32

Le cauchemar de Pony

Les quatre compagnons déambulèrent durant plus de une heure, le rôdeur marquant soigneusement les murs à chacune des nombreuses intersections de ce labyrinthe de couloirs oubliés. Il leur fallut enfoncer une porte à la hache, puis démanteler une barrière de briques, avant de trouver enfin un endroit que Jojonah reconnaisse.

— Nous nous trouvons près du cœur de l’abbaye, expliqua-t-il. La carrière se situe plus au sud, ainsi que les cryptes et l’ancienne bibliothèque. Les premiers moines résidaient dans ces couloirs, au nord. C’est là que Markwart a fait aménager les cachots.

Sans qu’on l’y invite, le maître ouvrit la marche d’un pas tranquille et silencieux.

Peu après, Elbryan éteignit la torche car le vacillement d’une flamme apparaissait au loin.

— Les cellules commencent ici, expliqua le maître.

— Gardées ? demanda le rôdeur.

— C’est possible. Il se pourrait également que le père abbé ou l’un de ses dangereux laquais soit justement en train d’interroger les prisonniers.

Elbryan fit signe à Juraviel de vérifier cette possibilité. L’elfe s’éloigna et revint un moment plus tard en annonçant que deux jeunes moines montaient tranquillement la garde dans la lumière qu’ils avaient aperçue.

— Ils ne se méfient pas, dit-il.

— Ils n’auraient aucune raison, ici, souligna le vieux moine, confiant.

— Restez là, lui conseilla Elbryan. Il ne faut pas qu’on vous voie. Pony et moi allons faire le ménage. (Jojonah posa une main inquiète sur le bras du rôdeur.) Personne ne sera tué, assura-t-il.

— Ce sont des guerriers entraînés, prévint le maître.

Mais le rôdeur ne l’écoutait plus. Il avançait déjà, Pony et Juraviel à ses côtés.

Alors qu’ils approchaient, il passa en tête et posa un genou au sol en coulant un regard derrière le mur de terre.

Les deux frères étaient là. L’un s’étirait en bâillant. L’autre, lourdement adossé à la paroi, somnolait à moitié.

Le rôdeur se matérialisa subitement entre eux. Un coup de coude cloua plus sûrement encore le second moine au mur pendant qu’un revers jetait le premier par terre alors même qu’il rouvrait les yeux en commençant à protester. L’Oiseau de Nuit, pivotant vers celui qui s’effondrait lentement le long de la paroi, le prit à bras-le-corps pour le retourner et le plaquer au sol, tandis que Pony et Juraviel s’occupaient de l’autre, trop sonné par le coup puissant pour offrir la moindre résistance. Ils les ligotèrent à l’aide de fin cordage elfique, les bâillonnèrent et leur bandèrent les yeux avec leur propre robe, puis le rôdeur les traîna dans un passage obscur.

Quand il revint, Jojonah avait rejoint le groupe et Pony se tenait devant une porte. Dès que Jojonah lui avait indiqué qu’il s’agissait de la cellule de Pettibwa, la jeune femme s’était approchée avec la ferme intention de l’enfoncer. Mais elle ne le pouvait plus.

La puanteur, pareille à celle qu’elle avait connue à Dundalis bien des années auparavant, ne lui laissait aucun doute.

Elbryan fut près d’elle en un instant et la soutint alors qu’elle soulevait le loquet et qu’elle poussait la porte.

La lumière de la torche s’évasa dans la cellule immonde. Pettibwa gisait là, au milieu de ses propres déchets. La peau de ses gros bras pendait, flasque. Son visage était livide, boursouflé. Pony avança, chancelante, et tomba à genoux devant elle. Elle voulut l’enlacer, mais le corps était raide. Alors elle posa la tête sur celle de sa mère et se mit à pleurer.

Elle n’avait jamais ressenti que de l’amour pour cette femme qui l’avait guidée jusqu’à l’âge adulte, qui lui avait tant appris sur les sentiments et la vie, et sur la générosité, car à l’époque, Pettibwa n’avait aucune raison de prendre sous son aile la petite orpheline. Pourtant, elle l’avait pleinement acceptée dans sa famille, en lui témoignant autant d’amour et de soutien qu’à son propre fils, ce qui n’était pas peu dire.

Et maintenant, elle était morte à cause de cette bienveillance. Elle était morte, parce qu’elle avait fait preuve de bonté envers une enfant sans famille, et servi de mère à la femme que l’Église taxait de hors-la-loi.

Elbryan serra Pony contre lui en tentant de l’aider à dominer ses émotions tourbillonnantes, si nombreuses… la culpabilité et la peine, la tristesse, perçante, le vide, colossal.

— J’ai besoin de lui parler ! répétait la jeune femme entre deux sanglots étranglés. J’ai besoin…

Son amant tenta de la réconforter, de l’apaiser, mais lui saisit le bras quand elle tendit la main vers la Pierre d’âme.

