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Messages de Witzleben et de Stauffenberg

 

 envoyés par télétype à la Bendlerstrasse, 20 juillet 1944

 

Il s’agit des premiers ordres – de Witzleben, désigné commandant en chef du régime posthitlérien, et de Stauffenberg (au nom de Fromm) — expédiés par les chefs de file du coup d’État après le retour de Stauffenberg du QG du Führer ; leur efficacité diminua à vue d’œil dès que l’on sut que Hitler avait survécu.

 

Télétype 1

— FRR        — HOKW 02150 20.7.44, 16.45 FRR au QG XII  – secret        — Troubles intérieurs

I. Une clique de dirigeants du parti non-combattants et sans scrupule a tenté d’exploiter la situation pour donner un coup de poignard dans le dos du front profondément engagé et s’emparer du pouvoir à des fins intéressées.

II. En cette heure du plus haut danger, le gouvernement du Reich a proclamé la loi martiale et, dans le même temps, m’a délégué le pouvoir exécutif suprême des forces armées.

III. En conséquence, j’ordonne ce qui suit.

1. Je transfère le pouvoir exécutif – avec le droit de procéder à d’autres délégations au profit des commandants territoriaux  – dans la Zone de l’Intérieur au commandant de l’Armée de réserve, nommé par la même occasion commandant en chef de la Zone de l’Intérieur.

Dans les régions occidentales occupées, au commandant en chef Ouest (commandant en chef du groupe d’armées D), en Italie au commandant en chef Sud-Ouest (commandant en chef du groupe d’armées C), dans le Sud-Est au commandant en chef Sud-Est (commandant en chef du groupe d’armées F), dans les territoires occupés de l’Est, aux commandants en chef des groupes d’armées Sud       — Ukraine, Nord-Ukraine, Centre, Nord et au commandant des forces armées Ostland pour leurs zones de commandement respectives ; au Danemark et en Norvège aux commandants des forces armées.

2. Aux détenteurs du pouvoir exécutif sont subordonnés :

(a) Tous les services et unités des forces armées, y compris les unités blindées SS, le Service du travail du Reich et l’Organisation Todt, qui relèvent de leur zone de commandement.

(b) Toutes les autorités publiques (du Reich, des Länder et des collectivités), en particulier toutes les forces de police, y compris les forces de maintien de l’ordre, les forces de sécurité et celles nécessaires à l’administration.

(c) Tous les responsables et formations du parti national-socialiste et des organisations qui lui sont affiliées.

(d) Les opérations de transport et de ravitaillement.

3. La totalité des unités blindées SS sont incorporées au sein de l’armée de terre ; cet ordre prend effet immédiatement.

4. Les titulaires du pouvoir exécutif sont responsables du maintien de l’ordre et de la sûreté publique. Ils sont notamment chargés de :

(a) La sécurité des installations de transmission.

(b) L’élimination du SD. Toute résistance au pouvoir exécutif de l’armée doit être brisée indépendamment des conséquences.

5. En cette heure du plus grand danger pour la patrie, l’ordre suprême est la solidarité des forces armées et le maintien de la discipline dans toute sa rigueur. En conséquence, je charge tous les commandants de l’armée de terre, de la marine et des forces aériennes d’épauler les détenteurs du pouvoir exécutif dans l’accomplissement de leur tâche difficile par tous les moyens qui sont à leur disposition, et de s’assurer que leurs ordres sont obéis par les organes qui leur sont subordonnés. Le soldat allemand est confronté à une tâche historique. De sa détermination et de son attitude dépendra le salut de l’Allemagne.

La même responsabilité incombe à tous les commandants territoriaux, au haut commandement des branches des forces armées ainsi qu’aux autorités de commandement immédiatement subordonnées de l’armée de terre, de la marine et de l’aviation qui relèvent directement des commandants en chef.

Le commandant en chef des forces armées

Signé : v. Witzleben, feld-maréchal

 

Télétype 2

— Kr        — HOKW 02155 20/07/44, 18h00 aux QG I-XIII, XVII, XVIII, XX, XXI

QG du gouverneur général de Bohême-Moravie.

