4.
Robert le Conquérant
La descente du Mississippi
La troupe constituée pour le grand voyage comptait vingt-trois Français dont Henry de Tonty, le père Zénobe Membré, M. d'Autray, le notaire Jacques de La Métairie, le chirurgien Jean Michel, Gilles Meneret, Jacques Cauchois, Pierre You, François de Boisrondet, et le jeune Nicolas de La Salle qui, malgré une similitude de nom, n'était pas parent du chef de l'expédition mais, croit-on, le fils du commis de la Marine qui avait assisté Robert Cavelier de La Salle pour la mise au point de l'itinéraire. Dix-huit Indiens mercenaires, Loup, Mohican et Abnaki1, accompagnaient les Français. Venus de Nouvelle-Angleterre et payés cent peaux de castor par guerrier pour assurer par leur chasse le ravitaillement de l'expédition, ils avaient été engagés par Tonty. Les Loup mariés refusant de se déplacer sans leurs femmes, corvéables à merci, M. de La Salle se vit contraint d'emmener aussi dix Indiennes et trois enfants !
Plusieurs participants à l'expédition ont donné, avec plus ou moins de retard et quelques variantes, de longs comptes rendus de la descente du Mississippi, dont se sont inspirés les historiens. Le procès-verbal, dressé par le notaire Jacques de La Métairie, sans faire état de détails ou d'anecdotes que développeront ensuite d'autres témoins, résume assez bien la randonnée de Cavelier à la tête d'une caravane qui comprenait plus de cinquante personnes. Après l'introduction d'usage, le notaire, dont nous avons, pour la commodité de la lecture, modernisé l'orthographe, raconte : « Le vingt-septième décembre mille six cent quatre-vingt-un, M. de La Salle étant parti à pied [du fort Frontenac] pour rejoindre M. de Tonty qui avait, avec ses gens et tout l'équipage, pris le devant, le joignit à quarante lieues du pays des Miami où les glaces l'avaient obligé de s'arrêter au bord de la rivière de Chékagou2, pays des Maskouter. Les glaces étant devenues plus fortes, on fit faire des traîneaux pour traîner tout le bagage, les canots et un Français qui s'était blessé, tout le long de cette rivière et de celle des Illinois l'espace de soixante-dix lieues. Enfin, tous les Français s'étant rassemblés, le vingt-cinquième janvier mille six cent quatre-vingt-deux, on arriva à Pimitéoui [aujourd'hui la ville de Peoria], où la rivière n'étant plus glacée que par endroits on continua la route jusqu'au fleuve Colbert3, éloigné de Pimitéoui de soixante lieues ou environ et du village des Illinois de quatre-vingt-dix lieues ou environ. On arriva au bord du fleuve Colbert le sixième de février et on séjourna jusqu'au treizième pour attendre les Sauvages que les glaces avaient empêchés de suivre. Le treizième, tout le monde s'étant rassemblé, on partit au nombre de vingt-deux Français portant armes, assistés du R.P. Zénobe Membré, récollet missionnaire, et suivis de dix-huit Sauvages, de ceux de la Nouvelle-Angleterre et quelques femmes Algonquin, Otchipois et Huron. Le quatorzième on arriva au village des Maroa (Tamaora) consistant en cent cabanes qu'on trouva vides (les Indiens étaient partis chasser le bison). Après avoir navigué jusqu'au vingt-sixième février, l'espace d'environ cent lieues sur le fleuve Colbert, ayant séjourné pour chasser, un Français s'étant égaré dans les bois et ayant été rapporté à M. de La Salle qu'on avait vu quantité de Sauvages dans le voisinage, sur la pensée qu'ils pouvaient avoir pris ce Français, il fit faire un fort à la garde duquel ayant laissé M. de Tonty avec six hommes, il alla avec les vingt-quatre autres pour ravoir le Français et reconnaître les Sauvages. Ayant marché deux jours à travers bois sans en trouver, parce qu'ils avaient tous fui par l'appréhension des coups de fusil qu'ils avaient entendus, il envoya de tous les côtés les Français et Sauvages à la découverte avec ordre, s'ils trouvaient des Sauvages, d'en prendre en vie sans leur faire de mal, pour savoir des nouvelles de ce Français. Le nommé Gabriel Barbier, avec deux Sauvages, en ayant rencontré cinq de la nation des Chikasha [Chicacha], en amenèrent deux. On les servit le mieux qu'on put après leur avoir fait entendre qu'on était en peine d'un Français et qu'on ne les avait pris que pour le retirer d'entre leurs mains s'il y était et ensuite faire avec eux une bonne paix, les Français faisant du bien à tout le monde. Ils apprirent qu'ils n'avaient point vu celui que nous cherchions mais que la paix serait reçue de leurs anciens avec toute sorte de reconnaissance. On leur fit force présents et, comme ils avaient fait entendre qu'une de leurs bourgades n'était éloignée que d'une demi-journée de chemin, M. de La Salle se mit en chemin le lendemain pour s'y rendre… »
Le procès-verbal, déposé aux Archives nationales, se poursuit dans le même style notarial et tient en trois pages.
L'égaré, un armurier nommé Pierre Prudhomme, ayant été retrouvé sain et sauf, Cavelier donna son nom au fort qu'on venait d'achever et le voyage, qui n'avait rien d'une aimable croisière, reprit.
Pour ces pionniers qui ne disposaient d'aucune carte ni relevé fiable, le Mississippi devait être, à l'époque encore plus qu'aujourd'hui, rempli d'obstacles naturels tels que bancs de sable affleurants, arbres à la dérive, sauts imprévus ou tourbillons nés de la confluence de rivières inconnues, qui obligeaient à des portages exténuants. La navigation, rendue hasardeuse par les crues soudaines que provoquent souvent les orages tropicaux, devenait encore plus risquée dans les approches du delta, où le fleuve se peuplait d'alligators à l'affût d'une proie sous des nuées de moustiques. Il fallait aussi redouter la rencontre de tribus indiennes vindicatives. Cavelier de La Salle, qui fréquentait les indigènes depuis quinze années et parlait plusieurs langues ou dialectes, ne manqua pas une occasion, après avoir revêtu son plus bel habit, de rendre visite, tout en se tenant sur ses gardes, aux caciques des villages établis sur les rives du fleuve, de leur tendre son calumet, prouvant par là qu'il connaissait les usages et ne souhaitait que la paix. On l'entendit maintes fois répéter : « Je viens offrir aux nations de l'Amérique l'alliance du plus puissant des rois de la terre : le roi de France. » Il ajoutait même avec un certain aplomb : « Toutes les nations d'En-Haut se sont déjà engagées sous la domination d'un si grand prince. » Il faisait distribuer les cadeaux les plus prisés par les Sauvages, haches, couteaux, aiguilles à coudre, étoffes de couleur, chemises, cabans, chaudrons, marmites, colliers, bracelets, épées damasquinées pour les chefs. En échange de ces présents, les Français recevaient, en plus des offrandes rituelles, calumets, robes de fourrure, colliers de perles et pleines pirogues de vivres. Les Indiens sédentaires et cultivateurs offraient généreusement maïs, pois, patates douces, riz sauvage, melons d'eau, potirons, poulets, dindes, viande de bison ou de cerf séchée et quantité de fruits excellents. Il arriva même qu'un chef de tribu fît livrer aux visiteurs de succulentes pâtes de fruits, moulées en forme d'animaux et dignes de l'étalage d'une confiserie anglaise.
Les explorateurs n'avaient pas manqué de constater, après avoir franchi le confluent de l'Ohio et salué les Kaskaskia, amis du père Marquette, que les Indiens du Sud étaient beaucoup plus évolués que ceux du Nord, surtout plus disciplinés et plus gais. Les Kappa ne perdaient jamais l'occasion de plaisanter et les Arkansa, occupants d'un vaste territoire au confluent du Mississippi et de la rivière qui porte leur nom, se souvenaient de la visite du jésuite et de Louis Joliet, en 1673. L'enseignement de l'évangéliste n'avait cependant laissé aucune trace chez ces animistes polygames. Cinquante lieues plus bas, chez les Taensa, Cavelier et ses compagnons découvrirent huit villages construits autour d'un lac et, dans celui où résidait le chef, la capitale, des maisons de pisé rigoureusement alignées au voisinage de vergers bien entretenus. Le cacique, monarque absolu, habitait un palais aux murs de trois mètres de haut peints à fresque et surmonté d'un dôme fait de cannes tressées. Il reçut ses hôtes en cape blanche, coiffé d'une impressionnante tiare emplumée et leur expliqua qu'on avait trouvé les perles fines qu'il portait aux oreilles dans des coquillages d'une lointaine mer de l'Ouest et non du Sud comme auraient voulu l'entendre dire les explorateurs. Il accepta d'échanger ces pendentifs contre le bracelet que lui proposa Tonty. Le vieillard usait de quatre épouses souriantes et chapeautées de paille. Douze guerriers assuraient sa garde. Des domestiques stylés le servaient à table et il ne sortait jamais sans que fût balayé le chemin qu'il devait emprunter. Ses conseillers étaient les chefs des villages établis autour du lac. Dans un temple, face au palais, où de nobles vieillards entretenaient un feu perpétuel devant un autel surmonté de trois aigles, les guerriers venaient, au lever et au coucher du soleil, faire leurs oraisons. « Ils hurlaient comme des loups. C'était là toute leur prière ! » rapporta le père Membré.