— Elle est partie depuis trop longtemps, dit-il doucement.

— Je peux arriver à trouver son esprit, à lui dire au revoir… !

— Pas ici, murmura-t-il. Pas maintenant.

Pony renâcla, mais finit, d’une main tremblante, par ranger la Gemme dans sa pochette, près de laquelle sa main demeura, toutefois.

— Je dois lui parler, répéta-t-elle avec plus de force, en se penchant sur le corps de sa seconde mère pour lui murmurer ses adieux.

Juraviel et Jojonah se tenaient dans l’encadrement de la porte. Le moine épouvanté n’était guère surpris de voir que la femme n’avait pas survécu au courroux de Markwart. Il était déchiré à l’idée qu’un membre de son Ordre – pire encore, que son chef même – ait pu faire une telle chose à cette pauvre innocente.

— Où se trouve l’autre humain ? lui souffla Juraviel.

Jojonah lui désigna la cellule suivante d’un mouvement de la tête. Ils s’y rendirent promptement, découvrant Graevis pendu, la chaîne encore au cou.

— Il s’est enfui comme il a pu, commenta sombrement le moine.

Juraviel se dirigea droit sur le corps et le dégagea de ses liens. Le cadavre rigide se tordit bizarrement en tombant sur la longueur de la chaîne, mais l’elfe songeait qu’il valait mieux que Pony le voie ainsi, plutôt que dans sa posture mortelle.

— Elle a besoin de rester seule, leur expliqua Elbryan en les rejoignant.

— C’est un coup dur, admit Juraviel.

— Où est Bradwarden ? demanda sévèrement le rôdeur au vieux maître. (Jojonah, dévoré par la culpabilité, recula d’un pas. Elbryan saisit immédiatement son horreur et posa une main réconfortante sur son épaule large.) C’est difficile pour nous tous.

— Le centaure se trouve plus loin dans le couloir.

— S’il est encore en vie, objecta l’elfe.

— Nous y allons, lui dit le rôdeur en faisant signe au maître de le conduire. Toi, reste avec Pony. Protège-la d’éventuels ennemis et de son désarroi.

Juraviel accepta d’un hochement de tête et alla rejoindre la jeune femme tandis qu’Elbryan et Jojonah remontaient silencieusement le couloir. Doucement, il lui annonça que Graevis était mort, et la tint dans ses bras quand les sanglots la submergèrent de nouveau.

Le maître guida Elbryan d’une intersection à l’autre. Passant le dernier coude, ils atteignirent un endroit, obscur à l’exception d’une flaque de lumière projetée par une torche, où se trouvaient deux portes. La première était sur leur gauche, l’autre au bout du couloir.

— Vous croyez que c’est fini, mais ça ne fait que commencer ! cria soudain une voix d’homme, suivie d’un claquement sec et d’un grondement sourd de bête sauvage.

— C’est le frère Francis, expliqua le maître. L’un des sous-fifres de Markwart.

Le rôdeur entreprit de se diriger vers le fond. Mais il s’immobilisa rapidement, pendant que Jojonah se coulait dans l’ombre, en voyant s’ouvrir la porte de gauche.

Le moine, un homme à l’air revêche qui devait avoir son âge, sortit de la cellule, un fouet à la main. Avisant l’inconnu impassible au milieu du couloir, il se figea, les yeux écarquillés.

— Où sont les gardes ? demanda-t-il. Et qui êtes-vous ?

— Un ami d’Avelyn Desbris, répondit sombrement Elbryan d’une voix forte. Et de Bradwarden.

— Ah ça, par tous les dieux, elle est bien bonne ! tonna-t-on dans la cellule. (Le guerrier fut enchanté d’entendre de nouveau la voix du centaure.) Ah-ah, stupide Francis, et qui c’est-y qui va payer maintenant ? !

— Silence ! lança-t-il par-dessus son épaule.

Il se frotta les mains et déroula le fouet sur toute sa longueur alors que le rôdeur avançait d’un pas, sans toutefois prendre la peine de tirer son épée.

Francis leva son arme, menaçant.

— Cette seule amitié vous marque comme un hors-la-loi ! dit-il d’un ton qui s’efforçait au calme, mais où perçait toutefois une note de nervosité.

Le rôdeur, conscient de cet effort, se souciait peu de savoir si l’autre était confiant ou non. À la seule idée que cet individu vienne à l’instant de lever cette discipline sur son ami, ses sensibilités bouillonnèrent et le projetèrent dans son état d’esprit guerrier. Il avança encore.

Le frère plia le bras sans faire claquer le fouet, mais s’agita, visiblement mal à l’aise, en regardant derrière lui aussi souvent que devant.

L’Oiseau de Nuit chargea.

