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« ONE MORE THING »

L’événement « Let’s Talk iPhone » commença, comme la plupart des Keynotes d’Apple, à 10 heures tapantes le mardi 4 octobre 2011. Les 250 invités entassés dans le Town Hall Auditorium, sur le campus Apple de Cupertino, faisaient preuve d’une certaine nervosité. Il y avait deux raisons à cela : c’était le premier lancement de produits depuis que Tim Cook avait été nommé PDG et, bien plus important, les fidèles disciples d’Apple attendaient un tout nouveau smartphone : l’iPhone 5. La rumeur d’une présentation en juin de ce dernier avait circulé, mais celle-ci n’avait pas eu lieu. Ce devait donc être pour aujourd’hui.

Cette impatience trouvait son origine dans d’autres rumeurs selon lesquelles l’iPhone 5 bénéficierait d’un nouveau « facteur de forme », donc quelque chose dont on pourrait se réjouir. (En langage geek, le « facteur de forme » désigne l’apparence physique d’un appareil, par opposition à ses composants internes, ses entrailles.) Un nouveau design serait visible, concret et nécessairement beau. Les spécialistes apprécieraient. Ces lancements de produits sont pour les experts en nouvelles technologies l’équivalent des fashion weeks pour les journalistes de mode et les acheteurs des grands magasins – bien que les clients d’Apple n’aient pas à attendre aussi longtemps entre la présentation d’un produit et sa disponibilité en magasin. De plus, les disciples d’Apple mesuraient l’importance historique de l’événement : ils pourraient être témoins du lancement du dernier produit qu’un Steve Jobs souffrant avait néanmoins supervisé, de sa conception à sa réalisation.

Les cadres dirigeants d’Apple ne dirent pas tout au public ce jour-là, comme on pouvait s’y attendre, et gardèrent pour eux un secret : à quelques kilomètres de là, Steve Jobs était mourant dans sa maison de Palo Alto. Quelques jours plus tôt, l’entreprise avait informé la police municipale de la mort imminente du cofondateur d’Apple. Les autorités locales, pensait Apple, pourraient ainsi se préparer à l’inévitable torrent d’émotions des fans, qui feraient inévitablement de sa maison un lieu saint.

Steve Jobs ne succomba en réalité que le lendemain, vers 15 heures, à la maladie qui s’était déclarée huit ans plus tôt. Mais ce jour-là, sous le ciel d’un bleu éclatant de Cupertino et dans le vacarme assourdissant de l’auditorium, le spectacle suivit son cours. Le scénario avait été écrit, les invités étaient là et les démonstrations des produits étaient prêtes. Devant le bâtiment, les camions de retransmission satellite des télévisions locales et nationales étaient garés, et on s’apprêtait à transmettre les nouvelles au reste du monde, dans ces régies de fortune. À l’intérieur du bâtiment, les journalistes et les autres invités d’Apple grignotaient des pâtisseries en sirotant café et jus de fruits. Les journalistes savaient qu’ils participaient à un rituel ; la plupart avaient déjà assisté à des dizaines de lancements Apple avant celui-là.

À l’ouverture des portes, à 9 h 45 précisément, les photographes et cameramen furent invités à entrer les premiers. Puis on autorisa le reste de l’auditoire à se précipiter sur les sièges : les journalistes de presse écrite et de télévision mêlés aux partenaires-invités d’Apple, dont Dick Costolo, le PDG de Twitter, et Ralph de la Vega, le directeur de la division sans-fil de AT&T. Walt Mossberg du Wall Street Journal prit place au milieu de l’auditorium, à quelques rangs de la scène. Il n’était aujourd’hui qu’un journaliste parmi d’autres, invité à chanter les louanges d’Apple.

Jusqu’au moment où la musique cessa, il n’y avait rien qui distingua cet événement des innombrables autres qu’Apple avait organisés au cours des années. Quatre chansons des années 1960 et 1970 furent diffusées pendant que les membres de l’auditoire s’asseyaient, sortaient calepins ou ordinateurs portables et se saluaient de la main. Ces chansons auraient facilement pu provenir de la playlist de Steve Jobs : Under My Thumb des Rolling Stones, Whole Lotta Love de Led Zeppelin, Can’t Explain des Who (qui, en y pensant, pourrait servir d’hymne au département des relations publiques d’Applexv) et Jumpin’ Jack Flash des Rolling Stones. Katie Cotton, la responsable des relations publiques et aussi la doyenne des événements Apple, s’assit à sa place, située à l’extrémité de la seconde rangée, à 9 h 55. Neuf des dix sièges situés au milieu du premier rang étaient occupés par des cadres dirigeants d’Apple, dont le responsable des logiciels Scott Forstall, le responsable des services en ligne Eddy Cue et le responsable du marketing produit Phil Schiller. Jonathan Ive était le seul absent parmi cette équipe des « têtes pensantes » de Steve Jobs.

