2.
La Louisiane revisitée²
Les effets de la
conjoncture
Louis XIV, seul souverain d'Europe à avoir
refusé jusque-là de reconnaître le prince d'Orange comme roi
d'Angleterre, fut contraint en 1697, par l'évolution hasardeuse
d'une guerre qui durait depuis sept ans, d'envisager des
pourparlers de paix avec ses ennemis coalisés et d'admettre
Guillaume III comme successeur de son beau-père
Jacques II. Accueilli à Saint-Germain avec sa seconde épouse,
née Marie-Béatrice d'Este, et leurs enfants, le descendant des
Stuart, devenu catholique et chassé du trône, paraissait résigné à
l'exil. L'épuisement de la France dictait au Roi-Soleil cette
attitude et ses adversaires y souscrivirent d'autant plus aisément
que leur situation n'était guère meilleure que la sienne. La
médiation de la Suède fut acceptée et c'est au château du
Nieuwburg, propriété de Guillaume de Nassau, situé à Ryswick,
village des environs de La Haye, que la paix fut signée le
20 septembre 1697. Par ce traité, la France reconnaissait sans
réserve la souveraineté de Guillaume III sur l'Angleterre, que
lui apportait sa femme Marie II, admettait le rétablissement
de la liberté de commerce entre les deux pays et acceptait de
discuter, à Londres, les prétentions des deux Couronnes sur
certains territoires situés en Amérique. La France restituait à la
Hollande toutes les conquêtes opérées depuis la paix de
Nimègue ; à l'Espagne elle rendait la Catalogne, le Luxembourg
et les places annexées dans les Flandres ; quant à l'empereur
Léopold, qui ne signa la paix que le 30 octobre, il récupérait
tous les territoires conquis par les Français sauf Strasbourg,
Sarrelouis et Longwy, échangés contre la Lorraine occupée depuis
1670.
Dès qu'il fut débarrassé du souci de la guerre, le
roi tendit une oreille plus attentive à tous ceux, marins,
militaires, négociants, religieux et savants, qui l'encourageaient
à entreprendre enfin la colonisation de la Louisiane. Un avocat au
Parlement, Gabriel Argou ou Argoux, avait déjà envisagé, avec
l'armateur Rémonville et un négociant fortuné qui possédait
des intérêts en Angleterre et dont un frère vivait en Floride, la
création d'une société pour exploiter le bassin du Mississippi. Ces
gens entreprenants firent tenir un mémoire à la cour.
Cette fois-ci, soit à cause des appuis dont
jouissaient ces hommes, soit parce que les menaces anglaises et
espagnoles se faisaient plus pressantes, l'idée de l'envoi d'un
contingent de marins et de militaires qui exploreraient
méthodiquement le delta du Mississippi et de colons capables d'y
fonder un ou plusieurs établissements fut retenue par le
souverain.
Les Pontchartrain – Louis, secrétaire d'État
à la Marine et à la Maison du roi, et son fils Jérôme, qui allait
lui succéder officiellement dans ces fonctions en 1699, quand le
premier serait nommé chancelier de France – considéraient
qu'il était indispensable pour la sécurité de nos possessions
américaines de s'assurer, par le contrôle de la vallée du
Mississippi, une voie de communication directe entre la
Nouvelle-France et les rivages du golfe du Mexique.
Dans le même temps, par une heureuse conjoncture,
des savants, comme les géographes Claude Delisle et ses fils
Guillaume et Nicolas, ou Alexis Hubert Jaillot, auteur d'un nouvel
atlas, qui ne manquaient jamais d'interroger les navigateurs au
retour de leurs voyages et de lire tous les mémoires et récits
d'exploration qui leur tombaient sous les yeux afin de fignoler les
cartes, s'intéressent au Mississippi dont ils ne peuvent, par
manque d'informations et de relevés précis, situer exactement
l'embouchure. Des religieux érudits, comme l'abbé Claude Bernou,
ami et scribe de La Salle, l'abbé Jean-Baptiste Dubos, qui, à
vingt-huit ans, affiche une vraie passion pour l'histoire, la
géographie, les langues, et passe son temps à courir l'Europe afin
de réunir des documents, et toute l'équipe de La Gazette entraînée par l'abbé Eusèbe Renaudot,
soutiennent le projet.
Autre élément favorable à ceux qui demandent
l'achèvement de l'œuvre de La Salle : on a présentement sous
la main, à Versailles, l'homme capable de mener à bien
l'expédition. Il se nomme Pierre Le Moyne d'Iberville et c'est un
héros de la mer. La ville de Rochefort l'a accueilli frénétiquement
en novembre 1697, au retour de la baie d'Hudson où il avait donné
aux Anglais, au cours d'une bataille navale spectaculaire, une
prodigieuse leçon de tactique, de manœuvre et d'audace.
Entre 1688 et 1694, Iberville avait déjà détruit,
sur la côte atlantique, de nombreux postes britanniques et saisi
plusieurs vaisseaux de Sa Majesté. Quand les Anglais reprirent le
fort Bourbon, il fut dépêché de Terre-Neuve avec trois vaisseaux et
un brigantin pour tenter de reconquérir la position perdue. Parti
le 8 juillet 1697, il s'était présenté le 3 août à
l'entrée du détroit d'Hudson donnant accès à la baie. Bloqués par
les glaces « qui écrasèrent le brigantin sans qu'on pût rien
sauver de l'équipage », confessa-t-il lui-même, la flottille
française ne put intervenir, après avoir réparé ses avaries, que le
28 août. Monté sur le Pélican, une
frégate de quarante-six canons, Iberville avait mis aussitôt le cap
sur le fort Nelson qui défendait la rive ouest de la baie. Comme il
arrivait en vue de l'établissement, trois navires anglais s'étaient
portés à sa rencontre, un de cinquante-deux canons et deux cent
cinquante hommes d'équipage, et deux de trente canons. Bien qu'il
fût seul, les deux autres bateaux français étant hors de vue,
Iberville décida d'attaquer l'ennemi. Les Anglais, le trouvant fort
présomptueux, lui proposèrent de se rendre, ce qu'il prit fort mal.
« Le chevalier commença le feu à neuf heures du matin ; à
midi, voyant que la partie était décidément inégale, il résolut
d'en finir ; fit pointer tous ses canons à couler bas, aborda
vergue à vergue le gros vaisseau anglais, et lui envoya sa bordée,
qui le fit sombrer sur-le-champ. Puis il se jeta sur le second
vaisseau pour l'enlever à l'abordage ; celui-ci aussitôt amena
son pavillon. Iberville poursuivit le troisième vaisseau qui avait
pris le large et fuyait toutes voiles dehors. Le Pélican, “crevé de sept coups de canon” et ayant eu
deux de ses pompes brisées pendant le combat, ne pouvait épuiser
l'eau ; aussi laissa-t-il échapper le troisième vaisseau
anglais1. »
C'était là un de ces exploits qui réjouissaient la
marine et assuraient la réputation d'un capitaine. Dans les
tavernes des ports, dans les arsenaux, sur les môles, les gens de
mer acclamaient ceux qui, ayant été de la fête, revenaient au pays.
