CHAPITRE IX
Comment manipuler les garçons grâce à la psychologie
À la fin de sa journée de travail, Mma Ramotswe s’était si bien organisée qu’elle se tenait devant sa petite fourgonnette blanche au moment précis – cinq heures moins une – où les deux apprentis franchirent la porte du garage en essuyant leurs mains noires sur des chiffons fournis par Mr. J.L.B. Matekoni. Mr. J.L.B. Matekoni n’ignorait rien de la dermatose spécifique aux mécaniciens, qui avait frappé plusieurs de ses semblables au fil des ans, et il déployait des trésors de patience pour marteler la leçon dans la tête de ses apprentis. Il ne se faisait guère d’illusions sur l’efficacité de cet enseignement, bien sûr : les deux garçons se contentaient encore souvent de plonger leurs mains dans un seau d’eau tiède, mais, au moins, il leur arrivait d’avoir recours aux chiffons qu’il leur procurait et de prendre le temps de s’essuyer avec soin. Un vieux bidon était prévu pour recueillir les chiffons sales et autres détritus inhérents à la profession, mais ils n’y pensaient guère et, de l’endroit où elle se trouvait, Mma Ramotswe les vit jeter négligemment par terre les chiffons crasseux. À cet instant, l’aîné des apprentis releva la tête et l’aperçut qui les observait. Il murmura quelques mots à son compagnon et, avec précaution, tous deux ramassèrent les chiffons et se dirigèrent vers le bidon.
— Vous êtes très propres, c’est bien, leur lança Mma Ramotswe lorsqu’ils émergèrent du garage. Mr. J.L.B. Matekoni va être content.
— On allait les mettre à la poubelle, de toute façon, répliqua le plus jeune apprenti d’un ton de reproche. Vous n’avez pas besoin de nous le dire, Mma.
— Oui, dit Mma Ramotswe. Je sais. J’ai pensé que vous les aviez laissés tomber sans le faire exprès. Cela arrive parfois, non ? Je vous ai souvent vus laisser tomber des choses sans le faire exprès. Des papiers de bonbons, des sachets de chips, des journaux…
Les apprentis, qui étaient désormais parvenus à la hauteur de la petite fourgonnette blanche, contemplèrent leurs chaussures d’un air penaud. Ils n’étaient pas de taille à affronter Mma Ramotswe et ils le savaient.
— Mais je n’ai pas envie de parler de propreté avec vous, reprit Mma Ramotswe d’un ton enjoué. Je vous ai vus travailler dur aujourd’hui et je vous propose de vous ramener chez vous en voiture. Cela vous évitera d’attendre le minibus.
— C’est très gentil à vous, Mma, répondit l’aîné des apprentis.
Mma Ramotswe fit un geste en direction du siège passager.
— Monte à l’avant, Charlie, ordonna-t-elle. Tu es le plus âgé. Et toi, ajouta-t-elle en se tournant vers l’autre et en désignant l’arrière de la fourgonnette, tu te mets là. La prochaine fois, c’est toi qui seras devant.
Elle avait une vague idée des quartiers où habitaient les garçons. Le plus jeune vivait avec son oncle près de la brasserie de Francistown Road et l’autre logeait chez une tante et un oncle à Tlokweng, non loin de la ferme des orphelins. Il lui faudrait une bonne demi-heure pour les raccompagner tous les deux et les enfants allaient l’attendre à la maison, mais c’était important et elle ferait ces trajets de bon cœur.
Elle déposerait d’abord le plus jeune, contournant les abords de la ville, passant devant l’université et l’Hôtel du Soleil, puis empruntant la route de Maru-a-Pula. Là, Nyerere Drive menait à gauche, au bout d’Elephant Road, et elle redescendait sur Nelson Mandela Drive, qu’elle continuait pour sa part à appeler Old Francistown Road. Lorsqu’ils eurent traversé le lit asséché de la Segoditshane, l’aîné des apprentis la guida jusqu’à une ruelle bordée de maisonnettes bien entretenues.
— C’est ici qu’habite son oncle, dit-il en désignant l’une d’elles. Lui, il loge dans la cabane, là, sur le côté. Il y va pour dormir, mais il mange dans la maison, avec la famille.
