CHAPITRE XIII

Il dut frapper plusieurs fois. La porte s’ouvrit enfin et la masse imposante de Hattie s’encadra dans le chambranle. Il serait plus exact de dire qu’elle l’obstrua. Hattie regarda Rif d’un air stupéfait.

Où sont Leila et Burt ? Demanda-t-il aussitôt. Ils vont bien ?

Elle opina de la tête.

Tu veux entrer ? Proposa-t-elle.

Il jeta un coup d’œil furtif derrière lui, pour surveiller l’étroite ruelle.

T’es sûre qu’ils vont bien ? Insista-t-il.

Ils ont l’air, répéta Hattie. Ils dorment tous les deux.

Ils sont rentrés ensemble ?

Hattie opina de nouveau.

Il était pas loin de six heures du matin. Ah ! Ils étaient pas beaux à voir, les pauvres ! Quand je leur ai ouvert, j’ai cru qu’ils allaient piquer une tête en avant. Ils étaient, comme qui dirait, changés en blocs de glace. Il m’a fallu une bonne heure pour les dégeler. Je les ai bien frictionnés et je leur ai fait chauffer de la soupe …

Où elle a trouvé Burt, Leila ?

Dans une impasse, près de Dennison Street. Cette andouille était couché à plat ventre, raide comme une planche. Il a fallu qu’elle le morde pour le sortir de la vappe.

Qu’elle le morde ?

Hé oui ! Elle avait pas le choix ! Même qu’elle a manqué lui enlever un bout d’oreille, mais ça a réussi. Elle a pu le relever et elle l’a traîné jusqu’ici. C’est une chance qu’elle l’ait retrouvé à temps  il serait maintenant entre quatre planches et pas dans ses plumes, s’il était resté une heure de plus. La prochaine fois que je le pince à sortir sans manteau …

Ne le laisse pas sortir du tout, coupa précipitamment Rif. C’est très important, Hattie. Tu vas me faire le plaisir de le boucler à la maison, tant que je t’aie pas donné de mes nouvelles.

De tes nouvelles ? Qu’est-ce que tu veux dire ?

Je vais essayer de … Enfin, il y a quelque chose qu’il faut que je …

Ecoute un peu, interrompit Hattie violemment. Tu crois que tu n’as pas assez d’emmerdements comme ça, sans aller encore en chercher ? Dans ta mélasse où tu es, t’as qu’une seule chose à faire : te planquer. Et, si tu veux un bon conseil, tu vas quitter la ville.

Je ne peux pas, dit-il. Pas encore.

Pourquoi pas ?

Il ne répondit pas.

« Tu ne peux pas le lui dire, songeait-il. Kenny est dans le coup et, après tout, c’est son fils. »

Je ne peux pas discuter de ça maintenant, dit-il. Je n’ai pas le temps. Il faut que je me barre.

Il redescendit les marches du perron et s’éloigna. Hattie le rappela, mais il ne s’arrêta pas.

Qu’est-ce que tu vas faire encore ? Cria – t-elle. Où tu vas ?

Sans répondre, il hâta le pas en songeant qu’il aurait bien voulu le savoir lui-même …

« Si Burt n’était pas dans le coup, pensait-il, tu irais tout droit à la gare de triage pour tâcher de dégotter un wagon vide, comme t’en as eu l’intention hier soir. Mais la façon que se présentent les choses, faut que tu restes dans les parages et que tu trouves moyen de tirer Burt du pétrin. Ah ! Si seulement il l’avait bouclée !  Bon, bon, suffit sur ce chapitre. Demande-toi plutôt où tu vas aller et ce que tu dois faire. »

La tête dans les épaules, Rif marchait depuis plusieurs minutes, tournant tantôt à droite, tantôt à gauche, dans le dédale des ruelles, sans savoir où ses pas le conduisaient. Il leva les yeux, s’aperçut qu’il passait devant la maison de Cora, et se dit qu’un peu de nourriture ne lui ferait pas de mal. Il avait des chances de trouver Cora chez elle. On était vendredi, il s’en souvenait; or, les lundis, mercredis et vendredis, elle ne travaillait que l’après-midi et restait chez elle le matin. Il ralentit le pas en pensant à la volupté d’un repas chaud, puis s’arrêta pour regarder avec envie la fenêtre de la chambre.

