Il n’y a pas si longtemps une rumeur courait encore le Poitou profond, une fable tenace{26} qui racontait qu’autrefois le trisaïeul d’Athénaïs avait épousé une femme bien singulière. Cet ancêtre se nommait François de Rochechouart – un homme du XVIe siècle – son épouse s’appelait Renée Taveau, elle était la fille unique de Jeanne Frottier-Preuilli et de Léon, baron de Mortemart, seigneur de Lussac, de Verrières et d’autres lieux et il lui était arrivé, selon la légende poitevine, une aventure à faire pâlir nos parapsychologues : toute jeunette, Renée s’était trouvée mal, elle ne respirait plus, son pouls ne battait plus, on l’avait donc crue morte, on avait beaucoup pleuré... et on l’avait ensevelie. D’émouvantes obsèques pour une fillette que l’on enterrait couverte de ses bijoux. Sur ses petites mains jointes, un merveilleux diamant, d’une eau finement ciselée.

— Cette pierre est trop scintillante pour rester dans l’obscurité du caveau ! songea alors un valet véreux qui n’attendit que la nuit pour violer la sépulture et s’emparer du bijoux convoité. Impossible, hélas !, de faire glisser la bague sur le doigt raidi. La phalange faisait obstacle. Et l’horrible individu n’eut d’autre idée que de trancher, à forts coups de dents, le doigt froid de la petite Renée Taveau.

Ce qui eut pour effet immédiat de la réveiller de cette mort qui n’était probablement qu’une pâmoison profonde.

Mais il n’en fallut pas plus pour faire jaser, et on inventa aussitôt des histoires dans lesquelles on mêla un doigt de vampirisme et une bonne dose de succubat. Au sortir de sa léthargie, Renée Taveau se trouvait donc métamorphosée en succube, son joli petit corps ne lui appartenait plus, il hébergeait désormais un démon avide d’avoir commerce avec un homme !

Et l’homme en question, ce fut François de Rochechouart qui, du commerce avec sa succube d’épouse, eut trois fruits, dont René, le grand-père d’Athénaïs. Le Malin était donc déjà dans la famille dès 1530 ! Quoi d’étonnant alors à ce que Mme de Montespan aimât à s’allonger nue sur les autels maudits de l’abbé Guibourg, le pape des messes noires ! Du moins, c’est ce qu’ont toujours affirmé la plupart des historiens, et non des moindres, tel Frantz Funck-Brentano ou Georges Mongrédien, sans oublier Armand Praviel qui écrivit – en 1934 – une Mme de Montespan empoisonneuse et le duo Paul Emard-Suzanne Fournier qui récidiva quatre ans plus tard avec un ouvrage accablant intitulé Les Années criminelles de Mme de Montespan. Il n’y a guère que Jean Lemoine{27} pour avoir osé affirmer – seul contre tous – qu’Athénaïs n’était, au sens propre, ni une ensorceleuse, ni une empoisonneuse.

Mais alors, que faut-il en penser ? Athénaïs ne dut-elle ses années de gloire qu’à son seul talent, ou ne triompha-t-elle qu’en usant et abusant des mixtures les plus délétères et... du bouillon d’onze heures ?

L’affaire, qui n’éclatera qu’à la fin de la huitième décennie du XVIIe siècle, aurait commencé dix ans plus tôt, dès 1667, c’est-à-dire l’année de la dernière grossesse de Louise de La Vallière qu’Athénaïs était décidée à supplanter par n’importe quel moyen. Ses accusateurs l’affirment. Ils affirment aussi que, dès cette année-là, elle était déjà entre les mains de... la Voisin.

La Voisin : c’était un gentil surnom de sorcière. En réalité cette femme s’appelait Catherine Deshayes, elle était veuve d’Antoine Monvoisin. Son quartier général : une maisonnette sise dans l’actuelle rue Beauregard à Ville-Neuve-sur-Gravois, une ville neuve bâtie au début du XVIIe siècle entre le quartier Saint-Denis et les remparts. C’est dire qu’elle était parisienne, cette ancienne sage-femme devenue faiseuse d’anges puis devineresse, puis concocteuse de philtres d’amour et enfin spécialiste en « poudres de succession ».

