5

Gowan Kilbride était la proie d’une nouvelle angoisse. Elle s’était emparée de lui à l’instant où l’agent Lonan avait ouvert la porte de la bibliothèque et informé Mary Agnes que la police de Londres désirait s’entretenir avec elle. Son martyre n’avait fait que croître lorsque la jeune fille avait bondi en manifestant un empressement certain, et atteignait sa plénitude maintenant que, depuis un quart d’heure, Mary Agnes ne se trouvait plus sous sa surveillance et sa protection, sinon efficace, du moins déterminée. Pire encore, elle était passée sous la protection parfaitement efficace et plus que virile de New Scotland Yard.

Là était le cœur du problème.

Lorsque les policiers venus de Londres – et plus particulièrement l’inspecteur grand et blond qui paraissait être le responsable de l’équipe – avaient quitté la bibliothèque pour leur entrevue avec lady Helen Clyde, Mary Agnes s’était tournée vers Gowan, le regard illuminé.

— Il est fantastique ! lui avait-elle soufflé.

La remarque était de mauvais augure, mais comme un idiot, Gowan s’était cru obligé de répondre.

— Fantastique ? avait-il demandé avec irritation.

— Ce policier !

Mary Agnes avait alors entrepris d’énumérer avec enthousiasme les vertus de l’inspecteur Lynley, qui s’étaient imprimées au fer rouge dans l’esprit de Gowan. Les cheveux d’Anthony Andrews, le nez de Charles Dance, les yeux de Ben Cross, et le sourire de Sting. Que l’homme ne se soit pas donné la peine de sourire une seule fois importait peu ; Mary Agnes était parfaitement capable, si nécessaire, d’ajouter elle-même les détails.

La vaine rivalité avec Jeremy Irons était déjà pénible, mais Gowan devait maintenant affronter l’ensemble des comédiens anglais incarnés dans un seul individu. Il serra les dents avec amertume et se tortilla sur son siège, un fauteuil tapissé d’une cretonne qui au bout de plusieurs heures lui donnait l’impression d’une seconde peau empesée. Près de lui, la précieuse mappemonde de Mrs Gerrard – soigneusement écartée du chemin un quart d’heure après l’incarcération forcée de leur petit groupe – reposait sur son piédestal doré et tarabiscoté. Gowan regarda l’objet d’un air morose, avec l’envie d’y flanquer un coup de pied, ou, mieux encore, de le balancer par la fenêtre. Il éprouvait le besoin désespéré de s’évader.

Pour se calmer, il se força à passer en revue les charmes de la bibliothèque, qu’il trouva inexistants. Les caissons octogonaux en stuc du plafond avaient besoin d’un coup de peinture, de même que les guirlandes qui en ornaient le centre. Des années de chauffage au charbon et de fumée de cigarettes avaient produit leur effet, et les ombres esquissées dans les coins et les recoins de l’ornementation n’étaient en réalité que de la suie, le genre de crasse qui promettait encore au moins deux semaines de dur labeur. Les rayonnages aussi annonçaient des réjouissances supplémentaires. Ils contenaient des centaines – peut-être même des milliers – de volumes reliés qui, derrière les vitrines, sentaient tous la poussière et l’abandon. Encore des heures de nettoyage, de réparation, de… Mais pouvait bien être Mary Agnes ? Il devait la trouver. Il devait sortir.

Près de lui, une voix féminine au bord des larmes s’éleva en suppliant :

— Seigneur, par pitié ! Je ne peux supporter ceci plus longtemps !

Au cours des dernières semaines, Gowan avait nourri une légère aversion pour les acteurs en général. Les neuf dernières heures avaient fait naître chez lui une haine tenace pour une partie d’entre eux en particulier.

— David, j’ai atteint mon point de rupture. Tu ne peux pas faire quelque chose pour nous sortir d’ici ?

Joanna Ellacourt se tordit les mains en s’adressant à son mari et continua de faire les cent pas en tirant sur sa cigarette. Elle avait fumé toute la journée sans interruption, pensa Gowan, et c’était en grande partie à cause d’elle si la pièce sentait aussi mauvais. Il était également intéressant de constater qu’elle n’avait atteint ce dernier degré de nervosité que lorsque lady Helen Clyde était revenue, risquant ainsi de détourner l’attention de l’assistance de la grande star.

Les yeux mi-clos, David Sydeham suivait de son siège la mince silhouette de sa femme.

— Que veux-tu que je fasse, Jo ? Que je défonce la porte et que j’assomme l’agent ? Nous sommes à leur merci, ma belle.

— Assieds-toi, chérie, dit Robert Gabriel en tendant une main soigneusement manucurée, l’invitant à le rejoindre sur le canapé près du feu. Inutile de t’énerver davantage. C’est exactement ce que la police attend de toi, de nous tous. Cela leur facilite la tâche.

