CHAPITRE VIII

Les derniers rayons du couchant filtraient à travers le feuillage encore épais du jardin, éclairant l’avant-cour où se dressaient trois longues tables flanquées de bancs couverts de peaux de bêtes. Les domestiques allaient et venaient, portant d’énormes plateaux chargés de victuailles qu’ils disposaient au milieu des salières et des saucières. Nadia venait de compter cuillers et couteaux. Elle promena un œil critique sur les plats déjà servis : cuissots de sanglier rôtis, canards aux concombres, gélinottes aux prunes, pâtés de volaille, diverses gelées et beignets de toutes sortes… Quant aux boissons, son père avait ordonné qu’on serve de l’excellent vin de cerise et de l’eau-de-vie au miel, sans oublier des tonnelets entiers d’hydromel. Nadia jeta un regard de l’autre côté de la cour. Là aussi, tout était prêt : les serviteurs avaient ramassé et empilé du bois en prévision des feux de joie qu’on allumerait plus tard dans la soirée.

Nadia se tourna vers la maison et aperçut une étrange créature vêtue d’une peau de mouton et affublée d’un masque grossièrement badigeonné. Elle pouffa de rire : c’était Philippos travesti en petit père Domovoï. Le garçon s’était bien débrouillé, son déguisement était comique mais aussi un peu effrayant, juste ce qu’il fallait ! Elle lui adressa un signe de tête approbateur. À cet instant, le boyard Grom apparut sur le perron. Il détailla Nadia de la tête aux pieds et claqua des lèvres en signe d’admiration. Elle eut un sourire. Ce soir, elle s’était coiffée et habillée en dame plutôt qu’en jeune fille. Elle portait une robe rouge orangé qui mettait en valeur sa jeune poitrine ferme, et ses cheveux torsadés étaient ornés de rubans brodés de perles.

Nadia songea qu’elle aussi elle pouvait être fière de son père, bien qu’il eût dépassé la quarantaine. Grom avait été fort comme un lutteur de foire dans ses jeunes années. Aujourd’hui un ventre proéminent alourdissait son corps, mais cet embonpoint lui donnait un air de dignité et d’autorité qui impressionnait tout le monde.

Elle était sur le point de rejoindre son père et Philippos quand un son de clochettes lui parvint de l’autre côté de la clôture. Était-ce Marfa ? Son amie ne manquait jamais l’occasion d’exhiber son joli équipage. Ou bien était-ce lui ? Le cœur de Nadia se mit à battre la chamade. Elle longea l’allée qui menait au portail en se retenant de courir, adoptant un maintien digne et réservé. N’avait-elle pas décidé de lui imposer une nouvelle image d’elle-même, bien différente de celle qu’il connaissait ? Alors, autant qu’il s’en rende compte tout de suite ! Désormais, elle afficherait une indifférence de bon aloi. Plus de sourires entendus, plus de frôlements de main furtifs ! Elle avait bien écouté les conseils de sa vieille nounou : elle resterait distante et inaccessible – et cela, jusqu’à ce qu’il soit devenu fou amoureux d’elle. D’après cette brave Fania, c’était le moyen le plus sûr d’attirer un homme dans ses filets !

Ces pensées lui traversèrent l’esprit en un éclair. Elle inspira profondément et ouvrit les battants du portail. Las ! Ce n’était que cette sotte de Marfa. Les deux amies se saluèrent.

— Tu es très en beauté ce soir ! s’exclama Nadia en considérant la tenue de la jolie blonde. Cette coiffe te va à ravir !

— Il est vrai que ce kakochnik1 est particulièrement seyant. Quant à ma sarafane, j’adore le bleu – à cause de mes yeux, tu le sais bien !

— Comment donc… Dommage que ce ne soit pas le même bleu, dit Nadia d’un ton mielleux.

