9
En débouchant dans l’avenue après être sortie de la gare de Sagami-Ono, Maï Takano hésita un instant sur la direction à prendre. Deux semaines plus tôt, elle avait pourtant pris ce même chemin en sens inverse, de nuit, mais maintenant elle avait perdu tout sens de l’orientation. Pour se rendre à la veillée funèbre dans la maison familiale de Ryuji Takayama, elle était monté dans une voiture de l’institut médico-légal. Maintenant qu’elle devait s’y rendre seule depuis la gare, voilà qu’au bout de quelques dizaines de mètres, la géographie des lieux lui échappait complètement. Elle était coutumière du fait. Elle se perdait toujours quand elle retournait dans un endroit où elle ne s’était rendue qu’une fois.
Elle avait le numéro de téléphone de la maison, il lui suffisait donc d’appeler pour dire qu’elle ne retrouvait pas le chemin. Cependant, elle ne voulait pas déranger la mère de Ryuji en la faisant sortir de chez elle pour venir à sa rencontre et décida donc de chercher encore un peu par elle-même en se fiant à son intuition. Ce n’était qu’à dix minutes de marche de la gare, après tout.
Le visage d’Ando vint soudain flotter dans son esprit. Elle avait accepté de dîner avec lui le vendredi suivant, mais le regrettait un peu maintenant, se demandant si elle n’avait pas agi de façon inconsidérée. En tant qu’ami de Ryuji, Ando était la personne appropriée pour évoquer les souvenirs du défunt. Si Ando lui racontait des épisodes de leur vie d’étudiants, cela lui fournirait peut-être des indices pour comprendre la pensée de Ryuji, qu’elle avait du mal à saisir. C’était le calcul qu’elle avait en tête en acceptant l’invitation. Mais si Ando, de son côté, avait en tête les idées qu’ont généralement les hommes envers les femmes, cela risquait de compliquer les choses par la suite. Depuis son entrée à l’université, Maï avait compris que les attentes de hommes et celles des femmes sont en général très différentes. Si elle ne demandait qu’à garder une bonne entente avec un partenaire source de stimulation intellectuelle, l’intérêt du mâle à son égard avait tendance à se concentrer en-dessous de la ceinture. Elle était obligée de repousser gentiment leurs avances, mais le désarroi de son partenaire la plongeait dans le plus grand embarras. Il écrivait généralement des lettres d’excuses qui ne faisaient que remuer le couteau dans la plaie, ou s’il téléphonait, il commençait immanquablement par un « Excuse-moi pour l’autre jour ». Or, Maï n’avait pas envie d’entendre des excuses. Elle estimait que l’homme devait digérer cette expérience, en faire une nourriture qui l’aiderait à grandir. Ce que Maï voulait trouver en face d’elle, c’était un homme qui transformerait son sentiment de honte en énergie. Une fois qu’il aurait grandi un peu, leur amitié pourrait renaître. Mais il était impossible de construire des relations amicales sur une structure psychique infantile. Les hommes lui paraissaient être des enfants qui ne veulent pas grandir.
Jusque-là, elle avait noué des relations avec un seul homme : Ryuji Takayama. La plupart des hommes lui paraissaient puérils mais Ryuji Takayama, lui, était différent. Ils s’étaient apporté beaucoup l’un à l’autre. Si une relation avec Ando devait s’avérer de même nature que celle avec Ryuji, alors elle voulait bien accepter des invitations à dîner sans compter. Cependant, Maï savait par expérience qu’il y avait peu de probabilités pour cela. Les chances de rencontrer un homme vraiment capable de voler de ses propres ailes était malheureusement presque égales à zéro, en ce qui concernait le Japon du moins. Pourtant, la pensée d’Ando occupait l’esprit de la jeune fille.
Elle avait déjà entendu plusieurs fois son nom par le passé, dans la bouche de Ryuji. Dans les conversations sur le génie génétique, le nom d’Ando revenait souvent.