— Et vous êtes bien décidé à ne rien faire en ce sens, intervint Jeremy Vinney à peine un ton au-dessus du sotto voce.

Gabriel s’emporta.

— Qu’est-ce que ça veut dire, ça ?

Vinney l’ignora, frotta une allumette et alluma sa pipe.

— Je vous ai posé une question !

— Et je choisis de ne pas y répondre.

— Espèce de sale petit…

— Nous savons tous que Gabriel a eu une scène avec Joy hier, dit Rhys Davies-Jones d’un ton apaisant.

Le plus éloigné du bar, il était assis sur un siège près de la fenêtre, dont il venait d’ouvrir les rideaux. Les ténèbres de la nuit béaient derrière la vitre.

— Je crois, poursuivit-il, qu’il est inutile de faire assaut de sous-entendus dans l’espoir que la police saisisse le message.

— Le message ? répéta Robert Gabriel d’une voix que la colère rendait tranchante. Merci de me désigner, moi, comme coupable, Rhys, mais ça ne marchera pas. Pas une seconde.

— Pourquoi ? Tu as un alibi ? demanda David Sydeham. À mon avis, tu fais partie des quelques suspects à haut risque. À moins, bien sûr, que tu ne sois capable de présenter un témoin avec qui tu as passé la nuit, ajouta-t-il avec un sourire sardonique. Peut-être la gamine ? C’est donc cela que Mary Agnes est en train de faire, se répandre à propos de ta merveilleuse technique ? Voilà qui doit passionner les flics, une description intime du bonheur qu’une femme peut éprouver à t’avoir entre les cuisses. Ou bien était-ce à ce genre de révélation que devait aboutir la pièce de Joy ?

Gabriel se dressa, renversant un lampadaire de cuivre dont le pinceau de lumière se projeta dans tous les sens.

— Bon Dieu, je devrais…

— Arrêtez ! cria Joanna Ellacourt en se bouchant les oreilles. Je n’en peux plus ! Arrêtez !

Mais il était trop tard. Le bref échange avait frappé Gowan avec la violence d’un coup de poing. Il bondit de son siège, traversa la pièce en quatre enjambées, et fit pivoter violemment l’acteur.

— Espèce d’ordure ! hurla-t-il. Vous avez touché à Mary Agnes ?

Mais la réponse lui importait peu. Gowan n’avait pas besoin de réponse devant l’expression de Gabriel. Ils étaient de même corpulence, mais la fureur du garçon décuplait sa force. Son unique coup de poing expédia Gabriel à terre, et il se jeta sur lui, le maintenant à la gorge d’une main, tandis que, de l’autre, il lui martelait le visage avec application.

— Qu’est-ce que vous avez fait à Mary Agnes ? rugit-il.

— Seigneur !

— Arrêtez-le !

La fragile coquille de courtoisie qu’est la maîtrise de soi vola en éclats. Bras et jambes battirent l’air avec violence. L’atmosphère se chargea de cris rauques. Des verres se brisèrent sur la cheminée. Des meubles furent écartés à coups de pied. Le bras de Gowan enserra le cou de Gabriel, et il traîna celui-ci, haletant et sanglotant, vers le feu.

— Allez, dites-le ! Dites-moi, espèce de salopard ! répéta-t-il en pressant le beau visage tordu de douleur de Gabriel par-dessus le pare-feu, à quelques centimètres des charbons ardents.

— Rhys ! cria Irene Sinclair, livide, en se redressant sur son siège. Arrête-le ! Arrête-le !

Davies-Jones et Sydeham enjambèrent les meubles renversés tandis que lady Stinhurst et Francesca Gerrard demeuraient pétrifiées, semblables à deux versions de la femme de Loth. Ils tentèrent de séparer les deux hommes, en vain, tant la passion donnait de force à Gowan.

— Ne crois pas ce qu’il te dit, souffla Davies-Jones à l’oreille du garçon. Reprends-toi. Laisse-le, petit, ça suffit.

Dieu sait comment, ces mots – et ce qu’ils impliquaient – parvinrent à franchir le voile rouge de la colère de Gowan. Lâchant Robert Gabriel, il s’arracha à l’étreinte de Davies-Jones et se laissa tomber sur le sol en haletant.

Bien entendu, il réalisait la gravité de son acte, il comprenait qu’à cause de celui-ci, il allait perdre son travail, et Mary Agnes. Pourtant, au-delà de l’énormité de son geste, ce fut le tourment d’aimer sans être payé de retour, le désir de faire souffrir comme lui avait souffert, qui lui arracha la menace, sans entrevoir un instant l’impact qu’elle allait avoir sur les autres.

— Je sais tout, et j’vais tout dire à la police ! Et vous paierez !

— Gowan ! s’écria Francesca Gerrard avec horreur.

— Explique-toi tout de suite, petit, dit Davies-Jones. Ne sois pas stupide, ne parle pas comme ça alors qu’il y a un assassin dans cette pièce.

