SCÈNE ONZIÈME

LES MÊMES, PRIAM ET LES NOTABLES

Pendant la scène, Priam et les notables viennent se grouper en face du passage par où doit entrer Ulysse.

PRIAM. – Pourquoi ces cris, Demokos ?

DEMOKOS. – On m’a giflé.

OIAX. – Va te plaindre à Achichaos !

PRIAM. – Qui t’a giflé ?

DEMOKOS. – Hector ! Oiax ! Hector ! Oiax !

PÂRIS. – Qu’est-ce qu’il raconte ? Il est fou !

HECTOR. – On ne l’a pas giflé du tout, n’est-ce pas, Hélène ?

HÉLÈNE. – Je regardais pourtant bien, je n’ai rien vu.

OIAX. – Ses deux joues sont de la même couleur.

PRIAM. – Les poètes s’agitent souvent sans raison. C’est ce qu’ils appellent leurs transes. Il va nous en sortir notre chant national.

DEMOKOS. – Tu me le paieras, Hector…

DES VOIX. – Ulysse. Voici Ulysse…

Oiax s’est avancé tout cordial vers Hector.

OIAX. – Bravo ! Du cran. Noble adversaire. Belle gifle…

HECTOR. – J’ai fait de mon mieux.

OIAX. – Excellente méthode aussi. Coude fixe. Poignet biaisé. Grande sécurité pour carpe et métacarpe. Ta gifle doit être plus forte que la mienne.

HECTOR. – J’en doute.

OIAX. – Tu dois admirablement lancer le javelot avec ce radius en fer et ce cubitus à pivot.

HECTOR. – Soixante-dix mètres.

OIAX. – Révérence ! Mon cher Hector, excuse-moi. Je retire mes menaces. Je retire ma gifle. Nous avons des ennemis communs, ce sont les fils d’Achichaos. Je ne me bats pas contre ceux qui ont avec moi pour ennemis les fils d’Achichaos. Ne parlons plus de guerre. Je ne sais ce qu’Ulysse rumine, mais compte sur moi pour arranger l’histoire…

Il va au devant d’Ulysse avec lequel il rentrera.

ANDROMAQUE. – Je t’aime, Hector.

HECTOR, montrant sa joue. – Oui. Mais ne m’embrasse pas encore tout de suite, veux-tu ?

ANDROMAQUE. – Tu as gagné encore ce combat. Aie confiance.

HECTOR. – Je gagne chaque combat. Mais de chaque victoire l’enjeu s’envole.