Le premier signe indiquant que cette Keynote serait différente des précédentes fut l’arrivée de Tim Cook, par les coulisses, à gauche de la scène. (Le siège vide du premier rang était le sien.) Tim Cook avait auparavant déjà présenté des événements en l’absence de Steve Jobs – le rythme effréné des lancements de produits ne s’était pas réduit pendant le congé maladie de Steve Jobs – mais cette fois, c’était différent. Et aussi douloureux que cela puisse être pour lui, Tim Cook était conscient du changement. « Ceci est mon premier lancement de produits depuis que j’ai été nommé PDG », commença-t-il. « Je suis sûr que vous ne le saviez pas », continua-t-il, provoquant de petits rires dans l’assemblée. « C’est pour moi un immense privilège. » Tim Cook rappela à l’auditoire que le Town Hall était le lieu de nombreux événements marquants dans l’histoire d’Apple : le lancement de l’iPod en 2001, un nouveau MacBook Air en 2010. Cet endroit « est comme une seconde maison pour beaucoup d’entre nous », ajouta-t-il, provoquant de nouveaux rires. « Aujourd’hui, vous allez à nouveau comprendre pourquoi cette entreprise est unique ».

Personne dans l’auditorium ne pouvait confondre Tim Cook et Steve Jobs. Mais, jusque-là, la présentation de Tim Cook, alternant autodérision et style messianique, fonctionnait bien. S’exclamant qu’« il y avait là une incroyable dynamique » et que « seul Apple pouvait faire cela », Tim Cook dressa la liste des récents succès d’Apple. L’entreprise avait ouvert un nouveau magasin à Shànghai, qui avait attiré cent mille visiteurs pendant le week-end de son lancement. Tim Cook montra une vidéo de l’inauguration, et l’on pouvait voir de nombreux visages Apple enjoués – mais des visages Apple chinois. « Je crois que j’ai vu cette vidéo une centaine de fois, mais je pourrais très facilement la regarder cent fois de plus », déclara Tim Cook, faisant preuve d’une astuce digne de Steve Jobs en indiquant discrètement au public qu’il venait d’assister à quelque chose d’exceptionnel – tout en donnant un aperçu des méthodes d’Apple : Tim Cook, qui prenait les choses au pied de la lettre, avait sans doute regardé le clip une centaine de fois pendant les interminables répétitions de l’événement.

Tim Cook fit un rapide compte rendu des performances d’Apple, toujours en suivant le scénario prévu, pour finalement aborder les points importants : « Nos produits sont au centre de tout ce que nous faisons », commença-t-il. Le MacBook Air est « fin, léger, beau, et hyper-rapide », continua-t-il, en utilisant des termes quasi identiques à ceux qu’il avait employés pour le décrire « de façon informelle » lorsque l’ordinateur avait été lancé l’année précédente. D’autres cadres dirigeants, dont Eddy Cue, Scott Forstall et Phil Schiller, firent le point sur plusieurs produits, et annoncèrent quelques améliorations de produits existants. Puis Phil Schiller s’attaqua à la nouvelle du jour. Quand il prononça les mots « iPhone 4S », il y eut un silence gêné dans la pièce, en même temps que la tension retombait. Le téléphone avait un processeur plus rapide, un meilleur appareil photo (huit mégapixels… plus que la majorité des appareils photos numériques à 200 $), ainsi que d’autres fonctionnalités. Mais ce n’était pas vraiment un nouveau téléphone et, surtout, ce n’était pas l’iPhone 5. Bien qu’Apple refasse le design de son iPhone habituellement tous les deux ans et que l’iPhone 4 n’ait qu’un an, le public était déçu, comme si Apple n’avait pas réussi à répondre à ses attentes lors de cet événement. (Les actions d’Apple chutèrent suite à cette nouvelle, mais pour atteindre finalement de nouveaux sommets après seulement neuf jours de cotation.)

Il y avait une fonctionnalité supplémentaire qui devait être dévoilée, à laquelle ni Phil Schiller ni personne d’autre ne fit référence comme étant le « One more thing » habituel : c’était Siri, l’assistant personnel du nouvel iPhone. Scott Forstall fit une démonstration de son fonctionnement, comme il l’avait faite à Steve Jobs quelques semaines auparavant. Il insista sur le fait que Siri était en phase « bêta », c’est-à-dire que son développement n’était pas nécessairement fini, mais qu’il était néanmoins prêt pour une utilisation grand public. Voilà qui indiquait deux subtiles réorientations de stratégie pour Apple : rendre public un produit en version bêta – l’une des techniques favorites de Google, afin de mieux tester et adapter le produit au comportement du client – et lui attribuer le nom d’une entreprise achetée quelque temps plus tôt.

Permettre à la version bêta d’un produit de sortir du cocon d’Apple avant qu’il ne soit parfait n’est qu’une des raisons pour lesquelles ce 4 octobre 2011 restera un moment décisif dans la transition d’Apple, de son Âge d’Or à ce qui suivra. (Apple avait déjà sorti des produits en version bêta, mais ce n’était pas la norme.)