« Tu n’as pas le temps de manger, se disait-il. Et ce n’est fichtre pas le moment d’embêter Cora avec tes histoires à la gomme. Elle a ses soucis, elle aussi. Il y a bien des chances pour qu’elle n’ait pas fermé l’œil de la nuit. Elle devait penser à son petit étudiant  au garçon qui l’a laissée tomber et qui s’est perdu lui-même, en détruisant tous leurs beaux projets d’avenir et de bonheur. Résultat : ils sont partis, chacun de son côté. Tiens ! Mais, au fait, l’usine d’eau minérale n’est pas si loin d’ici … C’est dans la troisième rue à gauche. Je me demande si …

« Tu te demandes si tu devrais mettre Cora au courant ? Tu veux jouer les bons Samaritains, essayer de les rabibocher tous les deux ? Tête de lard, va ! Tu ferais mieux de te réveiller. C’est bien le moment de t’occuper de ça. Tas d’autres chats à fouetter. En ce moment, il ne s’agit pas de roucouler des romances, il s’agit de cinq pauvres bougres qui sont morts hier soir parce qu’un type a vidé des bidons d’essence sur les vieux chiffons et a flambé une allumette … »

Il tourna le dos à la fenêtre et reprit son chemin, pour s’arrêter au bout d’une seconde. Il fit lentement demi-tour et jeta un regard derrière lui. Ce n’était pas la maison de Cora Ridley qui attirait son attention.

Ses yeux étaient obstinément fixés sur le pavé défoncé de la ruelle. Sur le bas-côté, il voyait une bouteille vide contre un piquet de clôture. Non loin de là, un chat crevé semblait l’observer de ses yeux vitreux.

Rif fronça le sourcil sans savoir pourquoi. « Eh bien, quoi ? Se répétait-il. La bouteille est vide et le chat est crevé. Et après ? »

Néanmoins, cette bouteille et la mort de ce chat semblaient le fasciner. « Ne regarde pas, pensait-il. Il n’y a rien d’intéressant. » Mais son cerveau insistait : « Si ! Continue à regarder, continue à réfléchir …

» Je t’en prie, continue à réfléchir. Pense à cette bouteille vide … Ce n’est pas du lait qu’il y avait dedans, mais de la gnôle. Est-ce la gnôle qui a tué le chat ? Tu sais bien que non : les chats ne boivent pas d’alcool. Mais, suppose que …

» Soit. Supposons que ce soit un chat pas comme les autres. Un chat dévoyé, comme ils disent ! Supposons que tu sois marchand de gnôle et que ce chat ait été un de tes clients. Mettons qu’il t’achète une bouteille; tu te dis simplement : « Voilà un chat pas ordinaire », et tu n’y penses plus.

» Mais, un peu plus tard, tu reviens voir ton ivrogne de chat, et tu constates qu’il est crevé. Tu comprends tout de suite que c’est la gnôle que tu lui as vendue qui l’a tué. Et c’est pas qu’il en ait trop bu … Cette gnôle-là, vois-tu, c’est ce qu’on appelle du saute-barrière, ou du casse-poitrine : un mélange d’alcool de grains et de flotte. Mais il arrive que le spécialiste qui fait le mélange goupille mal son coup. Il se goure, ou alors il roupille à moitié, ou il s’en fout … Bref, au lieu d’alcool de grains, il met une autre espèce d’alcool : de cette saloperie, par exemple, qu’on met dans les radiateurs pour les empêcher de geler. Je crois bien que ça s’appelle de l’antigel …

» Parfaitement, de l’antigel ! C’est très important ce que je viens de dire là. C’est un fait irrécusable. Et le chat n’a rien à voir dans cette histoire. On ne saura jamais de quoi le chat est crevé, mais on sait ce qui a tué Lew Dagget et ses amis, hier soir. Ils ont bu de l’antigel.

» C’est ça qui les a tués.

» Et d’où venaient les bouteilles ? Elles venaient du camion numéro quatre. Et le chauffeur du camion, qui était aussi le vendeur des bouteilles, s’appelait Mac Ginnis.