Ils s’arrêtèrent devant la grille et le jeune apprenti sauta de la fourgonnette, avant de battre des mains en signe de gratitude. Mma Ramotswe lui sourit et lança par la fenêtre ouverte :
— Je suis contente de t’avoir épargné toute cette marche.
Puis elle lui adressa un signe d’au revoir et redémarra.
— C’est un gentil garçon, commenta-t-elle tandis qu’ils s’éloignaient. Il fera un bon mari, le moment venu.
— Ha, ha ! fit l’apprenti. Il faudra d’abord qu’une fille réussisse à l’attraper. Il court vite, vous savez. Ce ne sera pas facile pour les filles.
Mma Ramotswe fit mine d’être intéressée.
— Mais imagine qu’une jeune fille très belle et très riche s’intéresse à lui ? Que se passera-t-il ? Je suis sûre qu’il serait ravi d’épouser une fille comme ça et d’avoir une grosse voiture. Peut-être l’une de ces voitures allemandes que tu aimes tant… Que se passera-t-il dans ce cas ?
L’apprenti éclata de rire.
— Ah, moi, une fille comme ça, je l’épouse tout de suite. Seulement, ces filles-là ne regardent pas les gars comme nous. On est juste des apprentis mécaniciens, vous savez. Les filles comme ça veulent des gars qui viennent de familles riches ou qui ont un très bon métier. Des comptables. Des gens comme ça. Nous, on a les filles ordinaires.
Mma Ramotswe fit claquer sa langue.
— Ah bon ? C’est triste. C’est dommage que tu ne saches pas comment faire pour attirer des filles plus séduisantes. C’est vraiment dommage.
Elle s’interrompit un instant, avant d’ajouter, presque en aparté :
— Remarque, je pourrais te l’expliquer…
L’apprenti posa sur elle un regard incrédule.
— Vous, Mma ? Vous pourriez m’expliquer comment on attire ce genre de filles ?
— Bien sûr, répondit Mma Ramotswe. Je suis une femme, non ? Et j’ai été une fille. Je sais comment raisonnent les filles. Ce n’est pas parce que je suis un peu plus vieille maintenant et que j’ai arrêté de regarder les garçons dans la rue, que j’ai oublié comment raisonnent les filles…
L’apprenti haussa un sourcil.
— Alors dites-moi, la pressa-t-il. Dites-moi ce secret.
Mma Ramotswe demeura silencieuse. Maintenant, songea-t-elle, le plus difficile l’attendait. Elle devait s’assurer que l’apprenti la prendrait au sérieux, ce qui signifiait qu’il ne fallait pas lâcher l’information trop tôt.
— En fait, je ne sais pas si je dois t’expliquer, déclara-t-elle. On ne peut pas dévoiler ça à n’importe qui. Si je le dis, ce sera à un homme qui sera très gentil avec les filles en question. Ce n’est pas parce qu’elles sont riches et belles qu’elles n’ont pas de sentiments. Peut-être vaut-il mieux que j’attende encore quelques années avant de t’en parler.
Le sourire de l’apprenti disparut et il fronça les sourcils.
— Une fille comme ça, je serais très gentil avec elle, affirma-t-il. Vous pouvez compter sur moi, Mma.
Mma Ramotswe se concentra sur la conduite. Il y avait un vieil homme à bicyclette devant eux, un chapeau cabossé sur la tête et une poule attachée sur le porte-bagages. Elle ralentit et le doubla avec précaution.
— Cette poule effectue son dernier voyage, dit-elle. Il doit l’apporter à quelqu’un qui la mangera au dîner.
L’apprenti jeta un coup d’œil derrière lui.
— C’est le sort de toutes les poules, fit-il remarquer. Elles sont là pour ça.
— Peut-être qu’elles ne pensent pas la même chose que toi ? objecta Mma Ramotswe.
L’apprenti se mit à rire.
— Mais les poules ne pensent pas ! Elles ont une toute petite tête. Il n’y a pas la place pour un cerveau dans un poulet.
— Qu’y a-t-il dans leur tête, alors ?
— Juste du sang et un peu de viande, répondit l’apprenti. J’ai vu. Il n’y a pas de cerveau.
