L’été touchait à sa fin.

L’été touchait à sa fin.

Que s’était-il passé depuis le premier janvier ? Pas grand-chose vraiment. Apparemment, cette année ne risquait guère de bouleverser le cours de l’histoire, ni même celui de la Bourse. Aucun cataclysme n’avait emporté un morceau de la planète, pas la moindre guerre ne menaçait d’éclater, les pluies de saison n’avaient inondé aucune région de grand tourisme, aucune vedette de choc n’était morte durant ces quelques mois et le ciel n’avait pas même été ensanglanté par quelque spectaculaire accident d’avion. En somme, une année où l’actualité n’avait pas eu d’événement notable à se mettre sous la dent. Le tirage des quotidiens avait d’ailleurs accusé une baisse sensible depuis le mois de mars. Cela dit, la récolte avait été bonne, le temps clément, le printemps assez tardif et l’été très sec, un peu trop chaud.

Une année comme une autre, vraiment.

On arrivait pourtant en vue de cet an 2000 dont on parlait depuis si longtemps. Encore quelques années, et on doublerait le cap de ce siècle qui semblait bien avoir fait son temps, de façon assez tapageuse d’ailleurs.

Depuis 1975 cependant, les choses avaient eu quelque tendance à se stabiliser. En vingt ans le décor n’avait pas tellement changé. On avait rasé beaucoup de vieilles demeures, on avait construit beaucoup de nouveaux immeubles en perdant au change, comme si l’homme ne pensait plus qu’à remplacer le charme du passé par la laideur du futur. L’art moderne, en effet, avait des difficultés à trouver son style. L’homme non plus n’avait pas changé : il s’en allait toujours allègrement, de son pas de conquérant au petit pied, du berceau vers le tombeau, bon an mal an, molli mollo, satisfait de lui, mécontent des autres, dur à la détente, prompt à la mésentente et toujours convaincu d’être le roi des animaux et la plus noble conquête de lui-même.

Quant à la vie…

La vie, en revanche, avait subi, depuis le milieu du siècle, quelques altérations. Quelques profondes métamorphoses, si l’on préfère. Pas tellement, en réalité. Mais il suffisait de si peu : de quelques milligrammes d’un produit chimique pour faire d’un verre d’eau potable une boisson toxique.