CHAPITRE XV
Les Perses en Égypte
La défaite de Psammétique III marque la fin d'une
politique et consomme l'isolement de l'Egypte. Les alliés grecs
font défection au moment de l'affrontement : Phanes d'Halicarnasse
passe à l'ennemi à Gaza. Polycrate de Samos, lui, avait déjà trahi
Pharaon. Les opposants traditionnels que sont les Bédouins, «
coureurs des sables », servent de guides aux troupes perses pour
traverser le Sinaï. Mais, au-delà des appuis militaires, Cambyse II
est bien accueilli par des minorités comme celle de la communauté
juive d'Éléphantine ainsi que par certains membres de
l'aristocratie égyptienne. Il est même fortement probable que le
sac de villes d'Égypte et en particulier de Thèbes que rapportent
les sources grecques n'a jamais eu lieu. En tout cas, il n'a
certainement pas eu l'ampleur que lui prêtent ces textes, fortement
influencés par la propagande antiperse. Bien au contraire, les
intérêts des nouveaux maîtres du pays semblent avoir rencontré ceux
d'une certaine tradition nationale qui se maintenait dans les
classes les plus favorisées. C'est là une constante : deux siècles
plus tard, Darius III Codoman puis, après lui, Alexandre et ses
héritiers, trouveront toujours à leur disposition une élite sociale
prête à assurer leur relais pour administrer le pays en maintenant
la fiction d'une administration indigène dans une société aux
apparences immuables. Un de ces fonctionnaires passés au service
des Perses, Oudjahorresné, était l'exemple même du haut dignitaire
cultivé. Prêtre de Saïs et médecin, il avait été officier de marine
sous Psammétique III et Amasis. Il raconte, dans son autobiographie
écrite sur une statue le représentant en naophore et conservée
aujourd'hui au Vatican, comment il introduisit Cambyse dans la
culture égyptienne afin de lui permettre de prendre, comme le
feront désormais les maîtres de l'Égypte, l'aspect d'un pharaon
:
« II vint en Égypte, le grand roi de tous les pays
étrangers, Cambyse, tandis que les étrangers de tous les pays
étrangers étaient avec lui. Lorsqu'il eut pris possession de cette
terre entière, ils y fixèrent leur résidence, et il fut grand
souverain de l'Égypte, grand roi de tous les pays étrangers. Sa
Majesté m'assigna la fonction de médecin-chef. Elle me fit vivre
auprès d'Elle en qualité de compagnon et de directeur du palais et
composer Sa titulature à savoir Son nom de roi de la Haute et de la
Basse Égypte Mestyou-Rê » (Posener : 1936, 7).
Les Perses en effet n'appliquent pas à l'Égypte le
régime de leur pays. Certes, la Vallée va devenir une satrapie dont
Cambyse II confie le commandement à Aryandès en 522 avant d'aller
lutter contre la révolte fomentée par le prétendant au trône
Gaumata. Mais les rois de Suse vont régner sur l'Egypte en tant que
pharaons, adoptant tous, à l'image de Cambyse II, une titulature
complète et continuant l'œuvre de leurs « prédécesseurs »
égyptiens.
XXVIIe DYNASTIE | |
---|---|
525-522 | Cambyse II |
522-486 | Darius Ier |
486-465 | Xerxès |
465-424 | Artaxerxès |
424-405 | Darius II |
405-359 | Artaxerxès II |
XXVIIe DYNASTIE | |
404-399 | Amyrtée |
XXIXe DYNASTIE | |
399-393 | Néphéritès Ier |
393 | Psammouthis |
393-380 | Achôris |
380 | Néphéritès II |
XXXe DYNASTIE | |
380-362 | Nectanébo Ier |
362-360 | Tachos |
360-343 | Nectanébo II |
Tableau chronologique des XXVIIe-XXXe
dynasties.
Manifestement, Oudjahorresné plaide d'abord la
cause de sa ville, Saïs, pour laquelle les nouveaux venus n'avaient
pas tous les égards que méritait son vénérable sanctuaire :
« Je fis que Sa Majesté connût la grandeur de Saïs
: c'est la résidence de la grande Neïth, la mère qui a donné
naissance à Rê et a inauguré la naissance, alors que la naissance
n'existait pas encore (...). Je me suis plaint auprès de la Majesté
du roi de Haute et Basse Égypte Cambyse au sujet de tous les
étrangers qui s'étaient installés dans le temple de Neïth, pour
qu'ils soient chassés de là, afin que le temple de Neïth soit dans
toute sa splendeur comme il en était auparavant. Sa Majesté ordonna
de chasser tous les étrangers qui s'étaient établis dans le temple
de Neïth, de jeter bas leurs maisons et toutes leurs immondices qui
étaient dans ce temple. Lorsqu'ils eurent emporté tous leurs biens
eux-mêmes hors de l'enceinte de ce temple, Sa Majesté ordonna de
purifier le temple de Neïth et d'y replacer tous ses gens (...) et
les prêtres horaires du temple; Sa Majesté ordonna de restituer les
revenus des biens wakf à la grande
Neïth, la mère du dieu Rê et aux grands dieux qui sont dans Saïs,
comme il en était auparavant; Sa Majesté ordonna de conduire toutes
leurs fêtes et toutes leurs processions, comme cela se faisait
auparavant. Sa Majesté a fait cela parce que j'avais fait que Sa
Majesté connût la grandeur de Saïs qui est la ville de tous les
dieux qui y sont établis sur leurs trônes, éternellement. »
(Posener : 1936, 7-16.)