Francis, pris de panique, tenta cette fois d’utiliser son arme, mais son adversaire remonta vivement jusqu’à lui en repoussant simplement l’objet de la main. Désespéré, le moine lui jeta brusquement le fouet avant de tourner les talons pour se jeter sur la poignée de la porte du fond. Celle-ci s’ouvrit d’une trentaine de centimètres avant que la main de l’Oiseau de Nuit arrête le mouvement, et la claque avec une force incroyable.

Sentant une brèche dans les défenses de l’inconnu, Francis fit subitement volte-face et lança un direct du droit vers ses côtes exposées.

Mais tandis que le rôdeur retenait la porte de la main droite, il dressa la gauche devant lui à la perpendiculaire. Dans un minutage parfait, il se décala légèrement, repoussant de cette main le poing de Francis qui vint frapper le vide en l’effleurant à peine, puis il chassa le gauche subséquent pour l’envoyer, inoffensif, sous son bras droit levé.

Francis tenta rapidement d’enchaîner sur un autre droit, mais le guerrier le dévia encore. Seulement, cette fois, il accompagna le mouvement en maintenant le contact entre ses doigts levés et le bras de l’ennemi, à qui tout cela parut trop simple, trop lent. Effectivement, le tempo changea. L’Oiseau de Nuit referma prestement la main sur le poignet du frère et le lui jeta en travers du corps. Puis, couvrant son poing de la dextre, il tira violemment vers le bas avec cette même force, sûre et terrifiante.

Francis, titubant de côté, eut le souffle coupé par un direct du gauche qui s’écrasa contre son flanc, un coup incroyablement brutal compte tenu des quinze centimètres que le poing parcourut. Le jeune frère rebondit durement contre la porte et tenta de retrouver l’équilibre, mais l’Oiseau de Nuit, qui lui tenait toujours le poing, glissa subitement le bras sous le sien. Le mouvement soudain, et l’angle si étrange, provoquèrent un sourd craquement d’os au niveau de son coude. La douleur l’envahit. Son bras cassé fut jeté en l’air alors qu’il retombait contre la porte, et l’immense rôdeur, fondant sur lui, le plia en deux d’un direct du droit à l’estomac puis d’un uppercut du gauche à la poitrine qui le souleva littéralement du sol.

Une furie dévastatrice s’abattit alors sur le moine, gauche, droite, en succession rapide, le jetant dans les airs ou contre la porte.

Le combat se termina aussi brusquement qu’il avait commencé. L’Oiseau de Nuit recula d’un pas, laissant le frère plié en deux, une main sur le ventre, l’autre pendant mollement. Celui-ci leva les yeux à temps pour voir arriver le crochet circulaire du gauche qui le saisit à la mâchoire et le fit tournoyer sur lui-même avant de s’effondrer à plat dos sur le sol.

Pour Francis, le monde ne fut plus qu’un tourbillon d’obscurité. Quelque part, très loin, il entendit : « Ne le tuez pas ! »

L’Oiseau de Nuit, ne souhaitant pas que sa voix soit reconnue, fit immédiatement taire le maître, mais il se détendit en étudiant sa victime de plus près. Francis s’était évanoui. Il lui rabattit rapidement sa capuche sur la tête et pria Jojonah de l’attacher pendant qu’il s’élançait dans la geôle du centaure.

— T’en as mis du temps à m’trouver ! lança Bradwarden d’un ton joyeux.

Elbryan fut transporté de joie en découvrant que son ami était bien en vie, et en meilleure santé qu’il aurait pu l’espérer.

— C’est l’brassard, expliqua-t-il. Ça, c’est d’la bonne magie !

Elbryan courut à lui et l’étreignit. Mais, en se souvenant que le temps jouait contre eux, il se tourna très vite vers les chaînes.

— J’espère que t’as trouvé la clé, passque tu risques pas d’les casser !

Plongeant la main dans sa poche, Elbryan en tira le paquet de gel rouge et en barbouilla les quatre fers.

— Oh, t’as encore de ce truc que t’as utilisé à Aïda ? se réjouit le centaure.

— Nous devons nous dépêcher, intervint Jojonah en entrant dans la pièce.

En le voyant, Bradwarden entra dans une crise, mais Elbryan lui expliqua rapidement que ce n’était pas un ennemi.

— Il était avec ceux-là qui m’ont ramassé à Aïda et qui m’ont fichu ces fers aux pattes !

— Oui, et avec « ceux-là qui » entendent bien te sortir de ces chaînes ! rétorqua immédiatement le rôdeur.

Bradwarden se radoucit.

— Ah, c’est vrai. En plus, c’est lui qui m’a rendu mes tuyaux pour la longue route.

— Je ne suis pas votre ennemi, noble Bradwarden, affirma Jojonah dans une révérence.

Le centaure hocha la tête puis cilla d’un air perplexe en sentant son bras droit se décrocher du mur. Elbryan, Tempête en main, s’apprêtait à frapper la chaîne qui retenait sa jambe arrière droite.