Mma Ramotswe hocha la tête.
— Ah… fit-elle.
Il ne servait à rien d’argumenter avec ce garçon sur des questions comme celle-ci. Généralement, il s’obstinait à penser qu’il avait raison, même si ce qu’il disait était dénué de fondement.
— Mais c’est quoi, ce truc sur les filles ? insista l’apprenti. Vous pouvez me le dire, Mma. C’est vrai que je parle beaucoup des filles, mais je suis toujours gentil avec elles. Demandez à Mr. J.L.B. Matekoni. Il a vu comme je les traite bien.
Ils approchaient maintenant de Tlokweng Road et Mma Ramotswe estima que son passager était mûr à point. Elle avait éveillé son attention et, à présent, il l’écouterait.
— Bon, d’accord, commença-t-elle. Je vais te donner le moyen infaillible de réussir. Pour attirer l’attention de ces filles riches et séduisantes, il faut que tu deviennes célèbre. Si tu es célèbre, si tu as ton nom dans les journaux, ces filles ne pourront plus te résister. Regarde autour de toi et demande-toi quel genre d’hommes sort avec ce genre de femmes. C’est toujours ceux dont on parle dans les journaux. Ils sortent tous avec des filles comme ça.
L’apprenti afficha un air abattu.
— Ça, dit-il, ce n’est pas une bonne nouvelle pour moi. Jamais je ne serai célèbre. Jamais on ne parlera de moi dans les journaux.
— Pourquoi ? s’étonna Mma Ramotswe. Tu baisses les bras avant même d’avoir commencé !
— Parce que personne n’écrira jamais d’article sur moi, rétorqua l’apprenti. Je suis un inconnu. Je ne vais pas devenir célèbre.
— Mais regarde Mr. J.L.B. Matekoni ! contra Mma Ramotswe. Regarde-le. Il était dans les journaux aujourd’hui. Maintenant, il est célèbre.
— C’est différent, répliqua l’apprenti. Il était dans les journaux parce qu’il va sauter en parachute.
— Mais toi aussi, tu peux le faire ! s’exclama Mma Ramotswe comme si l’idée venait à l’instant de l’effleurer. Si tu décidais de sauter d’un avion, tu serais dans les journaux et les filles séduisantes te remarqueraient aussitôt. Elles seraient toutes après toi. Moi, je sais comment fonctionnent ces filles-là.
— Mais… commença l’apprenti.
Il n’acheva pas.
— Je t’assure que c’est vrai ! enchaîna Mma Ramotswe. Il n’existe rien au monde, rien, qu’elles apprécient plus que la bravoure. Si tu sautes d’un avion – peut-être à la place de Mr. J.L.B. Matekoni, d’ailleurs, parce qu’il doit être un peu trop vieux pour le faire –, c’est toi qui bénéficieras de toute l’attention. Je te le garantis. Ces filles seront en bas, à t’attendre. Tu pourras faire ton choix. Choisir celle qui a la plus grosse voiture.
— Et si elle a la plus grosse voiture, déclara l’apprenti en souriant, elle doit aussi avoir les plus grosses fesses. Il faut une grosse voiture pour installer des grosses fesses. Une fille comme ça, ce serait vraiment chic !
En temps normal, Mma Ramotswe n’aurait jamais laissé passer une telle remarque sans envoyer une repartie cinglante, mais, cette fois, elle se contenta de sourire.
— Cela me paraît très simple, dit-elle. Tu sautes, tu as la fille. C’est sans danger.
L’apprenti réfléchit un instant.
— Mais… et ce type de la Botswana Defence Force ? Celui dont le parachute ne s’est pas ouvert ?
Mma Ramotswe secoua la tête.
— Tu te trompes, Charlie, assura-t-elle. Son parachute se serait ouvert s’il avait tiré sur la corde. Tu as dit toi-même qu’il avait dû s’endormir. Il n’y avait aucun problème avec son parachute, tu sais. Toi, tu es plus intelligent que lui. Tu ne vas pas oublier de tirer sur la corde.
L’apprenti réfléchit de nouveau.
— Et vous croyez qu’on parlera de moi dans les journaux ?