Des travaux entrepris au Ouadi Hammamat par
Cambyse II ainsi que dans d'autres temples d'Égypte confirment
cette politique de respect des sanctuaires et des cultes nationaux.
L'enterrement solennel d'un Apis en l'an 6 de Cambyse contredit
également la tradition d'impiété que les sources postérieures
prêtent au souverain achéménide. Si l'on en croit Hérodote, Ctésias
et surtout le Roman de Cambyse ou la
Chronique de Jean de Nikiou (Schwartz :
1948), qui sont nos principales sources sur la période, Cambyse se
serait conduit avec la dernière des sauvageries, assassinant l'Apis
à Memphis. Il aurait également procédé à des déportations massives
d'opposants, etc. Ces textes ne font que transcrire le fonds de
propagande nationaliste qui se développe moins sous la domination
perse que plus tard : lorsque les Grecs, vainqueurs des Perses et
nouveaux maîtres du pays, entretiennent soigneusement cette autre
forme de damnatio memoriae de leurs
anciens rivaux.
Cambyse II a tenté de s'emparer de la Nubie et des
oasis. Ce fut en vain, et son expédition vers Siwa, peut-être à la
recherche déjà de la confirmation de l'oracle d'Amon devant lequel
Alexandre se présentera plus tard, fut catastrophique. Il y aurait
perdu une armée entière, dont les archéologues croient de temps à
autre retrouver la trace sous le sable du désert... Peut-être la
mauvaise réputation de l'administration perse fut-elle due à la
gestion du satrape Aryandès, qui dura de 522 à 517. Darius
Ier, monté sur le trône en 522, dut se
rendre en Égypte pour le destituer avant que le pays ne se révolte
complètement. Il semble bien qu'Aryandès, qui menait sa propre
politique, battant monnaie à sa propre effigie et prenant
l'initiative de s'emparer de Cyrène lorsque les Libyens se
révoltèrent contre leurs maîtres doriens, n'ait pas eu envers les
coutumes égyptiennes les égards qu'avait son roi.
Darius Ier fait mettre
à mort Aryandès et le remplace par Phérendatès. Il prend également
des mesures propres à apaiser les esprits : il fait compléter le
percement du canal de Nékao II entre la mer Rouge et la
Méditerranée afin de pouvoir tirer un meilleur profit de l'Égypte,
la plus riche de ses satrapies, et met en valeur les écoles de
pensée égyptiennes, comme nous l'apprend Oudjahorresné, qui avait
dû suivre le roi à Suse :
« La Majesté du roi de Haute et Basse Égypte
Darius, qu'il vive éternellement, m'ordonne de retourner en Egypte
— tandis que Sa Majesté se trouvait en Élam, alors qu'Elle était
grand roi de tous les pays étrangers et grand souverain de l'Égypte
—, pour remettre en état l'établissement de la Maison de Vie (...)
après la ruine. Les Barbares me portèrent de pays en pays et me
firent parvenir en Égypte, comme l'avait ordonné le seigneur du
Double Pays. Je fis selon ce que Sa Majesté m'avait ordonné. Je les
ai pourvus de tous leurs étudiants qui étaient des fils de
personnes de qualité, sans qu'il y ait des fils de petites gens. Je
les ai placés sous la direction de tout savant (...). Sa Majesté
ordonna de leur donner toutes les bonnes choses afin qu'ils pussent
faire tous leurs travaux. En conséquence, je les ai dotés de toutes
leurs choses utiles et de tous leurs accessoires indiqués par les
écrits, comme il en était auparavant. Sa Majesté a fait cela, parce
qu'Elle connaissait l'utilité de cet art pour faire vivre tout
malade et pour faire durer le nom de tous les dieux, leurs temples,
les revenus de leurs biens wakf et la
conduite de leurs fêtes, éternellement. » (Posener : 1936,
22.)
Il rétablit les domaines divins dans leurs
prérogatives et fait construire le temple d'Hibis, dans l'oasis de
Kharga. Il commande des travaux de restauration à Bousiris et Elkab
et fait rouvrir les carrières du Ouadi Hammamat. On a même retrouvé
à Suse l'une des statues qui y furent taillées. Il entreprend
également une réforme administrative et juridique, avec la
constitution d'un Code et la frappe de monnaie locale... Il laisse
le souvenir du roi étranger le plus proche des préoccupations du
pays, et l'on peut supposer que l'Égypte s'engageait sous son
autorité vers une période de prospérité. Mais une fois encore, la
politique extérieure transforme le destin de la Vallée. En 490, les
Grecs défont les Perses à Marathon, contraignant Darius à
concentrer son attention sur un autre front. Le Delta en profite
pour se révolter en 486. Darius Ier
meurt avant de pouvoir intervenir, et c'est Xerxès qui lui succède
sur le trône d'Égypte. Il mate la révolte et met à la tête de la
satrapie d'Égypte son propre frère, Achaiménès, qui durcit
l'administration du pays dans des proportions telles que longtemps
après, à l'époque ptolémaïque, le nom de Xerxès sera désigné dans
les textes égyptiens avec un déterminatif normalement réservé aux
ennemis vaincus. Mais les événements se précipitent. Achaiménès
conduit en 480 pour le compte de son frère les deux cents vaisseaux
égyptiens qui viennent renforcer la flotte perse contre les Grecs.