Elizabeth Rintoul, qui n’avait pas bougé d’un pouce pendant l’altercation, parut émerger d’un profond sommeil.

— Non. Il n’est pas là. Père est parti dans le salon, n’est-ce pas ?

— Je suppose que vous voyez Marguerite telle qu’elle est aujourd’hui, une vieille femme de soixante-neuf ans qui a perdu presque tous ses attraits. Mais à trente-quatre ans, lorsque tout ceci est arrivé, elle était vive et jolie. Passionnée, et pleine de vie.

Lord Stinhurst avait changé de siège avec agitation, et s’était installé sur une des chaises à l’écart de la lumière. Penché en avant, les coudes appuyés sur ses genoux, il fixait en parlant le tapis à fleur, comme si le motif passé recélait des réponses aux questions qu’il se posait. Il s’exprimait d’une voix monocorde, comme un homme qui récite un texte dans lequel aucun sentiment ne doit transparaître.

— Marguerite et mon frère Geoffrey sont tombés amoureux l’un de l’autre peu après la guerre.

Lynley ne dit rien, mais se demanda comment, même après trente-six ans, un homme pouvait parler d’une telle trahison avec autant d’indifférence. L’absence d’émotion de Stinhurst révélait un homme chez qui tout était mort, un homme qui ne pouvait plus se permettre d’être ému par quoi que ce soit, qui recherchait avant tout la perfection dans son travail, pour ne pas avoir à faire face à l’échec de sa vie privée.

— Geoff avait été décoré plusieurs fois, il était revenu de la guerre en héros. Je suppose qu’il était tout naturel que Marguerite soit séduite. Tout le monde l’était. Il avait quelque chose… une présence.

Stinhurst s’interrompit, pensif, et serra les mains avec force.

— Vous aussi avez fait la guerre ? demanda Lynley.

— Oui, mais pas comme Geoffrey. Sans sa perspicacité, son enthousiasme. Mon frère était flamboyant. Une flamme l’animait, et, comme la flamme, il attirait à lui les créatures plus fragiles, les faibles. Marguerite fut un de ces papillons. Elizabeth fut conçue lors d’un voyage que Marguerite effectua seule dans le Somerset, dans notre maison de famille. C’était l’été, et j’étais absent depuis deux mois, en déplacement à travers tout le pays pour diriger des troupes théâtrales de province. Marguerite avait voulu venir avec moi, mais très franchement, je m’étais dit qu’elle serait un poids, que je serais obligé de… m’occuper d’elle. J’avais pensé, ajouta-t-il sans chercher à dissimuler son mépris de lui-même, qu’elle m’embarrasserait. Ma femme n’était pas une imbécile, Thomas. Elle ne l’est toujours pas, d’ailleurs. Elle avait deviné mes réticences, et avait cessé de m’importuner. J’aurais dû comprendre, mais j’étais trop absorbé par le théâtre pour saisir que Marguerite prenait ses propres dispositions. À l’époque, je ne savais pas qu’elle allait vers Geoffrey. À la fin de l’été, j’ai seulement appris qu’elle était enceinte. Elle a toujours refusé de me dire qui était le père de l’enfant.

L’attitude de lady Stinhurst parut tout à fait logique à Lynley. Mais que Stinhurst, mis au courant, n’ait pas dénoncé le mariage, voilà qui lui parut incohérent.

— Pourquoi ne pas divorcer ? Malgré le scandale, vous y auriez sans doute gagné une certaine sérénité.

— À cause d’Alec. Notre fils. Comme vous venez de le dire, un divorce de ce genre aurait provoqué un scandale, étalé à la première page des journaux pendant des mois. Je ne pouvais pas laisser torturer Alec de cette façon. Je ne le voulais pas. Il était trop important pour moi. Plus que mon mariage, je suppose.

— Hier soir, Joy vous a accusé d’avoir tué Alec.

Stinhurst esquissa un sourire las, mélange de tristesse et de résignation.

— Alec… Mon fils était dans la RAF. Son avion est tombé lors d’un essai au-dessus des îles Orcades en 1978. Il s’est abîmé dans… dans la mer du Nord, dit-il avec un battement de paupières en changeant de position.

— Joy le savait ?

— Bien sûr. Elle était amoureuse d’Alec. Ils voulaient se marier. Sa mort l’a anéantie.

— Vous vous opposiez au mariage ?

— Il ne m’enchantait guère, mais je ne m’y suis pas opposé de façon active. J’ai simplement suggéré qu’ils patientent jusqu’à ce qu’Alec ait accompli son temps dans l’armée.

— Accompli son temps ? répéta Lynley.