Autour d’un portrait qu’il a fait d’elle, le graveur Coypel a brossé des allégories angoissantes : des serpents, une camarde, des diables griffus... et pourtant, sous sa capuche blanche, avec un regard vif et doux, un sourire naïf et des joues bien rebondies... on lui donnerait le bon Dieu sans confession ! Elle avouera pourtant avoir brûlé ou enterré dans son jardin les corps de plus de deux mille cinq cents enfants nés avant terme ! Mais comme elle était une femme à principes, qu’elle ne manquait jamais la messe, elle avait toujours tenu à ce que les bambins venus au monde – l’espace d’un court instant ! fussent ondoyés avant de le quitter ! Elle avouera aussi que tous les empoisonnements de la cour – ou presque – avaient été mis au point dans son laboratoire, compromettant ainsi le maréchal de Luxembourg, Olympe et Marie-Anne Mancini, Mme de Polignac, la marquise d’Alluye, la princesse de Tingry, la maréchale de La Ferté..., etc., mais, pas un mot d’Athénaïs !

La duchesse de Foix, également, avait eu des contacts avec elle. Le policier La Reynie – qui mènera toutes les enquêtes – en était convaincu. Et il ne se trompait pas. Aussi effectua-t-il des recherches autour d’un billet rédigé de la main de la duchesse à l’attention de la sorcière, un billet fort sibyllin qui disait en substance : « Plus je frotte, moins ils poussent. » Mais le lieutenant de police méticuleux constatera bientôt qu’il ne s’agissait que d’une recette pour développer les seins !

Ce n’est pas une mince affaire que cette affaire des poisons. L’arrestation de la Voisin n’en entraînera-t-elle pas 441 autres ? 281 seront maintenues et suivies de bannissements, d’envois aux galères, d’emprisonnements insalubres ou, plus sèchement, d’exécutions. Il n’est pas question ici de la reprendre de A à Z : Jean-Christian Petitfils{28} dans un ouvrage assez récent, l’ayant fait et fort bien fait. Seule Athénaïs nous intéresse, elle qui n’a jamais été condamnée que par l’Histoire, au grand dam d’ailleurs de Nicolas de La Reynie, ce policier parfois vétilleux que l’on a déjà croisé à l’occasion des combats qu’il livra aux jeux de hasard.

Ce Limougeaud, qui avait vu le jour en 1625 dans une bonne famille de robe, fit, comme il se devait, des études de droit. Il deviendra intendant du duc d’Epernon, le gouverneur – détesté – de Guyenne, qui le présentera à la cour. A la mort de son maître – en 1661 –, il retrouvera sa liberté et achètera sur la place de Paris une charge de maître des requêtes. Il l’achète fort cher (320 000 livres !), mais il acquiert ainsi deux pouvoirs : celui de siéger au conseil du Roi en qualité de rapporteur et celui de rendre la justice au tribunal dit des requêtes de l’Hôtel : un tribunal qui ne s’occupait que des causes des princes, des officiers de la couronne, des commensaux de la Maison royale... Il se trouve donc ainsi en rapports fréquents et secrets avec le Roi, qui l’apprécie et le nomme bientôt à la tête de l’administration de la police parisienne. Cette nomination intervient officiellement au printemps de 1667... l’année même où Athénaïs commencerait de tremper dans le poison.

Bien que seuls les faits et gestes de Mme de Montespan nous concernent, quand ils sont consignés dans l’épais dossier des archives de la Bastille que conserve la Bibliothèque de l’Arsenal, on ne pourra éviter de croiser, sur les chemins de l’enfer, un certain nombre de personnages plus experts les uns que les autres à faire bouillonner les chaudrons d’Astaroth, des marmites dans lesquelles on savait mitonner le plus gras venin du crapaud, le meilleur arsenic, les poudres d’écrevisse, les rognures de taupe, le vert-de-gris, le sang menstruel ou celui de la chauve-souris, sans oublier les indispensables pincées de cantharide !