La défaite de Xerxès à Salamine et son assassinat encouragent les
Égyptiens à la révolte : ils passent aux actes sous le règne de son
successeur, Artaxerxès Ier, qui monte
sur le trône de Perse en 465.
Inaros entame alors la lutte que nous avons
évoquée plus haut. C'est un dynaste libyen, fils du dernier
Psammétique, qui regroupe les forces nationalistes éparses dans le
Delta et se déclare roi. Le prince Amyrtée, descendant des rois
saïtes, se range à ses côtés. A eux deux, ils se rendent maîtres de
toute la Basse-Égypte jusqu'à Memphis. Athènes leur envoie une
escadre pour les aider à affronter les Perses. La bataille a lieu à
Papremis : Achaiménès y est tué et les insurgés marchent sur
Memphis avec leurs alliés grecs. Après des combats à l'issue
incertaine, les Perses l'emportent : les Grecs s'enfuient, et
Inaros est fait prisonnier sur l'île de Prosopis. Il sera mis à
mort en Perse en 454. Arsamès remplace Achaiménès à la tête de la
satrapie. La Grèce et la Perse font la paix. Pendant une
génération, le calme revient dans le pays, et c'est une Égypte en
apparence sereine et prospère que visite Hérodote : Arsamès
confirme les fils d'Inaros dans leurs pouvoirs et s'abstient de
toute mesure susceptible de ranimer la révolte. Les fonctionnaires
perses installés en Égypte adoptent de plus en plus le style de vie
du pays, voire égyptianisent leurs noms.
Mais le feu qui couvait éclate après les troubles
qui marquent la succession d'Artaxerxès à Suse. Lorsque Darius II
prend le pouvoir en 424, il redonne vie à la politique de
conciliation de Darius Ier en
continuant, entre autres, la décoration du temple d'Hibis. Il
reçoit dans le pays l'appui de la communauté juive d'Éléphantine,
ce qui contribue à l'exaspération des courants « nationalistes »
qui détruisent le temple de celle-ci en l'an 17 de son règne. Les
Grecs, et tout particulièrement Sparte, encouragent le principal
foyer de la rébellion qui se trouve à Saïs. Le petit-fils
d'Amyrtée, qui porte le même nom que son grand-père, se révolte
ouvertement en 404, après plus de six années d'opposition plus ou
moins clandestine. Il se fait couronner pharaon l'année même de la
mort de Darius II et fonde la XXVIIIe
dynastie, dont il sera l'unique représentant. En moins de quatre
ans, son pouvoir est reconnu jusqu'à Assouan, les derniers à le
faire étant les membres de la communauté juive d'Éléphantine. Aucun
monument ne lui a survécu, et l'on ne sait pratiquement rien de son
règne, qui dure jusqu'en 398. La facilité avec laquelle sa révolte
a abouti et la quasi-absence de réaction de Suse s'explique par la
querelle de succession qui déchire les Perses à la mort de Darius
II : c'est la lutte fratricide entre Artaxerxès et Cyrus II relatée
par Xénophon. Il rapporte que, lorsque Cyrus fut vaincu, le chef de
ses mercenaires grecs, Tamos, se réfugia en Égypte, où le pharaon
(qu'il appelle à tort Psammétique) le fit mettre à mort. Peut-être
cet acte, en apparence incompréhensible puisque les Égyptiens et
les Grecs étaient des alliés naturels contre le Perse, était-il un
gage de bonne volonté envers le nouveau roi de Suse qui, de son
côté, n'avait pas alors les moyens de tenter une reconquête de
l'Égypte et était prêt à accepter une prudente neutralité ?
Le retour à l'indépendance
Quoi qu'il en soit, Amyrtée II ouvre la dernière
période d'indépendance nationale. Elle va durer moins d'un siècle,
de 404 à 343, et verra deux dynasties succéder à la
XXVIIIe : la XXIXe, qui ne dure que vingt ans, et la XXXe qui en dure tout juste le double. On ne sait pas
grand-chose de la façon dont Néphéritès Ier succède à Amyrtée : il prend le pouvoir à
l'automne 399. Sa carrière antérieure est totalement inconnue :
c'était sans doute un militaire. Il était originaire de Mendès, ce
qui fait qu'on lui attribue généralement des ancêtres libyens. On
ne connaît pas les conditions exactes du changement de dynastie.