— Tous les hommes de ma famille sont toujours passés par l’armée. Lorsque la tradition est respectée depuis trois cents ans, on ne tient pas à ce que son propre fils soit le premier Rintoul à la transgresser. Mais Alec ne voulait pas entrer dans l’armée, dit-il avec pour la première fois un soupçon d’émotion dans la voix. Il voulait étudier l’histoire, Thomas, épouser Joy, écrire, peut-être enseigner à l’université. Et moi – moi, espèce d’imbécile, qui portais plus d’amour à mon arbre généalogique qu’à mon propre fils –, je ne lui ai pas laissé de répit jusqu’à ce que je l’aie convaincu de faire son devoir. Il a choisi l’aviation, sans doute parce qu’elle lui permettrait de voir le conflit du plus loin possible, je pense. (Il leva vivement les yeux et expliqua, comme pour défendre son fils :) Il n’avait pas peur du danger. Simplement, il ne supportait pas la guerre, ce qui, après tout, n’est qu’une réaction tout à fait naturelle pour un historien digne de ce nom.

— Alec était-il au courant de la liaison de sa mère et de son oncle ?

Stinhurst baissa de nouveau la tête. La conversation semblait le vieillir, épuiser ses dernières ressources, opérant en lui un changement tout à fait extraordinaire chez un homme d’apparence jusque-là si juvénile.

— Je pensais que non. J’espérais que non. Mais je sais maintenant, après ce qu’a dit Joy, qu’il l’était.

Ainsi les années gâchées, toute cette comédie destinée à protéger Alec, n’avaient servi à rien. Les paroles de Stinhurst firent alors écho aux pensées de Lynley.

— J’ai toujours été tellement fichtrement civilisé. Alors, nous avons prétendu qu’Elizabeth était ma fille jusqu’au réveillon du Nouvel An 1962.

— Que s’est-il passé ?

— J’ai découvert la vérité. Une remarque par hasard, une étourderie, qui a révélé la présence de mon frère dans le Somerset alors qu’il était censé se trouver à Londres cet été-là. Alors, j’ai su. Mais je crois que je l’avais toujours soupçonné.

Stinhurst se leva brusquement. Il marcha jusqu’à la cheminée, jeta du charbon dans le foyer, et regarda les flammes s’en emparer. Lynley patienta en se demandant si le mouvement était destiné à calmer son émotion ou dissimuler son passé.

— Il y a eu… une bagarre épouvantable. Je ne parle pas d’une dispute, nous nous sommes battus physiquement, ici, à Westerbrae. Phillip Gerrard, le mari de ma sœur, y a mis un terme. Mais Geoffrey est sorti perdant de l’affrontement, et il a quitté la maison peu après minuit.

— Il était en état de partir ?

— Il a dû juger qu’il l’était. Dieu sait que je n’ai rien fait pour l’en empêcher. Marguerite a essayé de l’arrêter, mais il a refusé de la laisser approcher. Il est parti dans un état de fureur aveugle, et moins de cinq minutes plus tard, il s’est tué sur la route juste au-dessous de Hillview Farm. Il a dérapé sur le verglas, raté le virage. La voiture a fait un tonneau, il s’est brisé la nuque. Il a… brûlé.

Le silence tomba. Un morceau de charbon dégringola et consuma légèrement le bord du tapis. L’odeur âcre de la laine carbonisée s’éleva. Stinhurst balaya les braises et acheva son récit.

— Joy Sinclair se trouvait à Westerbrae ce soir-là. C’était une des camarades d’école d’Elizabeth, venue en vacances. Elle a dû saisir des bribes de la scène, et tout reconstituer. Dieu sait qu’elle aimait passionnément mettre les choses au clair. Et quel meilleur moyen de se venger de moi pour avoir involontairement causé la mort d’Alec ?

— Mais il y a dix ans de cela. Pourquoi avoir attendu aussi longtemps ?

— Qui était Joy Sinclair, il y a dix ans ? Comment une jeune femme de vingt-cinq ans dont la carrière débutait à peine aurait-elle pu se venger ? Qui l’aurait écoutée ? Elle n’était rien. Mais aujourd’hui… aujourd’hui c’est un auteur couronné de prix, réputé pour la précision de son style, qui a son public. Et quelle intelligence dans le fait d’écrire une pièce à Londres et d’en apporter une autre ici, à Westerbrae, sans que personne ne soupçonne rien jusqu’au moment où nous avons réellement commencé la lecture, hier soir. En présence d’un journaliste qui peut rapporter les faits les plus ridicules. Bien sûr, nous ne sommes pas allés aussi loin qu’elle l’avait espéré. La réaction de Francesca a mis un terme à la lecture bien avant que les pires détails de notre sordide petite saga familiale n’apparaissent. Et maintenant, c’est à toute la pièce qu’un terme a été mis.

Ces paroles, et l’évidence de culpabilité qu’elles recouvraient, étonnèrent Lynley. Stinhurst ne réalisait-il donc pas à quel point elles l’incriminaient ?

— Vous devez comprendre sous quel jour défavorable apparaît le fait que vous ayez brûlé les scripts ?

