Sun Tzu

Depuis plusieurs semaines, la gauche est tétanisée, sidérée, pétrifiée par la peur. Le drame de Toulouse n’a pourtant pas provoqué le tremblement de terre espéré à l’UMP. Nicolas Sarkozy a bien grignoté quelques décimales sur l’électorat de Marine Le Pen et de François Bayrou, François Hollande s’est certes tassé au premier tour, Jean-Luc Mélenchon a conforté assurément sa progression. Mais, au second tour, quel que soit l’institut de sondage, François Hollande continue à dominer nettement son principal adversaire. Pas de quoi, a priori, avoir la frousse. Et pourtant si ! La gauche tout entière est saisie d’une « sainte pétoche » – pour reprendre l’expression préférée de Mélenchon. Sarkozy leur flanque la trouille. Depuis six mois, Hollande est favori dans les sondages et les voilà pourtant paralysés par la peur. La peur de perdre, tel est l’ennemi intérieur. Le doute a changé de camp… À l’évidence, le traumatisme du 21 avril 2002 n’est toujours pas digéré. Pas plus, d’ailleurs, que la défaite de Ségolène Royal en 2007.

La peur est la chance de Sarkozy, son ultime carte maîtresse. Et il en use, en abuse, même. Non pas de l’angoisse qu’aurait pu inspirer le tueur de Toulouse et de Montauban. Non pas de la crainte que pourraient susciter tous ces « barbus », arrêtés par des robocops surarmés devant ces caméras embedded. Non, cette peur salvatrice, c’est celle que lui, Nicolas Sarkozy, provoque chez son adversaire, chez tous ses adversaires. Chez tous ces électeurs qui, depuis le 6 mai 2007 au soir, rêvent de le renvoyer dans l’opposition ou à Neuilly pour y suivre une bonne cure d’humilité. Cette vague d’effroi inquiète Hollande qui doit réagir et demander à ses troupes de se ressaisir. « On va taper », promet François Hollande, en visite à Mayotte et à la Réunion. « On va taper », mais c’est son propre camp qui semble frémir sous la menace.

Il a suffi que Sarkozy reprenne une courte avance dans les sondages de premier tour, il a suffi que quelques médias amis répètent en boucle que le suspense était relancé, que le président sortant joue les matamores de tréteaux, pour que la terreur s’installe. Il a suffi que Le Figaro titre une fois encore (le 2 avril) : « La poussée de Mélenchon change la donne pour Hollande », il a suffi qu’Étienne Mougeotte trousse un éditorial sobrement intitulé « Retournement », il a suffi que quelques socialistes fassent publiquement part de leurs doutes, pour que la gauche et, avec elle, l’opposition se mettent à trembler comme un seul homme. Il a suffi que François Fillon accuse Hollande de préparer la France à un scénario à la grecque, que le ministre de la Recherche et de l’Enseignement supérieur, Laurent Wauquiez, le compare à « Ravaillac, écartelé entre les lunettes rouges d’Eva Joly et la Bastille de Mélenchon », pour que la dramaturgie de cette campagne vire au film d’épouvante. Rendez-vous compte : même Rama Yade appelait à voter Sarkozy. Même Rama Yade…

Pis : il a suffi que Nicolas Sarkozy annonce son programme à dix-sept jours du premier tour ! Il a suffi qu’il s’en prenne avec un culot d’acier à ces syndicats qui ont « trahi la confiance des salariés à Florange » et que Mélenchon accroche la barre des 15 % pour que la terre se dérobe sous les pas socialistes. Il a suffi que Nathalie Kosciusko-Morizet prétende que François Hollande « détenait le mode d’emploi de la faillite de la France », qu’avec lui, ce serait « un aller simple vers la Grèce », pour que les plus hardis de ses soutiens perdent leur belle assurance. Même Laurence Parisot, la patronne du Medef, muette jusqu’à présent, vante désormais ouvertement l’action « extraordinaire » de Nicolas Sarkozy : « Son bilan n’est pas son boulet, mais du bon boulot. » Et comme un malheur n’arrive jamais seul, voilà que Julien Dray et Michel Rocard sont hospitalisés et qu’Eva Joly se casse la margoulette dans les escaliers d’un cinéma. Même les lecteurs de Marianne s’y mettent. Dans leurs courriers ou dans la rue, ils nous apostrophent avec une mine catastrophée : « Dites-nous la vérité : il va quand même réussir à passer, hein, c’est ça, il va de nouveau embobiner les Français ? » ; « On va en reprendre pour cinq ans, hein, c’est ça ? ». Du calme ! Le pire n’est jamais certain.

