9
Discours de Jodl, 24 juillet
1944
Dans son discours à divers officiers de l’état-major opérationnel, qu’il dirigeait, le général Jodl (1890-1946), principal conseiller militaire de Hitler, reconnut que le complot jouissait de soutiens plus larges qu’il ne l’avait d’abord imaginé et en parla comme d’un jour de honte pire encore que le 9 novembre 1918, le jour de la Révolution, à la fin de la Première Guerre mondiale, qui s’était gravée dans la psyché des dirigeants nazis.
Le 20 juillet a été le jour le plus noir que l’histoire allemande ait connu à ce jour, et peut-être le restera-t-il à jamais. Jusque-là, cela avait été le 9 novembre 1918. Mais, en comparaison de ce qui vient de se produire, le 9 novembre a presque été un jour d’honneur. Car, pour excuser le 9 novembre, on peut plaider qu’une portion du peuple allemand qui avait été formée contre l’État et n’entretenait aucune relation avec lui s’est lancée dans une révolution. Même au regard de la trahison italienne de l’année dernière, on peut affirmer que les personnalités dirigeantes exécutaient un ordre du chef de l’État. Ainsi ces différents cas ne sont-ils pas comparables à l’acte du 20 juillet. Il est l’œuvre d’officiers qui étaient liés par leur serment d’allégeance, qui allaient et venaient au quartier général du Führer, constamment, étaient autorisés à serrer la main du Führer, et avaient été promus par lui. Sauf en Russie et au Mexique, on n’avait encore probablement jamais vu dans le monde entier une chose pareille. Elle demeure unique par sa monstruosité. Les conjurés, qui étaient proches des Jésuites, pourraient-ils citer la maxime : « La fin justifie les moyens » ? S’ils y étaient prêts, cela ne prouverait que leur immense bêtise, et leur vision étriquée. Car comment pensaient-ils être utiles à leur peuple ? 1918 a déjà montré ce qui arrive si l’on espère une paix à bon compte pour se débarrasser du régime.
[...] C’est faire montre d’une incompréhensible myopie que d’imaginer qu’un putsch permettra d’approcher les Anglo-Saxons, quand ceux-ci ne peuvent tenir leur position vis-à-vis des Soviétiques. Si le complot avait réussi, il aurait bien fallu rétablir l’ordre à l’intérieur après des combats. Le danger était cependant de voir le front s’effondrer entre-temps.
Voilà pour le regard qu’on peut porter sur les événements du point de vue de la politique et de la discipline. L’aspect humain est encore plus affligeant. On voudrait s’enfoncer sous terre de honte. Depuis 1918, le corps des officiers, autrefois soudé, avec ses rangs où régnait l’harmonie, n’existe plus. Au temps où il existait, c’est-à-dire depuis la fondation du Reich, je suis sûr qu’il n’a jamais connu un seul cas de haute trahison et de félonie [...].
Il est apparu que l’action avait bien plus d’ampleur que le Führer ne l’a indiqué dans son discours. Des personnes qui n’appartiennent pas aux forces armées y sont aussi impliquées. Il est maintenant possible de dresser un bilan général et d’en tirer toutes les conséquences. Le temps n’est pas à la miséricorde, et le temps des partisans tièdes est révolu. La haine pour tous ceux qui résistent ! Voilà ce que, personnellement je ressens [...].
Après qu’on aura retranché toute la pourriture, la question est d’unir les éléments restants. Force nous est d’avouer que le peuple a fait montre d’une meilleure attitude que ces officiers, alors même que la population a dû souffrir plus que les auteurs du complot.
La volonté de résister à l’ennemi s’est maintenant embrasée [...]. Ainsi devenons-nous plus forts et osons- nous espérer que nous surmonterons cette crise, telle que nous ne saurions en imaginer de pire. Je caresse l’espoir que, parmi tous les officiers que je regarde au fond des yeux, il n’y aura pas de tiède. Je suis convaincu que nous sortirons de cette situation. Mais même si la chance était contre nous, nous devrions nous rassembler résolument autour du Führer avec nos armes, jusqu’au dernier, afin que nous soyons justifiés devant la postérité. Pour nous, les anciens, c’est plus facile que pour les jeunes qui sont parmi nous. Mais cela ne change rien à la situation, car nous devons nous acquitter de notre devoir avec honneur aux yeux de l’Histoire et de la postérité.