Rien n'indique qu'il y ait eu des violences à travers le pays, bien
qu'un document unique — un papyrus araméen conservé au Musée de
Brooklyn — laisse entendre qu'il y aurait eu lutte ouverte entre le
fondateur de la XXIXe dynastie et son
prédécesseur : Néphéritès aurait capturé Amyrtée et l'aurait fait
mettre à mort à Memphis avant d'établir sa capitale dans sa ville
natale. Ce choix de Mendès paraît d'autant plus vraisemblable que
les fouilles récentes qui y sont menées conjointement par le
Brooklyn Museum et l'Université de New York ont confirmé l'activité
de constructeur de Néphéritès Ier sur
ce site. On n'y a toutefois pas encore retrouvé la nécropole royale
que l'on est en droit d'y attendre.
Il se fit peut-être couronner à Memphis ou à Saïs,
comme plus tard Nectanébo Ier
(Traunecker : 1979, 420), pour des raisons purement politiques. Il
affirme en effet dans son protocole la même volonté qu'Amyrtée de
mener une action nationale qui fait référence à celle des rois de
la XXVIe dynastie : il adopte le même
nom d'Horus que Psammétique Ier. Son
règne est plus court et moins glorieux que celui de son modèle :
Manéthon lui accorde six ans, mais on ne connaît pas de document
daté au-delà de sa quatrième année. Son activité est loin d'être
négligeable. Il est bien attesté dans le Nord, à Tell Tmaï, Tell
Roba, Tell el-Faraïn, Saqqara et Memphis, où un Apis est enterré en
l'an 2 de son règne. On a retrouvé trace également du culte d'une
de ses statues à Akhmîm, et l'on suppose qu'il est à l'origine,
dans le temple d'Amon-Rê de Karnak, de la construction du magasin
des offrandes situé au sud du Lac sacré et de la chapelle-reposoir
dont Achôris terminera l'exécution en avant du Ier pylône (Traunecker : 1979, 423).
À sa mort, dans le courant de l'hiver 394-393,
deux factions rivales se disputent le pouvoir. Dans un premier
temps, le parti légitimiste l'emporte, si l'on en croit la
Chronique démotique : le fils de
Néphéritès, le Mouthis de la liste manéthonienne, règne quelques
mois. Mais son autorité est contestée par Psammouthis, Pa-chéri-en-Mout, « Le fils de Mout », qui lui
enlève le trône et se fait couronner sous le nom de Ouserrê, « Rê est puissant », « l'Élu de Ptah ».
L'usurpateur, dont la Chronique fustige
l'impiété, ne règne lui-même qu'un an, cédant la place à Achôris,
qui fait « disparaître » son règne en l'incluant dans son propre
comput, qu'il fait partir de la mort de Néphéritès Ier. Pour bref qu'il ait été, le règne de
Psammouthis a laissé des traces, surtout à Karnak, où il poursuit
l'œuvre de Néphéritès, contrairement à ce que l'on aurait pu
attendre. Il est aussi présent à Akhmîm, mais n'y est pas l'objet,
lui, d'un culte, ce qui laisserait supposer ou bien que la
tradition le considérait effectivement comme un usurpateur, ou bien
que son successeur est parvenu à gommer entièrement son
règne.
Lorsqu'il prend le contrôle du pays, Achôris est
animé, en effet, d'un grand souci d'affirmer sa légitimité,
soulignant ses relations avec Néphéritès Ier à la fois sur les monuments et par le choix
d'une titulature s'inscrivant dans le droit-fil de la politique
dynastique. Son œuvre confirme largement ses intentions. Le nom
même de son fils, qui lui succédera quelques mois au cours de l'été
380 avant de se faire détrôner par Nectanébo Ier, Néphéritès II laisse supposer en lui un
petit-fils du fondateur de la dynastie... Mais peut-être ce trop
grand zèle porte-t-il témoignage d'une origine moins assurée que ne
l'affirme le nouveau pharaon en se donnant, comme autrefois
Amenemhat Ier et Séthi Ier, le nom de ouhem-mesout, « Celui qui renouvelle les naissances
» ? Nectanébo Ier à son tour le
présentera comme un usurpateur, en se réclamant lui-même de
Néphéritès Ier. Nous manquons de
documents précis pour démêler avec certitude cette succession pour
le moins difficile, et le plus prudent est encore de considérer
Achôris et Nectanébo comme des collatéraux en rivalité pour la
conquête du pouvoir (Traunecker : 1979, 432 sq.).
Quoi qu'il en soit, les quatorze années pendant
lesquelles règne Achôris voient un certain renouveau national qui
se manifeste par la reprise de grands travaux dans les temples : à
Louxor et Karnak, où il mène à son terme le programme entrepris par
Néphéritès Ier, Medinet Habou, Elkab,
Tôd, Médamoud, Éléphantine, en Moyenne-Égypte, au Sérapeum, et
aussi dans le temple d'Hibis à Kharga, etc. Un certain nombre de
statues et objets à son nom, comparativement beaucoup plus nombreux
que ceux laissés par ses prédécesseurs, confirment cette
impression. Le fait que l'on en ait retrouvé jusqu'en Phénicie
indique également une reprise sur le plan international...
