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Cercle de Kreisau,

 

« Principes du Nouvel Ordre en Allemagne », 9 août 1943

 

Exposé crucial des idéaux du groupe, voué au rétablissement de la paix, de la liberté et de la justice. Rédigé par l’un de ses chefs de file, Helmuth James Graf von Moltke (1907-1945), ce texte est le fruit de trois réunions du cercle de Kreisau.

 

Le gouvernement du Reich allemand voit dans le christianisme la base de la renaissance éthique et religieuse de notre peuple, du triomphe sur la haine et les mensonges et de la création à neuf d’une communauté européenne des peuples.

Le point de départ réside dans la contemplation pré ordonnée par l’être humain de l’ordre divin, qui lui assure son existence tant intérieure qu’extérieure. Ce n’est que si l’on réussit à faire de cet ordre la mesure des relations entre individus et communautés que l’on pourra surmonter le désordre de notre temps et instaurer une paix véritable. La réorganisation intérieure du Reich est la base de la mise en œuvre d’une paix juste et permanente.

Dans l’effondrement d’une formation de pouvoir qui est sans racines et repose exclusivement sur la maîtrise d’une technique, l’humanité européenne est confrontée à une tâche commune. Le progrès vers cette solution réside dans l’application décisive et active de la substance chrétienne de la vie. Le gouvernement du Reich est donc résolu à atteindre par tous les moyens dont il dispose les objectifs suivants, auxquels on ne saurait renoncer ni intérieurement ni extérieurement :

— La justice, bafouée ou piétinée, doit être restaurée et retrouver la suprématie sur tous les ordres de la vie humaine. Placée sous la protection de juges scrupuleux et indépendants, soustraits à la crainte des hommes, cette justice sera la base du façonnement futur de la paix.

— La liberté de confession et de conscience est garantie. Les lois et règlements existants qui bafouent ces principes sont immédiatement abolis.

— L’élimination des contraintes totalitaires qui pèsent sur la conscience et la reconnaissance de la dignité inviolable de l’être humain sont les fondements du droit et de l’ordre des choses pacifique désiré. Chacun coopère en toute responsabilité dans tous les domaines  – social, politique et international  – de la vie. Le droit au travail et le droit de propriété sont placés sous la protection de l’État, sans considération de race, de nationalité ou de croyances.

— La famille est l’unité de base d’une vie collective paisible. Elle est sous la protection de l’État, qui pourvoira, de même qu’à l’éducation, aux biens tangibles de la vie : vivres, habillement, toit, jardin et santé.

— Le travail doit être organisé de telle façon que, loin d’étouffer la responsabilité personnelle, il en favorise l’épanouissement. Outre la réunion des conditions matérielles du travail et l’amélioration de la formation professionnelle, cela suppose une coresponsabilité effective de chacun dans l’entreprise et, au-delà, dans les relations économiques générales auxquelles son travail concourt. Ainsi peut-il coopérer à la création d’un ordre de vie sain et durable, qui permettra à l’individu, à sa famille et aux communautés de trouver leur accomplissement organique au sein de sphères d’activités économiques équilibrées. L’ordre économique doit veiller à la satisfaction de ces impératifs élémentaires.

— La responsabilité politique personnelle de chacun exige sa participation codéterminante à l’auto-administration des petites communautés à taille humaine qu’il convient de rétablir. Fermement enracinée en elles, sa codétermination dans l’État et la communauté dans son ensemble doit être assurée par des représentants élus ; aussi faut-il nourrir en lui la conviction vivante de sa coresponsabilité dans les événements politiques en général.

— La responsabilité et la fidélité spéciales que chaque individu doit à son origine nationale, à sa langue, à la tradition spirituelle et historique de son peuple doivent être respectées et protégées. Toutefois, il ne doit pas en être abusé à des fins d’accumulation du pouvoir politique, d’abaissement, de persécution et d’élimination de populations étrangères. Le développement libre et pacifique de la culture nationale ne saurait plus aller de pair avec la souveraineté absolue d’un État donné. La paix exige la création d’un ordre qui englobe les différents États. Dès que le libre consentement de tous les peuples concernés est garanti, les partisans de cet ordre doivent aussi avoir le droit d’exiger de chaque individu obéissance, respect et, si nécessaire, de risquer sa vie et ses biens pour la plus haute autorité de la communauté des peuples.