Le regard de Stinhurst s’attarda sur le feu. Une ombre s’étira sur son front, obscurcit sa joue.

— Je n’y peux rien, Thomas. Je devais protéger Marguerite et Elizabeth. Dieu sait que je leur dois au moins ça. Surtout Elizabeth. Elles sont ma famille. (Son regard, qu’une génération de souffrance rendait opaque, croisa celui de Lynley.) J’aurais pensé que toi, entre tous, tu comprendrais ce que représente la famille.

Et le pire, c’est que Lynley le comprenait. Complètement.

Pour la première fois, il remarqua le papier peint qui ornait les murs du salon. Il s’aperçut que c’était le même qui décorait le boudoir de sa mère à Howenstow, le même qui décorait sans doute les boudoirs, les chambres et les salons d’innombrables grandes résidences à travers le pays. Son motif de roses jaune pâle entrelacées de feuilles que l’âge et la fumée avaient rendues plus grises que vertes datait de la fin de l’ère victorienne.

Sans poursuivre son examen plus avant, Lynley aurait pu fermer les yeux et décrire le reste de la pièce, tant elle ressemblait à celle de sa mère en Cornouailles : une cheminée de fonte, de marbre et de chêne, deux porcelaines à chaque extrémité du manteau, une horloge à balancier en noyer dans un coin, une petite bibliothèque abritant les livres favoris. Et les photos, sur une table de bois satiné dans l’embrasure de la fenêtre.

Il lisait les ressemblances jusque dans ces moindres détails.

L’histoire illustrée de leurs familles appartenait au même genre.

Il comprenait donc. Et à quel point, Seigneur ! Le sens de la famille, le devoir et la dévotion, engendrés par le fait d’être né avec un sang bien particulier dans les veines, avaient effectivement hanté Lynley quasiment tout au long de ses trente-quatre années d’existence. Les liens du sang le freinaient, brisaient ses élans, l’enchaînaient à la tradition. Pourtant, il n’existait pas d’issue, car même si l’on renonçait aux titres et à la terre, on ne pouvait renier ses racines. On ne pouvait renier son sang.

L’éclairage de la salle à manger de Westerbrae était de ceux qui rajeunissent tous les convives de dix ans, grâce à des appliques de cuivre sur les murs lambrissés et des candélabres placés à intervalles réguliers sur le plateau rutilant de la longue table d’acajou. Barbara Havers était installée à une extrémité, le plan de l’inspecteur Macaskin étalé devant elle, et comparait celui-ci à ses notes. La cendre incroyablement longue qui pendait au bout de la cigarette entre ses lèvres donnait l’impression qu’elle tentait de battre un record mondial, et elle plissait les yeux dans la fumée. Non loin de là, un des hommes de Macaskin, qui sifflait Memories avec une conviction passionnée, relevait les empreintes sur des dagues écossaises exposées en cercle au-dessus d’un buffet. Celles-ci faisaient partie d’une large panoplie de hallebardes, mousquets et haches de Lochaber, tous aussi meurtriers les uns que les autres.

Les sourcils froncés, Barbara tentait de concilier ce que lui avait appris Gowan Kilbride avec ce qu’elle voulait croire des faits. Ce n’était guère facile, et peu crédible. Elle fut soulagée lorsque l’écho d’un pas qui descendait le hall lui fournit un prétexte pour reporter son attention ailleurs. Elle leva les yeux, et la cendre de sa cigarette tomba sur son pull ras du cou. Elle la balaya d’un geste irrité, laissant sur la laine une trace grise.

Lynley entra. Evitant l’homme qui relevait les empreintes, il désigna d’un signe de tête une porte à l’autre bout de la salle à manger. Barbara ramassa son calepin, et le suivit à travers la pièce destinée à réchauffer les plats, puis la pièce où était préparée la vaisselle, et enfin dans la cuisine. Celle-ci embaumait d’une odeur de viande assaisonnée au romarin et de tomates mijotant sur la cuisinière. Penchée sur une planche à découper placée sur la table de travail au centre de la pièce, une femme tranchait des pommes de terre avec un couteau menaçant. Elle était entièrement vêtue de blanc des pieds à la tête, ce qui lui donnait l’air d’une laborantine plutôt que d’une cuisinière.

— Faut bien que les gens aient de quoi dîner, expliqua-t-elle avec brusquerie à la vue de Barbara et Lynley, brandissant son instrument dans un geste qui relevait plus de la défense que de l’art culinaire.

Lynley marmonna une réponse appropriée et continua son chemin, faisant franchir à Barbara une autre porte au fin fond de la cuisine, puis descendre trois marches pour atteindre l’arrière-cuisine. Encombrée et mal éclairée, elle offrait cependant les avantages combinés de l’intimité et de la chaleur, cette dernière émanant d’une énorme vieille chaudière qui crachotait bruyamment dans un coin et répandait goutte à goutte sur le carrelage craquelé une eau couleur de rouille. L’atmosphère évoquait celle d’un bain de vapeur, enrichi d’un soupçon de moisissure et de bois humide. Derrière la chaudière, un escalier de service menait à l’étage supérieur.