On est toutefois loin de la « renaissance » saïte.
Certes, les grandes carrières du pays reprennent de l'activité, le
commerce est florissant, et l'Égypte est à nouveau présente au
Proche-Orient. Elle n'a toutefois plus les moyens d'y jouer un rôle
de premier plan. Elle se contente de participer, indirectement
même, aux côtés des cités grecques à la lutte contre les Perses,
dont la crainte fait l'unanimité en Méditerranée. Ceux-ci
d'ailleurs refusent de considérer l'Égypte comme une puissance
autonome, pour ne voir en elle qu'une satrapie rebelle. Ainsi,
Néphéritès Ier avait-il déjà décidé de
fournir en 396 à Sparte des vivres et du matériel au titre de
l'effort de guerre contre l'ennemi commun. Malheureusement, l'envoi
était tombé en 395 aux mains des Rhodiens qui étaient passés du
côté des Perses, et, après cet envoi inutile, l'Égypte ne participa
plus par la suite aux combats, même indirectement.
Le désengagement progressif de Sparte d'Asie
Mineure après la bataille navale de Cnide en 394 et surtout la
défaite de 391 ainsi que l'entrée en lice d'Athènes aux côtés de
Chypre en 390/389 modifièrent ensuite le rapport de forces en
Méditerranée. Pour l'Égypte, ce n'était qu'un changement de
partenaires, plutôt favorable même dans la mesure où la révolte
d'Evagoras de Chypre contre le Grand Roi fixait les troupes de
celui-ci suffisamment loin des bords du Nil. Achôris passe donc un
traité avec Athènes en 389 : il a ainsi les mains libres pour
organiser ses forces. Ce répit dure jusqu'en 386, c'est-à-dire
jusqu'à la paix d'Antalcidas, aux termes de laquelle les cités
grecques renoncent à combattre Artaxerxès II, qui se voit ainsi
soulagé du front européen. Le satrape Pharnabaze peut se tourner
vers l'Égypte, dernier obstacle avec Chypre à l'hégémonie
perse.
C'est Achôris qui supporte le choc des armées
perses qui tentent pendant trois ans, de 385 à 383, de vaincre une
Égypte beaucoup mieux organisée qu'elle n'était une génération plus
tôt. Au lieu d'être divisées, ses forces sont regroupées sous une
seule autorité. La flotte égyptienne est l'une des plus puissantes
de son temps, et l'armée bénéficie de l'appui de troupes d'élite
grecques, encouragées par le parti antiperse et commandées par le
général athénien Chabrias qui fortifie durablement les abords de la
branche pélusiaque du Nil. Non seulement les tentatives perses se
soldent par un échec, mais les Égyptiens parviennent à reprendre
pied au Proche-Orient pendant qu'Evagoras, de son côté, profitant
de l'engagement perse contre l'Égypte, s'assure la maîtrise de la
mer et pousse son avantage jusqu'à Tyr.
Les Perses décident alors de faire porter tous
leurs efforts contre Chypre. Nous sommes en 381 : Tiribaze et
Orontes affrontent Évagoras avec des troupes supérieures en nombre,
mais sans grande réussite. Sur terre, Évagoras parvient à bloquer
leur ravitaillement, réduisant l'armée perse à la famine et la
poussant, par voie de conséquence, à la rébellion. Sur mer, il est
moins chanceux. Il affronte la flotte perse au large de Kition :
après un premier succès, il doit battre en retraite jusqu'à
Salamine, en ayant perdu la plus grande partie de ses forces.
Orontes l'y poursuit et fait le blocus de la ville. Évagoras
parvient à s'échapper pour aller demander du secours à la Cour
d'Egypte. Mais Achôris, qui avait déjà fourni un renfort conséquent
en navires, troupes et approvisionnement, juge la cause d'Évagoras
perdue : Évagoras regagne Salamine avec pour seule aide une somme
dérisoire. Il ne lui reste qu'à négocier avec le vainqueur. Il
profite des dissensions entre Orontes et Tiribaze pour obtenir une
paix sans soumission qui met fin à dix années de guerre.
Nous sommes à l'été 380. Cette fois-ci, les Perses
peuvent réellement envisager de remettre la main sur l'Égypte : ils
ont obtenu des cités grecques et du front de l'Ouest tout ce qu'ils
pouvaient espérer, et la mort d'Achôris rend la circonstance encore
plus favorable. Sa succession est en effet difficile : comme nous
l'avons vu, son fils Néphéritès II est rapidement détrôné par
Nectanébo fils de Tachos, le dynaste de Sébennytos, l'actuelle
Samannoud, qui s'était proclamé roi quelques mois auparavant. Cette
crise, pour brève qu'elle ait été, Nectanébo Ier s'étant assuré définitivement le contrôle du
pays tout entier au mois de novembre 380, ajoutée à l'isolement
politique de Pharaon, pouvait provoquer une faille dans la défense
égyptienne. Restait un ultime danger : le général Chabrias,
désormais présent aux côtés de Nectanébo qu'il avait aidé à
consolider son pouvoir. Non seulement Suse obtient son rappel par
Athènes au cours de l'hiver 380/379, mais le gouvernement athénien
envoie au Grand Roi l'un de ses plus brillants stratèges,
Iphicrate, pour commander les auxiliaires grecs de l'armée qu'il
met sur pied pour marcher contre l'Égypte. Ces préparatifs, à
nouveau retardés par des dissensions dans le haut commandement
entre Grecs et Perses et entre les Perses eux-mêmes, prennent six
ans, et ce n'est qu'au printemps de 373 que les forces du Grand Roi
quittent le nord de la Palestine, par voie de terre le long de la
côte et par mer.