Il faut dire que les sondages prévoyant une forte abstention ne sont guère de nature à rassurer le peuple antisarkozyste. En 2007, plus on s’approchait de l’échéance, plus la passion présidentielle s’emparait des Français. Camp contre camp. Les rouges contre les bleus. « Sarko » contre « Ségo », Bayrou en invité centriste surprise. En 2012, c’est exactement l’inverse qui se produit. À mesure que se rapproche la date fatidique, l’intérêt pour l’élection décroît. Comment expliquer ce désintérêt supposé ? Les thématiques de campagne ? Alors que les Français ont fait du pouvoir d’achat et du chômage leurs préoccupations prioritaires, les candidats s’évertuent à leur parler de dette, de déficits, voire de sécurité, d’immigration et même de viande halal. Les médias, surtout, répètent en boucle que Hollande ne suscite pas la même ferveur que Ségolène Royal en 2007, qu’il ne provoquerait pas l’adhésion de ses électeurs, qu’il ne serait que l’instrument d’un vote antiSarkozy. Les vraies raisons de cette absence de passion sont sans doute ailleurs : et si, au fond, le scénario était écrit depuis longtemps, un scénario qui finit par lasser, comme dans un film dont l’issue s’éternise ? Et si les Français avaient depuis longtemps décidé qu’il fallait sortir les trois vedettes de 2007 : Royal, laminée à la primaire socialiste, Bayrou, passé de la troisième à la cinquième place, et Sarkozy, invariablement battu, archi-battu, dans toutes les projections de second tour ? Première hypothèse que seul le second tour viendra ou non valider.

Avançons une autre explication, plus politique : et si le président sortant avait durablement abîmé la légitimité de la parole politique ? Les promesses mirifiques de 2007 ont provoqué d’irrémédiables dégâts dans l’opinion. D’autant que la crise accentue le sentiment d’impuissance que dégagent les principaux candidats à cette élection. Chacun pressent que le prochain président ne disposera d’aucune marge de manœuvre, qu’il imposera à tous des efforts, des sacrifices, et que la vraie différence entre Sarkozy et Hollande, au fond, se situe dans le degré de justice sociale que l’un et l’autre injecteront au nécessaire redressement des comptes publics. Différence essentielle, capitale sans doute, mais insuffisante pour allumer la flamme, susciter la passion, déclencher l’enthousiasme des foules citoyennes.

Au moins cette peur a-t-elle eu pour vertu de ramener à plus de modestie tous ces impétrants qui commençaient déjà à se voir en haut de l’affiche. Moi au perchoir, toi à Matignon et l’autre au Quai d’Orsay. Calmos ! Doucement les basses ! D’abord, on bat l’équipe adverse, ensuite on se partage les primes de match ! D’autant qu’en face, on a bien l’intention de jouer la partie jusqu’au coup de sifflet final, celui des législatives. Viril, mais pas toujours correct.

Depuis la mi-février, la campagne présidentielle a clairement changé d’intensité. Fini le jeu léché à la barcelonaise, dribbles et passements de jambes, petits ponts et coups du sombrero. Plutôt coups de boule et tacles au niveau du genou. Dans cette dernière ligne droite, la campagne électorale n’est plus ce sport de gentlemen pour garçons bien élevés dans les (grandes) écoles de formation, elle a viré au combat de rue. Droite macho contre gauche bien coiffée. L’arbitre (des élégances) a déserté le terrain. Plus de contrôle antidopage. À la guerre comme à la guerre.

Sans doute François Hollande s’était-il mentalement préparé à cette joute où la testostérone tient lieu de stratégie. Ses coéquipiers, peut-être pas. À l’approche du dernier quart d’heure, le « money time » comme disent les spécialistes, un titre résume assez bien l’état d’esprit général qui prévaut à gauche : « Au secours, Sarkozy revient », cauchemarde Le Nouvel Observateur, le grand hebdomadaire de la gauche raisonnable. Le Président a passé la surmultipliée. Chaque jour, une proposition, chaque jour une vacherie, chaque jour une confidence sur le thème : « On va gagner » – confidences reprises en canon dans les tribunes médiatiques par le chœur des supporters UMP. Carla Bruni elle-même participe à cette grande opération de propagande : « Sur le terrain, je ne ressens pas d’agressivité, les gens semblent aimer Nicolas. L’antisarkozysme est un phénomène d’élite parisienne. » Parole de people.