L'expédition, arrivée le 22 mars chez les Taensa, dut passer plusieurs jours en leur compagnie puisqu'elle ne se présenta que le 26 mars devant le village des Natchez, où l'on évita de justesse une bagarre quand les Français s'aperçurent qu'ils étaient attendus sur la rive par deux cents guerriers prêts à faire usage de leur arc. La vue du calumet brandi par Tonty fit sur les excités plus d'effet que les mousquets pointés par ses compagnons. On pétuna de concert et les Natchez invitèrent les explorateurs à dîner. Ceux-ci se reposèrent jusqu'au dimanche de Pâques, jour qu'ils choisirent pour reprendre leur navigation. En descendant le fleuve, que les indigènes appelaient tantôt Espíritu Santo, comme l'avait nommé Soto en 1540, tantôt Messi-Sipi, les explorateurs étaient assurés de trouver la mer à dix journées du village des Natchez. Ces derniers, qui, d'après Adrien Simon Le Page du Pratz4, aimaient « se barbouiller tout le corps de noir, de rouge, de jaune et de gris depuis la tête jusqu'aux pieds » et portaient des ceintures garnies de grelots, mirent en garde leurs amis blancs. Près de la mer, ils risquaient de rencontrer des Espagnols mais aussi des gens encore moins fréquentables, les Quinipissa, qui avaient coutume de manger de la chair humaine. Le 2 avril, alors que le convoi naviguait depuis plusieurs jours entre des rives plates et boisées à perte de vue, les Quinipissa apparurent. Ils accueillirent par des volées de flèches les envoyés de Cavelier, avant de se disperser dans la forêt au sol spongieux. Ayant débarqué, les Français découvrirent avec effroi ce qui restait d'un village de Tangipahoa, que le notaire Jacques de La Métairie appelle les Mahcouala, sans doute dévasté par les cannibales. Les visiteurs horrifiés trouvèrent, entassés dans trois cabanes, des piles de corps amputés. Ils imaginèrent aisément pour quels festins barbares les anthropophages venaient puiser dans cette réserve putride. Le père Membré dit une prière, bénit les dépouilles et l'on s'éloigna rapidement du charnier.
Quarante-huit heures plus tard, le paysage avait changé. Le fleuve s'étalait maintenant à travers une sorte de savane humide hérissée de roseaux et de cannes. Le majestueux Mississippi semblait mêler ses eaux boueuses à celles des marais peuplés d'oiseaux innombrables, de hérons, de flamants, d'alligators et de tortues à carapace noire. Des cyprès chauves, dressés comme des squelettes sur des faisceaux de racines coniques émergeant de l'eau, dont les branches courtes et torses supportaient des écheveaux de lianes grises semblables à des scalps, prenaient, sur fond de nuages bas couleur de plomb, l'aspect d'épouvantails. Le 7 avril, le fleuve parut, devant les rameurs, se diviser en trois chenaux. M. de La Salle choisit d'explorer celui de droite, Tonty fut envoyé au centre et M. d'Autray s'engagea à gauche. Ce fut Tonty qui, le premier, vit la mer, ramassa un crabe, goûta l'eau et la trouva saumâtre. Les trois équipes se réunirent sur une langue de terre pour y camper. Le but était atteint. « M. de La Salle fut visiter et reconnaître les côtes de la mer voisine », constate laconiquement le tabellion dans son procès-verbal. Il n'était pas chargé de transmettre à la postérité la jubilation, que l'on suppose intense, des découvreurs, encore que l'on ne puisse imaginer Robert le Conquérant battant des mains ou poussant un hourra comme un champion de pétanque !
Le lendemain, qui était le neuvième jour du mois d'avril 1682, M. de La Salle revêtit son habit galonné d'or, noua son jabot de dentelle, coiffa son feutre empanaché, fit ébrancher un tronc qui reçut les armes du roi de France gravées sur un flanc de chaudron. Ayant fait aligner ceux qui portaient un fusil, il demanda au récollet de bénir ce jour et cette terre. Dieu ayant été remercié pour la protection accordée aux découvreurs, on en vint au baptême. « Je te nomme Louisiane », aurait simplement dit le Normand5 avant de commander une salve d'honneur qui fit s'envoler les oiseaux. Il ne restait plus aux témoins qu'à signer le procès-verbal rédigé par le notaire.
L'histoire a de ces banalités administratives déconcertantes. Ces dernières inspirent parfois aux artistes des images d'Épinal, comme celle qui ouvrait ce chapitre, fameux entre tous, de l'aventure coloniale de la France.
Lauriers amers et gloire reconnue
Ce lieu unique, M. de La Salle entendait pouvoir le retrouver si, comme il était probable, le Mississippi, ne respectant pas le blason du roi de France, emportait avec désinvolture et du même geste au cours d'une crue l'arbre-colonne et la croix du Christ. De nombreux historiens ou biographes écrivent que, pour estimer sa position, Robert le Conquérant disposait d'un astrolabe. Le mot s'applique à tant d'instruments qu'il est difficile de connaître celui qui fut utilisé par le découvreur. Il est probable que Cavelier voyageait avec une boussole et un quadrant ou un anneau astronomique. Constitué par un cercle de bois, gradué en degrés, suspendu à un anneau et supportant un fil à plomb, cet instrument était aussi pourvu d'un système élémentaire d'optique permettant de viser l'axe du soleil le jour, de l'étoile Polaire la nuit. Il fournissait ainsi la hauteur du soleil ou de l'astre, d'où l'on déduisait la latitude du site considéré. Le notaire Jacques de La Métairie nota d'ailleurs scrupuleusement le relevé du 9 avril 1682 : 27 degrés d'élévation du pôle septentrional. Cependant, pour faire un point précis, il eût fallu déterminer aussi la longitude, ce qui était impossible avec les instruments de l'époque. L'explorateur ne possédait pas d'horloge astronomique, ni même de chronomètre, et le méridien de Greenwich n'avait pas encore été choisi comme référence par le Bureau des longitudes ! Cette lacune avait joué de mauvais tours à plus d'un navigateur, y compris au plus fameux d'entre eux, Christophe Colomb. Une telle imprécision, aggravée par l'absence de repères dans le décor plat du delta où le Mississippi joue sans arrêt, au rythme des marées, sous l'influence d'une tornade ou par l'apport soudain d'un bayou, à modifier le réseau de ses innombrables bras navigables, devait conduire Cavelier de La Salle à sa perte et la Louisiane à l'abandon.
Mais, le 10 avril 1682, Cavelier et ses compagnons ne pensaient qu'à prendre le chemin du retour vers la Nouvelle-France. L'explorateur parce qu'il entendait faire part de sa découverte au comte de Frontenac, les autres parce qu'ils souhaitaient rentrer chez eux. La remontée du fleuve ne fut pas de tout repos. Gonflé par la fonte des neiges dans le haut de son cours, le Mississippi roulait des eaux tumultueuses. Il fallut ramer ferme, souvent le ventre creux, tantôt en se battant, tantôt en rusant avec des tribus hostiles, pendant deux bonnes semaines, avant d'atteindre le pays des gentils Taensa qui hébergèrent et nourrirent les découvreurs de la mer Vermeille. À peine la flottille avait-elle repris sa navigation vers le nord que Cavelier tomba malade. Incapable de voyager, il dut s'arrêter quarante jours au fort Prudhomme pour se reposer, tandis que le fidèle Tonty était envoyé en éclaireur pour porter la grande nouvelle à Québec. L'homme à la main d'argent avait dû composer avec des tribus en guerre contre les Iroquois, et n'était arrivé qu'au pays des Illinois quand M. de La Salle, à demi guéri, se mit en route. Il rejoignit son lieutenant à Michilimackinac en septembre. Fidèle à sa tactique, qui consistait à jalonner de forts, centres de civilisation attractifs pour les négociants et les Indiens, la route liquide qui permettrait désormais de se rendre du pays des Grands Lacs jusqu'au golfe du Mexique sans quitter le territoire français, l'explorateur prit le temps de construire sur l'Illinois, près du confluent de la rivière Divine, un nouvel établissement, qu'on appela fort Saint-Louis des Illinois.
À peine la forteresse fut-elle achevée que des centaines puis des milliers d'Indiens, Abnaki, Miami, Chaouanon et Illinois, vinrent faire allégeance à celui que les moqueurs nommaient, avec plus d'à-propos qu'ils ne pouvaient imaginer, le seigneur des Sauvages. Ces tribus amies attendaient du Français qu'il les conduisît dans la guerre que leur faisaient les Iroquois, activés en sous-main par les marchands anglais.
Ainsi, le grand dessein colonial, conçu par un seul homme, commençait à prendre corps. La constitution d'un royaume français d'Amérique, considérée comme utopie et dénoncée comme telle par les ignorants, les médiocres, les cuistres et les jaloux, pouvait devenir une réalité territoriale, stratégique, politique et commerciale. Mais construire des forts, assurer la sécurité de la navigation, mettre en valeur les terres coûtait cher. Il fallait de l'argent, des armes et des cadeaux pour entretenir les autochtones – aiguillonés par les Britanniques dans les bonnes dispositions qu'ils manifestaient à l'égard des Français. L'aide de l'État devenait donc indispensable. M. de La Salle avait dépensé deux cent mille livres pour réussir sa démonstration et ne possédait plus un sol. Louis XIV, devenu, par acte notarié, propriétaire exclusif d'un demi-continent supposé plein de richesses exploitables, se devait de prendre le relais.
Le 23 juillet 1682, Tonty, parvenu le premier à Michilimackinac, avait envoyé une relation du voyage au comte de Frontenac. Il s'agissait de préparer le terrain pour les sollicitations futures.
Hélas ! Des changements radicaux étaient intervenus à Québec. Pendant que les pionniers naviguaient sur le Mississippi ou ses affluents, les basses intrigues des jésuites, les ragots des cercles coloniaux, la cupidité des négociants dont Frontenac voulait limiter les privilèges, les querelles de préséance, les prétentions des subalternes incompétents, avaient fait le jeu des ennemis du protecteur de Cavelier.