Maï ne comprenait pas bien la différence entre les gènes et l’ADN et était persuadée qu’il s’agissait de la même chose. Quand il s’en était rendu compte, Ryuji lui avait expliqué de façon simple que l’ADN était le nom de la substance chimique dans laquelle étaient inscrits les caractères héréditaires, tandis que le gène était une unité de ces innombrables informations héréditaires. Il avait poursuivi en lui expliquant la technique consistant à diviser l’ADN en minuscules morceaux et à le rassembler en utilisant des enzymes.
— C’est comme de faire un puzzle, avait commenté Maï.
Ryuji avait hoché la tête en signe d’approbation :
— Exactement. C’est un puzzle et en même temps un cryptogramme qu’on déchiffre.
Il avait alors fait dévier le sujet et s’était mis à lui raconter des anecdotes de sa vie étudiante.
En apprenant que la technique de manipulation de l’ADN ressemblait au déchiffrage d’un code, Ryuji s’était passionné un temps, en compagnie de ses camarades d’études, pour les cryptogrammes, dont ils faisaient des concours entre les cours de médecine… C’est ainsi que Ryuji s’était mis à raconter à Maï une anecdote amusante datant de ses années d’études. À l’époque, de nombreux étudiants s’intéressaient à la biologie moléculaire et le petit groupe partageant le passe-temps de Ryuji s’était bientôt monté à une dizaine de personnes. Le jeu était extrêmement simple : il s’agissait de résoudre un cryptogramme présenté par un de participants en une période de temps limitée, celui qui y parvenait le plus vite avait gagné. Les étudiants en médecine se passionnaient pour ce jeu qui leur permettait de tester leurs connaissances en mathématiques et en logique, et nécessitait également un éclair intuitif instantané.
La difficulté du message à résoudre variait selon le talent de celui qui la proposait, mais Ryuji parvenait presque toujours à trouver la solution. Un seul de ses condisciples, cependant, parvenait à résoudre les messages codés qu’il proposait : Mitsuo Ando. Ryuji avait raconté en ces termes à Maï le choc qu’il avait ressenti en se rendant compte qu’Ando parvenait à déchiffrer ses énigmes :
— J’ai eu un frisson c’était comme s’il avait lu dans mon esprit.
Le nom de Mitsuo Ando avait donc laissé une impression forte et durable sur l’esprit de Maï.
Elle avait donc été fort surprise quand l’inspecteur de police qui assistait à l’opération l’avait présentée au médecin légiste lors de l’autopsie du cadavre de Ryuji. Ando s’était lui-même présenté comme un ami du défunt. Maï avait ressenti une confiance immédiate envers cet homme qui, seul, parvenait à résoudre les énigmes imaginées par Ryuji. Son scalpel habile saurait rendre au cadavre l’aspect qu’il avait avant l’autopsie et découvrirait facilement la cause de sa mort.
Maï subissait l’influence des paroles prononcées deux semaines plus tôt par un homme aujourd’hui décédé. Si elle n’avait pas entendu Ryuji parler d’Ando, elle ne l’aurait sans doute jamais appelé pour le questionner sur les causes de cette mort et ne serait sans doute pas venu au rendez-vous à l’université. Et, bien entendu, elle n’aurait pas non plus accepté son invitation à dîner. Un seul nom prononcé par Ryuji avait ainsi étrangement lié la jeune fille.
Elle tourna dans l’avenue, s’engagea dans un dédale de ruelles bordées d’habitations. Son regard s’arrêta sur l’enseigne d’un petit supermarché, qu’elle reconnut. À partir de là, elle ne pouvait plus se tromper : il fallait tourner au coin du supermarché, la maison familiale de Ryuji Takayama devait se trouver au bout de la rue. Tandis que la mémoire lui revenait, Maï accéléra le pas.
La maison des parents de Ryuji était plutôt banale, édifiée sur un peu plus de trois cents mètres carrés de terrain. D’après ce que Maï avait pu en voir lors de la veillée funèbre, le rez-de-chaussée était constitué d’un vaste séjour à l’occidental, avec un salon japonais adjacent.
