Jour J pour DeDe.

 

Mme Madrigal était en train de tailler le lierre de la cour lorsque Mary Ann sortit pour se rendre à son travail. La logeuse l'accueillit en ces termes :

- En route pour les studios, ma chérie ?

- Oui. C'est le jour J. Le grand jour.

Mme Madrigal posa ses cisailles et se redressa.

- Ta petite surprise, c'est ça ?

- Vous êtes au courant ?

- Michael m'en a parlé, avoua Mme Madrigal. Mais il n'a pas dit quoi... juste quand. Je ne vois vraiment pas ce que c'est.

- C'est une merveilleuse surprise, en fait. Et matière à scoop, si je puis dire.

- Une déclaration de mariage et un scoop. Mais combien d'étapes ne franchis-tu pas en une seule semaine ?

La logeuse prit Mary Ann par l'épaule et lui posa un baiser sur la joue.

- Je te félicite à l'avance, ma chérie. J'ai toujours su que tu réussirais.

- Merci, déclara Mary Ann avec un grand sourire.

- Et je veux à cette occasion donner une petite fête pour toi. Pour toi et pour Brian.

- En fait, confia Mary Ann, j'espérais que vous organiseriez le mariage.

Le visage de la logeuse s'illumina :

- J'en serais ravie ! Ici, tu veux dire ?

Mary Ann acquiesça. Mme Madrigal parcourut la cour du regard.

- Voyons voir. Vous pourriez prononcer vos voeux sous le porche. Un petit coup de peinture et ce sera parfait. Nous pouvons faire venir un violoncelliste, peut-être... ou un harpiste... Un harpiste, ce serait splendide.

Elle battit des mains comme une petite fille.

- C'est tellement merveilleux... Ma petite famille... La vie est si généreuse avec nous, Mary Ann !

- Je sais, répondit-elle.

Et cette fois, elle le disait avec conviction.

 

Sa vengeance, elle commençait à s'en rendre compte, serait encore plus délicieuse qu'elle ne l'avait jamais rêvé. Larry Kenan y contribua en étant encore plus con que d'habitude.

- Alors, comment va notre petite journaliste en herbe, aujourd'hui ?

Mary Ann ne leva pas le nez de son bureau. Elle travaillait ses fiches sur DeDe, coupant çà et là et recomposant le tout pour tenir dans les cinq minutes qui lui étaient imparties. Ce n'était pas facile.

Le directeur de l'information resta sur le seuil, les pouces dans la ceinture de son jean. Elle devinait son sourire sans avoir besoin de lever les yeux.

- Dis donc, fit-il. Denny veut voir tes accessoires pour l'émission d'aujourd'hui.

- Très bien, dit Mary Ann, qui continuait à consulter ses fiches.

- Tout de suite.

Mary Ann leva les yeux et le fixa d'un regard impassible :

- C'est juste une connerie d'éponge végétale, Larry.

- Pour faire quoi ? ricana-t-il.

Mary Ann retourna à ses fiches en répondant :

- Pour remplacer les tampons périodiques.

Il y eut un silence, puis Larry se mit à glousser comme un imbécile.

Mary Ann prit un crayon et gribouilla une note sans importance sur son calendrier. Puis elle lança :

- Le choc anaphylactique, ça te fait rigoler, Larry ?

- Pas du tout, dit le directeur de l'information en s'apprêtant à partir. Je suis juste ravi que tu te décides à faire un peu d'analyse approfondie. Bon courage.

 

Le film du jour était Pousse-toi, chérie, titre dont l'ironie n'échappa pas à Mary Ann : Doris Day, après avoir été abandonnée pendant sept ans sur une île déserte, rentrait chez elle sans prévenir et trouvait son mari, James Garner, sur le point d'épouser Polly Bergen... Et DeDe Day, elle, allait faire son apparition au moment de la coupure de pub : c'était vraiment trop drôle.

Mais à deux heures et quart, le téléphone de Mary Ann sonna.

- Mary Ann Singleton. J'écoute.

- C'est DeDe, Mary Ann. Faites bien attention à ce que je vais vous dire. Leur avez-vous révélé quoi que ce soit ?

- Où êtes-vous, DeDe ? Il faut que vous soyez là avant le...

- Leur avez-vous révélé quoi que ce soit ?

Mary Ann fut ébranlée par le ton pressant de DeDe.

- Evidemment non, répondit-elle. Rien ne filtrera tant que nous ne serons pas à l'antenne.

- Je ne peux pas le faire, Mary Ann. On ne peut pas.

- Attendez un peu, là !

- Maman vient de m'appeler. Les enfants ont été kidnappés !

- Quoi ? En Alaska ?

- C'est lui qui les a enlevés, Mary Ann. J'en suis pratiquement certaine.

- Mon Dieu... Êtes-vous... ? Comment est-ce possible ?

- Nous n'avons pas le temps de parler. Je prends l'avion pour Sitka dans une heure. Venez-vous avec moi ?

- DeDe, je...

- Je paierai tout.

- Ce n'est pas ça. Je suis censée être à l'antenne dans...

- J'ai besoin de vous, Mary Ann. Je vous en prie.

- OK. Bien sûr. Où se retrouve-t-on ?

- À l'aéroport. Prenez un taxi. Et pas un mot à quiconque, Mary Ann... Pas un mot !

 

 

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