— Que vous ont dit Gowan et Mary Agnes ? demanda Lynley lorsqu’il eut refermé la porte.

Barbara alla éteindre sa cigarette sous le robinet de l’évier, puis la jeta dans la poubelle. Elle repoussa derrière ses oreilles ses cheveux bruns coupés court et prit le temps d’ôter un brin de tabac demeuré sur sa langue avant d’accorder toute son attention à son calepin. Lynley la contrariait. Etait-ce parce qu’il l’avait écartée de l’entretien avec Stinhurst, ou parce qu’elle anticipait la façon dont il allait réagir à ses notes, elle n’en savait rien. Mais quelle que puisse être la source de son mécontentement, elle ressentait celui-ci comme une écharde qui, tant qu’elle n’aurait pas été extraite, infecterait la chair qui l’abritait.

— Gowan, dit-elle brièvement en s’appuyant contre un comptoir de bois gauchi.

Celui-ci venait d’être lavé, et l’humidité traversa ses vêtements. Elle s’écarta.

— Tout à l’heure, il a eu un sale accrochage avec Robert Gabriel dans la bibliothèque, ce qui a peut-être largement contribué à lui délier la langue.

— Un accrochage de quelle sorte ?

— Une brève bagarre au cours de laquelle notre bon Mr Gabriel s’est apparemment fait tabasser. Gowan a pris bien soin de m’en informer, en même temps que de la scène qu’il a surprise hier après-midi entre Gabriel et Joy Sinclair. Visiblement, ils avaient eu une liaison, et Gabriel essayait de convaincre Joy de dire à son ancienne femme – Irene Sinclair, la sœur de Joy, en l’occurrence – qu’il n’avait couché avec elle qu’une fois.

— Pourquoi ?

— J’ai l’impression que Robert Gabriel tient beaucoup à reconquérir Irene Sinclair, et qu’il pensait que Joy pouvait l’aider en affirmant à Irene que leur liaison n’avait pas été plus loin. Mais Joy a refusé en disant qu’elle ne voulait pas pratiquer le mensonge.

— Le mensonge ?

— Oui. Il est évident que leur liaison avait été plus suivie, parce que d’après Gowan, lorsque Joy a refusé de coopérer, Gabriel lui a dit quelque chose du style : « Espèce de petite hypocrite. On a baisé ensemble pendant un an dans tous les hôtels pouilleux de Londres, et tu as le culot de me dire que tu ne pratiques pas le mensonge ! » Ils ont continué à s’engueuler jusqu’à ce que Gabriel finisse par lui tomber dessus. Il l’avait même carrément flanquée par terre, quand Rhys Davies-Jones est entré et les a séparés. Gowan portait des bagages à l’étage pendant toute la scène. Il en a vu pas mal parce que Davies-Jones a laissé la porte ouverte quand il est entré dans la chambre de Joy.

— Et dans la bibliothèque, qu’est-ce qui a déclenché l’altercation entre Gowan et Gabriel ?

— Quelqu’un – Sydeham, je crois – a fait une remarque à propos de Mary Agnes Campbell, suggérant qu’elle était l’alibi de Gabriel pour la nuit dernière.

— Et quelle est la part de vérité dans tout ça ?

Barbara réfléchit un moment avant de répondre.

— Difficile à dire. Mary Agnes a l’air mordue par le théâtre. Elle est mignonne, bien faite… mais, ajouta-t-elle en secouant la tête, inspecteur, ce type a bien vingt-cinq ans de plus qu’elle. Que lui soit prêt à se l’envoyer, je comprends, mais je ne vois pas pourquoi elle se laisserait faire. À moins, bien sûr…

Elle s’interrompit, curieuse de constater qu’il existait tout de même une raison pour laquelle Mary Agnes aurait pu céder.

— Alors, Havers ?

— Hein ? Eh bien, Robert Gabriel a pu lui apparaître comme le moyen de s’embarquer pour une nouvelle existence. Vous voyez le genre. La jeune admiratrice rencontre l’acteur confirmé, entrevoit le genre de vie dont elle rêve, et se donne à lui dans l’espoir qu’il l’emmènera en partant.

— Vous lui avez posé la question ?

— Je n’en ai pas eu l’occasion. Je n’ai appris la scène entre Gowan et Gabriel qu’après avoir interrogé Mary Agnes, et je ne l’ai pas encore revue.

Tout cela à cause de ce que lui avait dit Gowan, et parce qu’elle savait ce que Lynley ferait de l’information fournie par le garçon.

Il parut lire dans ses pensées.