Entre deux chopes, devant les terriens éberlués, les matelots
commentaient les manœuvres, tenaient comptabilité des coups donnés
et reçus, évaluaient les prises. Toute bataille navale opposant nos
vaisseaux à ceux des Anglais s'inscrivait comme épisode viril et
signifiant d'un jeu de haut goût entre marines rivales. Risquer sa
tête au vent des boulets, le bras ou l'œil à la pointe d'un sabre
d'abordage, envoyer un grappin sur le passavant d'un navire ennemi,
lancer des hérissons dans son gréement, se partager butin et rhum
du vaincu passaient, suivant qu'on gagnait ou perdait, pour
distraction plaisante ou fortune de mer. On embarquait certes pour
naviguer et voir du pays, mais aussi et surtout pour se colleter
avec les hasards océaniques, pour se battre, pour acquérir de la
gloire, pour se faire un nom et pour se divertir ! « Car,
manquer la joie, c'est tout manquer. Dans la joie des acteurs
réside le sens de toute action2. »
Il ne s'agissait en effet ni de philosophie, ni
d'éthique, ni même, au sens moderne, de patriotisme. La manie de
justifier sa conduite aux yeux des autres, même quand ils ne vous
demandent rien, est un complexe moderne, une forme de vanité
niaise, un tic médiatique. Nés dans un camp, les amateurs de
bagarre y restaient parce qu'il fallait bien, pour combattre,
suivre un panache et disposer d'un répondant honorable. Cela
distinguait ceux qui faisaient la guerre pour se distraire des
mercenaires payés au ramponneau et au cadavre, qui changeaient
parfois d'employeur en pleine action pour vingt sols de
mieux !
Les baroudeurs de ce temps-là ne se posaient pas
de questions métaphysiques ou politiques. Ils laissaient cela aux
chefs qui avaient leurs raisons, toutes personnelles, d'organiser
les rencontres. Ils ne demandaient à leurs capitaines que de les
mettre en situation de jouir d'une belle bataille et,
éventuellement, ce qui faisait partie du jeu, de trouver l'occasion
de mourir galamment. Car ces gaillards, qui en prenaient à leur
aise avec les dix commandements, restaient persuadés que Dieu
remettait les péchés des braves et tenait paradis ouvert aux
guerriers loyalement étripés.
Les gens comme Iberville étaient donc des vedettes
que l'on accueillait à la cour comme nos ministres reçoivent
aujourd'hui un champion olympique ou un chanteur de rock !
Aussi, quand il fallut désigner un chef capable de conduire une
expédition par mer à l'embouchure du Mississippi que La Salle
n'avait pas su retrouver, les Pontchartrain, père et fils, qui
avaient l'un et l'autre la fibre coloniale, pensèrent tout
naturellement à l'homme que tout Paris, après Montréal, nommait le
Cid canadien.
Une famille
franco-canadienne
Les Le Moyne ou Lemoine étaient d'origine modeste.
Le grand-père du sieur d'Iberville tenait, vers 1640, une taverne
dans le quartier du port à Dieppe. Tous les bourlingueurs de
passage s'y donnaient rendez-vous et il est probable que Charles,
né en 1625, un des neuf enfants du tenancier, écoutait les récits
des marins. On devait encore parler en ville, à cette époque, des
exploits d'un certain David Kirke, né à Dieppe d'une mère française
et d'un père écossais. Ayant opté, comme ses deux frères, pour la
nationalité paternelle, David Kirke avait obtenu des lettres de
marque du roi Charles Ier
d'Angleterre et s'était offert le rare plaisir, en 1629, de
s'emparer des établissements français du Saint-Laurent, d'affamer
Québec par un blocus strict, de faire capituler la ville le
20 juillet, de capturer et d'expédier Champlain en Angleterre
et, surtout, de saisir dix-huit vaisseaux de la Compagnie des
Cent-Associés, créée par Richelieu, ce qui avait mis le cardinal
d'humeur fort peu chrétienne. Depuis cette éprouvante agression,
les choses s'étaient arrangées. Après les victoires de
Louis XIII sur les impériaux et la signature du traité de
Suse, l'Angleterre avait restitué le Canada à la France. En 1633,
Samuel de Champlain avait repris son poste de gouverneur de
Nouvelle-France où il était mort, à l'âge de soixante-huit ans,
trois années plus tard. Ces péripéties coloniales, comme les
anecdotes que les matelots colportaient sur les Indiens, les
missionnaires, les coureurs de bois et les traitants de fourrure
censés faire fortune en un rien de temps, avaient mis le Canada à
la mode. Le jeune Charles Le Moyne, percevant l'appel de
l'aventure, décida, en 1641, de passer l'océan et d'aller tenter sa
chance outre-Atlantique. Il ne semble pas que sa famille ait tenté
de faire obstacle à ce dessein et, dès son arrivée en
Nouvelle-France, le jeune homme « se donna » aux
jésuites. Le terme était aussi courant que la chose, car il fallait
bien qu'un garçon de seize ans, sans expérience, qui débarquait
dans un pays inconnu et parfois inhospitalier, eût des
protecteurs.
Charles Le Moyne passa quatre années au service
des missionnaires de la Compagnie de Jésus, au cours desquelles il
apprit beaucoup de choses, notamment l'algonkin et peut-être
d'autres dialectes parlés par les Sauvages entre le Saint-Laurent
et les Grands Lacs. Devenu interprète patenté, il fut pris en
flagrant délit de traduction édulcorée par Robert Cavelier, qui
comprenait les langues indiennes. Les propos des Huron n'étant pas,
ce jour-là, favorables aux robes noires, ses maîtres, Le Moyne
avait pratiqué cette commode restriction mentale, souvent admise
par les jésuites ! Quand Charles décida, à vingt ans révolus,
de se faire greffier à Montréal, les bons pères le vêtirent de pied
en cap et lui donnèrent vingt écus pour démarrer dans la vie.
En épousant, en 1654, Catherine Primot, parente
d'un riche négociant nommé Le Bert – ce créancier de La Salle
qui devait, en 1683, faire saisir les biens de
l'explorateur –, Charles Le Moyne se procurait une position
dans le négoce canadien. Il s'assurait aussi une belle et glorieuse
descendance, puisque de cette union devaient naître quatorze
enfants. Deux premiers fils lui furent donnés, Charles, futur baron
de Longueuil, en 1656, et Jacques, qui prendrait le nom de
Sainte-Hélène, en 1659, avant que naisse le plus fameux de la
lignée.
Montréal conserve l'acte de baptême de ce
troisième petit-fils du cabaretier de Dieppe, Pierre, qui allait,
sous le nom d'Iberville, assurer le renouveau de la présence
française en Louisiane. Le futur capitaine fut tenu sur les fonts
baptismaux, le 20 juillet 1661, par Jean Grenier, représentant
le « noble homme Pierre Boucher demeurant au cap proche
Trois-Rivières ». La marraine était Jeanne Le Moyne, femme de
Jacques Le Bert, marchand, peut-être une tante du nouveau-né.
Recommandé par les jésuites et son beau-père à
l'intendant Talon, Charles Le Moyne avait obtenu une première
concession à Longueuil « vis-à-vis de Montréal », sur la
rive droite du Saint-Laurent, puis bientôt deux autres, sur les
îles Ronde et Sainte-Hélène. Il avait aussi acheté, le
9 janvier 1669, pour trois mille huit cents livres, à Robert
Cavelier, qui n'était pas encore « de La Salle » mais
cherchait à faire de l'argent pour financer une expédition, le
domaine de Saint-Sulpice qu'on appelait La Chine.