— Bonne épée, remarqua-t-il.

Il suffit d’un coup pour que sa jambe soit libre.

 

— Va voir si Elbryan a besoin d’aide.

Pony, toujours agenouillée près du cadavre de Pettibwa, redressa résolument le dos.

— J’en doute, répondit Juraviel.

Pony respira profondément.

— Moi aussi.

L’elfe comprit qu’elle souhaitait être seule. Il constata qu’elle avait de nouveau plongé la main dans sa pochette. La chose était assurément alarmante, mais, au final, il comprit qu’il devait lui faire confiance. Il déposa un baiser sur sa tête et quitta la cellule, sans trop s’éloigner toutefois, pour monter une garde vigilante dans le couloir à la lueur de la torche.

Pony tenta péniblement de garder le contrôle. Elle posa une main sur la joue enflée de Pettibwa, la caressa doucement, avec amour, et il lui parut que la défunte femme s’installait plus confortablement, que la pâleur mortelle devenait moins évidente.

Mais alors, elle sentit quelque chose. Une bouffée. Un chatouillement. Troublée, elle se demanda si, dans son désir de contacter Pettibwa, elle n’était pas malgré elle tombée dans le pouvoir de l’hématite qu’elle serrait dans son poing. Elle ferma les yeux et tenta de se concentrer. C’est alors qu’elle les vit, ou crut les voir. Trois esprits, dont celui d’un vieil homme, qui s’élançaient dans la pièce.

Pettibwa, Graevis et Grady ?

Le fait surprit Pony autant qu’il l’intrigua. Mais comme elle ne comprenait pas, elle s’effraya et interrompit sagement la connexion. Lorsqu’elle rouvrit les yeux, Pettibwa la regardait.

— Quelle peut bien être cette magie ? marmonna la jeune femme.

S’était-elle inconsciemment plongée avec tant de force dans la Pierre d’âme qu’elle était parvenue à attraper l’esprit désincarné de Pettibwa ? Ce genre de résurrection était-il seulement possible ?

Elle obtint la terrible réponse lorsque les yeux de sa mère adoptive se mirent à brûler d’un feu démoniaque et que son visage se tordit dans un grondement guttural.

La jeune femme s’assit sur les talons, trop confuse, trop submergée pour réagir. Son horreur grandit encore en voyant les dents du cadavre s’allonger pour devenir des crocs pointus. Le corps s’assit, trop brusquement, et les bras rondelets se dressèrent à une vitesse folle pour refermer des mains d’une force surhumaine sur sa gorge. Horrifiée, Pony se débattit violemment, tenta de faire levier de toutes les façons possibles, sans parvenir à se détacher de la poigne puissante du démon.

Mais soudain, Juraviel était là, abattant violemment sa fine épée sur l’avant-bras bouffi de Pettibwa, déchirant, lacérant, laissant couler le sang et le pus.

 

Elbryan s’apprêtait à trancher la dernière chaîne quand le cri de Pony lui parvint. Il donna un puissant coup d’épée, tourna les talons et atteignit la porte avant même que la chaîne ait touché le sol. Suivi de Jojonah, il passa le virage à toute allure, entendit l’agitation qui provenait de la cellule de Graevis, et ouvrit la porte d’un coup de pied.

Et là il se figea, stupéfié. Le corps animé s’était lui-même dévoré le poignet encore enchaîné et approchait, libre à présent, en levant son bras amputé dans un geyser de sang.

Elbryan brûlait de rejoindre Pony – plus que tout au monde, il voulait être près d’elle. Mais il ne pouvait pas partir, et il fut soulagé d’entendre Jojonah s’élancer derrière lui vers la prison de Pettibwa. Tempête se leva, et le rôdeur chargea la créature démoniaque qu’il rencontra de front, sans tenir compte du jet d’hémoglobine et frappant vicieusement les bras tendus vers lui.

 

— Maman ! C’est ma maman ! geignait Pony, recroquevillée contre le mur tandis que Juraviel combattait la créature.

La jeune femme savait qu’elle devrait se joindre à lui, ou utiliser les Gemmes, l’hématite, peut-être, pour forcer cet esprit maléfique à quitter le corps de Pettibwa. Mais elle n’arrivait pas à agir, ne parvenait pas à surmonter l’horreur de la voir, elle, sa mère adoptive, dans cet état.

Elle s’efforça de retrouver un minimum de calme en se répétant que si elle parvenait à tomber dans la Pierre d’âme, elle découvrirait peut-être ce qu’était cette monstruosité. Toutefois, avant même qu’elle ait pu faire le geste, Juraviel se lança puissamment en avant et planta son épée entre les bras tendus du monstre, en plein dans le cœur. Pony fut pétrifiée.

