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Roger Crocheteur

Il est à l’intérieur, grogna la femme. Je le sais ! Oh, le pauvre enfant !

— Il est peut-être déjà mort, répondit un homme d’une trentaine d’hivers. Ce serait le meilleur sort. Pauvre petit.

Le groupe, constitué d’une dizaine de villageois, accroupis au sommet d’une falaise avancée à près de quatre cents mètres au nord de leur ancienne demeure de Caer Tinella, observait les powries et les gobelins. Deux géants fomorians étaient également passés par la ville plus tôt dans la journée, mais ils l’avaient quittée à présent, sans doute pour s’occuper de traquer les réfugiés.

— Il n’aurait jamais dû descendre, je le lui ai dit ! soutint la femme. Oh non, ils sont trop nombreux, trop nombreux !

Sur le côté, Tomas Gingerwart eut un sourire entendu. Ces gens ne comprenaient pas le jeune Roger. Pour eux, il était Roger Billingsbury, un orphelin adopté par la ville. Lorsque ses parents avaient trouvé la mort, tous avaient d’abord pensé envoyer le garçon vers le sud, à Palmaris, peut-être aux moines de Sainte-Précieuse. Mais les gens de Caer Tinella, qui formaient une communauté véritablement unie, avaient décidé de le garder avec eux et de lui apporter toute leur aide pour l’aider à surmonter les épreuves du chagrin et de la maladie.

Car Roger était un pauvre misérable, squelettique, et si visiblement fragile. Son développement physique s’était brusquement arrêté à onze ans, enrayé par la maladie qui avait emporté ses parents et ses deux sœurs.

Cela remontait déjà à quelques années, mais aux yeux de ces villageois inquiets, Roger, qui n’avait guère changé physiquement, était toujours ce petit garçon perdu.

Or Tomas n’était pas dupe. Le garçon ne s’appelait plus Billingsbury mais Crocheteur, surnom qui lui avait été donné pour une bonne raison. En effet, il n’existait rien que Roger ne puisse ouvrir, traverser ou contourner furtivement. Tomas se remémora ce fait tandis qu’il observait Caer Tinella, car en vérité, lui aussi était un peu inquiet. Mais juste un peu.

— Là ! Tout un rang ! caqueta la vieille femme en désignant la ville d’un geste plein d’emphase.

Elle avait de bons yeux, car un groupe de gobelins traversait effectivement la place du village, escortant une ligne de prisonniers humains dépenaillés, des gens de Caer Tinella ou de la communauté voisine de Terrebasse qui n’avaient pas été suffisamment rapides, ou qui ne s’étaient pas cachés assez loin dans les bois. À présent les monstres se servaient des villes comme campements, et des humains comme esclaves.

Tous les réfugiés savaient quel sort effroyable attendrait ces captifs quand ils ne seraient plus d’aucune utilité aux créatures vicieuses.

— Vous ne devriez pas les observer, annonça une voix. (Le groupe se retourna comme un seul homme et vit approcher l’individu corpulent appelé Belster O’Comely.) Et je crains fort que nous ne soyons bien trop près des villes. Voudriez-vous donc nous faire tous capturer ?

Malgré tous ses efforts, Belster, l’aubergiste jovial qui tenait autrefois la Hurle-Sheila, taverne très respectable de Dundalis, ne parvenait pas à donner un ton dur à sa voix. Il était descendu vers le sud avec les réfugiés des trois villes des Timberlands, Dundalis, Pré-l’herbe-folle et Bout-du-Monde. Les compagnons de Belster venus des terres du nord formaient toutefois un groupe bien différent de celui des gens plus récemment déplacés de Caer Tinella et Terrebasse, et des poignées de hameaux plus petits qui parsemaient la route du sud vers la grande cité portuaire de Palmaris. Les hommes de Belster, qui avaient été entraînés par le mystérieux rôdeur connu sous le nom d’Oiseau de Nuit, étaient loin d’avoir l’air pathétique ou effrayés. Ils se cachaient assurément des monstres, mais lorsque la situation était à leur avantage, c’est eux qui devenaient chasseurs, et les gobelins, les powries et même les géants étaient leurs proies.

