Bavardages de fans.

 

Michael attendit que la famille se fût rassemblée autour du dîner d'anniversaire de Mary Ann pour annoncer la nouvelle.

Mary Ann fut la plus stupéfaite :

- Eh, mais attends un peu, là !

Michael leva la main.

- Parole de scout, Babycakes. Ned m'a invité hier.

- Ce n'est pas là-dessus que j'ai des doutes, dit Mary Ann. Mais tu veux dire que *** est homo ?

- Aussi pédé que le phoque de l'expression, répliqua Michael.

- Bah ! dit Brian en coupant une tranche de rôti. Même moi je le savais ! Tu te rappelles cette rumeur de mariage avec un autre homme, avec ***, il y a...

- Oui, bon, bien sûr, j'en avais entendu parler, mais...

Mary Ann en bégayait presque. Elle était furieuse quand son côté oie blanche de Cleveland remontait à la surface comme un bouton indésirable.

- Je croyais que c'était seulement une espèce de... de mauvaise blague.

- C'était une mauvaise blague, ajouta Michael. Un couple de folles d'Hermosa Beach ou de je ne sais où, qui s'ennuyaient, avaient lancé des invitations annonçant le prétendu mariage et la rumeur a couru. Mais *** et *** n'étaient même pas amants. Juste amis. Après ça,ils n'ont pas pu paraître ensemble en public. Ç'aurait risqué de confirmer la rumeur.

- Tu l'appelles toujours par son prénom ? le taquina Mary Ann.

- Je m'entraîne, c'est tout, dit Michael en souriant.

Mme Madrigal servit des carottes à Michael.

- C'est plutôt triste, cette histoire, non?

- Ç'a dû être un supplice, de devoir se cacher pendant toutes ces années ! acquiesça Michael.

- Ouais, dit Brian, la bouche pleine. Mais s'il leur suce deux briques par film, ça fait passer la pilule, non ?

- Et il ne suce pas que ça ! gloussa Mary Ann.

Michael écarquilla les yeux d'un air faussement horrifié :

- Non, mais regardez-moi ça ! On devient une petite cochonne, maintenant qu'on vieillit !

Mary Ann lui tira coquettement la langue.

Mme Madrigal remua son café en regardant dans le vague.

- ***, murmura-t-elle, prononçant le nom de l'idole comme s'il s'était agi de l'un des mantras de Mona. Eh bien, ça se tient. Il a toujours été un type éblouissant. Vous vous souvenez de la scène où il enlève sa chemise dans *** ?

Elle poussa un long soupir.

Il me plaisait énormément quand j'étais une jeune, un jeune...

Les locataires de Mme Madrigal éclatèrent de rire à cette allusion enjouée à son passé secret, puis Michael leva son verre :

- Eh bien, à notre heureuse jeune fille... qui va bientôt devenir un vieux machin comme nous tous ici.

Mary Ann se pencha et l'embrassa sur la joue.

- Crétin, murmura-t-elle.

Puis elle se tourna de l'autre côté et déposa un petit baiser sur la bouche de Brian.

Michael ferma le cercle en envoyant un baiser à Brian.

Avec un sourire de contentement, Mme Madrigal regarda leur petit rituel comme une entremetteuse attendrie, les mains sous le menton.

- Vous savez, dit-elle, tous les trois, vous êtes mon couple préféré.

 

Après le dîner, la logeuse apporta un plat de porcelaine avec des joints de Barbara Stanwyck. Puis vinrent le gâteau, les glaces et les cadeaux de Mary Ann : de la part de Brian un flacon d'Opium, de la part de Michael une broche Art déco en forme de chat, et de la part de Mme Madrigal une théière ancienne.

- Maintenant, annonça la logeuse, si ces messieurs veulent bien avoir la gentillesse de nous excuser, j'aimerais tirer les cartes à Mary Ann.

- J'ignorais que vous saviez faire ça ! dit Mary Ann, avec une lueur de curiosité dans le regard.

Brian et Michael se retirèrent donc sur le toit, où ils contemplèrent la baie avec les yeux de Miss Stanwyck.

- Tu sais quoi ? soupira Brian.

- Quoi ?

- Elle a raison. Mme Madrigal, je veux dire. On fait tellement de choses ensemble tous les trois qu'on est comme une espèce de couple.

- Oui, sûrement. Ça t'embête ?

Brian réfléchit un instant.

- Non. Tu es un copain, Michael. Et elle, c'est ta copine et... Et merde, je sais pas !

Michael tendit le joint à Brian.

- Il y a des tas de gens qui font les choses à trois, ici. Regarde dans la salle, la prochaine fois que tu iras au cinéma.

Brian se mit à rire :

- Les trisexuels ! C'est comme ça que tu les appelles, c'est ça ?

- Faute de mieux.

Brian passa un bras autour de l'épaule de Michael.

- Tu sais ce qui me tracasse, Michael ?

Michael attendit la suite.

- Ce qui me fait chier, reprit Brian, c'est que je ne serai jamais complètement le type dont elle a besoin.

- Je sais ce que tu veux dire, répondit faiblement Michael.

- Ouais ?

- Tu penses ! Je me suis assez cassé le cul à essayer d'être tout pour quelqu'un. Et au bout du compte, j'ai décidé d'être ce que je suis pour chacun.

- Et c'est quoi, ce que tu es ?

Michael hésita, puis il s'exclama :

- Mince ! Et moi qui espérais que tu me le dirais !

Brian éclata de rire et lui serra l'épaule.

- Tu es fou, mec !

- C'est peut-être ça...

- Je vais te dire, fit Brian en le regardant droit dans les yeux. Je t'aime, Michael. Je t'aime comme mon propre frère.

- Sérieux ?

- Sérieux.

Il y eut un moment, un moment très court, où leurs regards plongèrent l'un dans l'autre avec une affection dénuée de la moindre gêne. Puis Michael reprit le joint, en tira une bouffée, et demanda :

- Il est mignon, ton frère ?

 

 

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