— Gowan vous a-t-il dit quoi que ce soit à propos d’hier soir ?

— Il a été témoin de pas mal de choses, parce qu’il a dû nettoyer un plateau de liqueurs qu’il a renversé lorsque Francesca Gerrard lui est rentrée dedans en sortant du salon. Cela lui a pris près d’une heure, même avec l’aide d’Helen, d’ailleurs.

Lynley ignora cette dernière remarque, se contentant d’ajouter :

— Et ?

Elle savait ce que voulait Lynley, mais prit son temps en se concentrant sur les allées et venues des personnages secondaires du drame, dont Gowan se souvenait avec une exactitude stupéfiante. Lady Stinhurst, vêtue de noir, qui avait erré sans but entre le salon, la salle à manger, le salon de musique et le hall au-delà de minuit, jusqu’à ce que son mari descende la chercher. Jeremy Vinney, qui avait trouvé des excuses pour suivre lady Stinhurst, murmurant des questions qu’elle avait ignorées avec obstination. Joanna Ellacourt, qui avait parcouru un des corridors de l’étage en fulminant après une scène bruyante avec son mari ; Irene Sinclair et Robert Gabriel, qui s’étaient enfermés dans la bibliothèque. La maison n’avait regagné un calme relatif que vers minuit et demi.

— Mais je suppose que ce n’est pas tout ce qu’a vu Gowan, remarqua Lynley avec sa perspicacité habituelle.

Elle se mordit la lèvre inférieure.

— Non, ce n’est pas tout. Après être allé se coucher, il a entendu des pas dans le couloir derrière sa porte. Sa chambre se trouve au coin, là où l’aile nord-ouest rejoint le grand hall. Même s’il n’est pas sûr de l’heure, il est certain que c’était bien après minuit et demi. Aux environs de une heure, pense-t-il. Toute l’agitation de la soirée l’avait rendu curieux, aussi a-t-il quitté son lit, entrouvert sa porte, et écouté.

— Et ?

— Les pas ont continué. Puis une porte s’est ouverte et fermée.

Barbara renâclait à raconter le reste et savait que son manque d’enthousiasme se lisait sur son visage. Elle n’en continua pas moins, et décrivit comment Gowan avait quitté sa chambre, atteint l’extrémité du couloir, et jeté un coup d’œil dans le hall. Celui-ci était plongé dans l’ombre – c’était lui-même qui avait éteint peu de temps auparavant – mais l’éclairage extérieur projetait une faible lumière.

La vivacité avec laquelle l’expression de Lynley se modifia lui apprit qu’il savait ce qui allait suivre.

— Il a vu Davies-Jones, dit-il.

— Oui. Mais il sortait de la bibliothèque, et non de la salle à manger où se trouvent les poignards, inspecteur. Il avait une bouteille à la main, sans doute le cognac qu’il a apporté à Helen.

Elle attendit que Lynley offre l’inévitable conclusion à laquelle elle avait elle-même abouti. Aller jusqu’à la salle à manger pour prendre une dague était tout aussi faisable que de se rendre à la bibliothèque chercher du cognac à cinq mètres de là. Et que la porte de la chambre de Joy Sinclair donnant sur le couloir ait été fermée demeurait indiscutable.

Mais Lynley se contenta d’ajouter :

— Et quoi d’autre ?

— Rien. Davies-Jones est monté à l’étage.

— Si nous faisions de même, suggéra-t-il avec un hochement de tête sévère.

Il la guida vers l’escalier de service. Etroit et nu, éclairé uniquement par deux ampoules, celui-ci allait les conduire dans l’aile ouest.

— Et Mary Agnes ? demanda-t-il tandis qu’ils grimpaient.

— Si l’on en croit son témoignage avant que je n’apprenne ce nouveau développement à propos de Gabriel, elle n’a pas perçu un bruit de la nuit. Rien que le vent. Mais ça, bien sûr, elle a pu l’entendre de la chambre de Gabriel tout autant que de la sienne. Toutefois, il y a un petit détail curieux, dont je pense que vous devez être informé.

Elle attendit que Lynley s’arrête et se retourne sur les marches pour la regarder. Près de sa main gauche, une large tache, probablement d’humidité, souillait le mur de ses contours qui rappelaient le continent australien.

— Ce matin, tout de suite après avoir découvert le corps, Mary Agnes a averti Francesca Gerrard. Elles sont allées ensemble trouver lord Stinhurst. Il est entré chez Joy, est ressorti un peu plus tard, et a ordonné à Mary Agnes de regagner sa chambre et d’attendre que Mrs Gerrard vienne la chercher.

— Je ne comprends pas où vous voulez en venir, sergent.