Charles Le Moyne savait conduire ses affaires et
se pousser dans le monde colonial. Tandis que sa femme mettait des
enfants au monde avec une régularité édifiante, il obtint, une fois
devenu propriétaire et négociant patenté, que ses terres fussent
érigées en seigneuries. Ces lettres de noblesse, enregistrées en la
Chambre des comptes en 1663, ne seront cependant confirmées
« en la Cour de Parlement de Paris et la Cour des Aides »
qu'en 1717, après la mort de son fils aîné, Charles, baron de
Longueuil. Les premières, bien que provisoires, lui permirent de
donner à ses descendants des noms que l'histoire a retenus.
Pierre Le Moyne devint ainsi seigneur d'Iberville
et d'Ardillières ; le plus connu de ses frères, Jean-Baptiste,
né en 1680, futur gouverneur de la Ville-Marie puis, plus tard,
trois fois gouverneur de Louisiane, fut nommé seigneur de
Bienville, titre qu'avait porté un de ses aînés, François, né en
1666 et mort jeune ; Louis, né en 1676, reçut la terre et le
nom de Châteauguay puis succomba, sous la mitraille anglaise, lors
de l'attaque du fort Bourbon en 1694 ; Antoine, le benjamin,
né en 1683, à qui l'on donna le titre de ce défunt, devint
gouverneur de la Guyane ; Joseph, né en 1668, fait seigneur de
Sérigny, accompagna Iberville en Louisiane et mourut gouverneur de
Rochefort ; Paul, seigneur de Maricourt, né en 1663, périt de
maladie et de fatigue au cours d'une opération contre les
Iroquois ; François-Marie, né en 1670, fut emporté en bas âge.
On semble ignorer le destin d'un autre garçon, né en 1681 et qui
fut appelé Gabriel d'Assigny. Peut-être fut-il plus terne que celui
de ses frères. Le quatorzième enfant, dont nous ignorons le sexe et
le prénom, dut mourir quelques jours après sa naissance, car il ne
figure pas dans la généalogie des Le Moyne dressée par Fred
Swayze3.
Quant aux filles, Catherine-Jeanne, née en 1673,
et Marie-Anne, née en 1678, elles firent de beaux mariages. La
première épousa Pierre Payen de Noyan, dont elle eut deux fils,
Gilles-Augustin et Pierre-Benoît, chevalier de Chavoy, qui
servirent tous deux en Louisiane. Le premier devait, en 1706,
commander l'Apollon, une frégate de
seize canons appartenant à l'escadre que son oncle Iberville
conduisit dans les Antilles contre l'île de Névis. Cet exploit fut
le dernier, car Iberville devait mourir dans l'année, mais
peut-être le plus spectaculaire du fondateur de la Louisiane. Avec
ses marins et l'aide, par voie de terre, de mille aventuriers
antillais, il rafla ce jour-là aux Anglais trente navires chargés
de richesses ! La seconde demoiselle Le Moyne se maria avec le
sieur de Chassagne, major de marine.
Ainsi, en une génération, Charles Le Moyne, qui
mourut en 1685 en laissant une belle fortune et de grands domaines
à ses descendants, avait non seulement fondé une des plus
prestigieuses familles franco-canadiennes mais réussi la gageure de
passer du cabaret dieppois au château colonial ! Parmi les
parents ou alliés de cette lignée de soldats explorateurs
figureront encore des hommes que nous retrouverons étroitement
associés à la colonisation et à l'histoire louisianaise, comme les
Juchereau de Saint-Denys, les Charleville, les Sauvolle, les Le
Sueur, les Boisbriant et d'autres.
Le ministre et le
centurion
En novembre 1696, Pierre Le Moyne d'Iberville,
qui, après sa victoire sur les Anglais dans la baie d'Hudson, était
rentré en France avec trois cents hommes malades du scorbut à bord
de ses bateaux, avait choisi de s'installer à Belle-Île pour
rédiger le rapport qu'il devait remettre au ministre de la Marine,
M. de Pontchartrain. Quand ce travail fut terminé, il se
rendit à Versailles, reçut les éloges que méritait sa conduite et
se mit aux ordres du roi. Saint-Simon nous apprend dans ses
Mémoires qu'Iberville se vit alors
confier, à l'occasion de ce que nous appellerions aujourd'hui
« un mouvement diplomatique », une ambassade à Mayence.
Il s'agissait sans doute de conduire des négociations préliminaires
au traité de paix que l'on se préparait à signer, l'année suivante,
à Ryswick. « Iberville avait été dans les bureaux de
M. de Croissy, d'où on le prit pour Mayence. C'était encore un
Normand et fort délié, et très capable d'affaire », écrit le
chroniqueur qui semble ignorer que ce Normand était né à Montréal.
Par ce que l'on connaît de la personnalité du lieutenant de
vaisseau baroudeur – quand il pose pour un peintre, il quitte
son habit de cour et se glisse dans sa cuirasse – on peut
imaginer que le Canadien devait être plus à l'aise sur la dunette
d'une frégate que devant une table de conférence diplomatique. À la
guerre, les coups sont francs et chacun subit dans l'heure les
conséquences, bonnes ou désastreuses, de ses décisions. En
diplomatie, les coups sont fourrés, montés, tordus, de théâtre ou
de Jarnac, et ceux qui les donnent n'en souffrent que rarement les
retombées. Aussi, dès que sa mission fut accomplie, Iberville
revint à Paris pour s'entendre signifier par Pontchartrain fils
qu'on envisageait, en haut lieu, une expédition du côté du golfe du
Mexique et qu'il fallait, sans éventer le projet ni donner
d'explication aux intéressés, retenir les rudes et vaillants
Canadiens qui avaient participé aux combats de la baie d'Hudson. Le
23 juillet 1698, le ministre de la Marine adressait à
l'officier pressenti une longue lettre contenant les instructions
du roi « pour aller reconnaître l'embouchure du fleuve de
Mississippi, dont la découverte a été tentée jusqu'à présent avec
si peu de succès ». Le ministre annonçait que Sa Majesté avait
fait armer, à La Rochelle, deux de ses frégates, la Badine et le Cheval-Marin, qu'on appelait plus communément le
Marin, et que Michel Bégon, intendant
de l'arsenal de Rochefort, avait reçu l'ordre de mettre à la
disposition d'Iberville « un traversier, deux
biscayens4 et trois canots d'écorce
avec les vivres et les munitions qu'il [Iberville] a estimé
lui-même nécessaires pour le succès de cette entreprise ».