Le président des riches s’autoproclame « candidat du peuple » sans être sifflé hors jeu ! Il peut mentir, se contredire, truquer, tricher, faire oublier dix ans d’insuccès, cacher son piètre bilan, il déclenche encore la « ola » dans les médias, fascinés par cet homme qu’ils croyaient hors de forme et qui, sous leurs yeux, repart à l’attaque de plus belle. Un jour à Nancy pour promettre – encore – de « sauver la sidérurgie lorraine ». Le lendemain se payant la tête de Hollande et évoquant ces « tsunamis » qui menaceraient la centrale nucléaire de Fessenheim en terre d’Alsace. Le lundi en colère contre ces syndicats qui osent se mêler de politique ; le mardi au bord de l’épectase en écoutant le cri du cœur sarkozyste de Laurence Parisot. Sarkozy roule des mécaniques et ça marche. Malgré tous les pronostics sondagiers, le doute a bel et bien saisi les partisans d’Hollande. « Cher Laurent Neumann, je vous lis dans Marianne, je vous écoute à la radio et parfois à la télévision, mais pouvez-vous me dire au juste ce qu’attend Hollande pour se rebiffer, m’écrit une abonnée de Marianne. Sarko lui rentre dedans tous les jours, ses sbires dénaturent son programme et mentent comme des arracheurs de dents, et lui, Hollande, il ne dit rien. Si vous le voyez, dites-lui de ma part : réveille-toi François ! » On ne le lui a pas dit, on le lui a écrit, Nicolas Domenach et moi. Deux pleines pages dans Marianne, dont le titre a été inspiré par cette fidèle lectrice : « Réveille-toi François ! » Mais François, lui, paraît ne pas se réveiller. Il refuse le pugilat avec le Président, rechigne à rendre coup pour coup. Il s’interdit même de sortir de nouvelles mesures choc de son chapeau. « Je ne suis pas un candidat pochette-surprise », dit-il. Son entourage nous explique alors qu’il ne faut pas s’y fier, que leur champion ne dort que d’un œil, que les Français ne se laissent pas prendre aux « gesticulations » de « ce faiseur de vent ».

Incroyable renversement psychologique, pourtant. Les « hollandais » se recroquevillent en défense, incapables d’amorcer la moindre contre-attaque. Au lieu de boxer, ils jouent les vierges offensées, se plaignent auprès de l’arbitre médiatique qui laisse l’avantage. Sarkozy est un « gamin mal élevé » qui use de la France « comme d’un jouet qui ne lui appartient pas », déplore Arnaud Montebourg, le représentant spécial de François Hollande. « Il est temps de remettre un adulte à la tête du pays », s’impatiente Delphine Batho, l’une de ses porte-parole. « Il me fait penser à ces écoliers à qui […] on avait attribué une ardoise magique, lance François Hollande, lors de son meeting de Saint-Joseph à la Réunion. […] Une ardoise sur laquelle les mauvais élèves faisaient leur brouillon. Quand ils avaient échoué, ils effaçaient. Lui, c’est pareil, il a griffonné, il a brouillonné, il a crayonné pendant cinq ans et là, il voudrait tirer un trait, tirer sur l’ardoise. » Ce n’est plus une bataille électorale, c’est la guerre des boutons.

Même sur les « affaires », Bettencourt ou Karachi, les socialistes semblent gênés aux entournures, empruntés, empotés. Préfèrent laisser passer l’orage et jouer la montre. Sauf que ce catenacio, cette défense à l’italienne, finit par passer pour de la faiblesse. Au fil des semaines, ce sang-froid, cette maîtrise de soi, ce calme apparent, ont pris des allures d’asthénie. Combien de finales ainsi perdues, en 2002, en 2007 et même avant ? La cote de popularité du Président n’a-t-elle pas fait un bond de 6 points dans le dernier baromètre Ifop ? Certes, la crédibilité de François Hollande a elle-même progressé de 8 points. Mais regardez les sondages d’intentions de vote, dit-on alors dans les rédactions des grands médias audiovisuels. Sarkozy : 29 %, Hollande : 26 %, selon l’institut Harris Interactive, le 3 avril ; 53-47 en faveur de Hollande au second tour. D’accord, il y a encore de la marge, mais le premier perd un point tandis que le second en gagne un. Si la tendance continue, le dernier pourrait-il être le premier, au soir du 6 mai prochain ?

Hollande : 28 %, Sarkozy : 27 %, répond l’institut BVA ; 56-44 au second tour. Sarkozy : 29,5 %, Hollande 27,5 % rétorque Ipsos ; 55-45 au second tour – cette fois, c’est Hollande qui gagne un point et Sarkozy qui en perd un. Qui croire ? Sans importance, puisque les marges d’erreur oscillent entre 1 et 2 points et que, de tout temps, le candidat sortant a toujours fini en tête au premier tour. Comment pourrait-il en être autrement en 2012, alors que Sarkozy a occis tous ses adversaires potentiels à droite (Borloo, Boutin, Morin, Villepin), pendant que Hollande, lui, doit composer avec Mélenchon, Joly, Arthaud et Poutou ?

De cela, les observateurs ne veulent pas entendre parler. Ils préfèrent se fier à la tendance à la hausse de Sarkozy et à la « spirale baissière » de Hollande. Ils préfèrent surtout se focaliser sur cette abstention qui peut encore tout faire basculer, sur ces hésitants qui peuvent encore renverser la table. Le second tour ? « Ce sera une deuxième campagne qui commence », assure Nicolas Sarkozy. Il n’a pas remporté la guerre, loin s’en faut, mais il a déjà gagné haut la main la bataille psychologique, celle qui consiste à faire croire à l’adversaire qu’il est en position de faiblesse.

