HÉLÈNE, LA PETITE POLYXÈNE
HÉLÈNE. – Tu veux me parler, chérie ?
LA PETITE POLYXÈNE. – Oui, tante Hélène.
HÉLÈNE. – Ça doit être important, tu es toute raide. Et tu te sens toute raide aussi, je parie ?
LA PETITE POLYXÈNE. – Oui, tante Hélène.
HÉLÈNE. – C’est une chose que tu ne peux pas me dire sans être raide ?
LA PETITE POLYXÈNE. – Non, tante Hélène.
HÉLÈNE. – Alors, dis le reste. Tu me fais mal, raide comme cela.
LA PETITE POLYXÈNE. – Tante Hélène, si vous nous aimez, partez !
HÉLÈNE. – Pourquoi partirais-je, chérie ?
LA PETITE POLYXÈNE. – À cause de la guerre.
HÉLÈNE. – Tu sais déjà ce que c’est, la guerre ?
LA PETITE POLYXÈNE. – Je ne sais pas très bien. Je crois qu’on meurt.
HÉLÈNE. – La mort aussi tu sais ce que c’est ?
LA PETITE POLYXÈNE. – Je ne sais pas non plus très bien. Je crois qu’on ne sent plus rien.
HÉLÈNE. – Qu’est-ce qu’Andromaque t’a dit au juste de me demander ?
LA PETITE POLYXÈNE. – De partir, si vous nous aimez.
HÉLÈNE. – Cela ne me paraît pas très logique. Si tu aimais quelqu’un, tu le quitterais ?
LA PETITE POLYXÈNE. – Oh ! non ! jamais !
HÉLÈNE. – Qu’est-ce que tu préférerais, quitter Hécube ou ne plus rien sentir ?
LA PETITE POLYXÈNE. – Oh ! ne rien sentir ! Je préférerais rester et ne plus jamais rien sentir…
HÉLÈNE. – Tu vois comme tu t’exprimes mal ! Pour que je parte, au contraire, il faudrait que je ne vous aime pas. Tu préfères que je ne t’aime pas ?
LA PETITE POLYXÈNE. – Oh ! non ! que vous m’aimiez !
HÉLÈNE. – Tu ne sais pas ce que tu dis, en somme ?
LA PETITE POLYXÈNE. – Non…
VOIX D’HÉCUBE. – Polyxène !