Par le passé, quand Apple achetait une entreprise et utilisait sa technologie, elle absorbait cette entreprise et intégrait le fruit de son travail sous sa propre marque. La start-up de publicité mobile Quattro était ainsi devenue « iAd ». Le fournisseur de musique en streaming Lala Music faisait maintenant partie de l’offre « iCloud ». Soundjam, qui créait des logiciels de juke-box numériques, avait depuis longtemps laissé place à « iTunes ». Mais « Siri », le nom d’une start-up acquise par Apple en 2009, survécut. Alors que tous les noms de produits étaient jusque-là précédés d’un i minuscule (on aurait très bien pu penser que c’était devenu la norme chez Apple), on avait permis à un produit développé par une autre entreprise de voler la vedette, sans prendre la peine d’en changer le nom. « iAssistant » était-il donc déjà pris ? Est-ce que cela aurait été gênant s’il l’avait été ? (Siri signifie en norvégien : « belle femme vous emmenant à la victoire. »)

Il est tentant, mais peu recommandé, de pousser trop loin cette analyse du tournant de l’histoire d’Apple. Steve Jobs s’était beaucoup impliqué dans Siri et auprès de l’équipe qui l’avait créé. De plus, il avait présidé à des événements similaires dans le passé, qui s’étaient révélés plus « évolutionnaires » que révolutionnaires. Et malgré l’importance de Siri dans le nouveau téléphone, cette façon de procéder, consistant à racheter discrètement des équipes et des technologies (et non des produits complètement aboutis et déjà rentables) pour les intégrer à l’écosystème Apple, est dans la continuité d’une récente stratégie d’Apple. Ainsi, en 2011, Apple fit quelques acquisitions dont elle ne parla pas. Et d’autres, plus anciennes, n’ont pas encore porté leurs fruits. Par exemple, en 2010, elle acheta l’entreprise canadienne de cartographie Poly9 pour 253 millions de dollars, certainement dans le but de s’assurer la maîtrise des technologies liées à la cartographie dans ses produits et services mobiles.

Il n’était pas possible de ne pas remarquer le vide laissé par Steve Jobs. Il y avait un détail parlant : ce n’était plus un showman qui se trouvait sur scène, mais un ancien cadre d’IBM. Les débuts de Tim Cook comme PDG furent très professionnels, mais manquèrent de fantaisie. C’est un homme sérieux et plein d’énergie, mais son discours donna l’impression d’être récité, ce qui était le cas. Ses mots n’eurent pas la magie de ceux de son prédécesseur. Contrairement à Tim Cook, Scott Forstall a une étincelle dans les yeux quand il parle. Et les nerds remarquèrent sans doute que Scott Forstall évoqua son expérience passée dans le domaine de l’intelligence artificielle en présentant Siri. Néanmoins, quand il fit la démonstration de ce « modeste assistant personnel », il ne lui posa que des questions simples auxquelles Siri pouvait répondre. Steve Jobs aurait-il mis Siri à l’épreuve en lui posant une question qui aurait entraîné une réponse aussi éblouissante qu’inutile, dans le seul but de montrer les capacités de cette surprenante technologie ? Nous ne le saurons jamais.

Si, à la mort de Steve Jobs, on s’attendait à des démonstrations d’adoration, personne n’avait anticipé la nature personnelle du chagrin exprimé dans le monde entier. Ils étaient pourtant bien peu, parmi les millions qui le pleuraient, à le connaître personnellement. Ce n’était ni une star de cinéma, ni un athlète. Néanmoins, un million de personnes lui rendirent hommage sur une page créée en son honneur, tel un registre de condoléances, sur le site d’Apple. Des mères emmenèrent leurs enfants devant chez lui afin que ceux-ci puissent un jour raconter à leurs propres enfants qu’ils avaient approché le « génie ». Les gens aimaient beaucoup Steve Jobs et encore plus son entreprise, même ceux qui se méfient généralement des entreprises. Vers la fin de sa vie, le mouvement des Indignés prit corps aux États-Unis, sous la forme d’une manifestation massive contre Wall Street en particulier et le capitalisme en général. Les critiques de droite s’amusaient à souligner que les manifestants utilisaient leur iPhone pour prendre des photos et leur MacBook pour créer des tracts de propagande. Le capitalisme un peu « paillettes » d’Apple était accepté, mais pas celui de Goldman Sachs.

Qu’une entreprise valant 500 milliards de dollars soit considérée comme révolutionnaire et non comme associée aux pouvoirs établis et au conformisme, c’est à Steve Jobs qu’on le doit, et au lien qu’il a su créer avec les consommateurs. Maintenir cette relation paradoxale entre la valeur commerciale d’Apple et la perception de ses produits sera un défi pour Tim Cook. Aujourd’hui, Apple est l’une des rares entreprises à bénéficier d’un lien émotionnel avec une grande diversité de clients. Alors que l’entreprise fait ses premiers pas hésitants depuis le décès de Steve Jobs, il est bon de rappeler que ce lien n’a pas toujours touché autant de monde. En ce qui me concerne, par exemple, j’ai longtemps été sceptique et la manière dont j’ai été conquis en dit long sur la façon dont Steve Jobs a séduit le monde.