Dans l’avion de ligne qui l’emmène à Saint-Denis de la Réunion, Sarkozy fanfaronne, rapporte l’envoyée spéciale du Monde : « Je vous avais bien dit qu’il y avait une vague ! » « Le soir du premier tour, tout se rouvre », prédit Nathalie Kosciusko-Morizet. « Il y a un an, Nicolas Sarkozy disait que cela se finirait à 50-50 », rappelle Franck Louvrier, son conseiller en communication. Prière d’y croire, de le répéter et de faire rentrer cette vérité dans toutes les têtes. Sarkozy dit qu’il va gagner, donc il va gagner, reproduisent en chœur perroquets et mainates !

Pourtant, une semaine auparavant, le mercredi 28 mars, loin des micros et des caméras, le chef de l’État a piqué, en Conseil des ministres, un de ses coups de sang légendaires. « On ne vous entend pas !, se plaint-il auprès de ses ministres. On a de bons résultats économiques, vendez-les ! » La ministre du Budget, Valérie Pécresse, et le ministre de l’Économie, François Baroin, qui connaissent les chiffres par cœur, baissent le nez dans leurs dossiers. Vendre aux médias un déficit moins abyssal que prévu, tu parles ! Et les chiffres du chômage, en hausse continuelle depuis dix mois ? Et la dette de la France, à plus de 1 717 milliards d’euros ? On en fait quoi ? « On ne vous entend pas », s’encolère le chef de l’État. « Les temps de parole… », se risque à répondre un ministre. « Moi, quand je faisais campagne pour Balladur, je parlais tout le temps. Il faut vous imposer. »

Cette guerre psychologique, tout le monde doit la mener. C’est un ordre ! Et il vaut même pour les esprits les plus critiques ou les plus pessimistes de la majorité. Au charbon, les gars ! La propagande élyséenne doit infuser sur tous les terrains. Ainsi, jusqu’à la fin février, ordre avait été donné, à l’Élysée, de ménager François Bayrou pour ne pas insulter l’avenir. Mais depuis la mi-mars, c’est une véritable danse des sept voiles que les Noureïev de la majorité ont entamé sous le nez du candidat centriste. « La danse du centre », disent même les spécialistes de l’entrechat. Le grand maître chorégraphe avait lui-même lancé le ballet lors de son meeting de Villepinte, le 11 mars, en promettant une fois de plus aux centristes l’introduction d’une dose de proportionnelle aux législatives. La même promesse avait été faite en 2007, elle n’a jamais été suivie d’effet.

Bayrou, « il fait partie de la famille », assure François Fillon. Pourquoi pas Bayrou à Matignon, en cas d’accord électoral et si la victoire dépend de lui, souffle l’ancien Premier ministre Jean-Pierre Raffarin. « Il en a les capacités. » « Si la clé du succès, c’est Bayrou à Matignon, alors pourquoi pas ? », lâche Alain Juppé devant des élus landais – le même Juppé qui, en plein drame de Toulouse, demandait à Bayrou de « ne pas ajouter l’ignoble à l’horrible ». À quinze jours d’intervalle, celui qui tenait un discours « ignoble » serait donc pressenti à Matignon : c’est à n’y rien comprendre ! Ou plutôt si. Il y a urgence à siphonner les voix centristes au premier tour et à préparer les récalcitrants au grand rassemblement du second tour.

Les lanceurs de rumeurs de l’UMP évoquent même plusieurs rencontres récentes entre Sarkozy et Bayrou, y compris en mars – « des menteurs », s’insurge le chef de file du MoDem. Certains assurent que Juppé aurait été mandaté par Sarkozy pour prendre langue avec Philippe Douste-Blazy, l’un des principaux soutiens de Bayrou. Le Béarnais a beau démentir énergiquement, à chacune de ses interventions médiatiques, il est systématiquement interrogé sur ces « négociations de l’ombre ». D’autres, en privé, assurent qu’il faut lui proposer un contrat de gouvernement en bonne et due forme, avec trois ou quatre ministères majeurs – à condition, bien sûr, que d’ici le premier tour, Bayrou ne tombe pas sous la barre des 10 %, auquel cas pareil cadeau n’aurait plus aucun sens. Les éditorialistes de la presse de droite, eux, vont de plateau en plateau, répétant que Bayrou réalise une très bonne campagne, que la lutte contre la dette et les déficits publics pourrait constituer un excellent terrain d’entente entre le président sortant et le leader centriste. Ils jurent même sur la foi d’informations de première main qu’entre les deux tours, si Matignon lui est promis, il rejoindra sans barguigner la cause sarkozyste.