À Paris, on se souciait peu des conceptions coloniales de M. de La Salle. Pendant que ce dernier et ses compagnons risquaient leur vie pour agrandir le royaume de France, Louis XIV faisait de la décoration d'intérieur ! En avril 1682, tandis que Cavelier plante la colonne fleurdelisée dans la boue du delta sauvage, le roi, à Versailles, choisit des luminaires. Il hésite, nous dit Jacques de Saint-Germain6, entre des chandeliers représentant Hercule terrassant le lion et des candélabres supportés par le même Hercule étranglant l'hydre.
Prompt à donner raison au dernier courtisan qui a parlé, le roi prêtait aussi l'oreille aux détracteurs du comte de Frontenac. C'est ainsi que le gouverneur du Canada avait été rappelé, comme le sont aujourd'hui les préfets de la République quand ils cessent de plaire !
Le 1er mai 1682, alors que Cavelier grelottait de fièvre au fort Prudhomme, un nouveau gouverneur avait été nommé, M. Antoine Joseph Le Fèvre de La Barre. Ce général, ami des jésuites, alors âgé de soixante ans, avait été successivement intendant du Bourbonnais, de l'Auvergne, de Paris, puis gouverneur de la Guyane en 1663. Il avait conquis Cayenne sur les Hollandais, négocié avec la Compagnie des Indes des accords ouvrant le commerce des Antilles aux négociants français. Comme il restait sans fortune malgré une impudente propension à réclamer des pots-de-vin, il comptait bien, comme d'autres, s'enrichir au Canada.
Quand, au mois de novembre 1683 Cavelier arrive à Québec, l'accueil est plutôt frais. La Barre à demi gâteux, déjà en relation d'affaires avec deux négociants, créanciers de l'explorateur, Le Bert et La Chesnaye, non seulement refuse d'octroyer les fournitures demandées par M. de La Salle mais confisque le fort Frontenac et tout ce qu'il contient, sous prétexte que le seigneur des Sauvages n'y a pas maintenu la garnison prévue par les lettres patentes de 1678 ! La Barre ne dit pas, en revanche, qu'il a conclu un accord financier avec les deux « repreneurs » des biens de M. de La Salle. Le gouverneur touchera désormais la moitié des bénéfices réalisés par La Chesnaye et Le Bert. Comme le vieux concussionnaire est inquiet, il fait ouvrir le courrier de Cavelier, supprime les passages qui mettent en valeur la découverte du Normand et ajoute des commentaires pernicieux à destination du ministre de la Marine. Ceux-ci sont de nature à faire croire que M. de La Salle est un mythomane, qu'il a perdu la tête et veut créer « un royaume imaginaire en débauchant tous les banqueroutiers et fainéants de ce pays ». N'en étant pas à une vilenie près, La Barre destitue le capitaine Henry de Tonty de son commandement du fort Saint-Louis des Illinois et donne à entendre aux Iroquois que, si un malheur arrivait aux aventuriers français qui soutiennent contre eux les Miami et les Illinois, il n'en ferait pas une affaire d'État !
Il ne restait plus à M. de La Salle, bien qu'il eût des choses plus urgentes à entreprendre, qu'à traverser une nouvelle fois l'Atlantique, pour demander justice au roi. À Paris, il pouvait compter sur M. de Frontenac qui l'avait précédé en compagnie du père Zénobe Membré. Bien que récollet détesté par les jésuites, ce prêtre était non seulement un saint homme mais un témoin loyal et irréfutable du voyage dans le delta.
Le 13 novembre 1683, Cavelier appareilla pour la France avec son Indien Nika et le major La Forest, commandant du fort Frontenac que le gouverneur renvoyait en France. En débarquant à La Rochelle, le 23 décembre 1683, il savait que seul M. de Seignelay, qui venait de succéder à son père, pouvait entendre ses justifications. Car le grand Colbert était mort le 6 septembre et on avait dû l'enterrer de nuit pour soustraire son corps à la fureur du peuple, qui le détestait à cause de la politique autoritaire imposée par l'intérêt national. Les bourgeois affairistes et les gens du négoce, qui voient rarement plus loin que le bout de leur tiroir-caisse, avaient mal supporté la création des manufactures de textiles et les ordonnances fiscales. Quelques jours avant sa mort, le grand ministre avait reçu, maigre consolation, l'acte officiel de prise de possession de la Louisiane des mains du comte de Frontenac.
À Paris, M. de La Salle constata que ses amis lui étaient restés fidèles et que bon nombre de gens éclairés appréciaient à leur juste valeur ses découvertes, maintenant officiellement révélées, et l'encourageaient à poursuivre. Il devint, grâce aux salons et aux journaux, le paladin du moment. Le Mercure galant rendit compte à sa manière des aventures du gentilhomme : « Il a vu diverses nations barbares. Comme il possède dix sortes de langues de ce pays-là, il a eu moyen de reconnaître leur religion et leur police. La plupart adorent le soleil et l'esprit qui le gouverne. Les hommes vont nus. Pour les femmes mariées, on les oblige à une conduite exacte et on leur coupe les oreilles et le nez quand on les surprend dans quelque faute7. » Ce genre de commentaire avait de quoi donner de délicieux frissons aux Parisiennes dont les infidélités conjugales ne connaissaient pas d'aussi cruelles sanctions !
À la demande de Seignelay, le roi reçut, en toute discrétion et fort aimablement, la vedette du jour. Louis XIV, en deuil de la reine Marie-Thérèse, morte le 30 juillet, devait porter, ce jour-là, un justaucorps violet et une cravate sobre, tenue choisie pour marquer son récent veuvage. Comme tous les maris qui ont abondamment trompé leur femme, le souverain témoignait d'une grande déférence au souvenir de la sienne, bien que l'on racontât déjà qu'il avait, dès le mois de septembre, secrètement épousé Mme de Maintenon. À Versailles, où l'on commençait la construction de l'aile nord du château, Cavelier fut écouté comme devaient l'être les conquistadores quand ils réapparaissaient à la cour d'Espagne après une heureuse expédition.
Rien ne transpira de l'entrevue royale et les courtisans indiscrets, comme les amateurs de ragots, en furent pour leurs frais. On vit cependant, en peu de jours, les effets de cet échange de vues. Non seulement le roi accorda immédiatement à Cavelier réparation des préjudices causés en ordonnant à La Barre de restituer sur-le-champ à leur propriétaire les forts confisqués, mais il délivra, le 14 mars 1684, de nouvelles lettres patentes nommant M. de La Salle « gouverneur de toutes les contrées de l'Amérique septentrionale soumises et à soumettre du fort de Saint-Louis des Illinois jusqu'à la Nouvelle-Biscaye », c'est-à-dire les possessions espagnoles bordant le golfe du Mexique. La commission donnait aussi pouvoir à l'explorateur de commander tant aux Français qu'aux Sauvages de ces régions et de nommer les gouverneurs et commandants. Si Cavelier avait rêvé un jour de posséder un duché, il pouvait être satisfait au-delà de ses espérances : Louis XIV venait de le faire, en trois phrases, vice-roi d'Amérique.
Ayant obtenu l'agrément du souverain et fait taire ses détracteurs, il dépêcha le major La Forest en Nouvelle-France pour reprendre le contrôle du fort Frontenac et transmettre à Tonty l'ordre de rassembler tous les Indiens qu'il pourrait enrôler près du fort Saint-Louis des Illinois. Comme le colonisateur – il mérite dès à présent ce titre – l'avait proposé au roi, il s'agissait en effet de constituer une armée de quinze ou vingt mille Sauvages, encadrés par des soldats venus de France et de robustes boucaniers recrutés à Saint-Domingue. Cette troupe permettrait de monter une expédition guerrière contre les Espagnols et de leur dérober le Mexique, dont la capitale comptait alors plus de cent mille habitants. Le projet pouvait paraître fou et, en tout cas, téméraire, mais la France était alors puissante et redoutée de l'Espagne, ce qui encourageait une telle entreprise. Charles II avait déjà dû abandonner à Louis XIV la Franche-Comté et une partie de la Flandre et il s'apprêtait à signer un traité accordant, pour vingt ans, Strasbourg à la France, en échange de Courtray et de Dixmude8. Il ne saurait pas mieux défendre sa colonie mexicaine que ses possessions européennes, pensait-on avec optimisme à Versailles. Le maréchal de Bellefonds n'était-il pas entré à Gérone en mars, au moment où le roi de France signait les nouvelles lettres patentes de Cavelier de La Salle ?
Les années d'errance
Fort de ses nouveaux privilèges, et cette fois-ci de l'appui du roi et de l'État, Cavelier de La Salle s'embarqua pour la Louisiane le 24 juillet 1684. Il disposait d'une flottille de quatre navires, le Joly, trois-mâts portant trente-cinq canons, la Belle, petite frégate armée de six canons et offerte par le roi à l'explorateur, l'Aimable, flûte jaugeant trois cents tonneaux, propriété d'un armateur de La Rochelle, M. Massiot, le Saint-François, cotre à tapecul de petit tonnage, chargé de vin et de denrées destinées aux habitants de Saint-Domingue et qui devait faire route jusqu'à cette île avec la flottille. Après cette escale, les bateaux contourneraient la pointe de la Floride et débarqueraient les pionniers dans les bouches du Mississippi, visitées deux ans plus tôt par le chef de l'expédition. On emportait du matériel, des fournitures et des objets de première nécessité destinés aux colons qui accepteraient de s'installer dans le delta.