À cet instant, son père s’approcha et Marfa s’inclina devant le boyard. Nadia remarqua avec surprise le coup d’œil aguicheur que son amie lança à son père en se redressant. Celui-ci esquissa un petit sourire suffisant. « Il ne manquerait plus que ça ! songea Nadia, amusée malgré elle. Il faut que je veille à ce que cette effrontée laisse mon père tranquille ! » Elle prit la pulpeuse Marfa par la taille pour la conduire au fond de la cour, vers une coquette tonnelle, où elles s’installèrent sur un petit banc garni de coussins.

— Il faut reconnaître que ton père a fière allure ! susurra Marfa. Cela dit… Est-ce qu’il nous honorera de sa présence pendant toute la soirée ?

— À ton avis ? rétorqua Nadia. Puisqu’il te plaît tant, tu devrais être contente… Oh, ne fais pas cette tête ! Bouder ne servira à rien, il tient à bénir le Feu nouveau.

— Tu as pourtant promis de l’éloigner l’espace de deux ou trois heures, gémit Marfa. Si on veut vraiment profiter de la fête…

Nadia haussa les épaules.

— Mon père ne m’a jamais empêchée de m’amuser tout mon soûl !

— Cela dépend de ce que « s’amuser » signifie pour toi, observa Marfa. Et comme tu n’as pas d’amoureux… Oh, je ne parle pas de tous ceux qui te courtisent ! Enfin, libre à toi de rester pucelle jusqu’au jour béni où tu ceindras la couronne du mariage.

— Ce n’est pas mon intention, répliqua sèchement Nadia. Mais ce n’est pas une raison pour tomber dans les bras du premier venu, comme certaines.

Marfa plissa les lèvres dans une moue ironique.

— Quand tu auras découvert le véritable plaisir, tu n’auras plus guère l’occasion de le goûter ! Ton seigneur et maître t’enfermera dans le térem, et il finira par venir te voir la semaine des quatre jeudis. Alors, n’attends pas trop longtemps ! Quant à moi…

La jolie blonde se pencha vers elle et se mit à lui chuchoter quelque chose à l’oreille. Nadia rougit jusqu’à la racine des cheveux.

— Par la très sainte Vierge !… Et qui est ce veinard ?

— Je lui ai juré de ne point trahir notre secret.

— Dis-moi au moins comment c’est arrivé !

— Je rêvais de lui depuis bien longtemps, confia Marfa. La nuit, je l’imaginais tout près de moi. Je prenais mon oreiller pour le serrer contre moi, je fermais les yeux et je pensais à lui… Je laissais libre cours à ma fantaisie ! Enfin, il y a quelques jours, nous nous sommes retrouvés en tête à tête. J’avais le sentiment de lui appartenir déjà, corps et âme…

Nadia s’empourpra de plus belle et pressa ses paumes sur ses joues.

— Continue ! murmura-t-elle. Tu l’as donc revu, et… ?

— Il m’a pris la main et il s’est mis à me caresser le poignet, puis le bras… J’ai alors senti chaque parcelle de ma peau s’embraser comme par magie ! Et ensuite… c’est arrivé, voilà tout. Ah, ce plaisir ! Je n’ai aucun remords, au contraire !

Nadia voulut lui poser une question mais, à cet instant, un son de clochettes leur parvint du côté du portail.

— Sois gentille, Marfa, va prévenir Philippos ! lança-t-elle. Il peut commencer le rituel des adieux au vieux feu, c’est mon père qui donnera le signal. Moi, je vais m’occuper des nouveaux arrivants !

Sur ces mots, elle s’élança vers l’allée pour accueillir un groupe de jeunes gens qui s’avançaient à sa rencontre.

 

Deux heures plus tard, la fête battait son plein. Nadia avait toutes les raisons d’être heureuse : ses invités s’amusaient à cœur joie, et son père lui avait confirmé que sa réception était une réussite. Philippos s’était honorablement acquitté de son rôle. Marchant en tête du cortège traditionnel, le petit père Domovoï avait transporté une pelletée de tisons flamboyants pris dans la cheminée jusqu’au bûcher qui trônait au milieu de la cour. Quand les flammes se furent élevées, le maître de maison avait béni le Feu nouveau. Le génie du foyer avait alors ramené et disposé quelques bûches dans l’âtre. Pendant que des langues de feu montaient, Philippos s’était mis à réciter une formule incantatoire, une invocation obscure que, Nadia était prête à le jurer, il venait d’inventer. Puis il avait imposé quelques instants de silence, tandis qu’une colonne de fumée et d’étincelles partait en grondant dans le noir, à travers la cheminée, vers le ciel étoilé.