— Nous essaierons d’aller les chercher, je vous l’ai promis, reprit Belster. Mais pas si vite. Oh non ! Morts, nous ne serions d’aucune utilité à nos camarades ! Maintenant, venez.

— Il n’y a donc rien à faire ? questionna la vieille femme avec colère.

— Priez, chère madame, répondit Belster en toute sincérité. Priez pour eux tous.

Tomas Gingerwart acquiesça d’un hochement de tête. Et priez pour les gobelins, ajouta-t-il en silence, en songeant que Roger devait follement s’amuser en ce moment.

Son sourire supérieur n’échappa guère à Belster, qui vint s’entretenir seul à seul avec lui.

— Vous voudriez que j’en fasse davantage, lui dit calmement l’aubergiste replet qui se méprenait sur l’expression de l’autre homme. Et je le souhaiterais également, mon ami. Mais j’ai cent cinquante personnes à ma charge.

— Nombre qui se rapproche plus des cent quatre-vingts, rectifia Tomas, en comptant ceux de Caer Tinella et des environs.

— Et seulement une trentaine capables de se battre, et pour garder tous les autres, remarqua Belster. Comment pourrais-je risquer de perdre mes guerriers dans un raid contre la ville alors que tant de vies sont en jeu ?

— Je ne mets pas votre sagesse en doute, maître O’Comely, lui répondit Tomas, sincère. Vous avez promis d’attaquer la ville au moment propice, mais je crains qu’une telle occasion ne se présente pas. Les gobelins sont laxistes, mais ce n’est pas le cas des powries. Ceux-là sont rusés, et bien entraînés à la guerre. Ils ne baisseront pas leur garde.

— Alors que dois-je faire ? demanda Belster, bouleversé.

— Tenez-vous-en à votre devoir, lui dit Tomas. Et celui-ci concerne les cent quatre-vingts, non pas ceux qui sont déjà entre les mains des powries.

Belster dévisagea l’autre homme sans ciller pendant un long moment, et Tomas lut clairement la peine dans les bons yeux de l’aubergiste. Le brave homme ne voulait pas laisser un seul humain échapper à son réseau protecteur.

— Vous ne pouvez pas les sauver tous, termina simplement Tomas.

— Mais je dois essayer !

Tomas secouait la tête avant même que l’autre homme ait fini sa phrase.

— Ne faites pas l’idiot, le gronda Tomas. (Belster comprit alors que son sourire, un peu plus tôt, n’était ni moqueur ni une réponse au fait qu’il hésite à entrer maintenant dans Caer Tinella.) Si vous attaquez ouvertement, attendez-vous à être submergés. Et je crains fort que nos amis les powries et les gobelins, loin de se contenter de cela, étendraient leur fouille de la forêt jusqu’à ce que nous ayons été traqués et capturés jusqu’au dernier… Ou assassinés, ce qui est le sort qu’ils réservent souvent aux personnes âgées et aux enfants qui sont encore trop jeunes pour les servir.

— Alors vous êtes d’accord avec ma décision de retarder l’assaut ? Voire de faire reculer nos rangs ?

— Oui, mais à contrecœur, répondit Tomas. Autant que vous-même rechignez à le faire. Vous êtes un homme de conscience, Belster O’Comely, et nous avons bien de la chance, ici, à Caer Tinella, que vous et les vôtres soyez descendus vers le sud.

Belster accepta sereinement ce compliment. Il avait besoin de ce genre de soutien. Il ne put toutefois s’empêcher de lancer un nouveau coup d’œil dans la direction de la ville occupée, le cœur brisé à l’idée des tourments que ces pauvres prisonniers devaient à présent endurer.