Qui sont-elles donc, ces âmes damnées qu’aurait fréquentées Athénaïs ou qui auraient travaillé pour elle, souvent par personne interposée, ou encore celles qui vont la compromettre par leurs révélations ? Pour le savoir, transportons-nous un instant dans le bureau du lieutenant général de police et consultons leurs fiches. On aura de bonnes occasions d’être effrayé. Ames sensibles s’abstenir !

Une dernière précaution à prendre, avant d’entrer chez La Reynie, une information plutôt, pour nous permettre de mieux situer nos inculpés et comprendre leurs agissements : au XVIIE siècle, la démonomanie était souveraine. Un sorcier n’avait-il pas déclaré sur son bûcher, en place de Grève, avant d’être léché par les flammes :

— J’ai 100 000 collègues dans le royaume !

Il n’exagérait pas.

Le XVIIe siècle est un siècle de grande foi, partant un siècle de grande superstition. Le surnaturel intervient à tout propos et très souvent, hors de propos. On croit en Dieu, on ne doute pas du diable et la sorcière médiévale de Michelet qui continue de hanter les bouges de Paris ne se prive pas de venir trotter dans les jardins de Saint-Germain et de Versailles. Il est le siècle du classicisme, certes, mais les générations qui le peuplent ne sont pas encore parvenues à exorciser les grandes peurs, les fantasmes qui tenaillent l’humanité depuis la nuit des temps.

La médecine, d’autre part, n’est-elle pas d’une nullité accablante ? Paracelse n’a-t-il pas incendié tous les livres d’Hippocrate en proclamant qu’il n’y avait de bons que les remèdes des sorcières ? Il est vrai qu’elles avaient des calmants, nos commères, pour apaiser les douleurs, qu’elles disposaient de baumes pour cicatriser les blessures, qu’elles savaient mitonner les onguents et les émollients ; il est vrai surtout qu’elles étaient des psychothérapeutes avant l’heure quand elles agissaient sur les « maladies nerveuses » par la seule suggestion.

Il est vrai encore que ces gens-là étaient souvent de fieffés imposteurs n’hésitant pas, par exemple, à prescrire des pommes de chardon pour venir à bout des hémorroïdes ou de la fiente de faisan pour guérir les cors au pied ! Et si le traitement se montrait inefficace – ce qui était souvent le cas, on s’en doute – on passait alors aux prières. Jamais les saints n’ont tant fait recette qu’en ce siècle ! Notre-Dame la bien tournée était la protectrice des femmes enceintes ; Notre-Dame de la délivrance lui succédait, en favorisant les accouchements heureux ; sainte Claire, évidemment, pouvait redonner un oeil de lynx aux aveugles ; on priait saint Herbland pour la fenaison, quant à sainte Geneviève, elle était censée éloigner les vipères, ce qui, somme toute, ne lui demandait qu’un tout petit effort, eu égard à celui qu’elle avait fourni autrefois en éloignant de Paris Attila et sa horde sauvage.

Mais, a contrario, Saint-Aignan était tout à fait capable de vous faire attraper une bonne teigne (prononcer saint teignant) ; saint Hubert était souvent à l’origine de la rage (le mal de saint Hubert), quant à saint Roch il était le seul responsable de la silicose qui frappait les tailleurs de pierre !

Quoi d’étonnant alors, dans une époque où l’on raisonnait de façon aussi manichéenne, que, déçu par les prières, on ait pu très aisément se retourner vers la magie noire. Dieu et ses saints ne répondant pas, on n’avait aucun scrupule à cogner à la porte d’à côté, fût-elle celle de Méphisto !

Il est temps maintenant de nous pencher sur ce qu’aurait pu être le fichier du lieutenant général de police Nicolas de La Reynie et de découvrir les maudits que nous avons tout simplement classés par ordre alphabétique et non en fonction de leurs grades d’officiers ayant servi la cause de... l’Empire des morts. Dans un tel chaos de papiers de procédure, il nous est apparu que c’était la méthode la plus rationnelle.