La flotte, c'est-à-dire essentiellement le
contingent grec, arrive la première et renonce à pénétrer en Égypte
par la branche pélusiaque du Nil, dont Nectanébo avait eu le temps
de renforcer les défenses naturelles et artificielles par une série
de fortifications et de pièges. Iphicrate et Pharnabaze choisissent
de tenter leur chance par la branche mendésienne, moins bien
défendue. L'idée était bonne, et après de brefs combats, la route
de Memphis s'ouvre devant eux. C'est la méfiance réciproque entre
Grecs et Perses qui sauve les Égyptiens d'une défaite qui semblait
assurée. Iphicrate voudrait pousser son avantage et marcher tout de
suite sur Memphis qu'il sait mal défendue. Pharnabaze craint que
les Grecs n'en profitent pour s'emparer pour leur propre compte de
l'Égypte et impose d'attendre le gros des forces perses. Ce délai
permet au pharaon de rameuter ses troupes et de courir sus à
l'envahisseur : une meilleure connaissance des lieux et l'aide
opportune du fleuve dont la crue — nous sommes à la fin du mois de
juillet — transforme le Delta en marécage consomment la défaite des
armées du Grand Roi.
La dernière dynastie indigène
L'Égypte vient d'échapper à une nouvelle invasion
et de s'assurer une paix relativement durable, puisque les Perses
ne reviendront que trente ans plus tard, en 343. En même temps, la
défaite de Pharnabaze consacre la rupture avec Iphicrate qui,
craignant des représailles, s'en retourne à Athènes où il est nommé
stratège de la flotte en 373... au grand dam de ses anciens alliés.
Jusqu'en 366, l'Égypte reste isolée face à la Perse : les cités
grecques ont les mains liées par le Grand Roi, et tout devrait
concourir à une nouvelle tentative d'invasion de la vallée du Nil.
Mais l'empire achéménide souffre de sa trop grande taille, et le
système des satrapies accentue les courants centrifuges qui le
traversent. Artaxerxès II vieillissant laisse les liens qui relient
Suse aux provinces se relâcher : la Cappadoce, puis la Carie et les
marches de l'empire tendent à une quasi-autonomie dans les années
370. C'est encore la Cappadoce qui entre la première en rébellion
ouverte vers 368, entraînant à sa suite la Phrygie, que suivent à
leur tour Sparte et Athènes. Bientôt toute la partie occidentale de
l'empire, de l'Arménie à la Phénicie, est sur le point de se
désagréger. En moins de cinq ans, la Grande Révolte des Satrapes
atteint son apogée. Mais il est encore trop tôt pour que l'empire
s'effondre, et l'unité se refera tant bien que mal. L'Égypte
profite de ce répit, prend langue avec les satrapes révoltés et
finance certains d'entre eux après avoir renoué depuis 366 avec
Sparte et Athènes.
Depuis 365, Nectanébo Ier a associé au trône son fils Tachos (Teos).
C'est lui qui, chargé de la politique extérieure, prend une part
active à la révolte contre le Grand Roi, d'abord au nom de son
père, puis pour son propre compte lorsqu'il règne seul, de 363/362
à 362/ 361. Il entreprend même de conquérir la Syro-Palestine avec
l'aide de deux vétérans des guerres médiques : Agésilas, le vieux
roi de Sparte qui, malgré ses quatre-vingts ans, prend le chemin de
l'Égypte à la fin de 362 à la tête d'un contingent de mille
hoplites, et l'inusable Chabrias qui dirige la flotte. Un pareil
effort militaire, impensable une génération plus tôt, était
redevenu possible grâce à la gestion de Nectanébo Ier : il était parvenu à rendre à son pays un
lustre qui se voulait, encore une fois, à l'image de celui de
l'époque saïte. On en trouve la trace dans la production artistique
et littéraire de l'époque, abondante et de qualité. Le pharaon
lui-même a fait faire de nouvelles constructions, des restaurations
ou des embellissements dans presque tous les temples d'Égypte.
C'est lui, en particulier, qui a entrepris la restauration des
enceintes des temples de Karnak et l'édification du premier pylône
du temple d'Amon. Il fonde également le premier état du temple
d'Isis de Philae, fait exécuter des travaux à Elkab, Hermopolis,
Memphis, dans le Delta : à Saft el-Henneh et Tanis. Il ne limite
pas sa politique religieuse aux constructions, mais accorde encore
exemptions fiscales et bénéfices, entre autres, au temple d'Edfou
et à celui de Neïth de Saïs...