Louis XIV, soudain pressé, souhaitaitqu'Iberville appareillât
au plus vite et ne fît à Saint-Domingue « que le séjour
indispensable pour rafraîchir ses équipages et y prendre les choses
qui lui seront nécessaires ». Dans le même temps, le marquis
de Châteaumorand, capitaine de vaisseau, commandant du François, une frégate de vingt-huit canons envoyée
à Saint-Domingue pour assurer la sécurité des huit mille Français
habitant cette île, recevait de Pontchartrain l'ordre de se rendre
dans le golfe du Mexique et d'y rejoindre Iberville. Un mémoire et
une carte, joints aux instructions, permettraient à Châteaumorand
de se familiariser avec « les signaux de reconnaissance du
sieur d'Iberville et la copie du chiffre qui lui a été
donné ». Pour prévenir toute réaction de susceptibilité du
marquis, officier d'un grade supérieur à celui d'Iberville, le
ministre ajoutait à l'intention de Châteaumorand qu'il aurait
« […] à suivre ce que ledit sieur d'Iberville jugera plus
convenable, sans prétendre y commander, ce que Sa Majesté lui
prescrit, non pour rien ôter au caractère supérieur qu'il a, mais
parce que le sieur d'Iberville, connaissant les moyens qu'il est
nécessaire d'employer pour la découverte du pays ou pour
l'établissement, il jugera mieux de ce qui pourra y contribuer que
le sieur de Châteaumorand, qui n'est envoyé que pour l'aider et le
secourir ». Les choses étaient claires, les responsabilités
définies, les préséances établies. On devait encore se souvenir,
dans les bureaux de la marine, du conflit d'autorité qui avait
autrefois opposé La Salle à Beaujeu et provoqué, pour une bonne
part, l'échec de l'expédition de 1685. Ce luxe de précautions
s'expliquait aussi par la nécessité de tenir secrète la destination
de la Badine et du Marin dont on donnait à entendre qu'ils se
rendaient à la rivière des Amazones ou en Acadie. Inutile de dire
que les agents anglais savaient à quoi s'en tenir et que l'on
accélérait à Londres l'organisation de la compagnie de Daniel Coxe,
pour laquelle les investisseurs ne marquaient pas grand
enthousiasme et qui n'attirait guère de candidats à l'exil
colonial.
Le 24 octobre 1698, la Badine, trente-deux canons, commandée par Pierre Le
Moyne d'Iberville, et le Marin,
trente-huit canons, commandé par le capitaine de frégate François
de La Rochefoucauld, chevalier Grange de Surgères, quittaient La
Rochelle. Iberville emmenait avec lui son frère, Le Moyne de
Bienville, son cousin, l'enseigne de vaisseau Antoine de Sauvolle,
le père Anastase Douay, qui avait accompagné La Salle dans sa
fatale expédition et recueilli le dernier soupir de l'explorateur
assassiné, et un dessinateur nommé Rémy Reno qui devrait
« dessiner les plans et cartes des pays que visiterait le
sieur d'Iberville ». La troupe était formée d'une soixantaine
de Canadiens placés sous l'autorité de Le Vasseur de Ruessaval, dit
Bagaret, un rude gaillard qui avait autrefois voyagé avec La Salle,
et de deux cent cinquante marins et soldats.
Ainsi était relancée l'aventure américaine avec,
cette fois, quelque chance de succès, car Jérôme de Pontchartrain,
le ministre bailleur de fonds et de fournitures, et Iberville,
centurion discipliné, étaient en parfait accord pour faire de ce
territoire, négligé pendant plus de dix ans, une colonie puissante
et productive. En effet, les rapports spontanément établis entre
les deux hommes, si différents de caractères et de physiques si
dissemblables, étaient prometteurs.
Iberville passait pour bel homme. Grand,
solidement charpenté, résistant à la fatigue, sachant commander, il
possédait à la fois l'assurance du militaire et l'aisance du
courtisan. Le meilleur portrait de cet officier le montre dans sa
cuirasse d'acier bleui, portant perruque Louis XIV. Un
minuscule jabot de dentelle émerge comme une coquetterie civile du
gorget et la croix de Saint-Louis, suspendue à l'épaulière, atteste
ses mérites. Le visage aux traits puissants révèle un tempérament
équilibré, le regard net distille un chatoiement
malicieux5.
Un mâle aussi glorieux plut tout de suite à
Pontchartrain, alors qu'il aurait dû lui déplaire. Le fils du
chancelier, au contraire d'Iberville, avait été, en effet, plutôt
maltraité par la nature. Saint-Simon, qui ne pouvait le souffrir,
bien que la femme de Jérôme fût une amie de la duchesse, fait du
ministre de la Marine un méchant portrait. « Sa taille était
ordinaire, son visage long, mafflu, fort lippu, dégoûtant, gâté de
petite vérole qui lui avait crevé un œil. Celui de verre, dont il
l'avait remplacé, était toujours pleurant et lui donnait une
physionomie fausse, rude, renfrognée, qui faisait peur d'abord,
mais pas tant encore qu'il en devait faire. » Si l'on ajoute à
cela que Pontchartrain était, en plus, affligé d'une claudication
comique et souffrait d'une inocclusion qui gênait son élocution et
faisait que la langue lui pendait de la bouche quand il parlait, on
comprendra que ce garçon plutôt timide et âgé de vingt-quatre ans
au moment où il rencontra Iberville aurait pu ne pas se sentir à
l'aise devant le héros de la baie d'Hudson. Mais ce laid était fort
intelligent, cultivé, travailleur et désireux, comme son père, de
faire de la France la première puissance coloniale du monde.
Grâce à un précepteur attentif, l'abbé Jacques
Tourreil, neveu de Fieubet, un familier de Mme de Sévigné,
Jérôme Phélypeaux avait acquis, dès son jeune âge, de solides
connaissances et obtenu en Sorbonne, à dix-huit ans, un doctorat de
droit. Devenu, en 1692, conseiller au Parlement, il avait
rapidement fait son apprentissage administratif et judiciaire et,
l'année suivante, était entré au Conseil des prises, alors que son
père lui faisait octroyer la survivance de ses propres charges de
secrétaire d'État. Pendant cinq années, il avait poursuivi sa
formation en visitant les ports et les arsenaux, en fréquentant des
savants et des académiciens, en interrogeant marins et
explorateurs. Quand son père, promis à la haute fonction de
chancelier de France, lui eut délégué ses responsabilités de
ministre de la Marine, qui couvraient aussi le commerce et les
colonies, Jérôme de Phélypeaux, qu'on appelait toujours
Pontchartrain le fils, prit quelques initiatives heureuses pour
continuer l'œuvre commencée par Colbert et poursuivie par son père.
Il créa le Dépôt des cartes et plans, recruta des ingénieurs, comme
Jean-Baptiste Louis Franquelin, des graveurs-cartographes, comme
Nicolas de Fer, et s'assura occasionnellement le concours de tous
ceux qui comptaient dans le milieu scientifique français de
l'époque. Saint-Simon, qui ne peut être soupçonné de complaisance
envers Jérôme, le dit du bout des dents « appliqué, sachant
bien sa marine… ». Ajoutons pour l'anecdote que cet être
disgracieux, curieux de tout et travailleur infatigable, ne
manquait pas d'humour. En juin 1695, alors qu'il assistait sans
doute à des essais dans le port d'Agde, « il lui arriva de
recevoir dans l'œil une pièce d'artifice qui brisa son œil de
verre. Ce n'est rien, dit-il, j'en ai d'autres dans mes
malles6. »
Iberville, homme de guerre et de conquête, n'avait
rien de ces têtes brûlées qui ont plus de muscle et de courage que
de science et de jugeote. C'était un homme instruit des choses de
la mer, des affrontements guerriers et des randonnées exotiques. Il
maîtrisait son impétuosité naturelle et ne s'engageait à fond qu'au
moment où la raison autorisait le coup d'audace. Il appréciait le
panache, certes, mais pondérait les risques en fonction du but à
atteindre. Chez les Le Moyne nés au Canada, l'atavisme normand
restait vivace. Iberville, au contraire de La Salle, ne méprisait
ni l'argent ni les biens temporels. Il avait le goût de la
propriété, et en cela il ressemblait aux Pontchartrain, qui ne
songeaient qu'à ajouter des seigneuries à celles qu'ils possédaient
pour agrandir leur domaine.
