PRÉFACE SUR LES TROIS PREMIERS LIVRES.

 

Puisque j’ai entrepris d’établir les principes de l’art militaire[12], étant du nombre de ceux qui en ont fait une étude, et que ce but a paru atteint, autant que ma bonne volonté pouvait y réussir, je crois devoir, pour compléter mon œuvre, former un recueil, en récits sommaires, des ruses de guerre que les Grecs désignaient par le nom générique de ()[13] Ce sera fournir aux généraux des exemples de résolution et de prévoyance, sur lesquels ils s’appuieront, et qui nourriront en eux la faculté d’inventer et d’exécuter de semblables choses. D’ailleurs, celui qui aura imaginé un expédient, pourra en attendre l’issue sans inquiétude, s’il se trouve semblable à ceux dont l’expérience a démontré le mérite. Je sais, et ne veux point le nier, que les historiens ont compris dans leur travail la partie que je traite, et que tous les exemples frappants ont été rapportés par les auteurs ; mais il est utile, selon moi, d’abréger les recherches des hommes occupés : il faut, en effet, un temps bien long pour trouver des faits isolés, et dispersés dans le corps immense de l’histoire. Or, ceux même qui en ont extrait ce qu’il y a de plus remarquable, n’ont donné qu’un amas de choses sans ordre, où se perd le lecteur. Je m’appliquerai à présenter, selon le besoin, le fait même que l’on demandera, de manière qu’il réponde, pour ainsi dire, à l’appel : car, en ramenant ces exemples à des genres déterminés, j’en ai fait comme un répertoire de conseils pour toutes les circonstances ; et afin qu’ils fussent classés d’après la différence des matières, et disposés dans l’ordre le plus convenable, je les ai partagés en trois livres : dans le premier seront réunis les exemples de ce qu’il convient de faire avant le combat ; dans le second, ceux qui regardent le combat et la terminaison de la guerre ; le troisième présentera les stratagèmes qui intéressent l’attaque ou la défense des places : à chacun de ces genres sont rapportées les espèces qui leur appartiennent. Je réclamerai, non sans quelque droit, de l’indulgence pour ce travail, ne voulant pas être taxé de négligence par ceux qui découvriront des faits que je n’aurai pas mentionnés : car qui pourrait suffire à passer en revue tous les monuments qui nous ont été laissés dans les deux langues ? Si donc je me suis permis quelques omissions, la cause en sera appréciée par quiconque aura lu d’autres ouvrages dont les auteurs avaient pris les mêmes engagements que moi. Au reste, il sera facile d’ajouter des faits à chacune de mes catégories : ayant entrepris cet ouvrage, ainsi que d’autres encore, plutôt pour me rendre utile que pour me donner du relief, je regarderai toute addition comme une aide, et non comme une critique. Ceux qui accueilleront favorablement ce livre, voudront bien faire distinction entre les mots  et , quoiqu’ils expriment des choses de même nature : tous les actes que la prévoyance, la sagesse, la grandeur d’âme et la fermeté ont inspirés aux généraux seront appelés  ; et ceux qu’on entend par [14] ne sont qu’une espèce des premiers. Le mérite particulier de ceux-ci est dans la ruse et l’habileté, quand il s’agit d’éviter ou de surprendre l’ennemi. Comme, en guerre, certaines paroles ont produit aussi de mémorables effets, j’en ai cité des exemples, comme j’ai fait pour les actions.

Voici les espèces de faits qui peuvent instruire un général de ce qui doit se pratiquer avant le combat :

Chapitres

I Cacher ses desseins.

II Épier les desseins de l’ennemi.

III Adopter une manière de faire la guerre.

IV Faire passer son armée à travers des lieux occupés par l’ennemi.

V S’échapper des lieux désavantageux.

VI. Des embuscades dressées dans les marches.

VII. Comment on paraît avoir ce dont on manque, et comment on y supplée.

VIII. Mettre la division chez les ennemis.

IX. Apaiser les séditions dans l’armée.

X. Comment on refuse le combat aux soldats, quand ils le demandent intempestivement.

XI. Comment l’armée doit être excitée au combat.

XII. Rassurer les soldats, quand ils sont intimidés par de mauvais présages.