L’histoire de la résurrection d’Apple me touche personnellement, car elle coïncide avec mon arrivée dans la Silicon Valley. J’ai emménagé en Californie en 1997 pour écrire sur l’actualité économique des nouvelles technologies, dans un journal local, le San Jose Mercury News. C’était une période passionnante pour les nouvelles technologies, les investisseurs et évidemment moi-même, qui venait de quitter Chicago où l’actualité du secteur se limitait plus ou moins à celle de l’imposant Motorola. Une bulle était en train de se former et le pays tout entier se préparait à souffler pour la faire grandir.

Des sociétés de courtage en ligne comme E*Trade, DLJ Direct et Charles Schwab permettaient d’investir très facilement dans les nouvelles technologies. Les investisseurs amateurs et professionnels se jetaient sur les actions de nouvelles entreprises comme Netscape, Amazon, Yahoo ! et Excite dès leur émission. Microsoft, Intel, Oracle et Cisco Systems, de loin les plus puissantes entreprises du secteur, étaient vues comme les moteurs d’une nouvelle économie. Sun Microsystems, Dell et Compaq grandissaient elles aussi. Même Hewlett-Packard, ce pilier qui avait posé les bases mythiques de la « Silicon Valley » lorsque ses fondateurs créèrent leur start-up dans un garage près de Stanford, suivait le mouvement. Le souffle d’Internet gonflait toutes les voiles.

Sauf celles d’Apple. Steve Jobs venait de faire son come-back cet été-là, et mon nouvel employeur était emballé par tout ce que Steve Jobs faisait. Le licenciement de Gil Amelio faisait la une des journaux. De même que l’introduction en Bourse de Microsoft. La nomination de Steve Jobs comme PDG par intérim reçut le même traitement. Je ne comprenais pas. Il était clair qu’Apple avait une importance historique : son ascension était légendaire. Elle employait des milliers de lecteurs du journal local et de nombreux abonnés de celui-ci étaient fidèles aux élégants produits d’Apple. Apple était aussi la vaillante petite équipe locale et Microsoft l’ennemi juré de la Silicon Valley, avant même que n’éclate l’année suivante la « guerre des navigateurs » qui l’opposa à Netscape. La salle de rédaction – et le reste de la Valley – résonnait des encouragements pour la petite Apple, et des sifflements sous-entendus en direction de l’ennemi vulgaire de Seattle.

J’apportai un point de vue extérieur à tout ce raffut autour d’Apple et me demandai s’il était justifié d’en faire autant. Je n’avais pas utilisé de Mac depuis l’université, huit ans auparavant. L’ordinateur que j’avais acheté (de marque Gateway) était un clone d’IBM et fonctionnait sous Windows. Quand j’intégrai le magazine Fortune quatre ans plus tard, j’étais tellement habitué au système d’exploitation de Microsoft que je demandai un PC, alors que l’équipe de rédaction de Fortune utilisait des Mac.

Je n’étais pas le seul à bouder Apple. Le reste du monde utilisait aussi des PC. Apple était pour les fidèles, pour les artistes et autres créatifs, mais aussi pour les enseignants, avec lesquels Apple avait tissé des liens très forts. Les entreprises et les particuliers qui voulaient surfer sur Internet ou tenir leurs comptes utilisaient des PC.

Avec le temps, néanmoins, je me mis à utiliser des produits Apple, comme tout le monde. Je téléchargeai iTunes sur mon PC et l’utilisai pour synchroniser mon iPod, le premier baladeur auquel je m’étais vraiment attaché depuis le Walkman. Je me procurai ensuite un iPod Touch et encore d’autres versions de l’iPod (un Nano, un Mini, et même un Shuffle, cet iPod minuscule qui peut s’attacher à un col de chemise). Je finis par devenir l’une de ces personnes qui entrent dans un magasin Apple sans raison particulière, pour admirer les élégantes machines et discuter avec les vendeurs. Enfin, j’achetai un iMac pour mon domicile, reconnaissant malgré moi que je faisais partie du public ciblé par la désopilante et controversée campagne de publicité « Apple vs Mac » qui se moquait de la complexité ringarde des PC, alors que les Mac étaient simples et branchés.

Malgré la publicité tapageuse entourant les activités d’Apple cet été de 1997, il est étonnant de constater, avec le recul, l’insignifiance d’Apple à l’époque. Steve Jobs aimait dire qu’à son retour chez Apple, l’entreprise était à trois mois du dépôt de bilan. Or, le 9 août 2011, la capitalisation boursière d’Apple dépassa pour la première fois celle d’Exxon Mobil, la première du monde, avec 342 milliards de dollars. Microsoft s’était laissé distancer un an plus tôt par sa rivale d’antan. Celle-ci continua à creuser l’écart entre elles : près de 100 milliards de dollars en 2011. C’est ainsi que Microsoft, ce géant des technologies, bien que toujours largement rentable, ne semblait plus tout à fait jouer dans la même cour.