Secret !

I. En vertu de l’autorité qui m’a été conférée par le commandant en chef des forces armées, je remets le pouvoir exécutif aux généraux et à leurs adjoints dans leurs secteurs de commandement respectifs.

II. Les mesures immédiates suivantes doivent être prises :

(a) Installations de transmission. Les principaux locaux et installations de la poste et du réseau de transmission des forces armées (y compris les installations de radio) doivent être militairement sécurisés. Les forces affectées à cette tâche doivent être assez fortes pour empêcher les interférences et les sabotages. Les principaux centres de transmission doivent être occupés par des officiers ; doivent être sécurisés en particulier : stations d’amplification, centres de communication du réseau opérationnel de l’armée de terre, émetteurs haute puissance (postes de radiodiffusion), les centraux du téléphone et du télégraphe dans la mesure où les grandes lignes téléphoniques passent par eux, les salles d’amplificateurs et d’accumulateurs, les groupes électrogènes et les salles d’opération. Le réseau de communication des chemins de fer doit être protégé en accord avec les services des transports.

Nous devons maintenir le réseau de communications radiophoniques opérationnel par nos propres moyens.

(b) Arrestations. Les personnes suivantes doivent être démises de leurs fonctions sans délai et placées en état d’arrestation : tous les Gauleiter, les ministres- gouverneurs du Reich, les présidents, les chefs de la police, les hauts responsables de la police et des SS, les chefs de la Gestapo et les chefs des officiers SS, les chefs des services de propagande et les chefs de secteurs. Il ne peut y avoir d’exception que sur ordre venant de moi.

(c)Camps de concentration. Les camps de concentration doivent être rapidement occupés, les commandants des camps arrêtés, les gardes désarmés et confinés dans les baraquements. Les prisonniers politiques doivent être informés qu’ils doivent s’abstenir de tout rassemblement et de toute mesure individuelle jusqu’à leur libération.

(d) Waffen-SS. Si des doutes existent quant à l’obéissance des chefs des unités de la Waffen-SS ou d’officiers de la SS blindée, ou s’ils semblent ne pas faire l’affaire pour continuer d’assurer le commandement, ils doivent être placés en préventive et remplacés par des officiers de l’armée de terre. Les unités blindées de la Waffen-SS dont l’obéissance absolue est sujette à caution doivent être implacablement désarmées. Cela doit se faire énergiquement, avec des forces supérieures, afin d’éviter autant que possible les bains de sang.

(e) Police. Les antennes de la Gestapo et du SD doivent être occupées. Il convient de faire appel à la police régulière afin de soulager les forces armées.

Les ordres de police doivent être donnés par le chef de la police allemande via le commandement de la police.

(f) Marine et armée de l’air. Une liaison doit être instaurée avec les chefs de la marine et de l’armée de l’air. Il convient d’assurer leur action commune.

III. Pour la gestion de toutes les affaires politiques qui apparaissent dans le cadre de la loi martiale, je nomme un commissaire politique dans chaque secteur. Jusqu’à nouvel ordre, il doit assumer toutes les tâches de chef de l’administration. Il doit conseiller le commandant de secteur dans toutes les affaires politiques.

IV. Le bureau du commandant en chef de la Zone de l’Intérieur est l’état-major des opérations pour l’intérieur. Il enverra un officier de liaison auprès des commandants de secteur pour assurer l’information mutuelle sur la situation et les intentions.

V.  Aucune action arbitraire ni aucune action dictée par la vengeance ne doit être tolérée dans l’exercice du pouvoir exécutif. Il faut faire bien comprendre à la population que le pouvoir exécutif prend ses distances vis-à-vis des méthodes arbitraires des dirigeants précédents.

Le commandant en chef de la Zone de l’Intérieur

 n° 32 160/44, secret

 

Signé : Fromm, général

Graf Stauffenberg, colonel