Le démon se mit à rire, hystérique, et frappa la main de l’elfe pour le forcer à lâcher la poignée, avant de le chasser comme une mouche d’un revers qui le souleva du sol.

Juraviel encaissa le coup et suivait déjà le mouvement avant l’impact, réduisant ainsi grandement le choc. Un battement d’aile et un tournoiement parfait dans les airs lui permirent d’atterrir sur ses pieds, face à la créature qui avançait, l’épée toujours plantée dans la poitrine.

Soudain, une forme massive s’élança dans la cellule étroite. Sans ralentir, Jojonah se jeta sur le monstre et, le repoussant de son poids considérable, le projeta lourdement contre le mur.

Bradwarden entra à son tour dans la petite prison soudain bondée.

— Qu’est-ce c’est qu’ça ? ! s’étrangla le centaure.

Dans un rugissement inhumain, le démon repoussa le moine et s’élança tout droit. Mais le centaure, ayant ainsi obtenu sa réponse, l’accueillit d’un double coup de pied qui le renvoya tituber vers le mur, avant de le suivre en le rouant de coups de poing et de sabot, et l’empêchant, par cette volée brutale et rapide, de prendre l’offensive.

— Sortez-la d’ici ! lança Juraviel à Jojonah.

Le maître s’exécuta en soulevant Pony dans ses bras. L’elfe leva son arc, attendant une ouverture.

Au cours des secondes qui suivirent, toute la frustration que Bradwarden avait accumulée au cours de ces longs mois se déversa sur la créature infernale. Il la roua de coups, lacéra ses chairs bouffies, lui réduisit les os en bouillie. Mais s’il lui faisait mal, elle ne le montrait pas, et tentait toujours de l’attraper.

Une flèche fit exploser un œil rouge. Comme le monstre hurla !

— Ah tiens, ça t’a pas plu ? lança le centaure en profitant de l’occasion pour pivoter et lui ruer en pleine face.

La tête de l’horreur étant déjà plaquée contre le mur de pierre, son crâne explosa dans une pluie visqueuse de pourpre et de gris. Pourtant, la créature continuait à se battre, en agitant violemment les bras.

 

Jojonah déposa Pony dans le couloir et la fit asseoir contre le mur.

— Maudite saleté, vas-tu mourir ? ! rugit Elbryan dans la cellule voisine.

Le moine s’élança vers la porte, puis tourna un visage écœuré vers la jeune femme en lui faisant signe de rester en arrière.

Elbryan frappait le monstre à grands coups. Il avait abandonné son style habituel tout en poussées car il avait déjà planté à maintes reprises sa lame dans la chair et les organes, sans aucun effet. Adoptant une technique plus conventionnelle, il avait donc pris sa puissante épée à deux mains pour la balancer furieusement en coups latéraux dévastateurs. Le démon avait un bras sectionné jusqu’au coude, et, dans une frappe descendante, Tempête lui emporta le droit au niveau de l’épaule.

Or la créature avançait toujours. La lame s’élança tout droit, entailla le monstre, ce qui le ralentit assez longtemps pour permettre au rôdeur de lever son épée et de préparer le coup suivant.

Jojonah comprit ce qui se préparait et détourna les yeux alors même que la puissante Tempête venait violemment décapiter la créature. Quand le moine se permit de nouveau de regarder, sa révulsion fut plus grande encore, car la tête, appuyée de côté contre le mur, mordait encore l’air, des flammes éclatantes au fond des yeux. Et le corps poussait toujours ses attaques.

Elbryan lança le poing, rejetant ainsi le cadavre en arrière. Puis il reprit Tempête à deux mains, pointe vers le bas, et se lança dans un tour complet sur lui-même au terme duquel le monstre se trouva avec une jambe en moins. Le cadavre s’effondra de côté, lançant le moignon, et la jambe, tandis que la tête, à un mètre de là, faisait vainement claquer ses dents.

Toutefois le feu de ses yeux commençait à diminuer et Elbryan comprit bientôt que le combat était terminé. Il s’élança dans le couloir, dépassant Jojonah, puis Bradwarden et Juraviel qui sortaient de la première cellule, pour aller prendre une Pony hystérique dans ses bras.

— Elle rue encore, expliqua le centaure à Jojonah. (Celui-ci découvrit que le cadavre de Pettibwa se déchaînait toujours sur le mur, frappant, labourant la pierre, tandis que ce qui lui restait de tête rebondissant, sanguinolent, sur ses épaules.) Mais elle sait pu dans quel sens s’tourner ! termina-t-il en refermant la porte.

Jojonah rejoignit le rôdeur et la femme. Étonnamment, celle-ci se ressaisit très vite.

— Ce sont des esprits-démons, expliqua le frère en regardant Pony dans les yeux. Il ne s’agissait en aucun cas de l’âme de Graevis et Pettibwa.

— Je l-les ai v-vus, haleta-t-elle, claquant des dents. Je les ai vus entrer, m-mais ils étaient trois.