L’hypothèse a beau paraître farfelue à tous ceux qui suivent Bayrou de près, elle se répand de manière virale dans toutes les têtes. Jour après jour, Bayrou est obligé de se justifier. Répondez Bayrou ! Sarko ou pas Sarko ? Lui jure ne pas être « accessible aux séductions ». Copé, qui vise 2017 et ne supporte pas l’idée de voir Bayrou à Matignon, rappelle que « la tradition, c’est que le président nouvellement élu, généralement, choisit le Premier ministre issu de la famille la plus importante de l’Assemblée nationale ».

Bayrou, faiseur de roi ? Sarkozy a évidemment besoin de lui pour gagner. D’autant que Hollande ne se privera pas, après le premier tour, d’envoyer des signes aux électeurs du centre, sur la moralisation de la vie politique, sur l’envie de changement. À droite, en vérité, on s’inquiète ouvertement du ton de plus en plus agressif dont use le candidat du MoDem vis-à-vis de Nicolas Sarkozy : après l’interview du chef de l’État au Figaro, Bayrou a fait savoir que les projets de référendums sur les chômeurs et les immigrés constituaient, pour lui, « une ligne de fracture ». En plein drame de Toulouse, il a suggéré que le chef de l’État n’était pas étranger au climat de « tensions » qui régnait dans le pays. Sur l’affaire Bettencourt et le financement de la campagne présidentielle de Nicolas Sarkozy en 2007, il a tenu des propos sans ambiguïté. En déplacement à Saint-Denis de la Réunion, il a même administré au président sortant une véritable leçon de démocratie. Dans Le Journal du dimanche, Sarkozy s’était en effet élevé contre l’idée d’un éventuel financement intégral des campagnes électorales : « On va demander de l’argent pour que M. Besancenot puisse insulter la société, pour que M. Mélenchon puisse accabler les institutions, pour que Mme Le Pen puisse défendre ses idées ? C’est cela la moralisation ? » Piqué au vif, Bayrou le moralisateur lui a rétorqué : « Je lui rappelle ce principe qu’il semble contester : cela s’appelle la démocratie. La démocratie, cela consiste à accepter que s’expriment des opinions même quand on est en désaccord avec elles. » Dans le nécessaire rapprochement avec Bayrou, cette passe d’armes survient au plus mauvais moment.

D’autant qu’à gauche, le ton s’est adouci avec Bayrou. Dans son livre, Changer de destin, Hollande avait écrit des mots terribles sur le leader centriste : « Son programme est un antiprogramme. […] En le lisant, je suis saisi par la peur du vide. » Cinq semaines plus tard, dans Paris Match, François Hollande fait amende honorable. Il regrette d’avoir ainsi fustigé le candidat du MoDem, il estime même que Bayrou a fait des propositions « utiles sur « la moralisation politique » : « Au-delà de nos différences, nous pouvons, comme républicains, avoir la même exigence. » L’un des porte-voix du candidat socialiste, Bruno Le Roux, est envoyé en mission commandée sur les antennes : « François Bayrou a appelé au changement, insiste-t-il. J’ai même le sentiment qu’il a cherché à l’incarner. Dans cette mesure, sa place n’est pas auprès de Nicolas Sarkozy, compte tenu de la politique menée pendant cinq ans par le président sortant. » Le premier tour est dans deux semaines, mais le combat des chefs du second tour a déjà commencé.

Pour dire la vérité, l’entourage de Nicolas Sarkozy, comme celui de François Hollande, flatte Bayrou autant qu’il le menace. Peut-il décemment, comme en 2007, ne pas choisir ou se contenter de dire qu’à titre personnel, il ne votera pas pour l’un ou l’autre des deux finalistes ? En coulisses, c’est un défilé permanent. Les émissaires du chef de l’État lui expliquent que sa place est aux côtés de Nicolas Sarkozy, que les points de convergence entre leurs programmes respectifs sont nombreux et que Matignon, en cas de victoire sarkozyste, lui tend les bras. Les amis de François Hollande, eux, lui font valoir au contraire qu’il serait inconcevable d’appeler à voter Sarkozy, que si tel est le cas, ils lui rappelleraient ses déclarations au vitriol contre le président sortant, son clan, ses méthodes, son approche des principes républicains, son rapport à l’argent… Ils lui rafraîchiraient la mémoire en rappelant que dans son livre, Abus de pouvoir1, il avait qualifié Sarkozy d’« enfant barbare ». Ils savent que Bayrou aime Hollande, mais pas son programme. Mais ils savent aussi qu’il n’aime pas Sarkozy mais se sent proche de ses propositions. Certes, Hollande ne lui proposera rien entre les deux tours, mais après ? En attendant, le candidat socialiste doit rassurer ses électeurs de centre droit qui s’effraient des coups de menton de Mélenchon.