Ayant les honneurs, Iberville escomptait le profit
qu'on pouvait en tirer. On le verra en 1706 quand Pontchartrain,
apprenant que les navires du roi confiés au commandant de la
Louisiane transportent des marchandises que les frères Le Moyne et
leurs officiers négocient pour leur propre compte, ordonnera sans
plaisir, car il estimait Iberville, ce que nous nommerions
aujourd'hui un audit. « L'enquête permit d'établir trois chefs
d'accusation, portant respectivement sur la vente des “effets”
provenant des “prises” et du “butin” réuni au cours de la campagne,
sur les profits auxquels avait donné lieu la négociation des
marchandises embarquées en contravention des ordonnances, sur les
malversations, enfin, qui avaient précédé l'appareillage des
navires7. » Mais, avant
qu'intervienne ce « procès de l'armement de
d'Iberville », comme le nomme Marcel Giraud, le
Franco-Canadien allait ajouter à sa gloire le titre de fondateur de
la Louisiane, que lui ont décerné les historiens américains.
Le Cid canadien à
l'ouvrage
Partie de La Rochelle le 24 octobre 1698, la
flottille d'Iberville, composée comme prévu de la Badine et du Marin
qu'accompagnait le traversier la Précieuse, arriva le 4 décembre, après une
traversée sans incident notable, à Cap-Français, aujourd'hui
Cap-Haïtien, port situé sur la côte septentrionale de l'île de
Saint-Domingue. Un second traversier, le Voyageur, dérouté par les vents et des orages vers
l'île Madère et dont un mât s'était rompu, rejoignit l'escadre dix
jours plus tard. Le 12 décembre, le François, commandé par Joseph-Charles Joubert de La
Bastide, marquis de Châteaumorand, et le Wesp ralliaient à leur tour Cap-Français. En dépit
des instructions envoyées de Versailles, il fallut à Iberville une
certaine obstination pour convaincre Jean Ducasse, huguenot né à
Bayonne, riche importateur d'esclaves aux Antilles devenu
gouverneur de Saint-Domingue, d'autoriser Châteaumorand à le suivre
au Mississippi et obtenir les renforts, les provisions et les
munitions nécessaires à l'expédition. En fait de renfort, Iberville
put engager quelques flibustiers et la seule recrue de choix fut un
ancien pirate d'origine hollandaise, Laurens-Cornille Baldran de
Graff, qui, après avoir servi dans la marine espagnole, où il était
connu sous le nom de Lorencillo, avait vécu avec les boucaniers des
Caraïbes et s'était fait un nom terrifiant dans la piraterie en
pillant le port de Veracruz en 1683. En 1686, Franquesay, alors
gouverneur de Saint-Domingue, ayant besoin d'hommes déterminés pour
défendre l'île, avait promu Graff lieutenant de vaisseau et lui
avait confié le commandement d'une frégate. Devenu honorable
mercenaire, l'ancien pirate avait mis très loyalement ses
compétences au service de la France. Il connaissait toutes les
côtes atlantiques jusqu'à la Floride et possédait de précieuses
informations, recueillies auprès des pilotes espagnols, sur les
rivages du golfe du Mexique.
À neuf heures, au soir de la Saint-Sylvestre 1698,
la flotte de la reconquête avait levé l'ancre et, le
23 janvier 1699, Iberville avait repéré dans sa longue-vue les
côtes de la Floride. Le 31, ses navires mouillaient dans le golfe
du Mexique, à proximité de la rivière Mobile.
Méthodique, Pierre Le Moyne d'Iberville tenait
scrupuleusement, depuis son départ, un journal de bord grâce auquel
nous possédons, jour après jour, le compte rendu de son voyage et
de ses explorations. Nous savons ainsi qu'il ne se mit pas tout de
suite en quête de l'embouchure du Mississippi mais atterrit
d'abord, le 2 février, sur une île sablonneuse de trente
kilomètres de long, mais fort étroite, où les Français découvrirent
un horrible charnier. « Je la nommai île Massacre8, raconte Iberville, parce que nous avons
trouvé, à l'extrémité sud-ouest, un endroit où il a été défait plus
de soixante hommes ou femmes, ayant trouvé les têtes et le reste
des ossements avec plusieurs affaires de leurs ménages ; il
paraît pas [sic] qu'il y ait plus de
trois ou quatre ans, rien n'étant encore pourri. » Il
s'agissait bien sûr d'Indiens massacrés par d'autres Indiens mais
cela n'enlevait rien à l'horreur du spectacle. Ce premier contact,
fort macabre, avec une région que les explorateurs devraient
parcourir aurait impressionné des âmes sensibles. Iberville et ses
compagnons, familiers de la mort brutale et du sang répandu, ne
s'émurent pas pour autant et reprirent leur navigation vers
l'ouest, jusqu'à ce que le capitaine décidât de faire escale à la
verticale d'une autre baie, figurant sur les cartes espagnoles sous
le nom indien de Bilocchy9. Ayant reconnu plusieurs îles alignées
parallèlement à la côte, Iberville en choisit une, près de laquelle
il fit jeter l'ancre. On la nomma aussitôt, et avec à-propos, l'île
au Mouillage. Elle devint plus tard l'île aux Vaisseaux, et c'est
sous le nom de Ship Island que la connaissent les pêcheurs
américains d'aujourd'hui, car dans ses eaux pullulent soles,
mulets, merlans, truites de mer, rougets grondins et sérioles. Les
amateurs de pêche sportive y poursuivent aussi, à bord de puissants
canots, les marlins bleus dont les nageoires dorsales, dressées
comme des voilures, intriguaient si fort les marins d'autrefois.
L'île aux Vaisseaux, située à une douzaine de kilomètres de la
côte, entre les villes du Gulfport et de Biloxi, dans l'État du
Mississippi, appartient à un archipel qui s'étire de l'île du
Massacre à l'île aux Chèvres. Toutes ces terres, plates et le plus
souvent dépourvues de végétation, furent nommées par les compagnons
d'Iberville, il y a trois siècles : l'île aux Chats, l'île à
Corne, l'île Petit-Bois.
C'est à partir de ce mouillage que, fort
prudemment, le chef de l'expédition allait envoyer des officiers,
dont son frère Bienville, et des Canadiens aguerris, en
reconnaissance dans les îles puis sur la côte. Les biscayens, ces
longues barques très maniables apportées de La Rochelle,
permettaient une approche aisée et discrète des lieux où l'on ne
pouvait manquer de rencontrer les Indiens dont les marins avaient
déjà repéré, à la nuit tombée, les feux de camp. Les Indiens,
Iberville lui-même les approcha, au matin du 14 février, alors
qu'il conduisait un groupe d'éclaireurs. Les Sauvages s'enfuirent à
la vue des Blancs, abandonnant aux mains des visiteurs un vieillard
malade et une femme apeurée qui n'avaient pu s'éloigner à temps.