 

Un autre observateur curieux regardait la procession d’esclaves que les gobelins conduisaient vers la sombre forêt située à l’orée de Caer Tinella. Mieux que quiconque, Roger Crocheteur connaissait le fonctionnement de la ville. Depuis l’invasion, il s’y était glissé quasiment chaque nuit, se coulant d’ombre en ombre pour écouter les gobelins et les powries former des plans pour les environs, en surprenant parfois les conversations au sujet de la grande guerre qui se tenait non loin au sud. L’habile Roger Crocheteur connaissait parfaitement son ennemi, et il savait quelles étaient ses faiblesses. Lorsqu’il quittait le village avant l’aube, sa silhouette fragile était généralement chargée de victuailles pour les réfugiés cachés dans les bois voisins. Et il était si prudent dans ses larcins que les monstres s’apercevaient très rarement qu’on les volait.

Le travail qu’il avait effectué trois nuits auparavant demeurait sa plus brillante réussite en date. Il avait volé un poney, qui était en fait la monture favorite du chef powrie, et l’avait emporté de sorte à impliquer deux sentinelles gobelines, ayant précédemment découvert par un fin espionnage que les créatures se délecteraient ce soir-là par une heureuse coïncidence d’un cheval.

Tous deux furent pendus au matin sur la place du village, ce que Roger observa, également.

Le jeune homme, qui n’était guère plus qu’un garçon, savait que ce jour était différent. Aujourd’hui, les gobelins avaient l’intention de tuer l’un de leurs prisonniers. Il les avait entendus en parler avant l’aube, ce qui l’avait incité à rester sur place tandis que le jour grandissait. Les gobelins avaient surpris Mme Kelso alors qu’elle se fourrait un biscuit supplémentaire dans la bouche, et le chef powrie, une créature fondamentalement désagréable appelée Kos-kosio Begulne, avait ordonné qu’on l’exécute au matin pour l’exemple.

Elle était là, dehors, occupée à abattre des arbres avec le reste des pauvres prisonniers, ignorant qu’il ne lui restait que quelques heures à vivre.

Roger avait été témoin de nombreux actes de cruauté au cours des dernières semaines. Il avait vu beaucoup de gens se faire égorger pour la seule raison qu’un gobelin ou un powrie n’aimait pas leur apparence. Toujours, le jeune voleur, pragmatique, avait détourné les yeux en se disant : « Ce ne sont pas mes affaires. »

Mais cette fois, c’était différent. Mme Kelso était une amie, une amie chère, qui l’avait souvent nourri quand il était plus jeune, alors qu’il n’était qu’un misérable orphelin des rues. Roger avait dormi durant plusieurs années dans sa grange, car, en dépit du fait que le garçon n’ait, aux yeux de son mari, pas beaucoup d’utilité et qu’il lui répète constamment de s’en aller, la douce Mme Kelso entraînait souvent son époux de côté et, lançant à Roger un clin d’œil par-dessus son épaule, lui désignait l’étable d’un hochement de tête.

C’était une gentille femme, et Roger avait bien du mal aujourd’hui à secouer la tête et à penser : « Cela ne me regarde pas. »

Mais que pouvait-il faire ? Il n’était pas guerrier, et même si tel était le cas, deux énormes fomorians se trouvaient quelque part dans, ou près de la ville, en plus de la centaine de gobelins, de la cinquantaine de powries, et probablement dix fois ce nombre de monstres qui cavalaient dans la forêt et dans les villages voisins. Roger avait espéré pouvoir faire sortir Mme Kelso de Caer Tinella avant l’aube, mais au moment où il avait surpris les sinistres projets la concernant, les prisonniers avaient déjà été réveillés, mis en rang et placés sous haute surveillance.

Un problème à la fois, se répétait constamment le jeune homme. Les prisonniers étaient enchaînés ensemble par des fers passés à leurs chevilles, séparés par un mètre cinquante de chaîne. Pour renforcer la sécurité, les attaches d’excellente qualité de chaque prisonnier n’étaient pas de la même paire, et l’une était reliée à la jambe droite d’un deuxième captif, l’autre à la jambe gauche d’un troisième. Roger estimait qu’il lui faudrait presque une bonne minute pour ouvrir ces deux serrures, et ce uniquement si Mme Kelso et les deux autres attachés à elle demeuraient immobiles et coopératifs.

Une minute était un très long moment quand des arbalètes powries se trouvaient à proximité.

