NOTE DE L'ÉDITEUR

 

Après le Juge Ti, Martin Beck, le rabbin Small et quelques autres dont un certain Frère Cadfael, « Grands Détectives » a le grand plaisir de présenter au public de langue française un héros d'une grande originalité : l'inspecteur Napoléon Bonaparte.

Un tel patronyme mériterait déjà quelques explications. On va voir que son inventeur Arthur Upfied (1888-1964), qui a consacré quelque trente romans à la saga de ce Sherlock Holmes du « bush australien », ne mérite pas moins notre attention.

Né en Angleterre dans une famille bourgeoise, Arthur Upfield fut dès son enfance séduit par Sherlock Holmes, Nick Carter et Sexton Blake. Après des études tumultueuses, ce mauvais élève - sans doute trop marqué par ses lectures - est expédié en Australie par son père à l'âge de dix-neuf ans. Il roule sa bosse dans le bush, part faire la guerre en 1914 et revient en Australie aussitôt après. Pendant dix ans, il va parcourir le pays en exerçant tous les métiers. Il sera successivement manœuvre, trappeur, mineur et berger.

Établi comme cuisinier dans une localité isoIée de la Nouvelle-Galles du Sud, il reçoit la visite d'un métis avec lequel, quelques années auparavant, il a sillonné la côte. C'est le moment même où il songe à devenir écrivain. Or, l'homme a une histoire originale. Fils d'un colon blanc et d'une Aborigène exclue de sa tribu pour avoir violé la loi tribale, Tracker Léon (c'est son surnom) avait trouvé un emploi dans la police de l'État du Queensland. Il a du charme, du bagout, a reçu une éducation secondaire et trimballe avec lui une petite bibliothèque portative. Au moment de se quitter, les deux hommes échangent quelques livres, denrée rare vu l'époque et le lieu. Parmi ceux dont Upfield hérite, une biographie de Napoléon Bonaparte.

Le sort en est jeté : Upfield, qui va s'inspirer des récits de Tracker Léon, décide de modifier les caractéristiques du héros des deux livres qu'il a en train. Ainsi vient de naître l'un des personnages les plus originaux de la littérature policière de ce siècle : l'inspecteur Napoléon Bonaparte de la police du Queensland, familièrement surnommé Bony par son auteur.

Mais ce n'est pas tout : au moment de mettre ce volume sous presse, nous apprenons (avec l'intérêt qu'on devine) que Tony Hillerman, reconnaissant sa dette à l'égard d'Upfield, avait vu en ce dernier le pionnier du polar ethnologique.

Dans la préface à Royal Abduction, un roman d'Upfield réédité en 1984 par Dennis McMillan, Hillerman indique, à propos de l'auteur de La Mort d'un lac et de L'Homme des deux tribus : « C'est lui qui m'a montré comment l'ethnologie et la géographie peuvent être utilisées dans une intrigue et comment ces disciplines peuvent enrichir le roman policier. »

Après Hillerman, partons à notre tour sur les traces de l'inspecteur Napoléon Bonaparte; la découverte du bush profond et mille intrigues nous attendent.

Jean-Claude Zylberstein