» Mac Ginnis a vendu ses bouteilles à Lew, et Lew l’a invité à monter un peu plus tard pour prendre part à leur petite fête. Il est bien revenu, mais au lieu de trouver ses potes en train de rigoler, il a trouvé cinq macchabs. Il a regardé de plus près les bouteilles de gnôle qu’il leur avait vendues, et ça l’a tout de suite fait penser à l’enquête du médecin légiste, à la façon dont ces gens-là découpent les cadavres, font des prélèvements, et remplissent des bocaux de ceci et de cela, tant et si bien qu’ils finissent par savoir de quoi les gens sont morts. Et Mac Ginnis se doutait bien que, aussitôt après, les poulets allaient se mettre en campagne pour découvrir qui avait fourgué les bouteilles de Lew. C’est à tout ça que pensait Mac Ginnis en regardant les cinq fêtards qui avaient goûté à sa marchandise.

» Mac Ginnis a donc décidé de maquiller l’accident d’une façon ou d’une autre. Et, comme il avait besoin de quelqu’un pour le conseiller, vu qu’il était trop sonné pour penser tout seul, il a couru chercher Kenny, son bras droit.

» Kenny et Mac Ginnis ont discuté le coup ensemble. Et l’un des deux a eu une idée épatante : il y avait un incendiaire dans le quartier, un type connu de tout le monde !

» Avec ça, ils sont parés. Ils tiennent la solution : la solution, c’est un incendie. On accusera automatiquement l’incendiaire, connu de tous sous le nom de Rif.

» Ils vont donc chercher de l’essence. Ils y mettent le feu et ils se barrent à toute allure. Mac Ginnis retourne en vitesse à la distillerie où il a acheté les bouteilles, à moins qu’il n’ait préparé le mélange lui-même. Il fait disparaître les cuves ou ce qu’il reste dedans, il ramène le camion à l’usine et commence à décharger les bouteilles et les bonbonnes étiquetées Eaux Minérales Sweet Rock. Mais si certaines contiennent de l’eau, il y en a d’autres pleines de gnôle de contrebande. Et il manque de tourner de l’œil en voyant quelques bouteilles sans étiquettes, identiques à celles qu’il a vendues à Lew : celles-là sont pleines d’un mélange d’eau et d’antigel.

» Tu vois la scène ? Il sort les bouteilles du camion numéro quatre … Il les casse sur le quai de chargement … Ça fait beaucoup de bouteilles et un sacré boulot. Il est pressé, et tu le vois transpirer malgré le vent et le froid ? Il est complètement vanné quand il a fini de briser ses bouteilles et il ne prend même pas la peine de refermer le battant. La nuit a été dure et il a drôlement sommeil.

» Alors, il se dit qu’il va roupiller sur le divan, dans le bureau de Clem Dagget.

» Et dans son sommeil, quand Ozzie le secouait et qu’il marmonnait : « Foutez-moi la paix … », ce n’était pas à Ozzie qu’il parlait. C’était quelqu’un d’autre qu’il suppliait de le laisser tranquille. Ils étaient cinq, ils avaient des robes noires, comme des juges; assis en rang derrière un immense tribunal, ils avaient l’index pointé sur lui. Leurs doigts étaient aussi noirs que leurs robes. Leurs doigts étaient calcinés … »

Seul, dans la ruelle, Rif avait envie de hurler : « On me traite d’incendiaire, d’accord. Ça ne me gêne pas. Mais j’accepte pas la responsabilité de l’incendie d’hier soir ! Je peux pas, je veux pas … C’est ce qu’on verra ! » Un bruit venait de résonner derrière lui. Les pas étaient rapides. Avant même de s’être retourné, Rif comprit que l’inconnu allait bondir sur lui.

« Ils ont dû me repérer de loin, se dit-il. Ils ont dû fouiller toutes les ruelles … »

Il fit un brusque demi-tour et se jeta sur le côté à la seconde précise où Mac Ginnis abattait sa matraque. Celle-ci avait trente-cinq centimètres de long et huit de diamètre. Elle était creuse, mais sertie de fonte d’un demi-centimètre d’épaisseur. Le tuyau siffla tout près de sa tête, et au même instant, Rif aperçut Kenny qui rejoignait Mac Ginnis. il brandissait une bouteille de bière, au goulot brisé, dont les bords en dents de scie luisaient comme des crocs humides.