Deux cent quatre-vingts soldats, ouvriers et volontaires étaient du voyage. Ces gens, qui avaient souvent été enrôlés, à La Rochelle et à Rochefort, par des recruteurs professionnels, et payés, c'est le cas de le dire, à la tête du client, représentaient, d'après La Salle lui-même, un bel échantillon de « cette racaille de toutes les nations qui hante les grands ports9 ». Le seigneur réhabilité de Frontenac avait sélectionné personnellement les officiers qui devaient encadrer cette troupe peu reluisante. Certains d'entre eux avaient choisi l'aventure coloniale pour se faire oublier en métropole. C'était le cas du marquis de La Sablonnière, un libertin ruiné par le jeu et les donzelles. Il comptait que l'exploration de la Louisiane serait plus payante que la campagne contre les Barbaresques d'Algérie, dont il n'avait rapporté que la vérole. Parmi les recommandés dont Cavelier fut obligé de s'encombrer figurait le fils d'un secrétaire du roi, Pierre Meunier, un bon à rien que sa famille souhaitait éloigner. Avaient embarqué aussi des commerçants rouennais, Legros et les frères Duhault, qui, ayant investi dans les fournitures, voulaient s'assurer par eux-mêmes de la rentabilité de l'opération. De braves soldats faisaient heureusement partie de la troupe, notamment Henri Joutel, fils du jardinier des Cavelier, qui avait reçu une bonne éducation et comptait dix-sept ans de service dans l'armée. Il serait pour La Salle, comme Tonty, un lieutenant à la fidélité inaltérable et publierait en 1713 une relation de l'expédition10. Trois missionnaires récollets figuraient parmi les passagers, le père Zénobe Membré, qui connaissait le pays, et ses confrères Maxime Le Clercq et Anastase Douay. On avait invité aussi des sulpiciens, Jean Cavelier, le frère de Robert, et les abbés Chefdville et Esmanville. M. de La Salle, pour plaire à sa famille, avait encore accepté de prendre à bord deux de ses neveux qui voulaient voir l'Amérique, Crevel de Moranger et Nicolas Cavelier. Enfin, comme il valait mieux dans ce genre de croisière avoir un chirurgien sous la main, on s'était entendu avec un certain Liotot, qui avait mis un peu d'argent dans la pacotille à vendre aux Indiens.
Si M. de La Salle commande aux soldats, un capitaine de la marine royale, M. Le Gallois de Beaujeu, normand comme l'explorateur, commande aux navires. La Salle choisit l'itinéraire mais Beaujeu décide des manœuvres. C'est là que gît, dès avant l'appareillage, le ferment d'un désaccord que l'opposition des caractères amplifiera et qui conduira à des conflits très préjudiciables à l'expédition.
La Salle n'était pas un de ces vaniteux ordinaires qui se prennent pour génie universel parce que la fortune leur a, une fois, souri. Conscient de sa valeur, il entendait tenir la place que l'Histoire consentait enfin à lui attribuer et n'admettait pas qu'on méconnût ses compétences déjà prouvées, ni qu'on empiétât sur ses prérogatives. Il n'avait pas pour habitude de révéler aux autres par le détail ses projets et ses plans. Peut-être estimait-il que ses interlocuteurs eussent été incapables, ne distinguant que les signes extérieurs de l'entreprise, de comprendre l'immense ambition qui l'animait. Cavelier le Normand se faisait une certaine idée de l'Amérique française. Cette idée primait tout. Les contingences ne pouvaient l'infléchir, l'intendance devait suivre, les hommes marcher sans murmurer ni même poser de questions. À ceux qui avaient accepté de l'accompagner, Cavelier ne promettait que l'honneur de figurer parmi les défricheurs d'un nouveau royaume. Il eût pu dire « Je suis la Louisiane » sans que cela fît sourire, tant on devinait qu'il avait engagé son honneur et sa vie dans l'aventure. Les uns l'appelaient Don Quichotte, les autres le Christophe Colomb de la vallée du Mississippi, mais tous reconnaissaient en lui le condottiere intrépide qui sait faire front à la défaveur éventuelle du destin. M. de La Salle montrait en toute circonstance un sens féodal du devoir et de l'autorité. Il entendait imposer comme un dogme sa conception réaliste et moderne de l'entreprise coloniale. Ce type de chef déplaît plus encore aux proches par le grade ou la fonction qu'aux subalternes et l'époque n'était pas à la concertation ou au dialogue. M. de La Salle ne recherchait pas le consensus, qui est une mode récente et réputée démocratique. Il prescrivait à chacun de servir à la place assignée, sans tergiversations ni plaintes. Les pusillanimes et les délicats qui osaient exhiber leurs états d'âme étaient promptement désignés pour les missions dangereuses ou rebutantes, ce qui les ramenait aux considérations primordiales de l'existence. L'action dilue les mélancolies que le narcissisme exaspère. Pour le Normand, il n'existait pas de meilleur critère d'appréciation que l'efficacité.
C'est pourquoi, dès les premiers jours du voyage qui, faute de vent, ne commença que le 1er août, les heurts se succédèrent entre le capitaine Beaujeu et Cavelier. Le marin tenait aux préséances de Neptune, qui font en mer d'un capitaine le substitut de Dieu. Il souffrit donc, tout de suite, de se voir cantonné dans le rôle du navigateur mis au service d'un coureur de bois par décision royale. Il trouva bientôt excessif le nombre des gens qui mangeaient à sa table… et à ses frais : quatorze personnes, dont six prêtres. Puis il prit très mal que M. de La Salle eût refusé de faire escale à Madère et encore plus mal que ce taciturne lui cachât, depuis le départ, la destination exacte de la flottille. Cavelier craignait les espions espagnols et n'avait pas tort. Beaujeu, qui s'était attiré quelque reconnaissance de Seignelay pendant la campagne d'Algérie, se plaignit par lettre au ministre de la Marine de l'attitude de son passager. « C'est un homme si défiant, qui a tellement peur qu'on ne pénètre dans ses secrets qu'on ose [sic] lui rien demander », écrivit-il. Les choses se corsèrent quand M. de La Salle refusa avec hauteur de se plier au cérémonial burlesque qui préside traditionnellement au passage de la Ligne. « C'est une insulte à la marine française », aurait dit, entre deux parties de cartes, le capitaine Escartefigue. Beaujeu ne le dit pas mais ressentit comme un affront la dérobade de son passager. Il est probable que les marins réservaient au gentilhomme sec et distant, qui les considérait sans aménité comme de simples auxiliaires des transports maritimes, un baptême particulièrement soigné. La Salle trouvait cette momerie ridicule et le dit clairement, ce qui fit gronder l'équipage du Joly et ceux des autres navires.
Quand le journal intime du père Membré, où le religieux décrivait toutes les fredaines des marins et les algarades du bord, tomba sous les yeux du capitaine, l'atmosphère devint irrespirable. Fort heureusement, on arrivait à Saint-Domingue où l'on débarqua d'abord les nombreux malades qui se trouvaient à bord des bateaux. M. de La Salle ayant été terrassé, semble-t-il, par la même fièvre dont souffraient marins et passagers, bien que certains historiens aient cru reconnaître dans les symptômes vaguement décrits une congestion cérébrale, et que d'autres y aient vu la main d'un empoisonneur, il fallut prolonger l'escale. L'explorateur allait passer deux mois dans ce pays où, d'après Joutel, l'air et les fruits étaient mauvais et où l'on trouvait « quantité de femmes pires encore que l'air et les fruits ! ».
Couché dans une mansarde sordide, tandis que les matelots ivres braillaient toutes les nuits en sortant des cabarets de la rue voisine, que le marquis de La Sablonnière vendait ses vêtements pour payer les filles de joie et que les commerçants rouennais liquidaient à bon prix une partie des produits destinés à la future colonie, l'explorateur crut mourir d'amertume autant que de maladie. Les désertions se multipliaient et il voyait l'expédition compromise. Quand il apprit que le plus lent des bateaux, le cotre Saint-François, empli de meubles, d'outils et de munitions, avait été saisi par les Espagnols, comme Jérémie il se tourna vers le mur de sa chambre et se mit à délirer. Son frère, l'abbé Cavelier, le croyant perdu, lui fit porter la communion, ce qui, sans doute pour l'édification des libertins, le calma et fit tomber la fièvre.
Quelques jours plus tard, bien que très affaibli, M. de La Salle reçut le gouverneur de l'île et prépara le départ de la flottille. Après cette longue escale à Saint-Domingue, on mit à la voile le 25 novembre. Cette fois-ci, Cavelier, qui avec le commandant des îles reprochait à Beaujeu la perte du Saint-François, parce qu'il n'avait pas attendu ce vaisseau, trop poussif à son gré, embarqua sur la flûte l'Aimable avec ses officiers.
Les bateaux risquaient de se perdre de vue, Beaujeu n'ayant sans doute pas l'intention de tenir compte du message envoyé par Cavelier qui lui demandait de ne pas forcer l'allure. L'Aimable était en effet incapable de suivre le Joly. On s'était donc donné rendez-vous, par 28 degrés 20 minutes, dans la mer Vermeille, point le plus proche, selon M. de La Salle, de l'embouchure du Mississippi.
Après être passés au large de Cuba, les navires regroupés entrèrent ensemble dans le golfe du Mexique, mais, à partir de là, personne ne sut plus se diriger. Ni M. de La Salle ni Beaujeu ne distinguèrent la baie de la Mobile, devant laquelle ils défilèrent dans la brume sans ralentir. Quelques jours plus tard, on vit par chance, sur une pointe, des feux allumés par des Sauvages et Cavelier se crut près du but, imaginant qu'il s'agissait des Appalache. Or les Indiens, très courtois, qu'on amena à bord parlaient une langue incompréhensible à La Salle qui en connaissait cependant beaucoup. Ils donnèrent à entendre, avant de rentrer chez eux comblés de cadeaux, que le Mississippi coulait plus loin vers l'ouest alors qu'il se trouvait à l'est. La flottille ayant déjà dépassé l'embouchure du fleuve noyée dans le brouillard, il eût fallu rebrousser chemin, ce qu'on ne fit pas. Le 5 février, M. de La Salle, qui avait repéré une baie et souhaitait se débarrasser au plus vite de Beaujeu, demanda qu'on fît débarquer la troupe que lui avait donnée le roi de France. Dès que celle-ci eut mis pied à terre, on prit la direction de l'ouest, s'éloignant ainsi du fleuve recherché. Beaujeu, goguenard, conduisant la flottille, longeait la côte en suivant à la longue-vue la progression des explorateurs.