À peine Maï eut-elle sonné à la porte d’entrée que la mère de Ryuji apparut comme si elle l’attendait. Elle emmena aussitôt la jeune fille au premier étage, dans une pièce qui avait été le bureau de Ryuji, du début de l’école primaire jusqu’à sa deuxième année d’université. À partir de la troisième année, il s’était mis à louer un petit studio indépendant près de l’université de médecine, bien que la distance entre la maison et l’université ne fut pas assez grande pour justifier son déménagement. Depuis, il ne se servait de cette pièce que lorsqu’il revenait voir ses parents. La mère de Ryuji quitta la pièce, laissant devant la jeune fille une tasse de café et des biscuits anglais. Sa silhouette s’éloignant tête baissée dans le couloir dégageait une profonde mélancolie et Maï se sentit touchée par le malheur de cette mère qui venait de perdre son fils.
Une fois seule, la jeune fille fit le tour de la pièce du regard. Un tapis de la taille de deux nattes, sur lequel était posée une table de travail, était étendu dans un coin de la chambre, meublée à la japonaise. Tous les murs étaient couverts d’étagères garnies de documents divers mais on n’en voyait que le haut, car les cartons empilés sur le sol et un fouillis de fils et d’appareils électriques installés n’importe comment bouchaient la vue. Maï compta rapidement les cartons : vingt-sept. Ils contenaient les affaires qui avaient été rapportées de son appartement de Nakano-Est après sa mort. On s’était débarrassé des meubles encombrants, tels que le lit et la table, et les cartons contenaient presque exclusivement des livres et des documents.
Maï poussa un soupir, s’assit sur les nattes, but une gorgée de son café. Mieux valait réfléchir à une solution au cas où elle ne trouverait pas la page manquante qu’elle cherchait… Elle était déjà à moitié résignée. Même si la page était là, au milieu de toutes ces affaires, la retrouver parmi ces innombrables documents et manuscrits ne serait pas tâche facile. Et si le feuillet n’était pas dans un de ces cartons, Maï se serait donné du mal pour rien.
Les cartons étaient tous fermés avec une épaisse bande de scotch. Maï enleva son cardigan, retroussa ses manches et ouvrit le plus proche d’elle. Il était plein de livres de poche. Elle en sortit quelques-uns, en reconnut un qu’elle avait offert à Ryuji. Une terrible nostalgie l’envahit. La couverture du livre était encore imprégnée de l’odeur de l’appartement de Nakano-Est.
« Bon, ce n’est pas le moment de se laisser aller à l’émotion », songea Maï, en refoulant ses larmes. Elle se remit au travail, sortit tout le contenu de la caisse, regarda jusqu’au fond, mais ce carton ne semblait contenir aucune page de manuscrit. Si Ryuji l’avait égarée, où cette page pouvait-elle bien être ? se demanda-t-elle, faisant travailler sa force de déduction. Dans ses ouvrages de référence, ou encore dans des dossiers renfermant des documents ? Elle souleva tous les couvercles les uns après les autres.
Son dos était légèrement humide de sueur. C’était une tâche assez épuisante de sortir tous les documents d’une multitude de cartons pour retrouver un manuscrit. Après avoir vérifié le contenu de trois boîtes, Maï s’arrêta pour réfléchir à la possibilité de réécrire elle-même, avec ses propres mots, la ou les pages manquantes. Les idées complexes de Ryuji sur la logique des signes avaient déjà été publiées isolément dans des articles magazines spécialisés. Mais le manuscrit dont il s’agissait était plutôt un essai qui s’adressait non pas à des spécialistes mais au grand public et traitait des rapports de la logique avec la science et des problèmes de société. Le contenu n’était pas trop compliqué et Maï avait été chargée de mettre au net ce texte que Ryuji avait commencé à écrire pour un mensuel de la presse générale. La jeune fille avait même assisté à des réunions éditoriales concernant la publication de cet essai. Elle trouvait que la tâche en valait la peine et s’était bien imprégnée du raisonnement ainsi que du style de Ryuji. Il manquait une partie du texte, mais s’il s’agissait seulement d’une page, elle se sentait capable de compléter le manuscrit pour obtenir un ensemble concordant.