Mac Ginnis abattit de nouveau la matraque, mais Rif baissa la tête, en se protégeant le visage de son bras, tandis que Kenny cherchait à l’atteindre avec le tesson de bouteille. Le verre coupant fendit son pardessus et lui pénétra dans le biceps, mais il ne le sentit même pas. Il s’efforçait de se retourner pour éviter la matraque.

Attrape-le ! Coince-le !  criait Mac Ginnis.

Rif feignit de s’enfuir, en fonçant sur Mac Ginnis qui lui barrait le passage, mais il se rejeta brusquement en arrière en projetant ses coudes derrière lui comme des pistons. Son coude gauche s’enfonça dans l’estomac de Kenny qui lâcha prise, avec un cri aigu, et tomba, en heurtant le sol de l’épaule. Reculant toujours, Rif essaya de faire demi-tour, mais il se prit les pieds dans les jambes de Kenny, et Mac Ginnis profita de l’occasion pour frapper une fois de plus de son tuyau de fonte. Il toucha Rif à la tête, mais celui-ci tombait dé au moment où le coup l’atteignit et le choc s’en trouva amorti. Rif tomba assis. Mac Ginnis se penchait déjà pour frapper de nouveau, quand le genou de Rif se releva brusquement et Mac Ginnis reçut un coup de pied dans le tibia. Il laissa échapper un grognement et se mit à sautiller à cloche-pied. Rif lui lança un nouveau coup de pied, encore au tibia, et il eut la joie de le toucher à l’os.

Aïe ! Ma jambe, souffla Mac Ginnis en reculant d’un pas, convulsé de douleur.

Rif se relevait déjà, mais au moment où il se remettait sur ses pieds, Kenny lui lança la bouteille cassée qui l’atteignit au front, juste au-dessus des yeux. Rif tomba de nouveau. Kenny lui envoya un coup de pied au crâne. Aveuglé par le sang qui lui coulait sur les yeux, Rif roula rapidement sur le côté. Pas assez vite cependant, car il sentit quelque chose de lourd et de dur cogner sa tête.

« Tu vas tomber dans les pommes, se dit-il. Il ne faut pas. Si tu tombes dans les pommes, t’es foutu ! »

Le sang l’aveuglait. A travers un rideau écarlate, il vit Kenny ramener le pied en arrière, s’apprêtant à frapper. Il allongea le bras, saisit l’autre cheville de Kenny, se redressa et, d’une grêle de coups de poing, accula Kenny contre la palissade. Le visage de Kenny s’ensanglanta à son tour; il s’efforçait de parer les coups de Rif, mais celui-ci était trop rapide. Rif avait abandonné l’idée de fuir et la tactique défensive. De toutes ses forces, il plaça un crochet du gauche, qui aplatit le nez de Kenny, et une droite sur la bouche. Il sentit des dents s’ébranler.

« T’es en forme, se disait-il. Tu t’en tires pas mal ! T’es en pleine forme ! »

Il ne vit pas Mac Ginnis arriver sur lui …

Le gros s’approchait doucement, le visage encore crispé par la douleur. Il brandissait son tuyau de fonte au-dessus de sa tête. Rif décochait une droite à Kenny, quand une voix cria :

Attention ! …

Machinalement, Rif se jeta de côté, en même temps qu’il apercevait une forme bleu foncé qui accourait vers lui. Comme le tuyau de fonte lui frappait l’épaule, il vit la forme bleue se rapprocher encore. La matraque s’abattit de nouveau alors que la forme bleue n’était plus qu’à deux pas. Il reconnut un complet bleu foncé sur lequel flottait une cravate rayée. Un large ruban rouge semblait couler, il ne savait d’où, zébrant en oblique le col de la chemise. Au-dessus, il y avait le visage de Clement Dagget. Au moment où la matraque s’écrasait sur son crâne, il eut le temps de sourire intérieurement en se disant : « Voilà la science qui se ramène, Dieu sait d’où. Lui qui a fait des études, il doit savoir que deux et deux font quatre. »

A travers le rideau écarlate qui lui troublait la vue, il vit Clem Dagget le dépasser. Il perdait déjà connaissance. Il était à genoux sur le sol, et le sang ruisselait de son crâne.