Tachos commence donc les préparatifs de guerre au
début de 361 : il forme ses propres troupes de Makimoi et prend de
lourdes mesures fiscales pour faire rentrer dans ses caisses de
quoi battre monnaie afin de payer les mercenaires grecs. Cette
dernière mesure lui vaut une impopularité que ses rivaux vont très
vite exploiter. En 360, l'armée égyptienne se dirige par voie de
terre et de mer le long de la côte vers la Phénicie. Tachos en a
pris le commandement, laissant la régence du pays à son frère
Tjahépimou, dont le fils, le futur Nectanébo II, l'accompagne à la
tête des Makimoi. La campagne tournait au succès lorsque le régent,
profitant du mécontentement général du pays contre Tachos, fait
proclamer roi son fils Nectanébo. L'armée passe tout de suite aux
côtés de son jeune chef auquel Agésilas, après en avoir référé à
Sparte, prête main forte. Tachos s'enfuit... auprès du Grand Roi,
et Chabrias rentre à Athènes. Le prince de Mendès seul s'oppose à
l'usurpateur, peut-être au nom des intérêts de la XXIXe dynastie, dont il doit être un descendant.
Toujours est-il qu'il contraint Nectanébo à abandonner ce qui sera
la dernière tentative de conquête d'un pharaon égyptien au
Proche-Orient pour rentrer en Égypte afin de faire face à cette
rébellion qui met en péril son autorité. Grâce aux talents
militaires d'Agésilas, il l'emporte sur son rival à l'automne 360.
Le vieux roi de Sparte, ayant réuni les fonds dont avait besoin sa
cité, quitte le pays, laissant Nectanébo seul maître de
l'Égypte.
Son règne dure dix-huit ans, au cours desquels il
multiplie plus encore que Nectanébo Ier
constructions et restaurations de temples, poursuivant ainsi la
surenchère de ses prédécesseurs auprès des clergés nationaux qui
sont, plus encore que par le passé, les vrais bénéficiaires d'un
système dans lequel ils représentent les seules valeurs indigènes
face aux étrangers, de plus en plus nombreux, qui font la politique
du pays. Il inaugure son règne en ensevelissant l'Apis à Memphis.
C'est aussi sous son impulsion qu'une autre hypostase animale
connaît une popularité accrue : le taureau Bouchis dont le culte
dépasse la ville d'Ermant. Il favorise, comme Nectanébo
Ier, l'ensemble des cultes, et l'on
possède plus de cent témoignages de son activité, qui touche
l'ensemble des temples d'Égypte.
La situation intérieure de l'empire perse évolue
rapidement à partir de la prise de pouvoir de Nectanébo II. Juste
avant la mort d'Artaxerxès II, c'est-à-dire dans les premiers mois
de 359, Ochos, le futur Artaxerxès III, organise une expédition
pour reprendre en main la Syro-Palestine sur les traces encore
chaudes des Egyptiens. Peut-être avait-il l'intention de poursuivre
sa campagne jusqu'en Égypte ? Il n'en a, en tout cas, pas le temps
; la mort du Grand Roi le rappelle dans la capitale. Ensuite, la
mise en ordre de l'empire, puis les troubles survenus à nouveau
dans les provinces d'Asie Mineure le retiennent jusqu'en 352. Il
est alors presque arrivé à reconstituer l'ancienne puissance perse.
Malgré l'influence montante de la Macédoine, il a repris le
contrôle de l'Asie Mineure, et il ne manque à l'empire que de
reconquérir l'Égypte, que ne protège plus aucune alliance. Il s'y
emploie au cours de l'hiver 351/350 en prenant personnellement la
tête d'une armée d'invasion. C'est un échec.
Cette défaite a des conséquences qui dépassent de
loin le plan militaire. Les cités grecques, et surtout la
Macédoine, en tirent argument pour pousser à l'union sacrée contre
le Grand Roi qui vient de montrer qu'il est bien loin d'être
invincible. Le premier craquement a lieu en Phénicie : Sidon se
révolte, s'arme et s'allie à l'Égypte. Le mouvement gagne Chypre ;
la Cilicie vacille ; les Juifs songent à la révolte... Sans doute
l'Égypte aurait-elle pu prendre la tête d'une fédération regroupant
les provinces révoltées, mais Nectanébo II se contente de fournir
4000 mercenaires grecs à Sidon lorsque Artaxerxès lance, en 346,
ses troupes de Syrie et de Cilicie contre la cité. C'est la seule
victoire des révoltés. Chypre se soumet en 344, à l'exception de
Salamine où Pnytagoras est assiégé, et Artaxerxès III recrute à son
tour à partir de la même année des mercenaires dans les cités
grecques pour les envoyer contre l'Égypte. Il marche sans coup
férir sur Sidon, dont la population, fortement armée et prête au
combat, est trahie... par son propre roi, Tennes, qui livre à
Artaxerxès III les principaux dirigeants de la ville avant d'être à
son tour exécuté. Préparés à une résistance héroïque, les citoyens,
qui n'avaient pas hésité à mettre le feu à leur flotte pour
s'interdire toute fuite, choisissent de périr dans l'incendie de
leurs propres maisons. La destruction et le pillage de Sidon — qui
firent plus de quarante mille morts ! — incitèrent les autres cités
phéniciennes à se soumettre. Même Pnytagoras se rend en 343.