… Mais était-ce vraiment une seule page qui manquait ?
Si elle avait pu en être sûre, elle aurait facilement cédé à la tentation de la réécrire elle-même. Pour chacune des parutions mensuelles, Ryuji avait utilisé une quarantaine de feuillets standard de quatre cents caractères. Mais certains articles faisaient trente-sept pages, d’autres quarante-trois. L’article que la jeune fille devait corriger était le dernier d’une série de douze et elle n’avait aucun moyen de savoir combien de pages comptait exactement le manuscrit, et donc combien il en manquait. Lorsqu’elle s’était éclipsée de la veillée funèbre pour aller mettre de l’ordre dans les manuscrits de Ryuji, elle avait trouvé un manuscrit de sa main de trente-huit pages. Comme le texte s’achevait à la trente-huitième page, elle n’avait pu se douter sur le moment qu’il en manquait. Elle avait été retardée dans son travail par les funérailles et, lorsqu’elle s’était attelée à la tâche au dernier moment et s’était enfin mise à relire le texte, elle s’était rendu compte qu’il en manquait une partie entre la page trente-sept et la page trente-huit. Les numéros de page se suivaient normalement mais il manquait quelque chose d’important, une sorte de conclusion. Deux paragraphes se suivaient, sans aucune logique. Les deux dernières lignes de la page trente-sept avaient été rayées au stylo à bille et remplacées par une flèche indiquant de se reporter à la suite. Seulement il n’y avait pas de suite. Ryuji avait dû corriger son manuscrit et c’était cette partie qui manquait.
En s’en rendant compte, Maï était devenue toute pâle et avait relu plusieurs fois le texte depuis le début. Mais plus elle lisait, puis il devenait évident qu’il manquait au moins une page. Chaque fois, elle butait sur cette partie où une idée longuement expliquée s’arrêtait brutalement sur une phrase rayée commençant par : « Bien au contraire, donc », suggérant que la suite développait ce qu’on pourrait appeler l’antithèse. Plus Maï relisait et suivait en détail le raisonnement, plus il lui apparaissait qu’il manquait un point particulièrement important, développé peut-être sur plusieurs pages. La parution des douze articles de la même série sous forme de publication indépendante avait déjà été décidée. Maï devait donc soigneusement peser la façon de rédiger la fin.
Elle avait aussitôt téléphoné à la mère de Ryuji pour lui faire part du problème. Deux ou trois jours après l’enterrement, la famille de Ryuji avait fait place nette dans son appartement et transporté tous ses effets personnels dans son ancienne chambre de la maison familiale. Maï avait donc demandé à fouiller dans ces affaires, pour vérifier si Ryuji n’avait pas égaré quelque part les pages manquantes de son manuscrit.
Maintenant, debout devant les cartons empilés, elle avait plutôt envie de se répandre en lamentations face à l’ampleur de la tâche.
« Pourquoi, mais pourquoi es-tu mort ? » Elle en voulait à Ryuji d’avoir accompli ce tour de force : mourir juste après avoir achevé d’écrire une série d’articles et laisser la conclusion en suspens.
« Je t’en prie, manifeste-toi à l’instant, dis-moi où se trouve cette page égarée ! »
Maï tendit la main vers sa tasse de café refroidi. Si elle avait relu plus tôt le manuscrit de Ryuji, elle n’en serait pas là, se disait-elle. Elle regrettait amèrement d’avoir attendu le dernier moment. Si elle ne retrouvait pas la partie manquante, elle serait obligée de compléter l’article elle-même. Mais elle se sentait se recroqueviller sur elle-même en pensant à quel point ses propres idées étaient à mille lieux de celles de Ryuji. C’était absurde de vouloir tenter cela : une gamine d’à peine vingt ans comme elle, toute étudiante en cycle supérieur qu’elle était, falsifiant la conclusion de l’œuvre posthume d’un logicien au futur prometteur ! « Je n’y arriverai jamais ! »
Elle n’avait pas le choix : il fallait retrouver cette ou ces pages. Elle ouvrit le carton suivant.