Les cadeaux, chemises, hachettes, couteaux, pipes, tabac, marmites
et colliers de perles remplirent instantanément leur office. Le
lendemain, alors que Bienville et deux Canadiens acceptaient de
rester en otages avec les Indiens, trois de ces derniers finirent
par monter à bord de la Badine. Les canonniers firent tonner
l'artillerie en leur honneur, mais aussi pour donner aux invités
une idée de la puissance de feu des navires. Ces Indiens Annoxi et
Moctobi, petites tribus peu connues venues du nord, s'étaient
intégrés aux Biloxi qui hantaient depuis longtemps la région. Comme
ces derniers, ils appartenaient à la lointaine nation des Sioux,
dont ils parlaient l'un des dialectes, peu usité mais que
comprenaient les Winnebago, les Osage, les Dakota, les Omaha et
quelques autres familles des Grandes Plaines. Ils portaient des
bandes-culottes10, des jambières, des mocassins et, en hiver,
des manteaux de peau. Ils se coiffaient de plumes, arboraient des
colliers faits d'os et de becs de flamant ; des anneaux leur
pendaient au nez et aux oreilles ; leur visage, comme leur
torse, était décoré de tatouages dont la signification échappait
aux Blancs nouveaux venus. Grâce aux informations données par ces
autochtones, Iberville et ses compagnons rencontrèrent bientôt
d'autres Indiens, notamment des Chacta qui vivaient sur les rives
du Mississippi. Ces derniers leur indiquèrent la direction des
passes qu'ils recherchaient.
Difficiles à situer dans le labyrinthe lagunaire
du delta, souvent noyés dans les brouillards du golfe ou la brume
qu'exhalaient les terres alluvionnaires gorgées d'eau, les bras du
Mississippi étaient réputés dangereux et les marins comprenaient
soudain pourquoi le capitaine Beaujeu avait marqué tant de
réticence à s'approcher des côtes et comment La Salle s'était
égaré.
Comme il eût été imprudent d'engager les gros
bateaux dans cette zone où les sondeurs ne relevaient que quelques
brasses d'eau, Iberville embarqua une petite troupe à bord des
biscayens. « Le 27 février, je suis parti des vaisseaux
en deux chaloupes avec le sieur de Sauvolle, enseigne de vaisseau
sur le Marin, mon frère, le père
récollet et quarante-huit hommes avec vingt jours de vivres, pour
aller au Mississippi, que les Sauvages de ces quartiers nomment
Malbanchya et les Espagnols la Palissade. » Les Espagnols
disaient plutôt Río de la Palizada et les explorateurs allaient
bientôt comprendre la raison de cette appellation.
Avant le retour des Français, des envoyés de Sa
Majesté Catholique avaient été surpris, au cours de leurs
incursions dans les bouches du fleuve, de rencontrer ce que les
géographes américains appellent aujourd'hui mud lumps, des amas de boue, qui constituent une
particularité géologique du subdelta du Mississippi. Le fleuve
décharge en effet, chaque année, dans le golfe du Mexique, cinq
cents millions de tonnes d'un mélange de sable, de vase et de
glaise11. Ces sédiments, charriés à
partir du Wisconsin sur plus de trois mille kilomètres par les
eaux, vont s'entasser, quand ils ne rencontrent pas d'obstacles, à
l'embouchure du Mississippi. Ils se déposent sur les hauts-fonds,
se superposent et agrandissent, au fil des ans, le territoire
vaseux du delta. Mais le Père des Eaux transporte aussi les troncs,
branchus ou non, des arbres déracinés de ses rives par la fonte des
neiges, les crues, les ouragans, les affaissements de terrain. À
ces déchets naturels s'ajoutaient, autrefois plus qu'aujourd'hui,
tous ceux en provenance des villages indiens. Dans le delta, quand
les eaux s'étalaient librement en de multiples ramifications qui
pouvaient rappeler les empreintes laissées sur le sable des grèves
par les pattes des oiseaux de mer – d'où le nom de
bird's foot donné à cette zone palustre
par les Anglo-Saxons –, la boue argileuse, dont l'écoulement
était périodiquement contrarié par les marées, se fixait ici ou là
et ne tardait pas à former des îlots. Ces tas de boue, d'une
étonnante densité, de toute taille et de toute forme, cônes,
mamelons, murettes, émergeaient parfois de deux mètres et pouvaient
couvrir des centaines de mètres carrés sur lesquels se développait
assez vite, sous le climat subtropical, une végétation
aquatique.
Les cyprès chauves, aux branches courtes et
défeuillées, mais supportant, tels des lambeaux de linceul balancés
par le vent, des écheveaux de mousse grisâtre12, nommée barbe de capucin par les marins,
offraient un aspect fantomatique. Entre les arbres poussaient des
nyssas à gomme, des orchidées géantes, des cannes et de hautes
herbes coupantes où nichaient flamants, hérons, canards, aigrettes
et l'horrible anhinga, sorte de serpent volant dont l'apparition
passait pour maléfique. Autour de ces îlots somnolaient les
alligators ; des rives plongeaient les rats musqués et les
loutres. Des tortues de toute taille dressaient, hors de leur
carapace, une tête curieuse au passage des barques. Ces réserves
naturelles, aujourd'hui protégées, compliquaient la navigation des
pionniers et prenaient au crépuscule l'inquiétante apparence de
navires à demi engloutis montés par des squelettes. Mais ces
présences n'auraient rien eu de très impressionnant pour les rudes
Canadiens si le mélange de glaise, de vase et de sable n'avait
produit, sous la pression des couches accumulées et par
fermentation, des gaz bleus qui s'échappaient parfois de petits
cratères et par les craquelures de la croûte de boue séchée. Ces
feux follets du delta, dont les gens superstitieux disaient
autrefois qu'ils étaient les petits génies des passes du
Mississippi, avaient déjà retenu l'attention des Espagnols. Le
cosmographe Carlos de Sigüenza y Góngora, chargé d'effectuer le
relevé des côtes du golfe du Mexique lors de l'expédition conduite
par l'amiral don Andrés de Pez, en mai 1693, notait dans son
journal : « Un grand nombre de troncs abattus par les
crues violentes du fleuve sont visibles. La boue agglomérée autour
de ces troncs constitue, en durcissant, des îlots dangereux pour
les bateaux quand ils sont à fleur d'eau. » Comme ces amas
finissaient par former de véritables barrières, un autre membre de
l'expédition, Juan Jordan de Reina, ajoutant encore un nom à tous
ceux déjà donnés au grand fleuve, avait fait du Mississippi le Río
de la Palizada !
Quant à Iberville, il n'avait disposé que de
cartes espagnoles très imprécises, des relations de voyage de
Cavelier de La Salle, des rapports de Joutel et de Tonty, pour
retrouver le delta. Une fois parvenu sur place, il dut, pour
identifier parmi ces multiples émissaires circulant entre des îlots
de boue, qu'il prenait pour des récifs, les véritables bras du
fleuve, se fier à « l'eau blanche et boueuse » décrite
par La Salle comme étant celle du Mississippi.