La plupart des entreprises n’ont qu’un point d’entrée, un produit d’appel permettant d’attirer le client. C’est seulement a posteriori que je vois la subtilité avec laquelle moi, utilisateur de PC, j’ai été converti au Mac, et comment cette conversion témoigne de l’une des plus grandes réussites du monde des affaires moderne aux États-Unis. RIM conçoit des smartphones, Dell des ordinateurs, et la courageuse petite entreprise canadienne Kobo des e-readers. Apple conçoit des produits qui dominent chacun de ces marchés, et quelques autres également. Quand on y pense, Apple nous a piégés avec son iPod. Maintenant, nous faisons tous partie de l’AppleVerse, l’univers Apple. Son défi n’est plus de trouver de nouveaux clients, mais de déterminer quels nouveaux et extraordinaires produits elle va pouvoir nous vendre.

Les indices permettant de savoir si Apple peut maintenir sa trajectoire stratosphérique sans Steve Jobs apparaîtront d’abord dans l’organigramme, puis dans la posture de l’entreprise par rapport à ses partenaires et à ses concurrents. À court terme, Apple doit rapidement s’adapter à la perte de son meilleur élément. Ensuite, elle devra pallier l’absence de son entrepreneur en chef en ajustant son management atypique, afin d’accueillir et de conserver en son sein des entrepreneurs venus de l’extérieur. Ce sera cela, ou bien trouver un moyen de transformer radicalement ses dirigeants actuels en entrepreneurs. En d’autres termes, peut-elle évoluer et, d’une autocratie, devenir un incubateur ?

Le bon sens laisse à penser qu’Apple ne pourra pas gérer, sur le long terme, la perte de Steve Jobs. Steve Jobs était l’incarnation même de l’entrepreneur. (Son certificat de décès indique « entrepreneur » comme profession.) Il appréciait les entrepreneurs pour leurs qualités spécifiques. Il aimait les rencontrer et leur donner des conseils, même ceux dont il pensait qu’Apple allait les écraser. Il les considérait comme des héros dans un monde d’imbéciles. Sachant cela, il est étonnant qu’aucun des membres de l’équipe de direction actuelle d’Apple ne soit un entrepreneur. Tim Cook est un ancien d’IBM. Scott Forstall a travaillé pour Steve Jobs toute sa vie. Jony Ive a servi son patron avec maestria et lui a même appris une chose ou deux. Si l’emballage était de lui, le burger que contenait ce dernier était bien de Steve Jobs.

Dans l’ère post-Steve Jobs, Apple reste une énorme entreprise entrepreneuriale, mais ses salariés ne sont pas, la plupart du temps, des entrepreneurs – et ne sont pas encouragés à l’être. Les entrepreneurs qui rejoignent Apple n’y restent généralement pas plus de deux ans. Andy Miller de Quattro, Bill Nguyen de Lala et Dag Kittlaus de Siri sont tous partis. Malgré leur expérience riche et productive chez Apple, il n’y avait de place que pour un seul entrepreneur. S’il n’y a pas aujourd’hui chez Apple un seul entrepreneur né et élevé dans la Silicon Valley, on y rencontre en revanche un historien des affaires, professeur émérite de Harvard, qui donne des leçons sur des entrepreneurs décédés depuis longtemps. Il y a là un réel sujet d’inquiétude.

L’une des qualités méconnues de Steve Jobs, qui risque de faire défaut à Apple, est sa grande maîtrise des réseaux, associée à sa capacité à récolter des informations. Si les choses avaient vraiment tourné au vinaigre, Steve Jobs aurait pu faire un bon journaliste. Il passait beaucoup de temps au téléphone, appelant les gens dont il avait entendu vanter les qualités afin de les rencontrer. Bien entendu, personne ne refusait l’opportunité de rencontrer Steve Jobs, et celui-ci en profitait pour recueillir des informations. Son aptitude étonnante à comprendre les tendances du monde des affaires et de celui des nouvelles technologies n’était pas due au hasard. Il travaillait très dur pour obtenir ses informations sur le marché.