Un peu après quatre heures, la pièce, orientée à l’est, commença à s’assombrir et Maï alluma la lampe. Novembre commençait, les jours s’étaient nettement raccourcis. D ne faisait pas encore froid, toutefois. La jeune fille se leva pour aller tirer les rideaux. Elle se sentait inquiète depuis un moment : elle avait l’impression d’être observée du dehors, à travers la vitre.
Elle avait déjà fouillé sans succès la moitié des cartons.
Soudain, elle entendit ses propres battements de cœur résonner bruyamment à l’intérieur de sa cage thoracique. À genoux, le dos rond, elle attendit sans bouger que ces palpitations se calment. C’était la première fois qu’elle en avait. Elle porta la main sur le côté gauche de sa poitrine, se demandant ce qui pouvait causer de pareils symptômes. Un sentiment de culpabilité à l’idée d’avoir égaré le précieux manuscrit de son professeur vénéré ?… Non, ce n’était pas cela. Quelque chose se dissimulait dans cette chambre. La sensation qu’elle avait d’être observée de dehors venait en fait de l’intérieur même de cette pièce. Comme si un chat ou un animal sauvage, dissimulé dans l’ombre des cartons, s’apprêtait à bondir sur elle.
Une sensation glacée pesait sur l’arrière de sa nuque. Un regard froid et perçant… Elle se retourna. Derrière elle se trouvait une boîte couverte d’un rideau rose. C’était elle-même qui avait posé ce tissu là, avant de commencer à fouiller les cartons. Il lui sembla voir des yeux briller, réfléchissant la lumière de la pièce entre les minuscules interstices du lainage. Elle enleva le rideau : il recouvrait un magnétoscope.
Un gros magnétoscope tout noir avec un cordon électrique enroulé autour, simplement posé sur un carton. C’était celui qui se trouvait dans l’appartement de Ryuji, sans aucun doute. Il avait dû être transporté ici avec ses documents. Il n’y avait pas de télévision à côté, ni de raccord électrique.
Maï tendit lentement la main, toucha le bord de l’objet. Il vacilla comme une bascule, à cause du cordon enroulé au milieu qui l’empêchait de reposer à plat par terre.
Est-ce bien moi qui ai posé ce rideau sur ce magnétoscope ? se demanda Maï. Elle n’avait pas le souvenir précis de l’avoir fait, mais ce devait pourtant être le cas. Avant de se mettre au travail, elle avait enlevé ce rideau et avait dû le poser là sans faire attention.
Pendant environ une minute, elle resta ainsi à regarder l’appareil et oublia complètement l’histoire du manuscrit qu’elle cherchait. À la place, des questions à propos de ce magnétoscope tourbillonnaient dans son esprit.
« Vous êtes sûre que Ryuji ne vous a rien dit ? Il ne vous a pas parlé d’une cassette ?… »
Elle n’avait pas oublié la phrase de Kazuyuki Asakawa, au lendemain de la mort de Ryuji.
Elle déroula le cordon qui entourait le magnétoscope, chercha une prise de courant des yeux. Sous la table, elle découvrit une rallonge négligemment jetée. Elle brancha le cordon du magnétoscope dessus. Quatre zéros se mirent aussitôt à clignoter sur la façade. C’étaient les battements de cœur de la machine, comme ceux d’un mort revenant à la vie… Maï tendit l’index droit, le fit aller et venir plusieurs fois devant le magnétoscope. Elle hésitait. Une voix intérieure lui disait de ne pas y toucher. Elle finit par appuyer sur le bouton « Eject ». La fente d’introduction des cassettes s’ouvrit avec un déclic, une vidéo en sortit. L’étiquette collée sur la tranche portait un titre : « Liza Minnelli, Frank Sinatra, Sammy Davis Junior, 1989 »
Cette cassette ressemblait à une énorme langue. La machine semblait cligner de l’œil et tirer narquoisement la langue. Maï attrapa cet appendice noir et tira dessus pour l’extraire du magnétoscope.