— Je veux en venir au fait que Francesca Gerrard n’est revenue chercher Mary Agnes dans sa chambre que vingt minutes plus tard, et que ce n’est qu’à ce moment-là que lord Stinhurst a demandé à Mary Agnes de réveiller tout le monde et de les faire descendre dans le salon de musique. Entretemps, il a téléphoné depuis le bureau de Francesca – celui-ci est voisin de la chambre de Mary Agnes, aussi a-t-elle entendu sa voix. De plus, il a reçu deux coups de fil.

Lynley ne manifestant aucune réaction, Barbara sentit l’irritation la gagner de nouveau.

— Monsieur, vous n’avez pas oublié lord Stinhurst, n’est-ce pas ? Vous savez, l’homme qui devrait être en route pour le poste de police, sous l’accusation de destruction d’indices, ingérence dans le travail de la police, et meurtre.

— Ça, c’est un peu prématuré, remarqua Lynley, dont le calme ne fit qu’exaspérer davantage Barbara Havers.

— Vraiment ? Et à quel moment l’avez-vous décidé ?

— Je n’ai jusqu’à présent rien entendu qui puisse me convaincre que lord Stinhurst ait assassiné Joy Sinclair, dit-il d’un ton qui était un modèle de patience. Mais même si je pensais qu’il l’a peut-être fait, je ne vais pas arrêter un homme simplement parce qu’il a brûlé un paquet de manuscrits.

— Quoi ? dit-elle d’une voix grinçante. Alors, ça y est, vous vous êtes fait votre opinion sur lord Stinhurst, n’est-ce pas ? Sur la foi d’une conversation avec un homme qui a passé les dix premières années de sa carrière sur une scène de théâtre, et qui a sans aucun doute donné sa meilleure représentation ici ce soir, en s’expliquant devant vous ! C’est fantastique, inspecteur ! Voilà du travail d’investigation dont vous pouvez être fier !

— Havers, ce n’est pas à vous d’en juger, dit-il doucement.

Il faisait jouer la hiérarchie, et elle saisit parfaitement le rappel à l’ordre. Elle aurait dû obtempérer, mais s’y refusa parce qu’elle était convaincue d’être dans le vrai.

— Que vous a-t-il donc dit pour vous persuader de son innocence, inspecteur ? Que votre père et lui étaient camarades d’école à Eton ? Qu’il aimerait vous rencontrer plus souvent à votre club de Londres ? Ou, mieux encore, que le fait qu’il ait détruit des indices n’avait rien à voir avec le meurtre, et que vous pouvez lui faire confiance, il vous dit la vérité, parce que c’est un vrai gentleman, comme vous !

— Il y a plus que cela, et je ne suis pas disposé à en débattre…

— Avec des gens comme moi ! Foutaises !

— Si vous étiez un peu moins aigrie, on pourrait peut-être avoir envie de se confier à vous ! jeta-t-il d’un ton cassant.

Il se détourna vivement, mais sans continuer son chemin.

Elle comprit qu’il regrettait instantanément d’avoir perdu son sang-froid. Elle l’avait poussé dans ses retranchements, parce qu’elle voulait voir sa colère déborder, exactement comme la sienne lorsqu’il l’avait évincée du salon. Mais elle savait également qu’elle ne gagnerait pas grand-chose à ce genre de manipulation.

— Désolée, dit-elle au bout d’un moment. Je suis sortie du rang. Encore une fois.

Il ne répondit pas tout de suite. Chacun enfermé dans sa détresse individuelle, pris dans une tension qui paraissait douloureusement inaltérable, ils demeurèrent immobiles dans l’escalier. Lynley parut se secouer avec effort.

— Barbara, on opère une arrestation quand on a des preuves.

Elle hocha la tête calmement, son bref éclat de passion évanoui.

— Je sais, monsieur. Mais je pense…

Il refuserait d’entendre ce qui allait suivre. Il allait la détester pour cela, mais elle se lança :

— Je pense que vous ignorez l’évidence pour pouvoir vous en prendre directement à Davies-Jones, sans pour cela vous baser sur des indices, mais sur quelque chose d’autre, quelque vous avez peut-être peur de reconnaître.

— C’est faux, répliqua-t-il en reprenant son ascension.

À l’étage, Barbara lui désigna chacune des pièces au fur et à mesure qu’ils passaient devant : la chambre de Gabriel, la plus proche de l’escalier de service, puis celle de Vinney, celle d’Elizabeth Rintoul et la chambre d’Irene Sinclair. Vis-à-vis de cette dernière se trouvait celle de Davies-Jones, à l’endroit où le corridor ouest bifurquait à droite et conduisait au corps principal. Là, toutes les portes étaient fermées, et ils descendaient le couloir où des portraits de plusieurs générations de Gerrard au visage grave alternaient avec des appliques délicatement ouvragées répandant des demi-cercles de lumière sur les murs pâles, lorsque Saint-James vint à leur rencontre, et tendit à Lynley un sac en plastique.

— Helen et moi avons trouvé ça fourré dans une des bottes, en bas. David Sydeham dit que c’est à lui.