— Évidemment ! Je demanderai à Mma Potokwane de s’en occuper. Elle fournit toujours des sujets d’articles sur la ferme des orphelins. Elle leur dira de mettre une grande photo de toi en première page. Les filles dont on vient de discuter seront obligées de la voir.
Mma Ramotswe ralentit. Un petit groupe d’ânes s’était aventuré sur la route devant eux pour s’immobiliser en plein milieu, regardant la fourgonnette blanche comme s’ils voyaient une voiture pour la première fois. Elle arrêta le véhicule avec un coup d’œil furtif à l’apprenti. La psychologie, pensa-t-elle. Voilà comment on appelait cela de nos jours, mais, pour elle, il s’agissait d’une science beaucoup plus ancienne ; un savoir de femmes. C’était la connaissance de la façon dont les hommes se comportaient et de la méthode pour les persuader de faire une chose, si l’on savait comment aborder la situation. Elle n’avait pas menti à l’apprenti : il existait des filles qui seraient impressionnées par un jeune homme assez courageux pour sauter en parachute et qui avait sa photographie dans les journaux. Si les hommes étaient eux-mêmes préparés à user de psychologie, ce qui n’était généralement pas le cas, ils parviendraient eux aussi à amener les femmes à faire ce qu’ils voulaient. Alors peut-être était-il préférable qu’ils restent de mauvais psychologues. Pour manipuler les femmes, les hommes en appelaient à leur compassion, ou au sentiment de culpabilité. Bien sûr, ils ne le faisaient pas consciemment, mais ils parvenaient à leurs fins.
L’apprenti se pencha par la vitre et invectiva les ânes, qui le regardèrent d’un œil torve avant de se remettre lentement en marche pour libérer le passage. Puis, se rasseyant sur son siège, il se tourna vers Mma Ramotswe.
— Je crois que je vais sauter, Mma, déclara-t-il. Je crois que c’est bien d’aider la ferme des orphelins. Nous devons tous faire quelque chose.
Lorsque Mma Ramotswe atteignit Zebra Drive, la nuit tombait déjà. Le camion de Mr. J.L.B. Matekoni était garé sur le côté de la maison, à la place qu’elle lui avait attribuée, et, comme à son habitude, elle immobilisa la petite fourgonnette blanche près de la porte de la cuisine. On avait allumé la lumière à l’intérieur et des voix lui parvenaient. Sans doute se demandait-on où elle pouvait bien être. Les enfants devaient avoir faim.
À peine entrée dans la cuisine, elle retira ses chaussures. Motholeli coupait des carottes en rondelles sur la table, assise dans son fauteuil roulant, tandis que Puso remuait le contenu d’une marmite qui chauffait sur la cuisinière. Debout derrière lui, Mr. J.L.B. Matekoni ajoutait du sel dans le plat.
— Ce soir, c’est nous qui préparons le dîner, déclara ce dernier lorsqu’il la vit. Tu peux aller t’asseoir et mettre tes pieds sur le tabouret. Nous t’appellerons quand tout sera prêt.
Mma Ramotswe poussa un petit cri de joie.
— Quelle bonne surprise ! s’exclama-t-elle. Je suis très fatiguée…
Elle gagna le salon et se laissa tomber dans son fauteuil favori. Même si les enfants aidaient toujours à la cuisine, il était inhabituel qu’ils préparent le repas entier. L’idée devait venir de Mr. J.L.B. Matekoni, songea-t-elle, et cette pensée la remplit de gratitude envers cet homme qui prenait l’initiative de faire la cuisine. La plupart des maris s’y refusaient fermement, estimant qu’ils ne pouvaient s’abaisser à accomplir la moindre tâche ménagère, mais Mr. J.L.B. Matekoni était différent. On eût dit qu’il savait ce que cela signifiait d’être une femme et d’avoir à préparer des repas une vie durant, d’être confronté à une procession de marmites et de casseroles qui s’allongeait devant soi à l’infini. Les femmes, elles, en avaient pleinement conscience et elles rêvaient souvent de cuisine et de poêles à frire, mais, pour une fois, il y avait là un homme qui semblait comprendre ces choses.