Jean-François Kahn, dans un entretien au site Mediapart, le 15 avril, prépare déjà l’entre-deux-tours : si Bayrou appelle à voter Sarkozy, « il est mort ! ». L’ancien écolo devenu bayrouiste, Jean-Luc Benhamias, prévient déjà que si Bayrou n’est pas qualifié pour la finale, il votera Hollande. Le cofondateur de Marianne nous explique même, en « off », qu’il envisage « avec d’autres » une initiative pour inciter Bayrou à appeler à voter contre Sarkozy au second tour.

En attendant, c’est bien la droite qui le courtise. À l’UMP, on sait que Bayrou est isolé. On voit qu’il n’a rien dit de fort depuis son fameux « produire français ». On a compris que le vote utile, tant pour Sarkozy que pour Hollande, joue en sa défaveur. Dans les études qualitatives, on a lu que sa posture au moment du massacre de Toulouse a été mal comprise ; on a noté, aussi, le désappointement de son électorat catholique après ses prises de position en faveur de l’adoption par les couples homosexuels. Officiellement, Nicolas Sarkozy ne veut rien lui promettre. Ni Matignon, ni un ministère. L’heure n’est pas au partage des postes ! Mais depuis plusieurs jours, les offres de service sont clairement transmises, par médias interposés. Pas question de « succomber aux manœuvres de ses concurrents, jure Bayrou. […] J’ai un lien direct avec Nicolas Sarkozy et François Hollande, mais nous n’en usons pas durant la campagne ». Il n’empêche : le 6 avril, François Baroin et Valérie Pécresse conjurent le centriste de « regarder attentivement » le chiffrage du programme de Sarkozy, « Il y trouvera la réponse à toutes ses questions. » Deux jours plus tard, Jean-Louis Borloo est envoyé au front, dans Le Parisien, pour apporter sa pierre à la passerelle entre le MoDem et l’UMP : « Respectons l’indépendance de Bayrou ! », le flatte-t-il. Comment Bayrou, après cinq années d’antisarkozysme forcené, pourrait-il aujourd’hui appeler à voter Sarkozy, fût-ce contre un job de Premier ministre ? Personne n’y croit. Sauf à droite où l’on veut à toute force accréditer l’idée de cette trahison. « Au mieux, il finira par nous rejoindre, entend-on, au pire, nous convaincrons une partie de ses électeurs de voter utile dès le premier tour, en choisissant Sarkozy plutôt que Bayrou ! » Cynisme jusqu’au bout. Sauf que, pour le moment, c’est Martin Hirsch, inventeur du RSA et ancien haut-commissaire aux Solidarités actives dans le gouvernement de François Fillon, qui annonce dans Le Monde qu’il va voter Hollande. C’est Fadela Amara, l’ancienne présidente de « Ni putes, ni soumises », ex-secrétaire d’État à la Politique de la ville, l’une des plus belles prises de guerre de Nicolas Sarkozy en 2007, qui rejoint elle aussi le candidat socialiste. « Ils n’auront rien », assure Hollande. Même le clan Chirac, sauf Bernadette, aurait choisi le Corrézien. Il n’empêche : « l’ouverture », version Nicolas Sarkozy, ne se résume plus qu’à un nom : Claude Allègre, plus sarkozyste que Carla Bruni, c’est dire !

Au même moment, le comité stratégique de Nicolas Sarkozy lance une autre consigne : couvrir d’éloges « l’ami » Mélenchon. Nouvelle erreur politique. L’encore président croit qu’en flattant le leader du Front de gauche, il va discréditer Hollande. Si Mélenchon est à 15 % dans les sondages, c’est bien la preuve, dit-il, que Hollande dévisse, qu’il est « nul ». Dans le genre, Nathalie Kosciusko-Morizet n’y va pas avec le dos de la brosse à reluire : Mélenchon, dit-elle, « met en relief les insuffisances de François Hollande », il a « su créer une dynamique », il a « une identité forte », il « fait des propositions »… Nicolas Sarkozy lui-même loue « son talent », « la force de son verbe ». « Je me suis dit qu’il allait voter pour lui, plaisante François Hollande au parc des expositions de Rennes. Alors, j’ai commencé à réfléchir […]. Je me suis dit : dans quel dessein fait-il autant d’hommages à Jean-Luc Mélenchon ? À mon avis, il aime tellement la gauche, le candidat de droite, qu’il la voudrait divisée, séparée. » Bien vu. Mais Nicolas Sarkozy fait surtout fausse route. En louangeant Mélenchon, il donne de nouvelles raisons à certains de ses électeurs de voter Hollande dès le premier tour.