BARTHOMINAT Jean, dit La Chaboissière, du nom d’un petit chien qu’il possède. Né en Auvergne, âgé de trente-cinq ans environ. Domicilié faubourg Saint-Antoine. Grand et gros. Peau basanée. Signe particulier : possède un visage fort laid et fort grêlé. A été cavalier dans le régiment de M. le comte de Guiche de 1653 à 1658, année de son licenciement. Aujourd’hui valet du chevalier de Vanens, lui-même alchimiste compromis. Possède la science héréditaire des poisons. Inventeur de la « torminade », une poudre subtile avec laquelle il peut se défaire de qui il veut sans qu’il y paraisse. A déclaré lors de son interrogatoire : « Le chevalier de Vanens mériterait d’être tiré à quatre chevaux pour les conseils qu’il a donnés à Mme de Montespan. » (Cette déclaration fut considérée par le lieutenant de police comme le point initial du drame.)

BESSONNET, bourgeois de Paris. Crédule, il a financé la cabale Vanens-Barthominat et consorts, espérant qu’avec ses subsides ils allaient résoudre le mystère de la pierre philosophale. Se sentant escroqué, il porte plainte. (Dans sa déposition, consignée dans les papiers de La Reynie, il dénonce tout ce qu’il sait de l’aventure dans laquelle Vanens l’a entraîné ; ne cite jamais le nom de Mme de Montespan.)

BOSSE, Marie-Marette, femme de François Mulpe, dite La Bosse. Fait commerce clandestin d’approvisionner en poisons les femmes désireuses de se défaire de leur mari. Ses deux fils et sa fille, Manon, sont également inculpés. La Bosse a avoué avoir livré une chemise imprégnée d’arsenic, moyennant 4 000 livres, à Mme de Poulaillon, et une semblable à Mme Brunei, qui voulait se remarier avec Philibert Rebillé, le joueur de flûte. A ajouté (repentante) qu’il y avait dans Paris plus de 400 devineresses et magiciennes qui perdaient bien du monde, surtout des femmes et même une femme de la plus haute condition.

CATAU, dite la Cato. Jeune femme ayant sollicité une neuvaine auprès de la Voisin « afin que Dieu ait la grande bonté de la faire entrer au service de Mme de Montespan ». Et Dieu fut bon. Il semble qu’elle ignore tout des activités criminelles de sa maîtresse.

CHANFRAIN, Jeanne, dite la Chanfrain. Née vers 1632 à Montlhéry : « Fille et gagnant sa vie à ce qu’elle peut. » Est la maîtresse du pape des messes noires, l’abbé Étienne Guibourg. Sept enfants sont nés de sa liaison avec cet amant, dont trois ou quatre ont pu être égorgés sur les autels.

CHAPELAIN, Madeleine Gardey, dite la Chapelain. Née vers 1650. Demeurant rue de Berry. Jeune et dangereuse empoisonneuse. A été en complicité active avec Mme de Montespan. A avoué avoir fait célébrer à Saint-Séverin – par l’abbé Mariette – une messe lors de laquelle un billet fut placé sous le calice. Sur ce billet il était inscrit que la marquise de Montespan souhaitait « être aymée de quelque personne de considération ». Complice de la Filhastre avec laquelle elle a eu des relations saphiques.