Le 16 février, M. de La Salle, étant arrivé au bord d'une baie plus large que celle où il avait débarqué et qu'il prit, nouvelle erreur, pour un des bras du Mississippi, organisa un campement de fortune au milieu des roseaux. Il décida d'attendre la livraison des fournitures et des provisions qui se trouvaient à bord de la flûte. Malchance, étourderie ou manœuvre stupide, l'Aimable, poussée par un fort vent d'est, s'échoua. Il fut impossible de décharger toute la précieuse cargaison avant l'arrivée d'une violente tempête.
Au petit jour, la silhouette de la flûte, dont on avait dû, la veille, abattre les mâts pour réduire la prise au vent, ne se détachait plus sur le ciel laiteux. Pendant la nuit, le navire avait été englouti. Quelques barriques de vin se dandinaient ironiquement sur les vagues. Les Indiens, qui avaient observé les péripéties du naufrage, pillèrent discrètement l'épave. Leurs femmes se taillèrent des robes dans les pièces de tissu dérobées.
Ce fut un rude coup pour le moral des hommes, et l'humeur de M. de La Salle s'en trouva singulièrement aigrie. Il advint encore, pour rendre plus détestable l'accueil d'une terre aux charmes tant vantés, que des Français qui avaient emprunté sans autorisation des canots aux Indiens furent attaqués par ces derniers. Deux soldats périrent et le neveu de Cavelier, le jeune Moranger, regagna le camp avec une flèche dans le bras. Déjà, certains déprimés ne pensaient qu'à rembarquer sur le Joly et rentrer en France. L'ingénieur Minet et le sulpicien Esmanville étaient du nombre.
Ainsi, le 5 mars 1685, ayant manqué les bouches du Mississippi, Cavelier installa sa base dans une baie que les Français nommèrent Saint-Bernard et dont on sait aujourd'hui qu'elle est la baie de Lavaca, située au fond de Matagorda Bay, à plus de cent cinquante kilomètres à l'ouest de Galveston, au Texas. L'explorateur égaré se trouvait donc à environ six cents kilomètres du lieu, aujourd'hui Venice, en Louisiane, où il avait, cinq ans plus tôt, planté le poteau à fleurs de lis de la prise de possession.
Pendant trois semaines, La Salle et Beaujeu échangèrent des messages dont les termes, d'une politesse conventionnelle, cachent mal l'irritation croissante de l'un et l'agacement contenu de l'autre. Aux demandes réitérées de Cavelier, qui voulait tirer des bateaux vivres et canons, répondaient les refus circonstanciés du marin qui n'acceptait pas de se dessaisir de provisions jugées indispensables pour le voyage de retour. Portées par des rameurs qui faisaient la navette entre les bateaux et la terre, ces lettres11 – seize écrites entre le 23 janvier et le 10 mars 1685 – illustraient le désaccord des deux hommes.
Quand, le 12 mars, le capitaine Beaujeu fit mettre à la voile pour retourner en France, il emmenait avec lui l'ingénieur Minet, le sulpicien Esmanville et ce Nicolas de La Salle, devenu écrivain de marine, c'est-à-dire employé aux écritures, dont l'homonymie avec le héros n'était guère flatteuse pour ce dernier. Il dut y avoir ce jour-là, dans le cœur de ceux qui restaient sur le rivage, beaucoup de mélancolie et plus d'inquiétude que d'espoir de fortune. Ils savaient cependant qu'un des bateaux, la Belle 12, petite frégate à six canons offerte par le roi à Cavelier, croiserait au long des rivages du golfe et se présenterait en juillet devant le fort en construction.
Dès que les voiles eurent disparu de l'horizon, M. de La Salle, qui ignorait tout de sa position, n'eut qu'un seul but, regagner les rives du Mississippi pour y fonder un établissement qui assurerait la présence française, puis remonter le fleuve à la rencontre de Tonty et des gens que ce dernier avait dû rassembler. Ensuite, avec une armée indienne bien encadrée, on pourrait envisager une expédition contre les Espagnols.
Pendant deux ans, Robert le Conquérant allait errer à la recherche du grand fleuve qui, malignement, se déroba. Le seigneur des Sauvages commença par construire, en un lieu que les Texans situent aujourd'hui près de Port Lavaca, un fort qu'il nomma Saint-Louis, sans doute par référence au fort Saint-Louis des Illinois où le fidèle Tonty attendait les ordres de son chef.
La chronique de ce fort texan est instructive et, bien qu'édulcorée sans doute par les témoins, elle permet de mesurer ce que dut être, au fil des saisons, le désenchantement de M. de La Salle.
Celui qui voulait fonder un empire était condamné à vivoter comme un clochard exotique, à tourner en rond, sur des centaines de kilomètres carrés, dans les prairies, les forêts et les marécages, à gourmander sans arrêt les pseudo-colons qui ne pensaient qu'à s'enivrer et faire ripaille dès qu'il avait le dos tourné. Il devait aussi déjouer les plus mesquines intrigues, prévenir les désertions et parfois les rébellions, se conduire durement avec les soldats pour maintenir un semblant de discipline. La nourriture, certes, ne manquait pas. Le pays était, à la fin du XVII e siècle, encore plus giboyeux que de nos jours où il a été sacré Sportsmen Paradise. Les canards étaient légion comme les oies, les courlis et les pluviers. L'écureuil, le lapin, l'opossum, le rat musqué y abondaient. La rivière de la Vache, ainsi nommée par Cavelier13 et qui coulait au pied du fort, fournissait de succulents poissons. Défrichée, la terre se révélait fertile et produisait aisément légumes, melons, citrouilles, oignons. La vigne sauvage, les pruniers, les noyers et les mûriers fournissaient des desserts acceptables. Quand on voulait déguster une belle entrecôte, il suffisait de marcher vers le nord jusqu'aux prairies où paissaient les bisons, à moins qu'on ne préférât rôtir un cuissot de chevreuil, que les gourmets accompagnaient d'une sauce liée à l'œuf de tortue !
Dans ce fort vivaient sept femmes, la plupart normandes, qui faisaient la cuisine, ravaudaient le linge et émoustillaient les hommes. L'une, Mme Talon, était veuve d'un militaire canadien (homonyme du célèbre intendant) qui lui avait laissé une fille et trois fils, une autre était l'épouse d'un soldat de la troupe venu de Saint-Jean-d'Angély, une troisième, célibataire, se disait cousine du curé de Saint-Eustache et une quatrième, célibataire, dont la chronique n'a retenu que le sobriquet, se faisait appeler la Parisienne. Une autre mère de famille, épouse d'un artisan rouennais, et deux demoiselles complétaient la population féminine qui devait comprendre aussi quelques Indiennes, compagnes temporaires mais fort prisées des solitaires. Quand M. de La Salle s'éloignait avec un détachement pour sacrifier à sa marotte, la recherche du Mississippi, Joutel, promu commandant du fort, s'efforçait de faire respecter les règles du savoir-vivre et la vertu des dames. Comme on redoutait toujours une attaque des Indiens, les officiers organisaient des concours de tir dotés de prix. Les femmes, qui devaient savoir tenir un fusil, y participaient. Ensuite on buvait, on dînait, on dansait et les flirts allaient bon train, non seulement avec les demoiselles françaises, dont le gynécée ne comportait pas de clôture, mais avec les jolies Indiennes ramenées des randonnées dans la forêt. Le père Anastase Douay était toujours prêt à baptiser les fruits des amours fortuites. Il eut même l'occasion de célébrer le mariage du lieutenant Gabriel Minisme, dit le Barbier, avec une demoiselle de la colonie. Quand le marquis de La Sablonnière, suivant l'exemple de son camarade, demanda la main de la Parisienne, il fut éconduit. Toutes les femmes du fort Saint-Louis connaissaient la nature de la maladie qui minait la santé du libertin !
D'ailleurs, l'état sanitaire de cette colonie naissante laissait beaucoup à désirer et l'on mourait plus souvent de maladie que d'une flèche indienne. Les séquelles des fièvres et autres maux contractés à Saint-Domingue tuèrent trente hommes en quelques mois, et l'on dut créer un cimetière à proximité du fort. On perdit aussi Legros, le riche négociant rouennais, qui, en dépit d'une amputation pratiquée par le chirurgien Liotot, ne survécut que peu de jours à la gangrène provoquée par la morsure d'un serpent à sonnette. On trouva, dans son bagage, un millier de livres en louis d'or, que M. de La Salle confisqua.
Les reconnaissances que conduisait inlassablement le chef de l'expédition, parfois à plusieurs semaines de marche du fort Saint-Louis, réservaient de temps à autre des rencontres intéressantes. C'est ainsi que Cavelier identifia un jour, à quinze lieues du camp, les vestiges d'un grand fort abandonné. Entre deux canons rouillés, une poutre portait encore les armes de Castille et une date : 1588. Les Indiens de la région présentèrent aux Français des épées, des lampes, des cuillers, de la dentelle et même des livres trouvés dans les établissements des Espagnols, qui apparaissaient périodiquement et leur cédaient des chevaux. C'est au retour d'une de ces explorations que Cavelier comprit, après une heureuse rencontre avec des Indiens Chaouanon, que pour retrouver le Mississippi tant désiré il fallait faire route à l'est et non à l'ouest. Il comptait donc utiliser la Belle et ses barques pour longer la côte jusqu'à l'embouchure du fleuve, mais, avant qu'il ne parvienne au fort, le bateau offert par le roi coula à la suite d'une manœuvre désastreuse, dirigée par un capitaine d'occasion. Il ne restait plus qu'à marcher jusqu'au delta.