Oui, son nouveau soupirant savait se rendre utile ! Pendant toute la durée du repas, le garçon avait amusé les convives, rivalisant en bagout avec d’autres beaux parleurs. Philippos avait aussi été le premier à sauter par-dessus le feu de joie qui brûlait dans la cour débarrassée des tables et des bancs. Par miracle, sa longue touloupe ne s’était pas enflammée. Il avait alors jeté sa tenue de domovoï aux orties et ne quittait plus Nadia d’une semelle. Mais la belle n’avait d’yeux que pour celui qui faisait battre son cœur plus fort.

Soudain, elle l’aperçut qui souriait en lui faisant signe d’approcher. Voulait-il qu’ils se joignent à la ronde que garçons et filles dansaient sur la pelouse ? Ou bien allait-il lui demander de sauter par-dessus le bûcher ? Qu’importe ! Elle en avait assez de jouer la reine des glaces alors qu’en réalité elle fondait dès qu’il lui adressait la parole. Et Nadia se précipita vers celui qui lui tendait les bras.

En proie à une amère mélancolie, Philippos regarda la jouvencelle s’éloigner. Nadia faisait preuve de la plus noire ingratitude ! Comment pouvait-elle le laisser choir comme un vieux chausson de tille après tout ce qu’il avait fait pour lui être agréable ? Il la suivit en traînant les pieds et se mêla à ceux qui faisaient cercle autour du feu. Dans un vaste espace laissé libre autour des flammes, des silhouettes agiles bondissaient par-dessus le bûcher. Il vit Nadia se joindre à eux. Elle prit son élan, releva ses jupons et sauta, découvrant ses jolies jambes jusqu’aux genoux. Les garçons l’acclamèrent en riant et en sifflant. Philippos détourna la tête, dégoûté.

— A-t-elle donc besoin d’être admirée par cette bande d’abrutis ? murmura-t-il avec tristesse.

— C’est un plaisir bien innocent, lui répondit une voix féminine.

Philippos leva les yeux : Svetlana, l’épouse d’Igor, se tenait près de lui.

— Et il est le privilège des jeunes filles, poursuivit-elle en souriant. Plus tard, nous autres femmes n’aurons d’autres joies que l’union consacrée. Nous passerons le reste de notre vie confinées dans l’ombre et l’indifférence !

Philippos la dévisagea sans répondre. La lueur tremblante des flammes colorait son visage d’ordinaire si pâle et animait ses traits menus qui paraissaient d’une beauté féerique. Elle portait une coiffe à l’ancienne, le front ceint d’un mince anneau d’argent, la nuque et les épaules recouvertes d’un voile qui dissimulait ses cheveux blonds. Cette coiffure sobre faisait ressortir l’éclat de ses iris couleur d’émeraude.

— Quant à toi, tu ne devrais pas faire attention aux manèges des coquettes, reprit Svetlana. Plus les garçons soupirent, plus on aime à les faire souffrir !

Philippos esquissa un sourire indécis. La remarque de la jeune femme l’avait apaisé et vexé à la fois.

— Sois sans crainte, dame Svetlana ! s’empressa-t-il de répliquer. Je n’ai nulle disposition à souffrir pour si peu de choses !

À cet instant, un petit objet ovale roula à ses pieds. Il le ramassa prestement.

