tandis que son esprit digérait l’information : son mari était vivant !

« Grâce à toi, espèce de cinglée », lâcha Colin avec plus de calme. Il avait la gorge serrée.

« Nenni, amour, grâce à nous tous. Victoire a sonné, mon Colin ! Ils fuient devant nostre feu et trépassent itou. Tu as brisé leurs os, cher tendre ! Quelques milliers pourroient échapper… guère dasvantage !

— Je sais, ’Tanni, soupira-t-il. Je sais. » Il tenta d’oublier le prix à payer – il y songerait plus tard – et inspira profondément. « Donne l’ordre à nos troupes d’estropier autant d’unités ennemies que possible sans toutefois les détruire. Et demande à Hector de se pointer avec le Sevrid. »