Il y parvint et raconte en ces termes sa quête au
milieu des mud lumps dans son journal
de voyage : « J'ai passé entre deux de ces roches, à
douze pieds d'eau, la mer fort grosse où, en approchant des roches,
j'ai trouvé de l'eau douce avec un fort courant. Ces roches sont de
bois pétrifié avec de la vase et devenues roches noires, qui
résistent à la mer. Elles sont sans nombre hors de l'eau, les unes
grosses, les autres petites, à distance les unes des autres de
vingt pas, cent, trois cents, cinq cents, plus ou moins, courant au
sud-est, ce qui m'a fait connaître que c'était la rivière de la
Palissade qui m'a paru bien nommée, car étant à son embouchure, qui
est à une lieue et demie de ces roches, elle paraît toute barrée de
ces roches. À son entrée il n'y a que douze à quinze pieds d'eau,
par où j'ai passé, qui m'a paru une des meilleures passes où la mer
brisait le moins. Entre les deux pointes de la rivière j'ai relevé
dix brasses13, le courant fort, à faire une lieue un
tiers par heure, l'eau toute bourbeuse et fort blanche, la rivière
ayant de large trois cent cinquante toises14. »
Dès qu'ils furent à peu près certains de naviguer
sur un des bras du fleuve, Iberville et ses compagnons commencèrent
à remonter le courant. Cette navigation, rendue pénible par la
force du flot, par la présence sournoise de troncs d'arbres
dérivants, par les bancs de vase ou de sable immergés, par les
hautes cannes brisées et enchevêtrées qui formaient parfois des
barrages, par les innombrables méandres du Mississippi, par les
portages exténuants et aussi par des myriades de moustiques qui
semblaient avoir une prédilection pour les peaux blanches, dura du
3 au 22 mars. Le 3 mars, le père Anastase Douay eut
l'occasion de célébrer une messe à l'endroit, estima le religieux,
où Cavelier de La Salle avait, en 1682, fait clouer sur un tronc
les armes du roi de France découpées dans le flanc d'un chaudron de
cuivre. L'arbre avait été, depuis longtemps, emporté par une crue
du Mississippi ou déraciné par un ouragan, mais Iberville, qui ne
voulait causer nulle peine au récollet, retint le site comme
historique.
Les explorateurs, dont on estime aujourd'hui
qu'ils atteignirent le lieu où se trouve maintenant la ville de
Baton Rouge, capitale de l'État de Louisiane, parcoururent près de
cinq cents kilomètres en visitant, avec tout le cérémonial appris,
les villages des Arkansa, Taensa, Coroa, Tangipahoa, Ouacha,
Napissa, Ouma, Bayagoula, qui tous appartenaient au groupe
linguistique des Muskogi et parlaient la langue des Biloxi et des
Pascagoula.
Les Français, partout bien accueillis par les
autochtones, dont certains se rappelaient encore la visite de La
Salle, rencontrèrent un dignitaire des Mougoulacha qui arborait,
d'une façon tout à fait inattendue, un manteau de serge bleue
fabriqué dans le Poitou ! Interrogé, l'Indien révéla que ce
vêtement lui avait été autrefois offert par Henry de Tonty quand,
en avril 1686, le lieutenant de La Salle était passé au village,
cherchant à retrouver son chef dont on était sans nouvelles. Cette
rencontre prouva à Iberville qu'il se trouvait bien dans la région
décrite par son prédécesseur. Cela le convainquit aussi que le père
Hennepin, qui donnait des distances fantaisistes, n'avait jamais
mis les pieds dans ces villages. Les chefs de tribu appréciaient un
calumet en signe de paix et les hachettes, couteaux, chemises,
colliers distribués par les nouveaux venus. Courtoisement, ils
indiquaient, en journées de navigation et de portage, les distances
qui séparaient leur tribu des autres réparties sur les berges du
fleuve et fournissaient volontiers des guides aux voyageurs.
Quand les vivres embarqués commencèrent à manquer,
les explorateurs durent se nourrir du produit de leur chasse, de
leur pêche et des provisions offertes par les Sauvages. Le gibier
partout abondait et, avec plus ou moins de plaisir, Iberville et
ses compagnons cuisinèrent de l'ours, du cerf, du ragondin,
jusqu'au jour où ils rencontrèrent, loin du delta, un troupeau de
deux cents bisons dont quelques-uns leur fournirent une excellente
viande à boucaner.
Vint un moment où Iberville, à qui fumer le
calumet donnait des nausées, car il n'avait jamais usé du tabac,
fut partagé entre le désir de poursuivre l'exploration et la
nécessité de redescendre le fleuve pour retourner à bord des
navires ancrés à l'île au Mouillage. Il savait que l'équipage du
Marin manquait de vivres et, prévoyant
l'échec éventuel de sa randonnée, il avait donné pour consigne à
Surgères de lever l'ancre avec la Badine s'il le laissait plus de six semaines sans
nouvelles. Arrivés au confluent de la Rouge – rivière qui se
perd dans le Mississippi pendant une douzaine de kilomètres avant
de l'abandonner en lui prenant, en période de crue, une partie de
ses eaux pour se jeter dans l'Atchafalaya, qui coule vers le golfe
du Mexique – les Français firent demi-tour. Ayant commencé à
descendre le Mississippi, ils découvrirent le 24 mars, sur la
rive gauche du fleuve, une rivière que les Indiens appelaient
Ascantia, mais que les Canadiens nommèrent d'Iberville pour honorer
leur chef. Ce dernier choisit aussitôt de l'emprunter, estimant,
d'après les informations données par les Indiens, qu'elle le
conduirait, par une succession de lacs et de passes, jusqu'à la
baie de Biloxi, c'est-à-dire à proximité de l'endroit où étaient
ancrés la Badine et le Marin. Iberville décida que Sauvolle retournerait
avec le père Anastase Douay à l'île au Mouillage par le
Mississippi, que Bienville, à bord de l'autre chaloupe, irait chez
les Bayagoula chercher un guide, tandis que lui-même, avec deux
canots d'écorce et quatre compagnons, suivrait le cours de la
rivière à laquelle on venait de donner son nom. Au cours de ce
voyage, le petit groupe emprunta une autre rivière adjacente,
coulant vers le sud, l'Amite, et traversa deux lacs, dont l'un
reçut le nom de Maurepas et l'autre, plus vaste, le nom de
Pontchartrain. Ces attributions constituaient un double hommage au
chétif ministre de la Marine, à la fois comte de Maurepas et de
Pontchartrain. Si la rivière Iberville est devenue aujourd'hui le
bayou Manchac, les lacs ont conservé les noms que leur donna
Iberville en 1699.
C'est au cours de la descente du fleuve qu'un
Indien Bayagoula apprit à l'explorateur qu'un lieutenant du sieur
de La Salle avait laissé autrefois au chef d'un village de
Mougoulacha une lettre à remettre à un Français « qui
viendrait de la mer ». Comme dans les romans d'aventures les
mieux conçus et les plus riches en suspense, cette indication donna
du cœur aux rameurs. Les Français, étant passés lors de la remontée
du fleuve au village désigné comme poste restante, s'étonnèrent que
personne ne leur eût alors remis le message. Ce fut Bienville qui
le reçut, quelques jours plus tard, des mains du chef des
Mougoulacha. Ce dernier, respectant la consigne donnée par Tonty et
craignant d'avoir affaire à des Espagnols camouflés, s'était bien
gardé de parler du pli lors de sa première rencontre avec les
Français.
On devine quelle dut être l'émotion d'Iberville
quand il ouvrit cette lettre écrite près de quatorze ans plus tôt
par Henry de Tonty et destinée à « M. de La Salle,
gouverneur général de la Louisiane ». Le texte confié aux
Indiens, qui l'avaient fort scrupuleusement conservé, résume les
inquiétudes, hélas fort justifiées, de Tonty et prouve l'affection
que l'officier portait à La Salle.
« Du village des Quinipissa, ce vingtième
d'avril 1685.