C’était un flacon grand comme la moitié de sa paume, en terre cuite rouge, orné d’un motif géométrique noir. La fiole avait sans doute glissé de la poche d’un des gaillards qui gambadaient autour des flammes. Elle était vide, le bouchon manquait. Avant de demander à qui elle appartenait, Philippos la porta d’un geste machinal à son nez. Il tressaillit, un frisson parcourut tout son corps : il avait reconnu le parfum d’Olga – ou plutôt celui de son assassin, le passant mystérieux que Nadia et lui avaient croisé lors de leur escapade nocturne. Il leva les yeux et promena un regard aigu sur les visages que le feu de joie éclairait d’une lumière crue. Les jeunes gens sautaient en riant par-dessus le bûcher l’un après l’autre, puis couraient se placer derrière ceux qui attendaient leur tour. Aucun ne faisait mine de chercher quelque chose.

Les doigts serrés sur sa précieuse trouvaille, le garçon se tourna vers Svetlana et fut frappé par son expression grave. Elle fixait quelqu’un dans la foule des spectateurs. Il voulut lui demander ce qui la captivait à ce point quand une voix perçante se mit à cracher des injures, couvrant le brouhaha alentour. Philippos repéra aussitôt le malotru : c’était Kassian, le jeune homme aux cheveux de jais et aux prunelles azur qui plaisait à Nadia. Il se tenait à quelques pas du feu et invectivait Igor qui lui faisait face. Pour une fois, Kassian n’était pas beau à voir ! Sa chapka de zibeline posée de guingois, son caftan déboutonné, il avait les yeux injectés de sang et ses mains écartées tremblaient violemment.

— Visez-moi ce fourbe sans cœur et sans honneur ! beugla-t-il d’une voix avinée en désignant Igor. Savez-vous ce qu’il pense, ce débauché vautré dans le vice ? Comme il est marié aux yeux du monde, ses forfaits resteront cachés, ni vu ni connu… Mais moi, je vois clair en lui, et je parle droit !

Kassian eut un hoquet. Il vacilla, parvint à se redresser et repoussa sa chapka sur la nuque d’un geste crâneur. Igor ne broncha pas. Tête nue, il passa ses doigts dans sa chevelure châtaine. Ses traits étaient détendus, mais une lueur dangereuse brillait dans son regard.

— Misérable ivrogne ! lâcha-t-il entre ses dents. Quand bien même tu voudrais voir clair et parler droit, tu verrais double et ta langue fourcherait !

— Pour palabrer, il sait y faire ! s’emporta Kassian. Toujours à tisser de jolis discours comme un marchand grec ! Seulement lui, il tisse sa toile pour attraper des jouvencelles innocentes. Et il leur conte fleurette au nez et à la barbe de sa légitime !

Igor devint tout d’un coup d’une pâleur mortelle. Il se recula d’un pas, tandis que sa main se portait sur le pommeau de la dague suspendue à son ceinturon. Il s’immobilisa, pareil à un lynx prêt à bondir, pensa Philippos. Mais l’instant d’après, il reprenait déjà contenance. Grave et hautain, il contempla son adversaire pendant quelques secondes. Au lieu de calmer Kassian, ce silence méprisant lui fit l’effet d’un coup de fouet.

— Par le cul du Diable ! On dirait un de ces saints à l’œil courroucé dont les peintres grecs ornent nos églises ! railla-t-il. Mais ça ne trompe personne. Comme dit notre pope, le mariage n’est parfois qu’un chemin détourné qui mène au péché !

Philippos loucha vers Svetlana. L’espace d’une seconde, une contraction de souffrance décomposa son beau visage. Puis, éperdue, elle se précipita vers Igor. Elle se jeta dans ses bras et se retourna pour faire face à Kassian, comme si elle avait voulu protéger son mari de son corps.

— Qui es-tu pour juger la conduite d’autrui ? s’écria-t-elle en dardant sur Kassian un regard scintillant. Moi, Svetlana fille d’Alrik, je jure devant Dieu que jamais mon époux n’a déshonoré les liens sacrés qui nous unissent !