Jusqu’à la fin de sa vie ou presque, Steve Jobs joua au reporter. Le 28 juin 2011, il fit savoir par le biais de Bruce Chizen, l’ancien PDG d’Abobe, qu’il voulait rencontrer le jeune PDG d’une start-up appelée Lytro, dont Bruce Chizen était l’un des conseillers. Lytro travaillait sur un produit innovant à destination du grand public : un appareil photo plénoptique qui, grâce à ses capteurs, permettait de refaire automatiquement le point sur les photos floues. Cette technologie avait un potentiel révolutionnaire et présentait donc un intérêt évident pour Apple, dont les iPhones et iPads sont équipés d’appareils photos. Le PDG de l’entreprise, Ren Ng, un informaticien brillant de trente-deux ans, titulaire d’un doctorat de Stanford, appela immédiatement Steve Jobs. Ce dernier, qui était chez lui, lui proposa rapidement un rendez-vous : « Si vous êtes libre cet après-midi, nous pourrions peut-être nous rencontrer ». Ng rejoignit rapidement Palo Alto et fit une démonstration de la technologie Lytro à Steve Jobs. Ils discutèrent d’appareils photo et de design produit. À la demande de Steve Jobs, Ng accepta de lui envoyer un e-mail indiquant les trois choses sur lesquelles il souhaiterait que Lytro travaille avec Apple. « Ce qui m’a le plus marqué, c’est à quel point il communiquait de façon claire », se rappelle Ng. « Ses yeux brillaient. Ses lunettes étaient presque en lévitation au-dessus de son nez. Je lui ai dit que l’iPad nous avait beaucoup inspirés et il a souri. Je pense que ça lui a fait quelque chose. »

Les autres cadres d’Apple sont trop occupés pour papoter, ou bien en ont été découragés par Steve Jobs lui-même, de peur peut-être qu’ils ne prennent la grosse tête ou que cela parasite leur travail pour l’entreprise. Rappelez-vous la remarque selon laquelle Steve Jobs ne « laisse pas Scott Forstall sortir de son bureau ». C’était bien entendu une façon de parler, et Scott Forstall pouvait en réalité sortir de son bureau… Mais Steve Jobs n’en était pas moins sérieux sur le principe : lui-même bougeait, tandis que les cadres supérieurs devaient s’en tenir à leur travail chez Apple. Or, un vase clos n’absorbe pas facilement les idées qui viennent de l’extérieur. Steve Jobs était donc le seul qui apportait les idées chez Apple, mais heureusement il était unique.

Il y a de nombreux autres défis à relever pour Apple, principalement parce que celle-ci est maintenant une entreprise à la fois grande et complexe, même si Steve Jobs se serait sûrement refusé à la qualifier ainsi. Son marketing est toujours aussi implacablement clair, intelligent et efficace. Mais Apple n’en est pas moins, dans tous les sens du terme, une entreprise multinationale qui vend de multiples produits. L’époque où elle pouvait réunir tous ses produits sur une seule table de réunion est révolue. Il suffit de regarder les onglets des produits en haut de la page d’accueil d’Apple.com. On y trouve : Store, Mac, iPods, iPhones, iPads, iTunes, Assistance. C’est effectivement précis et direct, mais surtout ces diverses catégories représentent bien plus de choses à gérer pour Apple qu’il y a dix ans.

Une entreprise diversifiée a besoin d’une gestion sérieuse et, du jour où Steve Jobs se retira, les faiblesses de l’organisation d’Apple, qui fonctionnait si bien quand il était présent, apparurent au grand jour. Par exemple, Tim Cook avait été responsable des ventes pendant des années et Apple dut rapidement lui trouver un successeur. (Dennis Woodside, un cadre dirigeant de Google, refusa le poste à l’automne 2011.) Steve Jobs était personnellement responsable de la publicité d’Apple. Phil Schiller en a repris la responsabilité, en plus de ses fonctions actuelles, mais cela veut dire qu’il va se disperser, d’autant qu’il n’a pas d’expérience dans la publicité, mais seulement dans le marketing produit.

Apple a commencé à évacuer certaines bizarreries. Quelques semaines après la nomination de Tim Cook comme PDG, Bob Mansfield devint par exemple officiellement responsable de toute l’ingénierie matériel, et non plus simplement de celle du « Mac », en cohérence avec ses responsabilités effectives. Craig Federighi, responsable des logiciels Mac qui travaillait sous la responsabilité directe de Steve Jobs, travaille maintenant sous celle de Tim Cook. Mais c’est Scott Forstall le grand chef des logiciels chez Apple. Son rôle pourrait être clarifié, en mettant tous les logiciels sous sa responsabilité.

Avec la mort de Steve Jobs, Apple perdit également le président de son conseil d’administration. Un mois plus tard, le premier directeur adjoint Art Levinson, lui-même un ancien PDG, fut nommé président. Au même moment, Robert Iger, le PDG de Disney, rejoignit le conseil d’administration d’Apple, renforçant ainsi les liens entre Apple et Disney.

Les pratiques traditionnelles d’Apple vont être soumises à une pression grandissante. Quand Apple réalisa en octobre 2011 un résultat inférieur aux prévisions de Wall Street, l’entreprise attribua le recul des ventes de l’iPhone 4 aux rumeurs de l’arrivée d’un nouveau téléphone. Or, permettre à une rumeur d’avoir un impact sur les ventes n’est pas dans les habitudes d’Apple. En fait, c’est même du jamais vu. La peur de représailles de la part de Steve Jobs était l’une des raisons du silence des salariés (et ex-salariés), mais avec le temps, les langues finiront par se délier.