COEURET, Adam, dit Lesage ou Dubuisson. Originaire de Normandie. Né à Venoix, près de Caen. Exerce officiellement la profession de marchand de laine. En réalité il est un redoutable initié, associé de l’abbé Mariette. Déjà condamné aux galères en 1668. Libéré en 1673 à la suite d’une intervention mystérieuse. Aurait eu dès 1667 des contacts avec Mme de Montespan. Passé maître dans l’art de duper ses collègues. Avait promis le mariage à la Voisin. Un témoignage de cette dernière nous en dira plus long sur ses talents d’escamoteur : « Un jour Coeuret, dit Lesage, prit un pigeon en vie à la Vallée de la misère (comprenez le Quai de la Mégisserie, où l’on vendait déjà la volaille). Il le brûla dans une bassinoire, tamisa les cendres et les rangea dans son cabinet. Ce fut le commencement d’une quarantaine pendant laquelle il récitait quotidiennement la passion de Notre Seigneur, dans son cabinet, les pieds dans une cuve d’eau, quoiqu’il gelât très fort. Ensuite il m’a fait mettre une nappe blanche sur une table et allumer deux cierges. Je lui ai aussi procuré trois verres de cristal avec lesquels il a fait son mystère que j’ignorais. Il m’a demandé de les enfermer dans une armoire avec une branche de laurier et garder la clef sur moi. Le lendemain il m’a réclamé les trois verres et la branche de laurier... j’ai donc ouvert l’armoire : vide ! Coeuret m’a injuriée et m’a dit qu’il ne me donnerait plus rien à garder. Il était très énervé. Une fois calmé il m’a envoyée dans le cabinet du jardin : les trois verres et le laurier s’y trouvaient ! Quand je lui ai demandé comment il faisait tout cela, il a répondu qu’il était de l’apostolat et de la compagnie des Sibylles{29} »

COTON, abbé Jacques-Joseph. Rien à voir avec le confesseur des rois Henri IV et Louis XIII. Prêtre paillard né à Paris en 1636. A exercé en la paroisse Saint-Paul. Amant de la Filhastre, de la Bosse et de Madeleine Chapelain. Avorteur. Spécialiste des pactes avec le diable. A célébré de nombreuses messes noires (chez le portier des Quinze-Vingts, notamment) « sur des poudres pour l’amour ». Mme de Montespan a pu utiliser ses compétences.

COUAILLER, dit le rebouteux ou le médecin de boeufs. Originaire de Beux, en Bourgogne. Ne sait ni lire ni écrire, mais passe pour un habile médecin grâce aux herbes dont il connaît les propriétés secrètes. Il dirige – à Seigneulay, près d’Auxerre – une maison où s’accomplissent toutes sortes de besognes mystérieuses. S’est installé à Seigneulay grâce à l’appui de Colbert... qui est, à la cour – on le sait – en rapports très cordiaux avec Mme de Montespan.

DESOEILLETS, Claude de Vin des OEillets, dite la Desoeillets. Née en 1637 ou 1638, de parents comédiens. A reçu du Roi un terrain sis à Versailles dans le quartier de Clagny. A également eu de lui une bâtarde connue sous le nom de Louise de Maison-Blanche. Compromise dans cette affaire par Adam Coeuret et l’abbé Guibourg. Aurait servi d’intermédiaire entre la Voisin et Mme de Montespan pour transporter les poudres ou autres produits suspects. Entrée au service de Mme de Montespan en 1670 en qualité de femme de chambre.

DUVERGER, dite la Duverger, maîtresse de l’abbé Mariette et logeuse d’Adam Coeuret. Occupe, rue de la Tannerie, une chambre dans laquelle elle a dressé un autel de fortune. On y aurait célébré quelques messes noires (en 1667) dans le dessein de faire mourir Mlle de La Vallière.

FILHASTRE, Françoise, dite la Filhastre. Grande pourvoyeuse de poudres empoisonnées. Née en 1649 à Gannat, dans une honnête famille du Bourbonnais. Un frère capitaine sur les galères du Roi. Installée à Paris comme tenancière d’une maison de débauche (sise près de la rue de Berry). Amie très intime de Madeleine Chapelain. A avoué avoir offert un de ses enfants à l’abbé Coton pour qu’il le sacrifie au diable. Aurait assisté à une messe noire célébrée sur le corps nu de Mme de Montespan.