— Pas d’offense, gente dame, bredouilla Kassian en essuyant la sueur qui collait ses mèches noires à son front. Tu as beau être sa compagne, tu ne connais point ce renard au sourire enjôleur. Il a suborné plus d’une jouvencelle naïve et confiante. Si la belle Olga avait vécu, elle aurait raconté…

— Mensonge ! le coupa Igor. C’est la jalousie qui a délié ta langue de vipère ! Tout le monde sait que tu voulais rompre le fromage avec Olga – non par amour, mais parce que tes coffres sont vides, et que ta riche et ladre maîtresse grecque ne répond plus à tes missives !

Autour d’eux, certains ricanaient, d’autres encourageaient à voix basse les deux adversaires dans l’espoir de les voir se ruer l’un sur l’autre.

— Honte à vous tous, bande de mécréants et de calomniateurs ! tonna soudain la voix de Grom. Olga était une honnête jeune fille et une amie de ma Nadia. La malheureuse n’est pas encore enterrée que vous ternissez déjà sa mémoire avec ces médisances déshonorantes !

Le père de Nadia continua de tempêter contre ceux qui manquaient de respect aux morts. Igor, Kassian et les autres jeunes gens écoutaient, la mine penaude. L’incident semblait clos. Philippos rangea le précieux flacon au fond de sa poche et chercha Nadia des yeux. Elle restait invisible. Le garçon alla faire le tour de la maison, puis l’attendit quelque temps à la sortie du jardin. En vain ! La belle s’était volatilisée. Poussant des soupirs à fendre l’âme, le garçon se résolut enfin à rentrer chez lui.

L’assassin ne le vit pas quitter le domaine. Plongé dans ses pensées, il promena un regard distrait sur le feu de joie et la cohue alentour. Depuis combien de temps se trouvait-il là, à jouer la comédie ? Son flair lui disait de redoubler de vigilance. Mêlé aux autres convives, il avait paradé en tenue de fête et participé à toutes sortes de divertissements. À l’évocation d’Olga, il avait courbé la tête et s’était composé une expression de tristesse, mimant le chagrin avec le même naturel qu’il avait montré en imitant la joie. Pendant ce temps, derrière ces masques, son âme restait aussi froide et indifférente que la mort elle-même.

Cette comparaison amusa l’assassin. Il sourit du bout des lèvres. En fait, il était la Mort, telle que les gens se la représentaient le plus souvent : elle s’approchait à pas feutrés, frappait à l’improviste et ne ratait jamais son coup. Certaines de ses victimes ne la reconnaissaient qu’au moment où leurs paupières se fermaient à jamais, et leur dernier regard terrifié lui renvoyait son propre reflet. Il en avait été ainsi avec Olga… Ah ! Cet instant de jouissance suprême justifiait tous les risques !

Soudain, un souvenir déplaisant surgit dans sa mémoire. Il éprouva à nouveau cette sensation d’écœurement qui l’avait submergé à la vue du corps ensanglanté d’Olga étendu à ses pieds. Comment imaginer cette chair molle et poisseuse capable d’éveiller le moindre désir ? On aurait dit qu’elle était déjà en train de se décomposer ! Et pourtant, l’Amant avait adoré et caressé ce corps, avant de laisser la place au Justicier.

Troublé, l’assassin s’empressa de donner un autre cours à ses pensées. Il était la Mort, et l’ombre de ses ailes déployées planait déjà au-dessus de sa future proie. Ses yeux perçants qui ne cillaient jamais se fixèrent sur la jeune fille. Elle était à peine sortie de l’enfance mais déjà, elle était rompue à l’art de la  séduction. Les garçons tournaient autour d’elle comme des papillons de nuit autour de la flamme d’une bougie.

L’œil rivé sur la jouvencelle, la Mort observa quelque temps ses manœuvres de petite aguicheuse et les sourires qu’elle adressait à ses admirateurs.

— Pourtant, c’est à moi que tu appartiens, murmura la Mort. Comme Olga, et Anna, et toutes celles d’avant. Ainsi que celles à venir ! Tu es la nouvelle élue ; tu n’échapperas pas à ton destin !

1- Coiffure haute et rigide, en pointe ou arrondie.