Il sera intéressant de voir comment Apple va ajuster sa stratégie de relations publiques sans Steve Jobs. Apple a bien assez d’argent pour continuer à acheter des emplacements publicitaires en quatrième de couverture de n’importe quel magazine qu’elle apprécie, mais elle a perdu son meilleur atout d’en faire la une. Dans un futur proche, les médias continueront de collaborer avec Apple aux conditions de celle-ci. Avec ou sans Steve Jobs, cela en vaut la peine. Mais maintenant que son champ de distorsion de la réalité est désactivé, les journalistes finiront par se rebeller contre sa manière de gérer les relations publiques.

Les partenaires aussi finiront par se rebeller, car ils sont de plus en plus conscients des tactiques qu’Apple déploie contre les entreprises comme Cisco Systems, les entreprises de téléphonies et d’innombrables autres. Dans cinq ans, un PDG partenaire consacrera-t-il encore plusieurs jours à répéter une présentation de trois minutes, s’il n’y a pas d’entretien avec Steve Jobs à la clé ? Cela semble peu probable. Ironiquement, Apple va se trouver confrontée à un problème d’image. Alors que la mort de Steve Jobs provoqua de grandes effusions de tristesse, le clan Apple s’indigna en constatant que la biographie autorisée de Walter Isaacson, sortie dix-neuf jours plus tard, évoquait sans ménagement son côté obscur. Apple pourrait connaître le même sort. Les clients d’Apple aiment, avec raison, tout ce que les produits de la firme peuvent leur apporter. Mais l’omniprésence de l’entreprise impliquera nécessairement, et de plus en plus souvent, que soient révélées publiquement les nombreuses histoires où celle-ci a fait preuve de brutalité, que ce soit avec des salariés ou avec des partenaires. Du domaine des affaires, ces histoires passeront dans la sphère du grand public.

Apple continuera sans doute à défier de nombreux préceptes enseignés dans les écoles de commerce pour faire face à ces situations complexes. La question de l’avenir d’Apple ne peut être évoquée de manière classique, mais nécessite plutôt de faire appel à une réflexion d’ordre spirituel. La différence entre l’idolâtrie et un véritable système de croyances est que ce dernier survit à son fondateur. Steve Jobs voulait que les valeurs d’Apple lui survivent. Mais même ses amis et admirateurs le soupçonnaient de prendre un malin plaisir à imaginer l’œuvre de sa vie s’effondrer une nouvelle fois, lorsqu’il ne serait plus là pour tirer les ficelles.

Apple peut faire un certain nombre de choses pour continuer à exister, mais cela signifierait que l’entreprise qui a révolutionné l’ordinateur, le smartphone et le lecteur MP3 accepte de se révolutionner elle-même, et ce changement ne sera pas facile. Puisque le moteur d’Apple est son incroyable capacité d’innovation, se contenter de fonctionner selon l’approche « si ce n’est pas cassé, pas besoin de réparer » ne sera pas suffisant, et pourrait même s’avérer contre-productif dans les années qui viennent.

Les dirigeants d’Apple doivent apprendre à ne plus se poser la question « Que ferait Steve ? ». Ils doivent faire ce qu’ils pensent être le mieux. Tim Cook déclara lors d’un événement organisé pour les salariés en hommage à Steve Jobs, que le dernier conseil que lui avait donné Steve Jobs était de « ne jamais se demander ce qu’il aurait fait, mais seulement faire ce qui est juste ». Si Tim Cook ne souhaite pas avoir le dernier mot en termes de goût ou d’architecture logicielle, il devra désigner quelqu’un pour cela. Sinon Apple va devenir l’une de ces entreprises indisciplinées que Steve Jobs ne lui aurait jamais permis d’être. Si elle veut réellement continuer à se comporter comme une start-up, elle devra apprendre à devenir moins arrogante, moins brutale, moins paranoïaque et plus respectueuse. Sinon, elle finira inévitablement par devenir comme Microsoft, qui ressemble trop souvent au léopard des neiges dont Steve Jobs a refusé d’utiliser la photo sur l’emballage du logiciel d’Apple : grasse et molle.

Apple rendit de nombreux hommages à Steve Jobs dans les semaines qui suivirent la mort de ce dernier. Sur Apple.com, la seule image visible en page d’accueil était la célèbre photo de Steve Jobs par Albert Watson, prise en 2006 pour une double page dans Fortune. Steve Jobs fixe l’objectif de l’appareil en tirant délicatement sa barbe grisonnante d’une main. Seuls quatre salariés étaient présents à ses funérailles le 7 octobre 2011 au Alta Mesa Memorial Park de Palo Alto : Tim Cook, Jony Ive, Eddy Cue et Katie Cotton. Étaient aussi présents Ed Catmull de Pixar, Bob Iger de Disney, les amis de longue date Larry Brilliant et Bill Campbell, ainsi que Andy Grove, l’ancien PDG d’Intel. La famille de Steve Jobs organisa une cérémonie privée en son honneur à l’université de Stanford, le 16 octobre, en présence de célébrités comme Bono, Al Gore, Bill Clinton, ainsi que des dirigeants actuels et passés d’Apple. Le 19 octobre, Apple organisa un hommage pour les employés au IL-1, Infinite Loop. Coldplay et Norah Jones vinrent chanter (bénévolement). L’entreprise diffusa une vidéo de l’événement pour les salariés des Apple Stores du monde entier.