GALLAUP DE CHASTEUIL, François. Né en novembre 1625. Fils de Jean Gallaup de Chasteuil, procureur général à la cour des comptes d’Aix-en-Provence. Son frère Pierre – poète – est l’ami de Mlle de Scudéry, de La Fontaine et de Boileau. Lui-même est docteur en droit. Chevalier de Malte à vingt ans. Prisonnier des Barbaresques pendant deux années. A également été prieur du couvent des Carmes à Marseille, couvent dans lequel il a égorgé et tenté d’enterrer sa maîtresse blonde. Condamné à la pendaison, a été délivré par le chevalier de Vanens avec lequel il a travaillé, depuis, à la pierre philosophale. Aurait fait partie de l’entourage secret de Mme de Montespan.

GALLET, Philippe. Normand, des environs de Lisieux. Possède une grande réputation de fabricant de poudres : « des poudres à faire gagner au jeu, des poudres pour se faire aimer, des poudres à faire éternuer une dernière fois ». Cette poudre à faire éternuer était bonne « dans le potage, dans le vin, ou en parfums ».

On mourait un ou deux jours après l’avoir prise. En a fourni plusieurs paquets à la Filhastre et à la Chapelain. A l’intention de Mme de Montespan ?

GUIBOURG, l’abbé Étienne. Prêtre « louche et âgé ». Figure bouffie, teint lie-de-vin. Un visage de cauchemar qui se prétend bâtard de la maison de Montmorency. Dessert l’autel de saint Marcel à la basilique de Saint-Denis. Résidant à Montlhéry depuis 1664 où il remplit quelques fonctions sacerdotales. A avoué avoir déposé, à trois reprises, le calice sur le corps dévêtu de la marquise de Montespan. Dans ce calice, mêlé au vin, le sang d’un nouveau-né fraîchement égorgé. Guibourg affirme notamment avoir célébré en 1667 ou 1668, au château de Saint-Germain, dans les appartements de Mme de Thianges (soeur d’Athénaïs) une « messe à l’envers » lors de laquelle la marquise aurait récité une étrange prière que l’on aura l’occasion de lire.

MARIETTE, l’abbé François. Né à Paris. Prêtre de Saint-Séverin. Grand et bien fait, le teint blanc et le cheveu noir. Complice de Lesage et de la Voisin.

MONVOISIN, Marguerite. Fille de la Voisin. A avoué plusieurs mois après l’exécution de sa mère – prise de remords ou avide de vengeance ? que la marquise de Montespan avait eu de fréquents commerces avec les sorcières : « Chaque fois qu’elle sentait sa faveur diminuer elle allait trouver ma mère pour qu’elle y apportât quelque remède... ma mère a porté plusieurs fois à Mme de Montespan, à Saint-Germain, à Versailles, à Clagny, des poudres pour l’amour, pour faire prendre au Roi. »

TRIANON, Catherine, chiromancienne et empoisonneuse. Intime de la Voisin, elle se suicide au donjon de Vincennes en mai 1681.

VANENS, Louis, chevalier de. Aventurier, alchimiste et sorcier. Né à Arles en Provence. Prétend avoir servi au régiment d’Artois et sous les ordres du sieur de Villeneuve. La mine haute, la jambe bien faite. Sous ses dehors de grand seigneur il peut être tenu pour responsable du décès mystérieux de Mgr le duc de Savoie, survenu à Chambéry. Fanfaron, blasphémateur, assassin à gages et faux-monnayeur, il jouit d’une quasi-impunité grâce à une grande dame de la cour avec laquelle il est (prétend-il) sur un pied d’intimité et à qui il a donné les conseils les plus horribles.

« Du sang sur l’hostie ! » annonçait gravement l’historien Gonzague Truc avant que d’attaquer son implacable réquisitoire contre Athénaïs{30}. Il faut bien convenir, au vu de toutes ces fiches signalétiques et à la lecture des dépositions des principaux acteurs du drame, qu’un avocat de la défense, si la chose avait été jugée, aurait dû être un foudre d’éloquence pour parvenir à blanchir l’horrible cliente des messes noires !

Il n’est pas question, ici, que nous endossions sa robe, il serait simplement bon d’essayer de jeter un regard objectif, de ne pas accabler systématiquement l’accusée comme cela a été trop souvent fait, sans pour autant lui accorder la plus petite circonstance atténuante.

Du sang sur l’hostie...