— Diversion, diversion, diversion… se murmurait en boucle le jeune voleur en se glissant d’une ombre à l’autre à travers la ville occupée. Un appel aux armes ? Non, non, non… Un incendie ?

Roger s’immobilisa, en se concentrant sur deux gobelins qui se reposaient sur des piles de foin de la saison passée à l’entrée de l’étable de Yosi Hoosier. L’un d’eux avait une pipe fichée dans la bouche et crachait de gigantesques ronds de fumée nocive.

— Oh, mais j’aime le feu, moi ! murmura Roger.

Aussi rapide et silencieux qu’un chat, le jeune homme contourna la grange de loin, puis se glissa dans la bâtisse, comme il l’avait si souvent fait par le passé, en profitant d’une planche brisée à l’arrière. Très vite, il se retrouva accroupi derrière le foin à quelques pas à peine des créatures. Il attendit patiemment pendant près de dix minutes, jusqu’à ce que le fumeur vide sa pipe et commence à la recharger en herbes fraîches.

Roger était très doué pour mettre le feu. C’était un de ses nombreux talents. Il s’éloigna un peu, de sorte à ne pas être entendu, puis fit jouer son briquet à silex sur quelques brins de paille.

Puis il recula à quatre pattes, et poussa soigneusement la paille vers l’endroit où le fumeur avait vidé sa pipe.

Et il partit, repassant par l’arrière de la grange, avant que les premières volutes de fumée viennent chatouiller les narines des deux gobelins.

Le foin s’embrasa comme une bougie géante. Et comme les monstres hurlèrent alors !

— On nous attaque ! hurlèrent certains.

— Des ennemis, des ennemis ! crièrent d’autres.

Mais lorsqu’ils entrèrent dans l’étable et qu’ils virent leurs deux camarades qui tentaient frénétiquement de battre les flammes, l’un d’eux ayant en outre une pipe allumée à la bouche, ils changèrent de refrain.

Les gobelins qui étaient dehors avec les prisonniers chargés de couper du bois ne vinrent pas combattre les flammes. Mais leur attention était suffisamment détournée pour que Roger puisse aisément se glisser derrière le gros chêne que Mme Kelso frappait sans enthousiasme. Un petit cri lui échappa quand le garçon passa la tête derrière le tronc, mais il la fit rapidement taire, ainsi que tous ceux qui se trouvaient là.

— Vite, écoutez-moi, murmura Roger en se glissant à moitié derrière l’arbre, ses mains se mettant immédiatement au travail tandis que ses yeux emprisonnaient ceux de Mme Kelso. Ne bougez pas ! Ils ont l’intention de vous tuer. Je les ai entendus.

— Tu ne peux pas l’emmener, ou ils nous tueront tous ! se plaignit un homme d’une voix suffisamment forte pour s’attirer un grondement et un « Au travail ! » de la part de l’un des gardes gobelins.

— Tu dois tous nous emmener ! exigea un autre prisonnier.

— Je ne peux pas faire cela ! répondit Roger. Mais ils ne vous tueront pas. Ils ne vous jugeront même pas responsables.

— Mais…, commença le premier homme, avant que Roger le fasse taire d’un regard.

— Quand je l’aurai libérée, j’attacherai ses fers autour de ce jeune arbre, expliqua le garçon. Comptez jusqu’à cinq pour nous laisser le temps de partir. Ensuite, voilà ce que vous ferez…

— Imbécile de Grimy Snorts avec sa pipe puante ! remarqua l’un des gardes en comprenant le pourquoi du désordre qui régnait sur la ville. Maintenant, l’affreux Kos-kosio Begulne ne nous filera pas de rab ce soir !

Les autres se mirent à rire.

— P’têt bien qu’on mangera Grimy Snorts !

Mais soudain s’éleva un cri qui les fit se retourner d’un bond :

— Le démon !

Les gobelins découvrirent que la ligne de prisonniers avait jeté ses outils et qu’ils se débattaient follement en tentant de s’enfuir.