— Trois ?

— D-deux ombres et un vieillard. J’ai c-cru qu’il s’agissait de Graevis, mais je ne v-voyais pas très bien.

— Markwart ! annonça le maître dans un souffle. C’est lui qui les a amenés jusqu’ici ! Et si vous les avez vus…

— Alors il t’a vue aussi, termina Elbryan.

— Vite, il faut quitter cet endroit ! cria le moine. Markwart arrive, c’est certain, avec une armée de frères !

— Courez ! ordonna Elbryan en le poussant vers les tunnels qui les avaient menés à cet endroit maudit.

Sur un dernier coup d’œil au couloir latéral dans lequel ils avaient poussé les gardes, il prit l’arrière de leur file, Pony à son côté. Ils filèrent aussi vite que les passages tortueux le permettaient, et atteignirent bientôt les portes donnant sur les quais. Elles étaient restées comme ils les avaient laissées : closes et la herse baissée.

Maître Jojonah se précipita vers le levier. Mais Pony, plus calme à présent, le retint, affichant une détermination sinistre. Tirant la malachite, elle tomba dans sa magie, et bien qu’elle soit éreintée, sur un plan physique autant qu’émotionnel, elle dressa un mur de rage qu’elle canalisa dans la Pierre. Sans un effort, apparemment, la herse coulissa dans le plafond.

Elbryan se dirigea tout droit sur les grandes portes et, soulevant la barre, en ouvrit un battant. Alors qu’il faisait mine de pousser la barre de côté, Pony, toujours en pleine magie, intervint.

— Retiens la barre au-dessus des crochets.

Tous perçurent clairement l’immense épuisement de sa voix. Bradwarden s’empressa de pousser Jojonah vers la porte ouverte, tandis que Juraviel passait derrière la jeune femme et l’entraînait pas à pas vers la sortie. Quand ils croisèrent Elbryan, elle posa l’autre main, qui tenait la magnétite, contre l’extérieur de la porte de métal et tomba dans cette magie également.

La herse bougea dangereusement au-dessus de la tête du rôdeur. Jojonah, comprenant ce que cette femme intelligente tentait de faire, se hâta de lui prendre la magnétite pour renforcer l’attraction magique sur la barre. Pony plongea pleinement dans la malachite, stabilisant la herse pendant qu’Elbryan sortait en refermant les portes.

Jojonah, relâchant sa concentration, poussa un soupir en entendant la barre retomber à sa place. Pony sortit elle aussi graduellement de sa transe et la herse retomba doucement, comme si cette entrée n’avait jamais servi.

En se tournant, tous clignèrent des yeux dans la grande clarté. Le soleil matinal, bas dans le ciel, perçait de lances éclatantes le brouillard épais qui s’élevait de la baie. La marée n’était pas encore remontée, mais elle était en route, aussi s’empressèrent-ils de longer la plage et de remonter la sente en direction des chevaux.

Grondant de rage, et malgré les protestations de la vingtaine de moines qui s’élançaient autour de lui, le père abbé fut le premier à enfoncer les portes des cachots.

Francis était là, en piteux état. La capuche toujours sur la tête, il s’efforçait de se remettre debout, assisté par un garde. Plus loin dans le couloir, les cadavres des Chilichunk gisaient derrière la porte de leurs cellules, celui de Pettibwa se débattant toujours. L’esprit-démon luttait jusqu’à la fin.

Markwart ne fut évidemment pas surpris, puisqu’il avait vu la femme, l’intruse, agenouillée devant Pettibwa pendant qu’il escortait les démons. Mais les autres moines n’auraient jamais pu envisager une scène aussi horrible. Certains poussèrent de hauts cris en reculant, d’autres tombèrent à genoux et se mirent à prier.

— Nos ennemis ont introduit des démons contre nous ! s’écria le père abbé en agitant une main dans la direction du cadavre dodu de Pettibwa. Bravo, frère Francis, vous vous êtes bien battu !

Grâce à un autre frère, Francis parvint enfin à s’extirper de sa capuche et de ses liens. Il s’apprêtait à avouer qu’il ne s’était pas vraiment illustré au combat, mais s’interrompit net en percevant le regard noir que lui lançait le vieux moine. Francis n’était pas bien sûr de comprendre ce qui se passait ici. Il n’avait pas vu les corps animés des Chilichunk, et ne savait pas exactement qui avait détruit les démons. Mais il avait sa petite idée, et ce soupçon lança ses pensées dans plusieurs directions.

 

Elbryan sentit grandir son malaise, voire sa terreur, en observant Pony tandis qu’ils cheminaient. Ses grognements n’étaient pas dus à la fatigue, bien que ses prouesses magiques l’aient probablement épuisée, mais à la fureur – une rage primitive. Il demeura près d’elle, la touchant chaque fois que la piste le permettait, mais elle lui adressa à peine un regard et continua à ciller farouchement pour refréner ses larmes, la mâchoire en avant, les yeux braqués devant elle.