« Tiens bon, se dit-il. Tâche de tenir bon. Il va avoir besoin de toi. »

Et Rif tint bon. Il ne pouvait se relever, mais il parvint à garder les yeux ouverts. A travers le voile rouge, il vit Clem’ Dagget se ruer sur Mac Ginnis. Le gros leva sa matraque et Clem reçut le coup sur le bras. Le bras retomba, inerte, et Mac Ginnis voulut frapper de nouveau, mais, de son autre main, Clem saisit la matraque au vol et lui imprima un violent mouvement de torsion. L’arme lui resta dans la main. Il la regarda une seconde d’un air bizarre et la lança au loin.

Tu te crois au cinéma ? Fit Mac Ginnis, narquois.

Peut-être, dit Clem’. De toute façon, tu ne comptes pas !

Tu crois ?

Oui, je crois, répéta Clem’, en attendant l’adversaire de pied ferme.

Mac Ginnis se remit à rire. Il haussa nonchalamment les épaules.

Tu as peut-être raison, dit-il doucement. Je suis devenu trop lourd, trop gros …

Attention, Clem ! Siffla Rif au moment où Mac Ginnis faisait un geste qui semblait indiquer sa capitulation.

Dagget eut le bon réflexe et put éviter à temps le genou qui lui visait le bas-ventre. Mac Ginnis fit une seconde tentative, mais Dagget lui décocha, dans son énorme panse, un court crochet du gauche; il le fit suivre d’une seconde gauche qui cueillit Mac Ginnis juste sous le nez. Aussitôt, du tranchant de sa main tendue, Clem frappa le gros homme à la tempe. Mac Ginnis tomba à la renverse contre une barrière de bois, qui s’effondra sous son poids, et il se retrouva couché sur un lit de planches brisées non loin de Kenny qui, recroquevillé sur lui-même, avait enfoui son visage dans les mains. Le silence se fit.

Tu sais, dit Mac Ginnis en regardant Dagget, c’est quand même dommage …

Tu peux le dire ! Fit Dagget. Surtout pour Ozzie.

Quoi, Ozzie ?

Tu l’as effacé, dit Dagget. Je t’ai vu …

Ecoute, Clem’ …

Je t’ai vu, je te dis ! Je ne pouvais pas me lever du divan; la gnôle m’avait coupé les pattes, je n’arrivais même pas à appeler. Mais je te jure que j’avais les yeux bien ouverts et je t’ai vu sortir ton lingue. Et je t’ai vu piquer Ozzie dans le ventre, dans la poitrine et dans la gorge. Si tu ne l’as pas cherré quarante fois, tu n’as rien fait ! Et moi, que veux-tu, je suis comme ça : ces trucs-là, ça me fait réfléchir …

Toujours assis au milieu des planches brisées, Mac Ginnis fixait sur Dagget un œil morne.

Et je t’ai vu sortir le cadavre du bureau, poursuivit Dagget. Tu peux m’expliquer ce que tu en as fait ?

Le gros resta muet.

Pourquoi t’as fait ça, Timmie ? Demanda très lentement Dagget. Pourquoi t’as refroidi Ozzie ?

Mac Ginnis ne répondit pas.

Pourquoi t’as refroidi Ozzie ?

Fous-moi la paix, marmonna Mac Ginnis. Fous-moi la paix …

Pourquoi t’as refroidi Ozzie ? Tu devais bien avoir une raison, quand même ? Il en savait trop long, hein ? C’est ça ? Ozzie savait quelque chose que tu cherchais à me cacher ?

Toujours pas de réponse. Dagget fit un pas vers Mac Ginnis, mais Rif intervint dans le débat.

Parle-lui donc de l’antigel, conseilla-t-il.

Quoi ? Fit Dagget. Qu’est-ce que tu dis ?

J’ai dit : l’antigel. Pose-lui la question, voir …

Mac Ginnis sursauta en regardant Rif avec stupeur. Puis il poussa un cri perçant et s’évanouit. Dagget lui tourna le dos et fit un pas vers Kenny qui reculait en tremblant convulsivement.

C’est bon, c’est bon, balbutia-t-il. Tant pis, je mange le morceau. C’est bien arrivé à cause de l’antigel … Sans blague …

Continue, ordonna Dagget.

Rif sourit. Il laissa sa tête retomber en avant, ses yeux se fermèrent et il sombra dans un abîme de ténèbres toujours plus denses.