Une première expédition, partie le 26 avril 1686, fut un échec. Après deux mois d'errance et un séjour chez les Indiens Ceni où, se trouvant à l'aise, quatre soldats désertèrent pour se mettre en ménage avec des squaws, M. de La Salle, ayant échappé de justesse à la noyade, ne ramena au fort que huit compagnons sur les vingt que comptait la troupe au départ. Dominique, le plus jeune des frères Duhault, et un valet nommé Dumesnil avait été tués par les Comanche. Duhault l'aîné rendit Cavelier responsable de ces disparitions. Six autres compagnons avaient succombé à des fièvres récurrentes ou s'étaient égarés, peut-être volontairement… Seul résultat positif de ce voyage, les Ceni avaient accepté d'échanger, contre des haches, cinq chevaux achetés aux Comanche qui les avaient, eux, volés aux Espagnols !
Rompu de fatigue, découragé, souffrant d'une hernie, sentant autour de lui monter une grogne prête à se muer en haine, constatant que l'on mettait en doute ses capacités et que les gens ne se souciaient plus que de manger et de boire, le chef se fit de plus en plus autoritaire et cassant. Si Joutel et quelques autres appartenaient, comme Cavelier, à la caste des « marche ou crève », la majorité des rescapés, trente-sept hommes, sur les deux cent quatre-vingts embarqués à La Rochelle deux ans plus tôt, sept femmes et une demi-douzaine d'enfants, ne souhaitaient que survivre le plus commodément possible en attendant de trouver le moyen de rentrer en France ou de gagner le Canada.
Après un temps de repos, M. de La Salle réussit à décider seize compagnons à se lancer une nouvelle fois avec lui à travers forêts et rivières vers l'est où, cela était maintenant confirmé par des témoignages d'Indiens, on ne pouvait manquer de rencontrer le Mississippi. Ces gens, qui erraient depuis bientôt deux ans dans la région côtière que constituent aujourd'hui les comtés texans de Calhoun, Jackson, Matagorda, Wharton et Brazoria, quittèrent le fort Saint-Louis le 12 janvier 1687. On peut imaginer, malgré la rusticité de ces aventuriers, que ceux qui partirent comme ceux qui restèrent eurent le sentiment qu'il s'agissait du voyage de la dernière chance. Plus tard, Joutel se souviendra de ce jour en rédigeant son Journal historique du dernier voyage que feu M. de La Salle fit dans le golfe du Mexique pour trouver l'embouchure et le cours de la rivière Mississipi 14. On se sépara « d'une manière si tendre et si triste, qu'il semblait que nous avions tous le secret pressentiment que nous ne nous reverrions jamais ».
Le héros assassiné
On se mit en route avec, cependant, un certain optimisme. Une partie de l'itinéraire avait déjà été parcourue lors de la précédente randonnée, des tribus indiennes amies et connues offraient des relais sûrs et, pour la première fois, on se déplaçait avec cinq chevaux chargés de vivres et de bagages. Enfin, la colonne rassemblait, avec les meilleurs, les plus risque-tout : le frère abbé et les deux neveux de M. de La Salle, Crevel de Moranger et Cavelier, qui avaient donné des preuves de leur résistance et de leur courage, Henri Joutel, le père Anastase Douay, le chirurgien Liotot, Duhault le marchand, Hiens, un aventurier wurtembourgeois rencontré à Saint-Domingue, luthérien sachant le latin et les mathématiques, James qui se disait anglais, personnage au passé mal défini, Tessier, le pilote de la Belle, qui n'avait plus de bateau, Ruter, marin breton prompt à lutiner les Indiennes, le jeune fils de la veuve Talon, un garçon nommé Marle qui faisait volontiers précéder son nom d'une particule sans doute usurpée, un certain Barthélemy, boute-en-train parisien, Larchevêque, valet de Duhault, Saget, valet de M. de La Salle, et le fidèle Chaouanon Nika, sur lequel on pouvait compter pour améliorer l'ordinaire avec du gibier.
Parmi ces hommes se cachaient des assassins, mais cela, M. de La Salle l'ignorait.
Tout alla relativement bien jusqu'au 15 mars, date à laquelle la colonne arriva dans une région plus humide où de nombreux cours d'eau rendaient la progression des hommes et des chevaux difficile. Il s'agissait d'un territoire habité par les Indiens Ceni et que l'on situe aujourd'hui à une centaine de kilomètres au nord de la baie de Galveston, entre les fleuves San Bernard et Brazos. La troupe se scinda en plusieurs équipes, dont une fut chargée de chasser pour assurer la subsistance de tous. Si l'on en croit Joutel et les autres chroniqueurs, c'est pour une question d'os à moelle qu'une dispute survint au cours d'un repas. Cavelier de La Salle, qui présidait à la distribution des parts, réservait toujours, disaient certains, les meilleurs morceaux à ses neveux. Or Duhault, s'il admettait que l'on avantageât le jeune Cavelier, âgé de dix-sept ans, refusait de considérer comme prioritaire Crevel de Moranger, à qui M. de La Salle déléguait souvent une part de ses responsabilités. Le négociant rouennais détestait ce garçon au sang vif, sûr de lui, qui, ayant un jour pris l'initiative d'ouvrir le feu sur des Indiens, avait déclenché une bagarre inutile où deux Français avaient péri. Il lui reprochait surtout de ne pas l'avoir attendu le jour où il était resté en arrière pour réparer ses mocassins, s'était égaré et avait erré seul pendant trois semaines avant de retrouver le chemin du fort. Enrichi par le négoce colonial, Duhault avait sans doute l'habitude, à Rouen, de voir ses avis écoutés avec déférence par les bourgeois, d'être obéi avec docilité par ses commis, servi avec respect, et peut-être obséquiosité, par ses valets. L'argent incite facilement les boutiquiers et les petits esprits à surévaluer leurs mérites et à magnifier leur personne. Or, non seulement Duhault pleurait son jeune frère Dominique, tué un an plus tôt par les Indiens, mais il continuait à se lamenter en évoquant la disparition en mer Caraïbe du Saint-François et le naufrage de l'Aimable dans le golfe du Mexique. Les cargaisons de ces navires lui appartenaient pour moitié et aucune assurance maritime ne le rembourserait jamais. M. de La Salle, tenu pour responsable par Duhault de la mort de Dominique, avait certes exprimé des regrets et présenté des condoléances, mais le préjudice matériel causé au commerçant par flibuste et naufrage ne l'avait pas ému outre mesure. Le Normand regrettait certes les bateaux disparus et le matériel colonial englouti, mais il semblait considérer la perte des produits commercialisables embarqués par Duhault comme fortune de mer et désagrément mineur. C'est auprès du chirurgien Liotot que le négociant rouennais trouvait le plus de compréhension. Le médecin avait, lui aussi, investi de l'argent dans l'expédition et il devenait clair pour tout le monde que les commanditaires ne rentreraient pas dans leurs frais.
Depuis plusieurs semaines, les deux hommes et quelques autres ne supportaient plus les exigences, le ton cassant, la moue dédaigneuse dont M. de La Salle accompagnait ses remarques et ses remontrances. Ils avaient aussi le sentiment d'avoir été dupés et se demandaient même si le seigneur de Frontenac avait jamais navigué sur le Mississippi !
Le 16 mars, Duhault, Liotot, Hiens, Tessier, les deux valets Larchevêque et Saget et le chasseur Nika, que M. de La Salle avait envoyés au ravitaillement dans une cache où il avait entreposé du maïs lors d'une précédente reconnaissance, trouvèrent le blé d'Inde corrompu par l'humidité et mangé par la vermine. Par chance, le Chaouanon Nika abattit deux bœufs sauvages et la nouvelle fut portée au camp principal par Saget, avec mission de ramener des chevaux pour transporter la réserve de viande ainsi constituée. M. de La Salle délégua son neveu Moranger et deux hommes pour aller quérir les provisions. À peine le contact fut-il établi entre Moranger et Duhault que la dispute aurait commencé à propos d'un os à moelle et des pièces mises à griller, sans doute le meilleur morceau, la bosse du bison, que le négociant et le chirurgien se préparaient à déguster. La querelle se serait envenimée au cours du repas. Il est bien probable qu'un différend de cet ordre, entre gens qui depuis deux ans menaient en commun une vie difficile et dangereuse, ne suffit pas à expliquer le drame qui allait se dérouler la nuit suivante. Ce dernier est plutôt l'aboutissement des rancœurs accumulées, des déceptions, des fatigues endurées, des risques vainement encourus, des promiscuités forcées où s'exaspèrent les défauts des uns, la mesquinerie des autres, et où les débrouillards prennent le pas sur les scrupuleux. Peut-être faut-il tenir compte aussi de l'atmosphère d'un pays aux moiteurs aussi débilitantes pour le corps que pour l'esprit.