Artaxerxès peut marcher sur l'Égypte à l'automne, à la tête d'une
armée dont le commandement est assuré par les meilleurs stratèges
du moment, parmi lesquels Bagoas et Mentor de Rhodes.
Nectanébo II s'était, de son côté, préparé à
résister en s'aidant des installations défensives de la branche
pélusiaque du Nil, avec des forces relativement modestes : environ
100 000 hommes, dont 40 000 étaient des mercenaires, à parts égales
grecs et libyens. Mais les Perses connaissaient le détail des
fortifications par les vétérans grecs de 350, et la saison avait
été mieux choisie qu'en 373 : le Nil ne viendrait pas au secours
des Égyptiens. L'armée perse, divisée en plusieurs corps, prend
tout à la fois Péluse et s'avance dans le Delta, transformant en
guides les paysans qu'elle fait prisonniers. Nectanébo II, qui est
loin de posséder le génie militaire des généraux grecs auxquels il
eût été mieux inspiré de laisser le commandement des opérations,
doit se replier sur Memphis. Les Perses, profitant des dissensions
que la défaite ne manque pas de faire éclater entre garnisons
grecques et égyptiennes, prennent possession de Bubastis, dont la
capitulation est suivie par celle des autres places fortes. Dans
Memphis, Nectanébo II voit sa cause perdue et décide de s'enfuir
vers le Sud, hors de portée du vainqueur. Il réussit manifestement
à lui échapper, au moins pendant deux ans tout en conservant une
certaine autorité, puisqu'un document est encore daté de l'an 18 de
son règne à Edfou. On pense généralement qu'il a trouvé refuge
auprès de l'un des princes de Basse-Nubie contemporains du
souverain de Napata Nastesen. Sur une stèle de ce roi conservée
aujourd'hui au Musée de Berlin, en effet, on a voulu lire le nom de
Khababash, pharaon éphémère qui aurait pris la succession de
Nectanébo de 338 à 336. On ne sait pas grand-chose de ce pharaon
dont le pouvoir s'est peut-être limité à l'éponymie : au moins pour
le décès d'un Apis à Memphis survenu dans sa seconde année de
règne, peut-être pour quelques actes juridiques. S'il ne fait qu'un
avec le Kambasouten avec lequel Nastesen a eu maille à partir, il
s'agit d'un prince de Basse-Nubie qui aurait pris à son compte les
intérêts de Nectanébo II, éventuellement après la mort de celui-ci,
puisqu'il se proclame pharaon à son tour. La tradition ptolémaïque
lui prête une action antiperse dans le Delta, qui aurait duré
jusque vers l'hiver 336/ 335.
Les documents assurés manquent pour être
affirmatif. Tout ce que l'on peut dire, c'est que la défaite et la
fuite de Nectanébo II marquent la fin de l'indépendance égyptienne.
Qu'une opposition nationale ait pu se maintenir jusque vers 336/335
ne change rien à l'affaire. Le vainqueur fait raser les
fortifications des principales villes et pille les temples,
contraignant les prêtres à racheter au prix fort les instruments du
culte... Il est probable qu'il ne commit pas les exactions que lui
prête la tradition grecque et qui paraissent trop fabriquées sur le
modèle de celles attribuées à Cambyse : meurtre des taureaux Apis
et Mnévis, du Bouc de Mendès, etc. Il se contenta d'installer comme
satrape un Phérendatès, homonyme de celui mis en place jadis par
Darius Ier, et de regagner sa capitale,
d'où rayonnait à nouveau la puissance incontestée des Achéménides.
L'Égypte n'aura désormais plus de volonté propre, et son sort
suivra celui de l'empire.
Le nouveau Maître de l'Univers
L'hégémonie perse, que l'on pouvait croire
installée à nouveau pour longtemps, ne dure même pas dix années.
Bagoas fait empoisonner Artaxerxès avec presque toute sa famille au
cours de l'été 338 et proclamer le jeune Arsès à sa place. Quelques
semaines plus tard, Philippe II de Macédoine remporte la bataille
de Chéronée, regroupant autour de lui toutes les forces grecques.
L'empire connaît alors un certain flottement, jusqu'en 336/335 :
c'est à ce moment qu'a dû se situer la révolte de Khababash. Au
cours de l'été 336, Arsès subit le même sort que son prédécesseur
et Darius III Codoman prend le pouvoir. Il règne en tant que
pharaon sur l'Égypte pendant les deux années qui restent à vivre à
l'empire achéménide. Au printemps de 334, Alexandre franchit
l'Hellespont. Il vainc les satrapes au mois de mai, puis Darius
lui-même à Issos à l'automne. À l'automne de l'année suivante, le
satrape Mazakes, qui avait su sauver le pays des entreprises
d'Amyntas, remet à Alexandre l'Égypte sans combat. L'oracle d'Amon
reconnaît en lui le nouveau Maître de l'Univers.