Séduire les électeurs de Bayrou, faire vaciller Hollande sous les coups de boutoir de Mélenchon : voilà la double stratégie perdante de Nicolas Sarkozy. Sans oublier, bien sûr, son entreprise de démolition du projet économique de Hollande avec lequel il ne faudrait pas plus de « deux jours pour mettre par terre cinq années d’efforts » des Français. Telle est la nouvelle doxa sarkozyste : avec Hollande, la France deviendra l’Espagne ; avec la gauche, les Français seraient certains d’aller se faire voir chez les Grecs… Version à peine revisitée du très gaullien : « Moi ou le chaos. » En l’occurrence, « moi ou la Grèce » !

Terrain glissant. Car c’est bien la France de Nicolas Sarkozy qui s’est vu retirer son triple A par l’agence Standard & Poor’s, le 13 janvier dernier. C’est bien dans le bilan de Nicolas Sarkozy que s’affiche en lettres de sang : 1 717 milliards d’euros de dette publique, près de 10 % de chômage.

Pourtant, le 5 avril, quand Nicolas Sarkozy présente enfin son programme, à dix-sept jours seulement du premier tour, Jean-François Copé s’enflamme : cette « Lettre au peuple français », 36 pages diffusées à 6 millions d’exemplaires, est « un texte magnifique », s’émeut-il, lyrique. Il est « empreint d’une gravité qu’on ne lui connaissait pas », « l’un des documents politiques les plus importants écrits ces dernières semaines ». « Ces dernières semaines » ? Copé n’a sans doute pas conscience du comique involontaire de ce compliment a minima. D’autant que ce document, dépourvu de ligne directrice, n’avance aucune mesure nouvelle, sinon le paiement des pensions de retraite le 1er de chaque mois et non le 8. En revanche, il dénonce, encore et toujours, une gauche laxiste sur la sécurité, dépensière en matière de finances publiques et floue sur les questions de société et de politique étrangère. « Aidez-moi à construire une France forte », exhorte le Président. Tout ça pour ça ?

Exégèse d’un député UMP, rencontré le samedi 7 avril dans un café non loin des Invalides :

« Il ne s’agissait pas simplement, pour Nicolas Sarkozy, de chiffrer, deux mois après Hollande, un catalogue de mesures, mais de défendre des valeurs. Une France qui a besoin de frontières pour se protéger. Une France qui doit faire respecter son identité. La nécessité de réduire les déficits publics pour rendre aux Français la maîtrise de leur destin… L’exercice était certes difficile pour celui qui a exercé la fonction pendant cinq ans et aspire à sa propre réélection. Mais cette lettre aux Français est avant tout une manière directe de s’adresser au peuple. C’est beaucoup plus efficace qu’un livre. Regardez : que reste-t-il du livre de François Hollande ? Rien. Pour Sarkozy, la seule chance de l’emporter est de créer ce lien direct avec les Français. L’idée d’appeler à une grande manifestation sur la place de la Concorde, le 15 avril, c’est son idée. Montrer, par la force des images, que le peuple est avec lui, quand seuls les militants de gauche seront à Vincennes pour soutenir Hollande. Des oriflammes bleu-blanc-rouge à la Concorde, des drapeaux partisans à Vincennes. Tout cela est cohérent avec sa volonté de rassemblement.

– Admettons. Sauf que, dans toutes les projections de second tour, Nicolas Sarkozy continue à être nettement battu.

– Oui, mais vous verrez, sans doute dira-t-il, à un moment ou à un autre, que le contexte de crise impose un gouvernement d’union nationale avec les centristes et les bonnes volontés venues de la gauche modérée. En tout cas, aujourd’hui, Nicolas Sarkozy a sécurisé le premier tour. Souvenez-vous, il y a deux mois ce n’était pas évident. Certains parlaient même d’un éventuel 21 avril 2002 à l’envers. Marine Le Pen se rapprochait dangereusement de Nicolas Sarkozy. Aujourd’hui, il sait qu’il sera en tête au premier tour. Il commence donc à préparer le second tour en envoyant des signaux à l’électorat centriste. Ce n’est pas gagné, mais c’est encore jouable. Lui y croit, moi aussi.

– Dans les conversations que vous avez avec lui, Nicolas Sarkozy admet-il qu’il a eu tort de sous-estimer François Hollande ?

– Il ne l’a pas sous-estimé. Il se considère au-dessus de lui. Il estime que Hollande n’est pas taillé pour le job, qu’il n’a pas le “gabarit”, comme dit Bernadette Chirac. C’est vrai que Hollande ne nous rend pas la partie facile. Son idée, par exemple, de présenter, à la veille du programme présidentiel de Sarkozy, un agenda de sa première année de président prouve qu’il est un fin politique. Il brouille les annonces de son adversaire et adresse un message direct aux électeurs de Mélenchon. Mais ça ne suffira pas pour être devant Sarkozy au premier tour. Après, c’est une autre histoire qui commence. Comment Hollande séduira-t-il les électeurs de Bayrou quand Mélenchon aura appelé à voter pour lui au second tour ? J’attends de voir ça avec impatience. »