En atteignant les chevaux, la jeune femme récupéra méthodiquement le reste des Pierres.

Jojonah offrit d’utiliser l’hématite pour soigner Bradwarden, si toutefois elle acceptait de lui en prêter une, mais le centaure balaya la proposition de la main avant même que Pony ait pu commencer à répondre.

— J’ai juste besoin d’manger un bout, assura-t-il.

À vrai dire, il semblait en bonne santé, quoique bien plus maigre que la dernière fois que ses amis l’avaient vu. Il tapota le brassard elfique attaché à son bras.

— C’est un bon cadeau qu’tu m’as fait là, dit-il à Elbryan avec un clin d’œil.

— Notre route sera longue, et rapide, le prévint celui-ci.

Mais Bradwarden se contenta de tapoter son ventre autrefois ample en riant.

— J’galope encore plus vite avec c’que j’ai perdu là !

— Dans ce cas, allons-y immédiatement avant que les moines surgissent de leur monastère. Et nous devons conduire maître Jojonah à Sainte-Précieuse à temps.

— Prenez Pépite, offrit la jeune femme au moine en lui tendant les rênes.

Jojonah les accepta sans protester. Étant plus légère que lui, il lui semblait logique que ce soit elle qui monte sur le dos du centaure.

Mais Pony, se tournant non pas vers Bradwarden mais vers Sainte-Mère-Abelle, se mit à courir de toutes ses forces, Gemmes en main.

Elbryan la rattrapa à vingt mètres de là et fut obligé de la ceinturer pour l’empêcher de poursuivre. Elle pleurait à présent. Ses épaules sursautaient sous la violence de ses sanglots. Elle combattit toutefois furieusement, brûlant de se libérer, de rejoindre l’abbaye et prendre sa revanche.

— Tu ne peux pas les vaincre, lui dit le rôdeur en la serrant contre lui. Pas maintenant. Ils sont trop forts, et trop nombreux ! (Pony se débattait toujours. Elle lui griffa même, malgré elle, le visage.) Et tu n’as pas le droit de déshonorer Avelyn de la sorte.

Cette remarque fit son effet. Elle s’immobilisa et le regarda, sceptique, en hoquetant, les larmes roulant sur ses joues.

— Il t’a donné ces Pierres pour que tu les protèges. Mais si tu y retournes maintenant, tu seras vaincue et les Gemmes retomberont entre les mains de nos ennemis – des ennemis d’Avelyn. Elles reviendront à celui qui a causé tant de souffrances aux Chilichunk. C’est ce que tu veux ?

Les forces de la jeune femme parurent alors l’abandonner. Elle s’effondra dans les bras de son aimé, et pleura, la tête enfouie contre sa poitrine. Doucement, il la ramena auprès des autres et l’installa sur le dos de Bradwarden, Juraviel prenant place derrière elle pour la soutenir.

— Donne-moi la Pierre de soleil, demanda Elbryan.

Pony s’exécuta. Il l’apporta à Jojonah et le pria de dresser un bouclier pour contrer toute tentative de les retrouver par magie. Jojonah lui assura que ce serait très simple à faire, et le rôdeur rejoignit Symphonie et prit la tête du groupe, qui s’éloigna au triple galop, laissant loin derrière lui la forteresse de Sainte-Mère-Abelle avant même que le soleil se soit hissé dans le ciel.

 

— Trouvez-les ! fulminait le père abbé. Fouillez chaque tunnel, chaque pièce ! Que toutes les portes soient barrées et gardées ! Allez ! Tout de suite !

Les autres moines s’éparpillèrent, redescendant pour certains par le chemin qu’ils venaient de prendre afin d’alerter le reste de la bibliothèque.

Quand les rapports revinrent, indiquant que les portes des quais n’avaient apparemment pas été ouvertes, les recherches s’intensifièrent dans la bibliothèque. En milieu de matinée, chaque recoin de l’immense structure avait été passé au peigne fin. Markwart, scandalisé, établit un espace de recherche central dans l’énorme chapelle, entouré par les maîtres qui dirigeaient chacun une unité de frères.

— Ils ont nécessairement dû entrer et ressortir par les portes des docks, proposa un maître, exprimant une idée que beaucoup partageaient.

Le chef de son groupe d’investigation venait de lui annoncer qu’aucune entrée n’indiquait le plus petit signe de passage.

— Mais elles étaient fermées et barrées ! Il est impossible de les ouvrir de l’extérieur ! objecta un autre.

— À moins qu’ils aient utilisé la magie, fit un troisième.

— Ou que quelqu’un de l’abbaye les ait attendus là-bas, pour ouvrir et refermer les portes derrière eux ! suggéra Markwart.