Ce soir-là, s'étant éloignés de leurs compagnons sous prétexte d'aller couper du bois, Duhault et ceux qui partageaient ses ressentiments se concertèrent et, de sang-froid, mirent au point l'exécution de M. de La Salle. Il fallait d'abord se débarrasser de Moranger et des fidèles de l'explorateur, son valet Saget et le Chaouanon Nika, qui pourraient soit intervenir, soit dénoncer le complot. Assez lâchement, Tessier, le pilote, déclara ne pas vouloir se mêler de ce genre d'affaire mais promit sa neutralité. James, l'Anglais, qui avait déjà connu les galères, se joignit par esprit de lucre à la conjuration. Hiens, le Wurtembourgeois, suivit le mouvement. Quand les trois victimes désignées furent endormies, Liotot, le chirurgien que n'incommodait pas la vue du sang, se saisit d'une hache et, avec la détermination d'un tueur des abattoirs, porta plusieurs coups à la tête de Moranger. Croyant en avoir fini avec cet homme, il se précipita sur l'Indien Nika puis sur Saget et, de la même façon, leur défonça le crâne. Ces derniers succombèrent instantanément, mais Moranger trouva la force de se redresser en râlant. Comme Marle, qui ne savait rien des projets criminels de Duhault, se réveillait et découvrait avec horreur le carnage, les assassins exigèrent de ce piètre aventurier qu'il achevât le neveu de M. de La Salle s'il voulait conserver la vie. Devenu complice des meurtriers, Marle ne pourrait que tenir sa langue et se garderait de donner l'alerte.
Duhault et ses amis comptaient en effet qu'au bout d'un jour ou deux La Salle, ne voyant pas revenir son neveu, se mettrait à sa recherche. Les assassins avaient calculé juste et, le 19 mars, Cavelier, accompagné du père Anastase Douay et d'un guide indien, se mit en route. Sachant la haine de Duhault et Liotot pour Crevel de Moranger, peut-être avait-il le pressentiment d'un drame. Ce furent les choucas, sans doute attirés par les dépouilles des bisons dépecés deux jours plus tôt, qui guidèrent le Normand jusqu'au campement des meurtriers de son neveu. Prévenus de l'approche du chef, Duhault et ses complices armèrent leurs fusils, se mirent en embuscade et envoyèrent Larchevêque au-devant de M. de La Salle et du religieux. Dès qu'il aperçut le valet, Cavelier s'enquit du sort de Moranger. « Il est à la dérive », aurait répondu avec insolence le domestique, faisant sans doute allusion au fait que les corps des victimes avaient été jetés dans la rivière proche.
Outré par cette réponse d'un laquais qui ne s'était même pas découvert devant lui, M. de La Salle s'apprêta à châtier Larchevêque. Plus tard, dans leur récit, tous les témoins insistèrent sur ce détail. Le seigneur des Sauvages n'eut toutefois pas le temps de corriger l'effronté. Les tireurs, dissimulés dans les hautes herbes, ajustèrent leur coup et M. de La Salle s'écroula, la tête fracassée, aux pieds du père Anastase Douay, qui vit avec horreur expirer le vice-roi d'Amérique. Le chirurgien Liotot, surexcité par ses crimes, trouva pour la première fois assez d'audace pour insulter le cadavre d'un homme qu'il n'avait jamais osé contredire de son vivant. « Te voilà grand Bacha ! » cracha-t-il avant de dépouiller le Normand de ses vêtements et de traîner le corps inerte dans les buissons où l'on peut imaginer que, la nuit venue, les loups, nombreux à l'époque, vinrent disputer aux choucas et autres rapaces les restes du fondateur de la Louisiane.
Des chercheurs texans, après de multiples recoupements et l'étude des chroniques ou témoignages livrés par les survivants du dernier voyage de Cavelier, estiment aujourd'hui que le crime eut lieu près de Navasota, un bourg du comté de Grimes, à une soixantaine de kilomètres au nord-est de Houston15. Cela nous permet de constater qu'au jour de sa mort tragique M. de La Salle se trouvait encore à plus de trois cents kilomètres de l'endroit où, cinq ans plus tôt, il avait dressé, dans le delta du Mississippi, une colonne aux armes de France.
On sait, par le journal de Joutel, comment l'officier, l'abbé Cavelier, frère de l'explorateur assassiné, le père Anastase Douay et quelques autres retrouvèrent, grâce aux Indiens, le Mississippi qu'ils remontèrent pour regagner le Canada sans ébruiter le drame qu'ils avaient vécu. Les historiens continuent à s'interroger sur les raisons réelles qui incitèrent alors l'abbé Cavelier à cacher avec obstination pendant des mois, et au prix de mensonges déconcertants, la mort de son frère aux gens qu'il rencontra. Les bienveillants estiment qu'il agit ainsi pour protéger jusqu'à son retour en France l'exclusivité de l'œuvre entreprise par Robert, dont il comptait poursuivre lui-même les projets coloniaux. D'autres avancent que le sulpicien tenait surtout à s'approprier les biens du disparu, dont le stock de peaux de castor entreposé dans les forts, avant que les créanciers soient informés de la mort de leur débiteur. À Paris, comme à Québec, on savait M. de La Salle lourdement endetté.
Le fait qu'en retrouvant, sept mois plus tard, au fort Saint-Louis des Illinois, le fidèle Tonty, l'abbé ait raconté qu'il avait laissé son frère en excellente santé le 15 mai 1687 au pays des Arkansa, dans la maison d'un certain Couture, alors que Robert était mort le 19 mars, donne en effet à penser que les dissimulations du sulpicien n'étaient pas désintéressées. Après avoir émis ce mensonge, en présence du père Anastase Douay qui avait recueilli le dernier soupir de l'explorateur et de Tessier, témoin indifférent des crimes mais à qui les religieux avaient pardonné sa lâcheté, l'abbé produisit un document daté du 9 janvier 1687 et signé de Robert Cavelier, sieur de La Salle. Le papier ordonnait de remettre au porteur tout ce qu'il demanderait pour assurer son passage en France. L'officier à la main d'argent reconnut l'écriture de son chef, dont il ne savait rien depuis deux ans, et crut au récit rassurant du prêtre.
Au printemps 1685, Henry de Tonty, prévenu par un courrier de Paris émanant du ministère de la Marine que M. de La Salle avait débarqué à l'embouchure du Mississippi (l'information avait dû être donnée par Beaujeu à son retour d'Amérique), s'était empressé d'aller, comme prévu, à la rencontre de son chef. Avec une petite troupe de vingt-cinq hommes et un contingent d'Indiens, il avait, comme en 1682, descendu le Mississippi et était arrivé dans le delta le 10 avril. Il y avait séjourné une dizaine de jours, fort déçu de ne pas y trouver La Salle. Il avait tout de même fait construire un fortin et envoyé, sur quelques lieues au long de la côte, de part et d'autre du fleuve, deux canots montés par des éclaireurs chargés de s'informer auprès des Indiens de la présence éventuelle des Français dans la région. Mais en avril 1685 M. de La Salle se trouvait à des centaines de kilomètres de là, ce que Tonty ne pouvait imaginer. Convoqué à Québec par le nouveau gouverneur, marquis de Denonville, « brave et vertueux gentilhomme » d'après Saint-Simon, successeur du triste La Barre destitué par le roi, c'est la mort dans l'âme que l'intrépide manchot avait repris le chemin du nord. Aussi fut-il bien aise d'apprendre par l'abbé Cavelier que M. de La Salle, qu'il croyait à jamais perdu, « travaillait à créer deux ports sur le golfe du Mexique », l'un à la baie Saint-Louis, aujourd'hui baie de Matagorda, l'autre près de l'embouchure du Mississippi. C'est en ajoutant qu'il était chargé par son frère de porter ces informations à la cour que le sulpicien avait présenté le papier ordonnant qu'on lui fournît les moyens financiers de passer en France, avec le récollet et qui bon lui semblerait. Tonty ne se fit pas prier et délivra sur-le-champ au prêtre deux mille six cent soixante-deux livres que M. de La Salle disait, dans sa lettre, devoir à son frère, plus des peaux de castor dont l'abbé Cavelier tira, paraît-il, sept mille livres en arrivant à Québec.
Au marquis de Denonville l'abbé Cavelier raconta la même fable qu'à Tonty et ce n'est qu'arrivé en France, le 9 octobre 1688, qu'il avoua la vérité à Seignelay, lequel était d'ailleurs à la veille de l'apprendre par une autre source.
En Louisiane, Henry de Tonty avait en effet eu connaissance de la tuerie du 19 mars 1687. De passage au fort Saint-Louis des Illinois, le traitant Couture, résidant habituellement chez les Arkansa, rapporta qu'il avait hébergé l'abbé Cavelier, le père Douay, Joutel et leurs compagnons en route pour le Canada. Il avait aussi recueilli les confidences du jeune Barthélemy qui, séduit par une Indienne, avait décidé de partager la vie du collecteur de fourrure. Couture raconta donc ce qu'il savait de la mort de M. de La Salle. Il ajouta des détails si révoltants sur le comportement de l'explorateur assassiné que Tonty marqua quelque scepticisme quant à la réalité des faits. D'après Barthélemy, cité par Couture, M. de La Salle était devenu d'humeur bizarre et irascible depuis qu'il avait pris conscience de l'échec de l'expédition. « Il entra dans un tel chagrin, pour ne pas dire désespoir, écrit Couture le 1er mars 1690 en rapportant une nouvelle fois les propos de Barthélemy, qu'il ne connaissait et ne ménageait plus personne. Il n'assistait plus à la messe ni à la prière et ne s'approchait plus des sacrements depuis deux ans. Il traitait M. Cavelier, son frère, avec le dernier mépris, l'ayant chassé de sa table et ne lui faisant donner qu'une poignée de farine pendant qu'il mangeait du bon pain. Il a tué lui-même, de sa main, quantité de personnes et ses douze charpentiers, à coups de levier, ne travaillant pas à son gré. Il n'épargnait pas même les malades dans leur lit, les tuant impitoyablement sous prétexte qu'ils ne faisaient les malades que pour ne pas travailler. Il a arraché les deux yeux à un jeune homme qui vivait encore il y a plus de trois ans, sans parler de ceux qu'il a fait pendre, ou passer par les armes fleuredelisées. Et en un mot, de quatre cents personnes qu'il avait amenées de France, sans compter plusieurs jeunes gens et officiers de Saint-Domingue qui s'étaient joints à lui, il n'en restait que trente. » Ce portrait si noir de Cavelier de La Salle est heureusement démenti par tous. Le Normand pouvait, certes, se montrer inflexible et sans aucune considération pour les faibles qui devaient se plier à la loi commune, mais il n'avait pas emmené de France quatre cents personnes, comme le disait le Parisien, seulement deux cent quatre-vingts. Si l'explorateur exigeait des autres, quel que fût leur grade, un labeur harassant, il était toujours en pointe dans l'effort comme au danger. On ne trouve nulle part, ni chez les inconditionnels comme Tonty ou Joutel ni chez les jésuites, pires rivaux de La Salle, mention d'un réflexe cruel, d'une punition injuste, d'une violence démesurée. Un comportement du genre de celui rapporté par Couture eût d'ailleurs été très vite sanctionné par une mutinerie brutale. Le récit fantaisiste de Barthélemy, enregistré par le traitant des Arkansa, s'explique peut-être par la peur que devaient inspirer au jeune homme ses anciens camarades devenus les assassins de Cavelier. En accablant la victime de toutes les turpitudes, il fournissait aux bourreaux des circonstances atténuantes et se ménageait, au cas où il les eût rencontrés, une excuse à ses bavardages.