 

Meeting de François Hollande à Rennes, le 4 avril. L’idée de se servir de ce rendez-vous pour présenter en détail le déroulé de sa première année de président de la République a été prise quelques jours auparavant en comité stratégique. Le lundi 2 avril précisément, à son retour de Mayotte. Dans l’avion, entre deux longues séances de récupération, il a pris le temps de réfléchir et d’écrire. Aussitôt arrivé à Paris, il convoque sa garde rapprochée, Valls, Moscovici et Le Foll. Certains suggèrent la bagarre avec Sarkozy. D’autres proposent de nouvelles mesures choc, histoire de reprendre la main. Hollande tranche : on ne change pas de stratégie. Pas question de se prêter au petit jeu que Sarkozy réclame de ses vœux. Ce sera le combat (« Son projet, moi, je le connais : c’est son bilan en pire ! ») et l’agenda.

L’idée vise, certes, à atténuer l’effet médiatique de la présentation du programme de Sarkozy. Elle présente au moins deux autres vertus : administrer la preuve que le candidat socialiste n’est pas seulement figé dans l’antisarkozysme, mais qu’il est prêt à gouverner « autrement » ; surtout, François Hollande craint que le 4 avril au soir, dans la capitale bretonne, les médias ne soient préoccupés que par ses retrouvailles avec Ségolène Royal. En détaillant le programme de ses « 365 premiers jours », il compte bien détourner l’attention, privilégier le fond sur l’image.

Depuis plusieurs mois, Laurent Fabius travaille avec ses équipes sur ce calendrier. Il en avait déjà fait état, pour partie, lors de l’université d’été du PS à La Rochelle, en septembre 2011. À l’époque, il planchait pour Martine Aubry. Aujourd’hui, tous ses conseillers sont au service exclusif de François Hollande. Dans l’avion, le candidat a amendé, précisé, complété le travail de Fabius. Le mardi 3 avril, tout est prêt. À vos éphémérides ! Dès le mois de mai, baisse de 30 % de son salaire de président, hausse de 25 % de l’allocation de rentrée scolaire, décret instaurant la possibilité de prendre sa retraite à 60 ans pour ceux qui auront cotisé quarante-et-une annuités, encadrement des loyers, blocage des prix de l’essence pendant trois mois – applicable, donc, pendant les grandes vacances. Dès le 3 juillet, après les législatives et l’installation du nouveau gouvernement, session parlementaire exceptionnelle jusqu’au 2 août. Au programme, réforme de la fiscalité, plafonnement et suppression de certaines niches fiscales, retour au barème précédent de l’ISF, taxation à 75 % des revenus supérieurs à un million d’euros, suppression de la TVA sociale, réforme bancaire. Puis, à partir de septembre 2012, nouvel acte de décentralisation, lancement de la banque d’investissement, création de 100 000 emplois d’avenir (sur les 150 000 prévus sur la durée du quinquennat), entrée en vigueur du contrat de génération.

Le calendrier est tout aussi serré pour les questions internationales : G8 de Camp David les 18 et 19 mai ; puis sommet de l’Otan à Chicago les 20 et 21 mai où sera annoncé officiellement le retrait des forces françaises d’Afghanistan ; transmission aux États membres de l’Union européenne – et singulièrement à la chancelière allemande Angela Merkel – d’une proposition de « pacte de responsabilité de croissance et de gouvernance ».

Le contrefeu a fonctionné : du programme de Nicolas Sarkozy, les médias n’ont quasiment rien retenu. D’autant que la nouvelle séquence qui s’ouvre oblige télés et radios à accorder le même temps de parole, la même exposition à tous les candidats. D’ailleurs, guerre psychologique ou pas, les sondages se suivent et se ressemblent. Pour l’institut CSA, le 4 avril, Sarkozy est stable à 30 % et Hollande gagne 3 points à 29 %. Second tour : 54 contre 46. Rien de nouveau sous le soleil. Ce qui change, en revanche, c’est le pronostic de victoire : celle de François Hollande n’est plus envisagée que par 44 % des personnes interrogées (- 4). Preuve de l’inquiétude réelle des opposants à Nicolas Sarkozy. Ce sentiment, d’ailleurs, s’autoalimente et produit une forme de remobilisation de l’électorat de droite. Pour accréditer l’idée que la campagne de Hollande patine, les observateurs politiques font remarquer que 59 % de ses électeurs le choisissent non par adhésion à sa personne ou à son programme, mais pour que Nicolas Sarkozy ne soit pas président de la République. Aucun ne fait remarquer que l’inverse est vrai : 46 % des électeurs de Sarkozy souhaitent sa victoire, mais 53 % souhaitent d’abord la défaite de François Hollande. Simple tradition de l’élection présidentielle en Ve République : au premier tour, on choisit ; au second tour, on élimine !

1- Paris, Plon, 2009.