— Dites donc, là ! hurla l’un des gobelins en s’élançant vers la première humaine, qu’il jeta à terre d’un grand coup de bouclier. Dites donc !

— Le démon ! hurlèrent les autres hommes, suivant les instructions de Roger. Le démon dactyl !

— Il l’a changée en arbre ! cria une femme d’une voix stridente.

Les gardes gobelins observèrent la chose d’un air curieux, et se grattèrent même la tête, perplexes. Les deux rangs de prisonniers, car il semblait effectivement y avoir deux rangs à présent, s’étiraient sur toute la longueur de la chaîne et ils étaient ancrés par un petit, quoique solide, arbrisseau.

— Un arbre ? coassa l’un des gobelins.

— Ça alors ! lâcha un autre.

L’attention du camp passa tout entière de la grange, où le feu mourait maintenant, à l’agitation qui se tenait à l’orée de la forêt. De nombreux gobelins accoururent, ainsi que l’armée de powries menée par l’implacable Kos-kosio Begulne.

— Qu’esse vous avez vu ? demanda le chef à l’homme qui avait été attaché à la droite de Mme Kelso et qui était à présent le plus proche de l’arbre.

— Un dédé… un démon ! bafouilla celui-ci.

— Un démon ? répéta Kos-kosio, sceptique. Et à quoi qu’y ressemblait, votre démon ?

— G-gros et noir, bredouilla l’homme. Une ombre immense, avec des ailes ! Je… je ne suis pas resté à regarder. Il… il a transformé la pauvre Mme Kelso en arbre !

— Kelso, Kelso…, réfléchit le powrie.

Il finit par se souvenir de la femme et du sort qu’il lui réservait. Bestesbulzibar, le démon dactyl, le seigneur de l’armée obscure, serait-il revenu ? Était-ce un signe indiquant à Kos-kosio que le dactyl était de nouveau avec lui, et qu’il surveillait les opérations ?

Un frisson lui courut dans le dos alors qu’il se remémorait le sort de l’ancien chef de cette bande, un gobelin appelé Gothra. Dans un de ses élans de rage ô combien typiques, Bestesbulzibar l’avait dépecé vif, lui laissant le loisir de tout voir et tout ressentir. C’est à ce moment-là que Kos-kosio avait été mis aux commandes, et le powrie savait depuis le début que ce n’était que provisoire.

Kos-kosio Begulne étudia l’arbre de très près, en essayant, sans succès, de se souvenir si ce jeune arbre avait toujours été là. Bestesbulzibar était-il vraiment revenu, ou n’était-ce qu’une duperie ?

— Fouillez les environs ! ordonna-t-il alors à ses serviteurs.

Quand ceux-ci se mirent prudemment en route, dardant des coups d’œil de tous côtés, le powrie rugit plus fort encore, promettant la mort à tous ceux qui ne se dépêchaient pas.

— Quant à toi, chien d’humain, dit-il à l’homme près de l’arbre, ramasse ta hache puante et coupe Mme Kelso !

L’expression horrifiée de l’humain était suffisamment convaincante pour amener un sourire sur le visage hideux du powrie au menton carré.

 

Roger savait bien qu’il pariait gros en revenant près de la ville, mais sachant que Mme Kelso, hors de danger, était en train de rejoindre Tomas et les autres, le garçon ne pouvait tout simplement pas résister au jeu. Il se détendit et s’adossa confortablement à un arbre tandis que deux stupides gobelins déambulaient juste en dessous de lui. Quand la patrouille se fut éloignée, voyant qu’aucune autre n’apparaissait dans les environs immédiats, Roger se rapprocha plus encore et grimpa dans le chêne derrière lequel il s’était précédemment glissé.

Il observa, satisfait. Les humains s’étaient remis au travail, les deux hommes qui flanquaient plus tôt Mme Kelso étant à présent attachés ensemble, et les powries étaient retournés à l’intérieur de la ville, laissant une poignée de gardes gobelins, tandis qu’une autre dizaine de ces coquins exploraient nerveusement les bois.

Oui, la situation était parfaite, car jamais, dans toute sa jeune vie, Roger ne s’était autant amusé.