XII. Rassurer les soldats, quand ils sont intimidés par de mauvais présages.

 

1 Scipion, arrivant d’Italie en Afrique avec son armée, tomba au sortir de son vaisseau, et, voyant ses soldats effrayés de cet événement, sut, par son courage et sa présence d’esprit, trouver dans cette circonstance un motif d’exhortation : « Soldats, s’écria-t-il, réjouissez-vous : je tiens sous moi l’Afrique ! »

2 C. César, étant tombé au moment où il montait sur son navire, s’écria : « Ô terre, ma mère, je te tiens ! »[49] voulant faire entendre par là qu’il reviendrait dans ce pays dont il s’éloignait.

3 Le consul T. Sempronius Gracchus[50] s’avançait en bataille contre les Picentins, lorsqu’un tremblement terre jeta tout à coup l’épouvante dans les deux armées. Il exhorta les siens, les rassura ; et, les ayant déterminés à fondre sur l’ennemi, que la superstition tenait abattu, il donna l’attaque, et fut vainqueur.

4 Dans l’armée de Sertorius, les boucliers de la cavalerie, par un prodige soudain, parurent ensanglantés à l’extérieur, ainsi que le poitrail des chevaux. Ce général déclara que c’était un présage de victoire, parce que ces objets se couvrent ordinairement du sang de l’ennemi.

5 Épaminondas, voyant ses troupes effrayées de ce qu’une banderole, qui était suspendue à sa lance comme ornement, avait été enlevée par le vent et jetée sur le tombeau d’un Lacédémonien, leur dit : « Soldats, cessez de craindre ; voilà qui annonce la mort des Lacédémoniens : nous parons les tombeaux pour leurs funérailles. »

6 Un météore enflammé, tombé du ciel pendant la nuit, effrayait les soldats qui l’avaient aperçu : « C’est, leur dit Épaminondas, une lumière que la bonté des dieux nous envoie. »

7 Le même général était au moment d’en venir aux mains avec les Lacédémoniens, lorsque le siège sur lequel il était assis se brisa, ce qui fut, pour le commun des soldats, un événement de sinistre présage : « Allons, s’écria-t-il, nous ne pouvons plus rester assis. »

8 C. Sulpicius Gallus, craignant qu’une éclipse, qui était prochaine, ne fût considérée par les soldats comme un mauvais présage, la leur prédit[51], et leur expliqua les causes et les lois de ce phénomène.

9 Pendant qu’Agathocle, de Syracuse, faisait la guerre aux Carthaginois, il y eut une semblable éclipse de lune[52], dont les soldats furent effrayés comme d’un prodige, il leur expliqua cet événement, et leur apprit à le considérer, quel qu’il fût, comme un phénomène naturel, qui n’avait aucun rapport avec leurs desseins.

10 La foudre était tombée dans le camp de Périclès et avait effrayé ses soldats. Il convoqua l’assemblée, puis, en présence de tous, il choqua des pierres l’une contre l’autre, en fit jaillir du feu, et mit fin à l’épouvante, en montrant que la foudre s’élance de la même manière du sein des nuages en conflit.

11 Timothée, général athénien, était sur le point d’engager un combat naval avec les Corcyréens[53], et déjà sa flotte se mettait en mouvement, lorsque son pilote donna le signal de la retraite, pour avoir entendu un des rameurs éternuer : « Tu es étonné, lui dit Timothée, que parmi tant de milliers d’hommes, il y en ait un qui soit enrhumé ? »

12 Un autre Athénien, Chabrias, vit, au moment de combattre sur mer, la foudre tomber devant son navire, ce qui fut un prodige effrayant aux yeux de ses soldats : « Profitons de cet instant, leur dit-il, pour commencer le combat : car Jupiter, le plus grand des dieux, nous montre que sa puissance vient au secours de notre flotte. »