Le 18 octobre, moins de deux semaines après la mort de Steve Jobs, Tim Cook débuta la présentation des résultats trimestriels d’Apple aux investisseurs par cette déclaration : « Le monde a perdu un visionnaire, un génie créatif et un être humain incroyable. Steve était un grand leader et un mentor, et il poussait tout le monde chez Apple à faire des choses extraordinaires. Son esprit sera toujours au centre d’Apple et nous nous engageons à continuer ce merveilleux travail qu’il aimait tant. » Tim Cook remercia tous ceux qui avaient présenté leurs condoléances, puis revint aux détails pratiques des résultats financiers d’Apple.

C’est en répondant à une question des plus banales que Tim Cook révéla quel genre de patron il pourrait être pour cette entreprise, créée puis sauvée par Steve Jobs. Ces dernières années, à chaque présentation des résultats d’Apple, les investisseurs demandaient si Apple envisageait de verser des dividendes aux actionnaires. C’était comme du mauvais comique de répétition : les investisseurs voulaient vraiment des dividendes, mais pas au point de vendre leurs actions s’ils n’en avaient pas. Lors de cette présentation, la question fut posée, comme on s’y attendait, mais cette fois Tim Cook eut une autre réponse. « Je n’ai pas de croyance particulière qui me pousserait à garder ou non l’argent. Je crois en beaucoup de choses, mais pas à cela. Nous continuerons donc de nous demander ce qui est le mieux pour Apple et nous ferons toujours ce que nous pensons être le mieux pour elle. » Tim Cook ne s’appesantit pas sur ses croyances personnelles. Mais Apple n’est pas une religion. C’est simplement une entreprise avec un parcours incomparable, des valeurs fortes et une culture de l’excellence.

J’ai écrit plus haut dans ce chapitre que le bon sens laisse penser qu’Apple n’arrivera pas à gérer, sur le long terme, la perte de Steve Jobs. C’est vrai. Apple ne sera probablement plus une entreprise « incroyablement géniale ». Cela se fera graduellement, peut-être même de façon imperceptible. Un produit finira par ne pas plaire, un membre de l’équipe de direction par partir, puis un autre… Apple va se trouver confrontée à un grand nombre de problèmes, dont l’un des moindres sera de tout faire pour continuer à enchaîner les succès sous la pression du regard du monde extérieur. À une époque, Apple pouvait attirer l’attention du public grâce à des publicités originales et des lancements de produits bien pensés pendant que, dans les coulisses, elle préparait des miracles. Le rideau à présent entrouvert, on se rend compte que ce ne sont que des êtres humains qui travaillent avec acharnement pour continuer à aller de l’avant. Les clients attendent les nouveaux produits d’Apple avec tellement d’impatience que malgré la capacité de l’entreprise à garder secrets les détails de ses lancements, cette anticipation nuit quand même un peu aux ventes.

Mais prévoir la chute d’Apple de son piédestal n’est pas la question. Apple a déjà connu de nombreux échecs auparavant, y compris pendant le second règne de Steve Jobs. Si l’Apple TV n’était qu’un « hobby », comme Steve Jobs l’appelait, alors pourquoi Apple, qui ne se concentre que sur les produits importants, travaillait-elle dessus ? MobileMe et l’antenne défectueuse des iPhones 4 ont-ils signé le déclin d’Apple ? Pas vraiment. La perte de stars comme Tony Fadell, Avie Tevanian et Ron Johnson est-elle un échec ? La réponse est oui, bien entendu, mais l’entreprise ne s’est pas arrêtée pour autant. Les entreprises, comme les gens, ne sont pas parfaites. Apple, pendant les quatorze dernières années de la vie de Steve Jobs, fut bien meilleure que la plupart, mais elle ne fut pas parfaite. Steve Jobs parvint simplement à nous faire voir ce qu’elle avait de meilleur.

Si de « incroyablement géniale », Apple passait au statut de « juste géniale », ce serait décevant, mais uniquement pour les fidèles qui ont toujours exigé plus d’Apple. Pour la plupart d’entre nous, l’attente envers Apple a toujours été moindre. Nous continuerons donc à acheter des produits qui sont simplement très bons, et ce pendant longtemps.

Le fonctionnement d’Apple est si différent des autres entreprises qu’on a comparé celle-ci à un bourdon, insecte qui ne devrait pas pouvoir voler, mais qui y parvient pourtant. Apple continuera à voler. La manière dont elle s’y prend, par contre, est déjà un tout petit peu moins mystérieuse.