« Monsieur, ayant trouvé le poteau où vous
aviez planté les armes du roi renversé par les bois de marées, j'en
ai fait planter un autre en deçà, environ sept lieues de la mer, et
j'ai laissé une lettre dans un arbre à côté, dans un trou de
l'arrière, avec un écriteau dessus. Les Quinipissa m'ayant dansé le
calumet, je leur ai laissé cette lettre pour vous assurer de mes
très humbles respects et vous faire savoir que sur les nouvelles
que j'ai reçues au fort, que vous aviez perdu un bâtiment et que
les Sauvages vous ayant pillé vos marchandises vous vous battiez
contre eux, je suis descendu avec vingt-cinq Français, cinq
Chaouanon et cinq Illinois. Toutes les nations m'ont dansé le
calumet. Ce sont des gens qui nous craignent extrêmement depuis que
vous avez défait ce village ici. Je finis en vous disant que ce
m'est un grand chagrin que nous nous en retournions avec le malheur
de ne vous avoir pas trouvé après que deux canots ont côtoyés
[sic] du côté du Mexique trente lieues,
et du côté du cap de la Floride vingt-cinq, lesquels ont été
obligés de relâcher faute d'eau douce. Quoique nous n'ayons pas
entendu de vos nouvelles ni vu de vos marques, je ne désespère pas
que Dieu donne un bon succès à vos affaires et à votre entreprise.
Je le souhaite de tout mon cœur puisque vous n'avez pas un plus
fidèle serviteur que moi qui sacrifie tout pour vous
chercher. »
En annexe à cette missive, sans aucun doute dictée
par Tonty mais rédigée par quelqu'un qui usait du français mieux
que cet Italien, était joint un rapport. Il concernait la guerre
que les Illinois, les Ouatoua et les Chaouanon envisageaient de
mener contre les Iroquois, donnait des informations sur les
personnes récemment décédées en Nouvelle-France et annonçait
l'arrivée en Acadie de François-Marie Perrot, gouverneur de
Montréal, avec vingt-cinq soldats.
Le 31 mars, Iberville et ses compagnons
débouchaient, après avoir franchi une dernière passe dans la baie
de Biloxi, à huit lieues de leurs vaisseaux. Sans perdre de temps,
Iberville fit construire dans la baie de Biloxi, à une quinzaine de
kilomètres de l'île au Mouillage, un fort de bois à quatre
bastions, « ponté comme un navire » et pourvu de quatorze
canons bien amunitionnés. Ce fort, nommé Maurepas, où l'on entassa
six mois de vivres, servirait de base au détachement, composé de
soixante-dix hommes, marins, Canadiens, boucaniers, artisans,
militaires, et de seize mousses, qui devait rester en Louisiane.
Commandés par l'enseigne Sauvolle secondé par Bienville, promu
lieutenant du roi, avec pour major Le Vasseur de Ruessaval, pour
aumônier Bordenave et pour chirurgien Pierre Cave, les pionniers
reçurent pour mission d'explorer le pays, de se familiariser avec
les mœurs des Indiens, d'interdire toute incursion étrangère dans
les passes du Mississippi et surtout de rechercher un lieu plus
propice à la création d'un établissement colonial plus
important.
Les Indiens des environs avaient donné quelques
signes d'inquiétude en regardant construire le fort et plus encore
en suivant la mise en place des canons, dont ils connaissaient
maintenant la puissance meurtrière. Quelques cadeaux judicieusement
choisis, y compris des miroirs et des peignes pour les dames et
demoiselles, dissipèrent leur méfiance et ils offrirent aux
pionniers, pour lesquels ils étalèrent sur le sol trois cents peaux
de chevreuil, trois jours de fête ininterrompue !
La construction de ce premier fort était justifiée
par la proximité de l'établissement espagnol de Pensacola qui ne
semblait pas, pour l'instant, constituer une menace. Châteaumorand
y avait fait escale et constaté le dénuement dans lequel se
trouvaient les trois cents hommes qu'on avaient transportés là, des
repris de justice pour la plupart. Il avait fait distribuer des
vivres du François aux marins de la
chaloupe espagnole qui l'avait conduit à terre avec quelques
officiers de son bord. Le commandant Andrés de Arriola avait
expliqué à Châteaumorand qu'il regrettait de ne pouvoir autoriser
le François à entrer dans le port, les
« colons » ne pensant qu'à déserter comme avaient tenté
de le faire, quelques semaines plus tôt, quarante Mexicains
condamnés à des peines diverses.
Pendant que Châteaumorand faisait déjà route vers
Saint-Domingue et qu'Iberville se préparait à rentrer en France
étaient arrivés, le 22 avril, au fort Maurepas, cinq Espagnols
qui avaient fui Pensacola. Ils expliquèrent qu'ils ne souhaitaient
que retourner à La Havane ou à Veracruz et que, des trois cents
hommes transportés à Pensacola, il ne restait qu'une cinquantaine
de valides, les autres ayant déserté ou étant morts de maladie.
Iberville, partagé entre la pitié et la méfiance, car ces
déserteurs pouvaient être des espions, en embarqua aussitôt deux
sur le Marin et trois sur la
Badine.
Quand, le 3 mai 1699, les navires prirent le
vent et s'éloignèrent de l'île au Mouillage, des cabanes de bois
toutes neuves se blottissaient contre les palissades du
fort, les joyeux Canadiens rôtissaient des cuissots de
cerf ; le maïs et les pois plantés quelques semaines plus tôt
sortaient de terre. On interpréta cette germination rapide comme un
heureux présage pour l'avenir de la colonie.
1 Le Canada sous la
domination française, L. Dussieux, édition
J. Lecoffre, Paris, 1862.
2 Robert Louis Stevenson, les Porteurs de lanternes.
3 The Fighting Le
Moynes, Ryerson Press, Toronto, 1958.
4 Embarcations à rames, de la taille d'une
chaloupe ou d'un canot, dont les extrémités se relèvent en
pointe.
5 Collection particulière, Montréal.
6 Cité par Luc Boisnard dans son ouvrage
les Phétypeaux, Sedopols, Paris,
1986.
7 Histoire de la
Louisiane française, volume I, Marcel Giraud, Presses
universitaires de France, Paris, 1953.
8 Cette île fut, plus tard, nommée Dauphine.
C'est le nom qu'elle porte encore aujourd'hui.
9 Biloxi.
10 Ces Indiens se nouaient autour de la taille
une ceinture de cuir qui soutenait une longue bande de peau souple
passant entre les jambes et retombant librement devant et
derrière.
11 On estime que le delta, dont la superficie
dépasse dix mille kilomètres carrés, avance chaque année d'une
centaine de mètres dans la mer.
12 Cette mousse, que les Louisianais nomment
aujourd'hui mousse espagnole, que les Espagnols appelaient jadis
perruque à la française, avant que les Français ne la qualifient à
leur tour de barbe espagnole, n'est, du point de vue botanique, ni
une mousse ni une liane. C'est un épiphyte, végétal qui croît sur
d'autres végétaux sans être parasite, comme le lierre.
Imputrescible, la mousse espagnole fut, de tout temps, récoltée,
nettoyée et séchée pour être utilisée, aussi bien dans la
construction des murs des maisons, mêlée à de la glaise, qu'en
literie et tapisserie, pour bourrer matelas et coussins.
13 Ancienne mesure de longueur pour les
cordages, servant aussi à indiquer la profondeur de l'eau. Elle
était de 1,624 mètre.
14 Ancienne mesure de longueur valant
1,949 mètre.