Les assassins, qui se souciaient peu de rejoindre le Canada, où ils eussent risqué leur tête, avaient décidé, au lendemain de leurs forfaits, de retourner au fort Saint-Louis du Texas avec l'intention d'y construire des bateaux pour quitter le pays. L'abbé Cavelier, Joutel, le père Anastase Douay, Marle, Tessier, Barthélemy, Pierre Meunier et le petit Talon entendaient regagner le fort Saint-Louis des Illinois. Les deux groupes, quoiqu'il en coûtât sans doute aux amis des victimes de voyager avec des assassins, qui pouvaient à chaque instant attenter à leur vie, durent faire un bout de chemin ensemble. Tous devaient, en effet, passer par le grand village des Ceni pour embaucher des guides, sans qui les uns et les autres se fussent une fois de plus égarés. C'est chez les Indiens qu'ils rencontrèrent, au mois de mai 1687, deux anciens marins de l'expédition, Ruter et Grollet. Tous deux avaient déserté pour vivre chez les Sauvages. Nus, le visage tatoué, ils s'étaient fait une réputation de grands chasseurs grâce à leurs fusils. La polygamie, en usage chez les Ceni, leur paraissait très agréable. James s'empressa de se joindre à ses anciens compagnons, mais, avant de quitter les autres, il exigea de Duhault, qui s'était promu chef d'expédition, les gages que M. de La Salle était censé lui devoir, plus des étoffes destinées aux futures épouses qu'on ne manquerait pas de lui proposer ! Comme le négociant refusait avec humeur, l'Anglais l'abattit d'un coup de pistolet tandis que Ruter blessait de plusieurs balles le chirurgien Liotot. Bien qu'étant du complot, les deux aventuriers, qui n'escomptaient que le butin qu'on venait de leur refuser, n'avaient pas pris part aux meurtres. Aussi eurent-ils l'audace, devant Joutel et les religieux, de se poser en justiciers, vengeurs de M. de La Salle dont ils chantaient, un peu tard, les louanges. Comme Ruter se préparait à donner le coup de grâce à Liotot, l'abbé Cavelier obtint que le meurtrier pût se confesser. Ruter accorda le délai demandé, puis, ayant fait observer que M. de La Salle et Moranger n'avaient pas eu la même faveur, il acheva froidement le chirurgien.
Quand vint le moment de la séparation, Pierre Meunier, fils d'un secrétaire du roi, choisit lui aussi de rester chez les Sauvages. On lui confia le petit Talon, qui, suivant les vœux exprimés autrefois par M. de La Salle, devrait apprendre la langue des Indiens.
Quelques semaines plus tard, alors que Joutel et ses amis remontaient le Mississippi, Marle se noya. Les autres mutins ne connurent pas un sort meilleur. Le valet de Duhault, Larchevêque, et Grollet furent, en avril 1689, saisis par des Espagnols venus du Mexique. Le Français qui guidait cette reconnaissance vers le fort Saint-Louis du Texas, dévasté par les Indiens, était un ancien de la troupe de M. de La Salle. Il identifia les deux loustics indianisés comme les complices des assassins de son maître. Alonzo de León, le gentilhomme qui commandait le détachement, fit arrêter les renégats et les envoya en Espagne, où ils furent jetés en prison.
Dans son excellente biographie de Cavelier de La Salle, Léon Lemonnier16 nous apprend ce qu'il advint de deux autres complices des meurtriers : « Quant au flibustier James, vengeur de La Salle, et qui était resté chez les Sauvages, il fut tué par son acolyte Ruter, lequel fut à son tour massacré par les Ceni. Ainsi va clopin-clopant, dans ces déserts comme ailleurs, la justice immanente », constate l'écrivain rouennais.
Ceux que M. de La Salle avait laissés au fort Saint-Louis du Texas en partant pour son dernier voyage, au mois de janvier 1687, eurent aussi, pour la plupart, une fin tragique. Les Indiens Clamcoe, vrais nomades qui ne cultivaient pas la terre et ne construisaient pas de cabanes, ceux à qui autrefois des Français avaient volé des canots, le bien le plus précieux de ces primitifs, attaquèrent l'établissement en janvier 1689 et massacrèrent tous les occupants, hommes, femmes et religieux. Trois enfants Talon, qui virent égorger leur mère, et un petit Parisien nommé Eustache Brémant furent recueillis par des femmes indiennes, puis remis plus tard aux Espagnols en échange de haches et d'outils. Marie-Madeleine Talon et ses deux petits frères furent adoptés par la comtesse de Gabez, épouse du vice-roi du Mexique, qui les emmena en Espagne après la mort de son mari en 1696. Pierre, l'aîné des Talon, que Joutel avait confié aux Ceni, fut, lui aussi, après sept années de séjour chez les Indiens, libéré par les Espagnols. Comme Jean, son frère cadet, il s'engagea dans la marine de Sa Majesté Catholique et finit ses jours en France, à l'île d'Oléron, montrant volontiers aux visiteurs les tatouages indélébiles qu'il devait aux Sauvages.
La disparition de Robert Cavelier de La Salle allait entraîner l'abandon, pendant dix ans, du grand projet colonial que le Normand avait fait admettre par le roi avant de se perdre sur les rivages du golfe du Mexique.
En ce temps-là, à Versailles, les ministres avaient mieux à faire que s'occuper de la lointaine Louisiane. Une nouvelle fois, les souverains européens s'étaient ligués contre Louis XIV, que Fagon venait d'opérer avec succès d'une fistule. Une longue guerre commençait, au cours de laquelle les Français auraient à se battre contre les soldats de dix nations en colère. En 1689, le Roi-Soleil devrait vendre son argenterie pour payer ses troupes et une paix aléatoire ne serait rendue aux peuples qu'à l'automne 1697, à Ryswick.
1 Abenaqui.
2 Le fleuve Chicago, le Checagua ou Chékagou, « oignon sauvage » ou « putois » des Indiens, avait été exploré, en 1673, par Marquette et Joliet. La ville de Chicago était autrefois divisée en trois parties par les bras du fleuve qui lui a donné son nom.
3 Cavelier de La Salle avait donné le nom du grand ministre de Louis XIV au Mississippi.
4 1695-1775, auteur d'une fameuse Histoire de la Louisiane, Paris, 1758.
5 Il avait choisi dès 1681 le nom de Louisiane pour le territoire qu'il envisageait d'explorer (lettre du 22 août 1681).
6 Louis XIV secret, Hachette, Paris, 1970.
7 Cité par Charles de La Roncière dans Cavelier de La Salle, explorateur de la Nouvelle-France, Mame, Tours, 1936.
8 Traité de Ratisbonne, 15 août 1684.
9 Léon Lemonnier, Cavelier de La Salle et l'exploration du Mississipi, Gallimard, Paris, 1942.
10 Journal historique du dernier voyage que feu M. de La Salle fit dans le golfe du Mexique pour trouver l'embouchure et le cours de la rivière Mississipi, E. Robinot, Paris, 1713.
11 Elles sont aujourd'hui conservées aux Archives coloniales.
12 Retrouvée en 1997 au large du Texas.
13 Elle s'appelle toujours la Vaca et a donné son nom à Port Lavaca, localité texane de dix-huit mille habitants, dont l'économie est à quatre-vingts pour cent agricole. La petite ville est au cœur de la région où les Texans viennent chasser le cerf.
14 Ancienne orthographe.
15 Les Américains ont érigé une statue de Cavelier de La Salle à Navasota (Texas). Il existe d'autre part un buste du héros, par H. Lagriffoul, offert en 1937 par la Mission nationale française aux États du Texas et de la Louisiane. Une autre statue, due au ciseau du sculpteur Gudebrod, a été placée à Saint Louis (Missouri), en 1903, à l'occasion du centenaire de l'achat de la Louisiane par les États-Unis. Enfin, en 1937, lors du 250e anniversaire de la mort de Cavelier, la Monnaie de Paris frappa, à son effigie, une médaille du graveur Delannoy. Celle-ci fut rééditée en 1982 pour la célébration du tricentenaire de la prise de possession de la Louisiane.
16 1890-1953, auteur de plusieurs biographies, de nombreux ouvrages critiques, de romans ; traducteur de Charles Lindbergh.