Lorsqu’elle prit place à table une demi-heure plus tard, Mma Ramotswe regarda avec fierté Mr. J.L.B. Matekoni et Puso apporter les assiettes bien garnies et les disposer devant chaque convive. Alors, les yeux pieusement baissés sur la nappe, elle dit le bénédicité comme elle le faisait toujours avant le repas.
— Puisse le Seigneur poser un regard bienveillant sur le Botswana. Et à présent, remercions-le pour toutes ces bonnes choses que nous avons dans nos assiettes et qui ont été si bien préparées.
Elle marqua un temps d’arrêt. Il y avait d’autres bénédictions à réciter, mais elle estima que ces paroles suffiraient ; et comme tout le monde avait faim, elle donna le feu vert.
— C’est très bon, commenta-t-elle après avoir avalé la première bouchée. Je suis ravie d’avoir d’aussi bons cuisiniers juste là, sous mon toit.
— C’est Mr. J.L.B. Matekoni qui a eu l’idée de préparer le repas, expliqua Motholeli. Peut-être qu’il pourrait ouvrir un Tlokweng Road Speedy Restaurant.
Mr. J.L.B. Matekoni se mit à rire.
— Non, c’est impossible. Moi, je ne suis bon qu’à réparer les voitures. C’est tout ce que je sais faire.
— Non, tu sais aussi sauter en parachute, objecta Motholeli. Tu en es capable. On en a parlé à l’école.
Le silence s’installa tout à coup et il sembla qu’un nuage passait sur les convives. La fourchette de Mr. J.L.B. Matekoni s’était immobilisée à mi-chemin entre son assiette et sa bouche, et le couteau de Mma Ramotswe avait cessé de couper le gros morceau de potiron auquel il s’était attaqué. Mma Ramotswe considéra Mr. J.L.B. Matekoni, qui soutint quelques instants son regard, avant de se détourner.
— Ah, cette histoire ? dit enfin Mma Ramotswe. En réalité, il s’agit d’une erreur. Au début, Mr. J.L.B. Matekoni était décidé à sauter en parachute, c’est vrai, mais finalement, Charlie, l’apprenti du garage, a proposé de le remplacer. J’en ai déjà parlé à Mma Potokwane et elle est très contente de ce nouvel arrangement. Elle a dit qu’elle était sûre que Mr. J.L.B. Matekoni voudrait bien donner sa chance à ce garçon, et j’ai promis de lui demander ce qu’il en pensait.
Tous les regards convergèrent vers Mr. J.L.B. Matekoni, dont les yeux s’étaient agrandis de surprise à mesure que Mma Ramotswe parlait.
— Alors ? reprit celle-ci en se remettant à couper son potiron. Que veux-tu faire, Mr. J.L.B. Matekoni ? Es-tu d’accord pour laisser sa chance à ce garçon ?
Mr. J.L.B. Matekoni leva les yeux et contempla le plafond.
— Je pourrais, oui, j’imagine… répondit-il.
— Parfait. C’est vraiment généreux de ta part. Charlie va être très content.
Mr. J.L.B. Matekoni sourit.
— Ce n’est rien, assura-t-il. C’est normal.
Ils poursuivirent leur repas. Mma Ramotswe trouva Mr. J.L.B. Matekoni en pleine forme : il lança plusieurs remarques amusantes sur les événements du jour, dont une plaisanterie sur une boîte de vitesses qui les fit éclater de rire, mais que personne ne comprit. Puis, une fois la table débarrassée et les enfants partis se coucher, Mr. J.L.B. Matekoni se leva de sa chaise et vint se poster devant Mma Ramotswe pour lui prendre la main.
— Tu es quelqu’un de vraiment bon, Mma Ramotswe, déclara-t-il. J’ai beaucoup de chance d’avoir trouvé une femme comme toi. Je mène une vie très heureuse maintenant.
— Et moi aussi, j’ai une vie très heureuse, répondit Mma Ramotswe.
Finalement, elle n’allait pas devenir veuve et elle avait réussi à présenter les choses de telle sorte que la décision avait semblé venir de lui. C’était ce qu’aimaient les hommes – elle en était convaincue. Alors pourquoi ne pas les laisser penser qu’ils agissaient comme bon leur semblait, au moins de temps en temps ? Elle ne voyait aucune raison de les contrarier sur ce plan.