Tous les hommes se balancèrent d’un pied sur l’autre, mal à l’aise.

Peu après, lorsqu’il parut évident que les envahisseurs avaient depuis longtemps quitté le monastère, Markwart ordonna à la moitié des moines de former des groupes pour explorer les environs, et à une vingtaine d’autres de faire de même, par la magie, en utilisant le quartz et l’hématite.

Le père abbé était toutefois conscient de la futilité de tout ce remue-ménage. Il commençait à estimer plus justement l’astuce et la puissance de ses véritables ennemis. Le désespoir le jeta dans la rage la plus profonde qu’il ait jamais connue, au point même qu’il craignit qu’elle l’engouffre à jamais.

Le soulagement vint plus tard dans l’après-midi, alors qu’il interrogeait Francis et les deux moines qui avaient été postés près des cellules, car il en apprit plus sur les intrus, notamment que l’un d’eux n’était pas étranger à l’abbaye.

Il n’aurait peut-être pas besoin du centaure et des Chilichunk, après tout. Peut-être pourrait-il reporter le blâme, et même celui du vol des Pierres qui était à l’origine de tout, en avançant la théorie d’une conspiration au sein de l’Ordre… Maintenant, il comprenait. Il venait de trouver un bouc émissaire.

Et Je’howith viendrait avec un contingent de soldats des Toutcœur.

Cette nuit-là, Markwart se tint devant la fenêtre de ses quartiers privés.

— Nous verrons, dit-il, l’ébauche d’un sourire s’étirant sur ses traits. Nous verrons !

 

— Vous n’allez même pas me réclamer les Pierres ? demanda Pony.

Le groupe était arrivé plus tôt le matin même au nord de Palmaris, après avoir traversé le grand fleuve sur la Saudi Jacintha, qui par chance était encore amarrée à Amvoy. Le capitaine Al’u’met avait accepté d’aider Jojonah sans poser de question ni demander paiement, en donnant sa parole que personne n’entendrait jamais parler de ce voyage improvisé.

Puis Elbryan, Pony et maître Jojonah étaient entrés en ville, le moine afin de réintégrer Sainte-Précieuse et le couple de retrouver de vieux amis. Juraviel et Bradwarden étaient restés dehors.

— Les Gemmes sacrées ont été confiées à de bonnes mains, répondit le vieux maître avec un sourire sincère. Mon Église vous doit beaucoup. Mais je crains que vous n’obteniez pas votre juste récompense des hommes tels que le père abbé.

— Et vous ? demanda Elbryan.

— Je m’en vais affronter un individu moins astucieux, mais tout aussi pervers. Je plains les moines de Sainte-Précieuse d’avoir gagné De’Unnero à la place de Dobrinion.

Ils se quittèrent bons amis. Elbryan et Pony déambulèrent dans les rues, en cherchant des informations. Par pure chance, ils croisèrent très vite la route de Belster O’Comely, qui se mit à hurler de joie en les trouvant en vie.

— Avez-vous des nouvelles de Roger ? lui demanda Elbryan.

— Il est parti vers le sud avec le baron, répondit Belster. Voir le roi, à ce que j’ai entendu.

Cette nouvelle leur fit énormément plaisir et les remplit d’espoir. La nouvelle du décès de Rochefort Bildeborough n’avait pas encore atteint les gens du peuple.

Pony en tête, ils se dirigèrent ensuite vers le Chemin du Retour, l’auberge où elle avait vécu pendant les années difficiles ayant suivi la destruction de Dundalis. Elle fut envahie par une douleur profonde en observant les lieux, et, incapable de rester plus longtemps, supplia Elbryan de la sortir de cette ville et de rejoindre les terres du Nord où leur place avait toujours été.

Le rôdeur y consentit. Mais avant cela, il se tourna vers Belster.

— Entrez donc au Chemin. Vous m’avez dit vouloir rester à Palmaris. Ils vont avoir besoin d’aide pour garder l’affaire ouverte et continuer à la faire tourner en douceur. Je ne vois personne à qui ce travail corresponde mieux qu’à vous.

Avant de refuser la proposition, le gros homme se tut assez longtemps pour étudier le rôdeur et suivre son regard posé sur Pony.

Alors il comprit.

— J’ai entendu dire que c’était la meilleure taverne de tout Palmaris, dit-il.

— C’était, souligna sombrement la jeune femme.

— Et cela le redeviendra ! s’écria-t-il, enthousiaste.

Il tapota l’épaule d’Elbryan, étreignit Pony, puis se dirigea vers l’auberge d’un pas remarquablement sautillant.

Pony le suivit du regard et parvint même à sourire. Puis elle leva les yeux vers Elbryan.

— Je t’aime, dit-elle tranquillement.

Le rôdeur lui rendit son sourire et déposa un baiser sur son front.

— Viens, dit-il. Des amis nous attendent sur la route de Caer Tinella.